L’enlèvement : une arme centrale de la Guerre du Liban (1975-1990)

Auteurs

  • Chloé Rabanes EHESS

DOI :

https://doi.org/10.14428/emulations.012.001

Mots-clés :

Liban, guerre civile, enlèvement, capture, violence

Résumé

L’enlèvement est une forme originale de violence dont la compréhension est contrainte par la visibilité exclusive de certaines de ses pratiques, notamment les prises d’otages et les disparitions. À ce titre, elle a toujours été exclue des univers guerriers et n’a jamais été considérée comme une modalité de combat. Pourtant, les dizaines de milliers d’enlèvements qui ont lieu au Liban de 1975 à 1990 témoignent de la centralité d’une telle pratique dans un conflit civil où s’imbriquent des logiques complexes. Massivement mobilisée par les combattants, la capture s’est imposée comme une arme incontournable du répertoire d’action guerrier et son étude permet d’interroger les mécanismes à l’œuvre sur le terrain. Violence adaptée aux rythmes de la guerre et aux configurations particulières des combats, l’enlèvement est mis au service d’objectifs multiples. Moyen d’échange et de négociation avec l’ennemi, rituel de vengeance, instrument d’homogénéisation des espaces et de contrôle des territoires, les captures disent beaucoup des enjeux stratégiques de la guerre et du rapport à l’ennemi. Utilisés de façon permanente durant les quinze années de conflit et touchant indistinctement civils et militaires, les enlèvements ont constitué une des formes les plus anxiogènes de la guerre et un traumatisme durable pour la population. Imprévisible et brutale, la détention des corps pose des enjeux inédits en termes de violence infligée et subie qui permettent de pénétrer au cœur d’une réalité longtemps oubliée : celle de l’expérience de guerre libanaise. Cette « nouvelle » arme interroge également les formes du combat moderne. La multiplicité de ses usages et les rapports équivoques à l’ennemi qu’elle exprime expliquent peut-être qu’elle se soit faite une place importante dans un conflit aux configurations peu classiques.

Biographie de l'auteur

Chloé Rabanes, EHESS

Doctorante au Centre de recherches historiques (EHESS) et chercheuse hébergée au Centre d'étude du monde arabe moderne de l'Université Saint Joseph de Beyrouth. Son travail porte sur les enlèvements et les violences de guerre au Liban. Elle s'intéresse également à la question des femmes combattantes.

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Publiée

2018-09-07

Comment citer

Rabanes, C. (2018) « L’enlèvement : une arme centrale de la Guerre du Liban (1975-1990) », Emulations - Revue de sciences sociales, (12), p. 35–48. doi: 10.14428/emulations.012.001.