L'épiderme et l'épidémie

sur l'enjeu de visibilité dans la construction de deux catégories minoritaires

Auteurs

  • Melaine Cervera Université Paris-Est
  • Renaud Hourcade CNRS, Institut d'Études Politiques de Rennes et université Rennes 1

DOI :

https://doi.org/10.14428/emulations.008.005

Mots-clés :

minorités, catégories, noirs, sida, VIH

Résumé

Cet article questionne les enjeux de la visibilité et de l'invisibilité dans la construction des catégories socio-politiques. En mettant en miroir le combat des Noirs contre le racisme et celui des malades du VIH/sida contre l'épidémie, nous défendons l'idée que les catégories socio-politiques minoritaires se façonnent et se maintiennent dans une lutte, en apparence paradoxale, pour la visibilité. Nous appuyant sur la définition classique que Goffman a donnée du « stigmate », cette comparaison cherche à mesurer les effets d'un marqueur social « évident » comme la couleur de la peau, ou dissimulable, comme la maladie, sur les registres de la mobilisation collective. Nous relativisons l'importance de cette distinction, en suggérant que les deux groupes livrent une seule et même bataille pour leur reconnaissance en tant que minorité sociale, et en avançant que le succès de cette lutte passe par leur visibilisation dans l'espace social. Les personnes atteintes du VIH doivent ainsi inventer leur visibilité, mais dans un monde social qui tend à stigmatiser leurs pratiques « déviantes », tandis que les Noirs se trouvent devoir réinvestir une catégorie raciale existante, mais pour en subvertir les frontières et le sens. Cette visibilisation du groupe et de sa souffrance peut comporter le risque d'une stigmatisation accrue, mais ce risque est accepté dans la mesure où la catégorie créée est une catégorie de lutte : elle sert à appeler une intervention publique qui prenne en charge à terme la destruction du stigmate, emportant avec elle la catégorie.

Bibliographies de l'auteur

Melaine Cervera, Université Paris-Est

Doctorant, membre de l’Equipe de Recherche sur l’Utilisation des Données Individuelles Temporelles en Economie (Université Paris-Est, site de Marne la Vallée), et enseignant vacataire à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Il est également membre associé du Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique (LISE - CNRS). Après avoir suivi un master professionnel axé sur la gestion des structures d’insertion par l’activité économique, il axe à présent sa thèse sur la question de l’accès à l’emploi des personnes vivant avec le VIH en France.

Renaud Hourcade, CNRS, Institut d'Études Politiques de Rennes et université Rennes 1

Doctorant au Centre de Recherches sur l'Action Politique en Europe (CNRS, Institut d'Études Politiques de Rennes et université Rennes 1), et également ATER à l'IEP de Rennes. Après des études d'administration publique et de science politique, il a consacré un master de recherche à la gouvernance territoriale et identitaire du Pays basque. Sa thèse, en cours de rédaction, s'intéresse aux mobilisations et politiques mémorielles dans trois anciens ports négriers d'Europe (Bordeaux, Nantes, Liverpool).

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Publiée

2018-09-10

Comment citer

Cervera, M. et Hourcade, R. (2018) « L’épiderme et l’épidémie: sur l’enjeu de visibilité dans la construction de deux catégories minoritaires », Emulations - Revue de sciences sociales, (8), p. 85–100. doi: 10.14428/emulations.008.005.