Rappel [AAA] Penser, former et pratiquer la donnée pour/par les professionnel·le·s de l’information et de la communication
[AAA] Penser, former et pratiquer la donnée pour/par les professionnel·le·s del’information et de la communication
Appel à Articles - Numéro Spécial « Communication & Professionnalisation »Penser, former et pratiquer la donnée pour/par les professionnel·le·s de l’information et de la communication
Texte complet réceptionné : 15 décembre 2023
- Publication : Septembre 2024
Ce numéro de Communication & Professionnalisation vise à étudier la donnée du point de vue des professionnel·le·s del’information et de la communication, qu’iels soient chercheur‧e‧s, journalistes, communicatrices-communicateurs, bibliothécaires ou spécialistes de l’information dans les organisations marchandes et non marchandes. Les usages de la donnée par ces professionnels amènent à requestionner leur professionnalisation et la transformation de leur métier. Évoquer la donnée pour ces acteurs peut renvoyer tout autant à la mise en place de stratégies de présence
« guidées par les données » (data-driven) qu’aux connaissances pour les organisations qui résideraient dans les vastes jeux de données rendus accessibles en ligne pour peu qu’elles sachent s’en saisir. Cela passe aussi par les enjeux internes d’exploitation des masses de données découlant des activités des différents services et accumulés sur leurs serveurs. La mobilisation d’une forte rhétorique d’accompagnement focalisée sur les trésors de « la donnée » masque aussi la précision conceptuelle permise par les recherches en sciences de l’information et de la communication, l’expression pouvant tout autant référer à des traces numériques qu’à des informations, des preuves, des signaux, des indices, etc.
Les professions de l’information et de la communication n’échappent pas au phénomène de mise en données de la société, ou datafication, terme de plus en plus employé pour qualifier ce mouvement de numérisation observable dans les sociétés (Dijck, 2014 ; Flensburg et Lomborg, 2021 ; Mayer- Schönberger et Cukier, 2013). Elles doivent s’y adaptertout autant du point de vue de leurs pratiques, de leurs perceptions ou de leurs relations avec les acteurs historiques et les nouveaux entrants intervenant pour structurer et former à ces métiers (Millette et Coutant, 2021 ; Desmoulins et al., 2018 ; Grignon, 2020 ; Jammet, 2018, 2018a ; Kondratov, 2018). C’est un défi profond auquel se trouvent confronté·e·s praticien·ne·s et formations universitaires comme professionnelles : placement médias ayant à intégrer les outils,indicateurs et logiques issus des plateformes numériques; animateurs et animatrices de communauté devant adapter leur répertoire de connaissances et d’actions aux logiques de visibilité d’algorithmes leur demeurant en grande partie opaques ; responsables de communication interne ayant à fairesens des nombreux tableaux de bord ou jeux de données « brutes » pour comprendre les dynamiquescommunicationnelles de leur organisation ; production de contenus surdéterminée par les attentes, interdits et manières de référencer imposés par les sites sur lesquels ils circuleront ; nécessité pour les marques d’assurer la reconnaissance de leurs contenus et leur circulationcontrôlée, dans un environnement informationnel où la fiabilité, la qualité et l’acceptabilité peuvent largement varier, sans accès ou compréhension approfondie des règles algorithmiques décidant de leur visibilité.
Ce constat interpelle les chercheur·e·s en information et communication à plusieurs niveaux : comment appréhender les ruptures et continuités de cet écosystème où interviennent les communicatrices et communicateurs et professionnel‧le‧s de l’information ? Quels enjeux de reconnaissance, d’efficacité ou d’éthique soulève-t-il ? Le répertoire traditionnel de savoirs, méthodes, outils et manières de faire transmis par les formations permet-il toujours la professionnalisation ? Quelle place accorder à la compréhension de ces dispositifs organisés autour et exploitant les « données » ? Comment définir d’ailleurs ce terme aussi convoqué que difficile à cerner ? Ces questions complexes appellent un ensemble varié d’expertises des plus techniques aux plus ethnographiques. La revue communication et professionnalisation s’est d’ailleurs penchée régulièrement sur les enjeux de numérisation en lien avec la professionnalisation des communicatrices et communicateurs, que ce soit par des dossiers l’abordant de manière centrale (Coutant et Domenget, 2015), interrogeant des conséquences spécifiques de cette numérisation (Peirot et Roginsky, 2019) ou par de nombreux articles (Adary et Domenget, 2017 ; Domenget et Michel, 2014 ; Imhoff, 2019). Mais la centralité prise par la question de « la donnée » invite à se pencher à nouveau sur ces enjeux. Or, c’est l’une des richesses de l’interdisciplinaritépromue par les sciences de l’information et de la communication que d’avoir encouragé depuis leur fondation le dialogue, parfois conflictuel, entre des courants scientifiques davantage préoccupés 1) par la compréhension et laformalisation des données et des voies de leur organisation ou circulation avec 2) d’autres s’attachant davantage à leur actualisation dans des logiques organisationnelles spécifiques ou à leur emploipar différentes figures d’usagers. Ce pari du dialogue interdisciplinaire nous apparaît particulièrement fructueux aujourd’hui dans un contexte de mise en donnée de la société qui illustre la consubstantialité de ces dimensions.
L’objectif de ce numéro est donc double. Il s’agit dans un premier temps d’interroger ce que la centralité prise par « ladonnée » soulève comme enjeux d’évolution des métiers et de formation des communicatrices, communicateurs et des spécialistes de l’information. Dans un second temps, il se veut l’occasion d’encourager le dialogue entre les chercheur·e·s et professionnel·le·s de la communication, de l’information et des médias autour de la donnée1.
Quatre axes, non exclusifs, nous paraissent dignes d’intérêt :
- Les professionnel‧le‧s de l’influence (Alloing et , 2021 ; Millette et Coutant, 2021) face à « la donnée » : cet angle d’analyse encourage les articles abordant la manière dont les communicateurs et communicatrices et les professionnel.le.s de l’information adaptent ou renouvellent leurs pratiques à l’aune de la circulation desdonnées dans l’espace public. Sans restriction à ces thèmes, quelques exemples de questions qui pourraient être soulevées concernent : Comment exister et obtenir de l’attention dans une organisation algorithmique de l’information qui leur échappe en grande partie ? Quels enjeux de réputation soulève la prolifération de donnéesissues de sources hétéroclites et inégalement filtrées ? Quelle éthique ou déontologie implique la prolifération de techniques manipulatoires reposant sur une exploitation des données (invisibilisation ou mise en visibilité trafiquées, création de faux- profils, avis, contenus, etc) ? Que tirer des multiples traces disponibles àpropos de ses
publics ? Comment positionner les métiers et agences face aux incontournables nouveaux entrants que sont les plateformes numériques ?
1 Nous ajouterons à la rubrique articles une rubrique articles d’opinion qui permettra d’intégrer le point de vue des professionnels.
- La place des communicatrices et communicateurs internes et des professionnel‧le‧s de l’information face à « la donnée » (Theviot et Treille, 2019) : cet angle d’analyse encourage les articles abordant la manière dont les praticien‧ne‧s intègrent la centralité des données dans les Sans restriction à ces thèmes,quelques exemples de questions qui pourraient être soulevées concernent : comment retrouver, organiser et valoriser les données pertinentes ? Comment en tirer des informations pertinentes, les diffuser ou les archiver ?Quelle dimension stratégique prend la maîtrise des flux informationnels et des flux de données ? Comment faireavec la porosité accrue des frontières interne/externe ? Comment acculturer les différents services pour accompagner les mutations des routines professionnelles impliquées par la focalisation sur « la donnée » ?
- Former le communicateur, la communicatrice et le ou la professionnel‧le de l’information comme médiateurs de « la donnée » : cet angle d’analyse encourage les articles présentant des initiativespédagogiques ou programmes de formation pour intégrer « la donnée » aux savoirs et compétences transmis par les études en information et communication (Andry, 2020; Grignon, 2015 ; Jammet, 2018 ; Theviot, 2019). Sans restriction à ces thèmes, quelques exemples de questions qui pourraient être soulevées concernent : comment former à une culture professionnelle de la donnée ? Quel vocabulaire employer ? Quelle place accorder à la sémantique professionnelle de désignation – largement anglosaxonne - des activités, des compétences ou des productions : du datamining au Big data; de la valorisation graphique des données aux métiers de datavisualisation- dataviz, design computationnel, data-storyteller ou datascientist, chief data officer, etc ? Quelle compréhension des imaginaires de la donnée transmettre ? Quelle métrologie développer ? Comment clarifier une éthique ou une déontologie de l’accumulation et de l’exploitation de traces numériques ? Quelle place pour les approches critiques, notamment de l’obsession de la donnée face à la culture professionnelle de la communication ? En quoi les savoirs, méthodes et techniques traditionnels en communication voient leur pertinence confirmée, discutée ou contredite ? Quelles formations à la Data visualisation, à la mise en récit des données?
- Évolutions et permanences des métiers et des compétences de l’information et de la communication face à « la donnée » : cet angle d’analyse encourage les articles portant la réflexion sur l’évolution des métiers et des types d’organisation accueillant les professionnel‧le‧s de l’information et de la communication ainsi que des interventions soulevant les enjeux de structuration du champ professionnel (Baillargeon et al., 2013 ; Lépine et al., 2014). Sans restriction à ces thèmes, quelques exemples de questions qui pourraient être soulevées concernent : comment « la donnée » vient-elle travailler la lutte inachevée pour la reconnaissance de ces métiers ? Quelle place prennent les organisations spécialistes de « la donnée » dans l’accueil des praticien‧ne‧s et dans la (re)définition des métiers ? Quelles perceptions du rôle de la profession et de sa place au sein desorganisations sont promues ? A contrario, quelles compétences, quels savoirs et quelles méthodes infocommunicationnel‧le‧s sont nécessaires aux professionnel‧le‧s de la donnée ? Quelles formes de savoirs et compétences se trouvent valorisés ou mis en concurrence ? Quelles représentations de la communication, plus ou moins médiatrices ou instrumentales, constituent les dispositifs organisés autour de la donnée ? Quellesreprésentations des publics en découlent ?
Coordination scientifique
Alexandre Coutant, UQAM, LabCMO & LabFluens ; Valérie Larroche, ENSSIB, Elico
CALENDRIER ET CONSIGNES AUX AUTEURS
- Texte complet réceptionné : 15 décembre 2023
- Retour des évaluateurs : 15 février 2024
- Retour aux auteurs : 1 mars 2024
- Texte complet réceptionné : 1 juin 2024
- Remise texte final : 1 juillet 2024
- Publication : Septembre 2024
Les auteurs devront soumettre une première version de leur article complet au plus tard le 15 dé- cembre 2023, en français ou en anglais, en suivant les normes de la revue sur son site : https://ojs.uclouvain.be/index.php/comprof/about/submissions.
Les articles doivent être envoyés par courriel, en format éditable (.doc, .docx, .odt...) àvalerie.larroche@enssib.fr et coutant.alexandre@uqam.ca avant le 15 décembre 2023.
Elles comporteront les éléments suivants :
- Sur une première page :
- le nom des auteurs et co-auteurs avec les renseignements d’affiliation (prénom, nom, statut, institution ou organisation) de même qu’une courte notice biographique pour chacun;
- les coordonnées des auteurs et co-auteurs (adresse institutionnelle, courriel, téléphone professionnel);
- Sur une deuxième page :
- un titre;
- l'axe dans lequel s'insère de façon préférentielle cet article;
- une liste de cinq mots clés;
- l’article avec la bibliographie
Les articles feront l’objet d’une évaluation en « double aveugle » par les membres du comité scientifique
La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par courriel.
Les articles seront évalués en double aveugle par le comité scientifique. Le retour des évaluateurs est prévu le 15février 2024. Les auteurs retenus auront jusqu’au 15 juin 2024 pour rendre leur ver- sion définitive.
Communication & Professionnalisation est une revue scientifique reconnue du domaine des SIC (71e section du CNU, CPdirsic, SFSIC). Elle fonctionne sur le mode de la publication continue : plusieurs dossiers thématiques sont ouvertssimultanément sur le site de la revue, et les articles sou- mis et acceptés pour publication dans ces dossiers sont publiés un à un sur le site, au moment de leur finalisation, sans attendre que l’ensemble du dossier soit prêt à être publié. La revue est égale- ment intéressée à des propositions hors thématique.
Comité scientifique
Camille Alloing, UQAM
Dany Baillargeon, Université de Sherbrooke
Mariannig le Béchec, Université Lyon 1, Elico
Vincent Brulois, Université Sorbonne Paris Nord, Labsic Marc D. David, Université de Sherbrooke
Orelie Desfriches-Doria, Université Paris 8, Paragraphe Marie Despret-Lonnet, Université Lyon 2, Elico
Jean-Claude Domenget, Université de Bourgogne Franche-Comté, ELLIADD Valentyna Dymytrova, Université Lyon 3, Elico
Geoffroy Gawin, ENSSIB, Elico Thomas Grignon, CNAM,Dicen-IDF Susan Kovacs, ENSSIB, Elico
François Lambotte, Université Catholique de Louvain Valérie Lépine, Univ.Paul Valéry-Montpellier 3, Lerass Florence Millerand, UQAM
Josianne Millette, Université Laval Julien Pierre, Universitéde Sherbrooke
Sandrine Roginsky, Université Catholique de Louvain Brigitte Simonnot, Université de Lorraine, CREM
Références citées :
Adary, A. et Domenget, J.-C. (2017). Entretien : pour une intégration des datadéontologues dans les équipes communication. Revue Communication & professionnalisation, (6), 152‑160. https://doi.org/10.14428/rcompro.v0i6.3483
Alloing, C., Cordelier, B. et Yates, S. (2021). Pour une approche communicationnelle de l’influence. Communication Organisation, 60(2), 11‑20.
Andry, T. (2020). Visualisation de données et design émotionnel peuvent-ils se conjuguer?
Communiquer. Revue de communication sociale et publique, (28), 53‑71. https://doi.org/10.4000/communiquer.5337
Baillargeon, D., Brulois, V., Coyette, C., David, M. D., Lambotte, F. et Lépine, V. (2013). Figures et dynamiques de la professionnalisation des communicateurs: Revue Communication & professionnalisation, (1), 12‑32. https://doi.org/10.14428/rcompro.vi1.223
Coutant, A. et Domenget, J.-C. (2015). Le communicateur bousculé par le numérique : quelles compétences à transmettre ? Revue Communication & professionnalisation, (3), 5‑20. https://doi.org/10.14428/rcompro.vi3.423
Desmoulins, L., Alloing, C. et Mohli, V. (2018). L’influence n’est-elle que donnée(s) ? Médiations et négociations dans les agences de communication « influenceurs ». Communication Organisation, n° 54(2), 29‑40.
Dijck, J. van. (2014). Datafication, dataism and dataveillance: Big Data between scientific paradigm and ideology. Surveillance & Society, 12(2), 197‑208. https://doi.org/10.24908/ss.v12i2.4776
Domenget, J.-C. et Michel, J.-L. (2014). Le métier de référenceur est-il pérenne et légitime en communication ? Revue Communication & professionnalisation, (2), 161‑179. https://doi.org/10.14428/rcompro.vi2.393
Flensburg, S. et Lomborg, S. (2021). Datafication research: Mapping the field for a future agenda.
New Media & Society, 14614448211046616. https://doi.org/10.1177/14614448211046616
Grignon, T. (2015). L’expertise communicationnelle au prisme de ses instruments. Communication & professionnalisation, (3), 23‑47.
Grignon, T. (2020). « L’influence » comme prétention : contribution à une ethnosémiotique de l’expertise dans leconseil en communication [These de doctorat, Sorbonne université]. https://theses.fr/2020SORUL083
Imhoff, C. (2019). Le réseau social d’entreprise, un dispositif de mesure de l’activité et d’évaluation des collaborateurs ? Revue Communication & professionnalisation, (9), 42‑61. https://doi.org/10.14428/rcompro.vi9.19323
Jammet, T. (2018b). Vers une communication de marque dictée par les algorithmes ?
Communication et organisation. Revue scientifique francophone en Communication organisationnelle, (54),93‑105. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.6924
Kondratov, A. (2018). Stratégies de résistance des professionnels de relations publiques à
l’utilisation des Big Data dans les organisations en France et en Belgique : logiques, causes et motifs de non-usage des données numériques massives. Communication et organisation. Revue scientifique francophone en Communication organisationnelle, (54), 121‑132. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.6974
Lépine, V., Martin-Juchat, F. et Millet-Fourrier, C. (dir.). (2014). Acteurs de la communication des entreprises et organisations: pratiques et perspectives. presses universitaires de Grenoble.
Mayer-Schönberger, V. et Cukier, K. (2013). Big Data: A Revolution that Will Transform how We Live, Work, and Think. Houghton Mifflin Harcourt.
Millette, J. et Coutant, A. (2021). Les métiers de l’influence en contexte numérique : une approche sociotechnique despratiques professionnelles. Communication Organisation, 60(2), 61‑75.
Peirot, N. et Roginsky, S. (2019). Mesurer la communication ? Ce que les outils de mesure font à la professionnalisation de la communication. Revue Communication & professionnalisation, (9), 1‑8. https://doi.org/10.14428/rcompro.vi9.54983
Theviot, A. (2019). Les mutations du travail politique au prisme des big data. Dans F. Dubet, Les mutations du travail (p. 59‑75). La Découverte. http://www.cairn.info/les-mutations-du- travail--9782348037498-page-59.htm
Theviot, A. et Treille, É. (2019). Présentation du dossier. Les « big data » au travail. Les métiers de la donnée entre expertises professionnelles et effets de croyance. Politiques de communication, N° 12(1), 5‑20.