Numéro 119 - octobre 2015
Crise des réfugiés : quelques clarifications s'imposent !
DOI:
https://doi.org/10.14428/regardseco2015.10.02Keywords:
Economie et politique, Marché du travail, emploi et chômageAbstract
Ces dernières semaines, des milliers de migrants syriens et irakiens ont rejoint l'Europe pour tenter d'y obtenir le statut de réfugié politique. Selon toute vraisemblance, la Belgique pourrait en accueillir entre 25.000 et 30.000 en 2015. Bien que notre politique d'asile n'ait pas pour vocation de renforcer notre compétitivité ou d'améliorer le bien-être des natifs, les discussions autour de cette crise de l'asile sont de nature utilitariste : elles portent sur notre capacité d'absorption et sur les implications économiques pour l'économie belge et ses citoyens. Avec toute la prudence qui s'impose, ce numéro de Regards économiques discute les enjeux de cette crise pour l'économie belge.
Premièrement, les demandeurs d’asile sont parfois considérés comme des migrants visant principalement à bénéficier de notre protection sociale. Les faits indiquent qu'il est simpliste et erroné d'assimiler l'exode massif des syriens et irakiens à une migration économique. L'exode actuel est sans commune mesure avec les flux réguliers et avec les données d’intentions migratoires récoltées en régime de croisière; il constitue la seule réponse possible à l'un des conflits internes les plus meurtriers de ces dernières décennies.
Deuxièmement, les enquêtes d’opinion révèlent qu’une partie importante de la population perçoit des effets négatifs de l’immigration sur le marché du travail et les finances publiques, mais aussi sur la sécurité nationale ou la cohésion sociale. Ces perceptions ne sont pas confirmées par les études académiques qui montrent qu’à son niveau actuel, l'immigration engendre des effets faibles et souvent positifs. Ceci ne signifie aucunement qu'une augmentation illimitée de l'immigration est économiquement souhaitable ou qu’elle ne génère pas des poches locales de chômage ou des tensions sociales.
Troisièmement, l'impact économique de la politique d'asile peut différer de celui de l'immigration traditionnelle à deux égards, le timing et la composition des flux. Sur la question du timing, il est clair que l'évolution du nombre de demandeurs d'asile est caractérisée par des pics temporaires importants. Ces pics peuvent, en théorie, engendrer des coûts d'ajustement important à court terme. Toutefois, les observations du passé (crises de l’asile de 1994 ou de 2000), révèlent plutôt une relation inverse entre la demande d'asile et le taux de chômage. Sur la question de la composition des flux, les données suggèrent que les jeunes adultes syriens et irakiens qui composent les flux de demandeurs d’asile sont susceptibles d’être relativement bien diplômés, ce qui les rend plus facilement assimilables à moyen terme.
En bref, des incertitudes pèsent sur l'ampleur des effets de la crise de l'asile sur l'économie belge, mais il y a de fortes raisons de penser que cette crise peut être transformée en opportunité à moyen terme. Tout doit être mis en œuvre pour faciliter l'intégration économique et sociale des demandeurs d'asile et réfugiés. Il en va de notre intérêt commun.
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