Regards économiques https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco <p><em><strong>Regards économiques</strong></em>&nbsp;est une revue scientifique des économistes de l'Université catholique de Louvain (<a href="http://www.uclouvain.be/" target="_blank" rel="external noopener">UCL</a>) créée en 2002 et éditée par l'Institut de Recherches Économiques et Sociales (<a href="http://www.uclouvain.be/en-ires.html" target="_blank" rel="external noopener">IRES</a>). La revue propose deux regards différents sur des problématiques économiques et sociales. Avec un regard pointu, le «numéro» offre une analyse économique approfondie sur des sujets socio-économiques importants. Avec un regard vif, le «focus» offre une analyse économique concise sur un thème d’actualité.</p> Université Catholique de Louvain fr-FR Regards économiques 2033-3013 Numéro 187 - janvier 2025 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/86483 <p>Au 3ème trimestre 2024, l’économie belge a progressé de 0,3% comparativement au trimestre précédent, ce rythme de croissance étant similaire à celui des deux premiers trimestres. Nos estimations indiquent que l’économie belge a conservé ce rythme de croissance au 4ème trimestre, ce qui porte sa croissance moyenne sur l’ensemble de l’année à 1,0%.</p> <p>En 2025, la croissance de l’économie belge devrait rester modeste. Fin 2024, la confiance des ménages et celle des entreprises étaient en effet toujours fragiles. En particulier, la conjoncture industrielle demeure fortement déprimée, en raison d’une faiblesse persistante de la demande. L’emploi n’a par ailleurs que très faiblement progressé en 2024. Du fait de la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt, la croissance de l’économie belge pourrait néanmoins être un peu plus soutenue qu’elle ne l’a été en 2024. Nous prévoyons ainsi qu’elle atteindra 1,3% en base annuelle moyenne. Elle serait à nouveau principalement soutenue par la consommation des ménages même si l’investissement et les exportations pourraient se raffermir en seconde partie d’année.</p> <p>En 2025, les créations d’emploi devraient progressivement redevenir plus nombreuses, ce qui aura pour effet de freiner la progression du chômage (cf. résumé des prévisions).</p> <p>Fin 2024, le taux d’inflation générale était de 3,2%, comparativement à 1,4% fin 2023. L’inflation devrait recommencer à faiblir en 2025, où elle atteindrait 1,8% en fin d’année.</p> <p>Résumé des prévisions</p> <ul> <li>L’économie belge devrait croître de 1,3% en 2025.</li> <li>L’emploi augmenterait de 39.000 unités entre fin 2024 et fin 2025.</li> <li>Le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés augmenterait de 10.000 unités entre fin 2024 et fin 2025.</li> <li>L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait en moyenne à 2,4% en 2025.</li> <li>Le déficit budgétaire des administrations publiques s’élèverait à 4,7% en 2025.</li> </ul> Aurélie Bertrand Vincent Bodart Margaux Clarr Florian De Bundel Charles De Pierpont Alain Guillet Nathan Lachapelle Vincent Notte Leïla Van Keirsbilck (c) Tous droits réservés Regards économiques 2025 2025-01-09 2025-01-09 10.14428/regardseco/2025.01.09.01 Focus 33 - Novembre 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/86473 <p><strong>La controverse Roblox</strong></p> <p>Roblox est une plateforme en ligne de jeux vidéo et de création qui offre un vaste univers virtuel où les utilisateurs peuvent jouer, socialiser et développer leurs propres jeux. Avec une immense bibliothèque de jeux créés par les utilisateurs, Roblox permet aux joueurs de personnaliser leurs avatars, d'interagir avec d'autres et d'utiliser la monnaie virtuelle "Robux" pour des achats au sein de la plateforme. La plateforme est accessible gratuitement sur divers appareils et attire principalement des enfants et des adolescents.</p> <p>Dans un&nbsp;<a href="https://hindenburgresearch.com/roblox/">rapport</a>&nbsp;publié le 8 octobre 2024, Hindenburg Research (une société d'analyse financière) affirme que Roblox induit en erreur les investisseurs, les régulateurs et les annonceurs concernant le nombre d'utilisateurs sur sa plateforme, exagérant ce chiffre d’environ un tiers. Les analystes d’Hindenburg attribuent cette surévaluation au fait que Roblox n'est actuellement pas rentable, ce qui l’amène à gonfler ses indicateurs de croissance pour doper le cours de ses actions en bourse et maintenir l’intérêt des investisseurs.</p> <p>Dans une&nbsp;<a href="https://www.theverge.com/2024/10/8/24265145/roblox-hindenburg-reseach-dau-child-safety-short-seller-report">déclaration&nbsp;</a>publiée dans The Verge le même jour, Roblox rejette ces affirmations, arguant que Hindenburg Research est, de son propre aveu, une société qui pratique la vente à découvert et a dès lors un agenda indépendant de la substance du modèle commercial et des résultats de Roblox.<sup>1</sup></p> <p><strong>Gestion des attentes</strong></p> <p>Au moment de la rédaction de ce Focus, personne ne peut dire si Roblox a vraiment été malhonnête. Cependant, une chose est sûre : gonfler le nombre d'utilisateurs est très tentant pour les plateformes numériques émergentes car leur croissance repose en grande partie sur les attentes que formulent les utilisateurs à l’égard de celle-ci.</p> <p>En effet, les plateformes numériques font face à un problème fondamental qui peut paralyser leur développement. Ce problème, dit&nbsp;<a href="https://www.cesewallonie.be/actualites/les-economies-de-plateforme">de l’oeuf et de la poule</a>, est simple à comprendre pour une plateforme "biface" qui crée de la valeur en facilitant les interactions entre deux groupes d’utilisateurs (comme Roblox, qui relie joueurs et concepteurs de jeux). Dans la mesure où la participation de chaque groupe dépend de la participation de l’autre, deux scénarios contrastés peuvent se produire selon les attentes des utilisateurs. Dans le cas optimiste, les utilisateurs dans chaque groupe croient en la participation des utilisateurs de l’autre groupe, ce qui incite les uns et les autres à rejoindre la plateforme. À l'inverse, des attentes pessimistes n’induisent que très peu d’utilisateurs à participer, menant à la création de "villes fantômes".<sup>2</sup></p> <p>L'aspect fascinant de cette dynamique est sa nature auto-réalisatrice. Lorsque la participation est attendue, elle se matérialise; lorsqu'elle ne l'est pas, la plateforme reste en sommeil.</p> <p>Cette dynamique s’applique au moment du lancement de la plateforme mais également plus tard si l’étape du lancement est franchie. La valeur d’une plateforme augmente en effet avec son nombre d’utilisateurs (on parle d’"effets de réseau positifs"). En attirant plus d’utilisateurs aujourd’hui, les opérateurs de plateforme se garantissent plus d’utilisateurs et de revenus demain. Dans le cas de Roblox, plus la communauté de joueurs s’agrandit, plus les utilisateurs sont désireux d’acheter de la monnaie virtuelle pour acquérir les objets, accessoires ou capacités spéciales qui leur permettent d’augmenter leurs performances. Roblox se finance également de plus en plus via la publicité et, clairement, sa capacité à attirer des annonceurs s’accroît avec la taille de sa base d’utilisateurs. Enfin, les investisseurs potentiels sont plus prompts à soutenir financièrement la plateforme s’ils pensent que celle-ci va (continuer à) se développer.<sup>3</sup></p> <p>Ces "prophéties auto-réalisatrices" (et les effets de réseau qui les sous-tendent) soulignent l'importance cruciale d'une gestion efficace des attentes pour les opérateurs de plateformes. Dans notre livre intitulé&nbsp;<a href="https://www.platformstrategies.org/">Platform Strategies</a>, Nicolas Neysen et moi-même soulignons que la meilleure manière pour une plateforme de générer des attentes positives est d’abord de bien comprendre les besoins de ses utilisateurs et, ensuite, de leur proposer des services de qualité pour rencontrer ces besoins. Pour y parvenir, la plateforme peut fournir directement certains services elle-même. Au-delà de l’effet de démonstration, cela permet à la plateforme de satisfaire les besoins d’un groupe d’utilisateurs sans qu’ils doivent se soucier de la participation de l’autre. Roblox suit cette stratégie en développant des jeux elle-même, souvent dans le but de présenter les nouvelles fonctionnalités ou technologies disponibles sur la plateforme. Il est également essentiel de bien expliquer les avantages de la plateforme pour tous. Chacun sera en effet plus confiant s’il comprend mieux ce que les autres gagnent à participer. Ceci est plus facile à réaliser pour les plateformes bifaces qui permettent à leurs utilisateurs d’être actifs d’un côté comme de l’autre. On pense notamment à Vinted sur laquelle on peut tantôt acheter tantôt vendre des articles de seconde-main. Il en va de même pour Roblox qui met la conception de jeux à la portée de tous. Enfin, comme l’indique&nbsp;<a href="https://ideas.ted.com/the-three-steps-of-building-trust-in-new-ideas-and-businesses/">Botsman (2017)</a>, il est capital d’instaurer un climat de confiance à trois niveaux : dans l’utilisation d’une plateforme plutôt qu’une entreprise traditionnelle, dans la plateforme elle-même et, en fin de compte, dans les autres utilisateurs de la plateforme.</p> <p>Mais tout ceci est plus facile à dire qu’à faire : fournir ses propres services est coûteux, laisser les utilisateurs être actifs des deux côtés est rarement possible et gagner la confiance des utilisateurs reste un processus long et incertain. D’où la tentation pour les plateformes de recourir à des méthodes plus discutables pour convaincre leurs utilisateurs qu’elles sont là pour rester et se développer dans le futur. A cet effet, les plateformes peuvent (1) simuler l’activité de l’un ou l’autre groupe sur la plateforme, (2) annoncer que l’activité de la plateforme va s’accroître dans le futur ou (3) gonfler les statistiques d’activité passée et actuelle. Dans ce qui suit, je pose un regard critique sur ces trois tactiques.</p> <p><strong>Créer une activité fictive</strong></p> <p>Cette tactique est appelée en anglais ‘Fake it until you make it’ (littéralement, "Faire semblant jusqu’à ce qu’on y arrive"). Dans notre livre, nous donnons plusieurs exemples de plateformes qui ont eu recours à ce genre de tactique. Ainsi, Reddit (une plateforme d’agrégation d’actualités) et Udemy (une plateforme d’apprentissage en ligne) ont créé du&nbsp;<a href="https://ideas.ted.com/the-three-steps-of-building-trust-in-new-ideas-and-businesses/">contenu&nbsp;</a>ou des&nbsp;<a href="https://x.com/gaganbiyani/status/1352714283323437057?ref_src=twsrc%5Etfw">comptes&nbsp;</a>factices pour paraître plus établies qu’elles ne l’étaient vraiment à leurs débuts. Un autre exemple provient du secteur de la livraison de repas. Grubhub et Seamless, deux plateformes américaines qui ont fusionné en 2013, auraient&nbsp;<a href="https://www.sfchronicle.com/food/article/SF-restaurant-Kin-Khao-doesn-t-offer-delivery-15005797.php">répertorié des restaurants sans leur consentement</a>. En 2020, une propriétaire de restaurant a découvert que son entreprise était répertoriée sur les deux plateformes avec un menu incorrect. Il s’est alors avéré que la pratique était&nbsp;<a href="https://www.theverge.com/2020/1/29/21113876/grubhub-seamless-fake-restaurant-listings-no-permission-postmates-doordash">courante&nbsp;</a>dans le secteur. Les plateformes répertoriaient les restaurants par défaut, leur laissant la charge de se désinscrire si cela ne leur plaisait pas. Cette approche crée des coûts pour les restaurants, en particulier les petits, et induit les clients en erreur quant aux options qui sont réellement disponibles.</p> <p>Même si de telles pratiques peuvent aider les plateformes à croître à court terme, un retour de manivelle est à craindre une fois que la vérité est établie.</p> <p><strong>Annoncer la croissance future</strong></p> <p>Des attentes optimistes peuvent également être générées en annonçant aux utilisateurs actuels qu'ils seront rejoints par de nombreux autres utilisateurs à l'avenir.&nbsp;<a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/mnsc.2021.3999">Boudreau (2021)</a>&nbsp;a testé l'efficacité de cette stratégie par le biais d'une expérience sur le terrain. La recherche impliquait l'envoi, à plus de 16000 utilisateurs potentiels, d'une invitation à rejoindre une nouvelle plateforme. Ces invitations incluaient des informations sur la taille actuelle de la plateforme et des déclarations aléatoires sur sa taille future projetée. L'analyse des décisions de participation ultérieure a révélé deux résultats significatifs. D’abord, alors que les déclarations sur le nombre attendu d'utilisateurs étaient subjectives et sans engagement, elles ont eu un impact plus important sur les intentions de participation que les informations concernant le nombre actuel d'utilisateurs. Ensuite, annoncer un nombre d’utilisateurs futurs plus important a conduit à augmenter les intentions de participation. Cette étude empirique soutient fortement l'idée que les attentes peuvent effectivement s'auto-réaliser, soulignant leur rôle crucial dans l'adoption et la croissance des plateformes.</p> <p><strong>Gonfler l’activité existante</strong></p> <p>C’est la tactique que l’on accuse Roblox d’avoir utilisée. Des accusations similaires ont été portées dans divers secteurs auparavant. Par exemple dans le secteur de la presse écrite, où les journaux peuvent être vus comme des plateformes jouant un rôle d’intermédiaire entre journalistes, annonceurs publicitaires et lecteurs (comme Xavier Wauthy et moi-même l’expliquions dans le&nbsp;<a href="https://www.regards-economiques.be/images/reco-pdf/reco_120.pdf">numéro 100 de&nbsp;<em>Regards économiques</em></a>). Ainsi, en 2007, deux journaux gratuits (London Lite et The London Paper) se disputaient férocement le lectorat et les revenus publicitaires sur le marché londonien. La&nbsp;<a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/england/london/6584889.stm">controverse&nbsp;</a>a commencé lorsque London Lite a accusé The London Paper d’imprimer un nombre excessif d’exemplaires pour gonfler artificiellement ses chiffres de diffusion. London Lite est même allé jusqu’à diffuser une vidéo montrant prétendument des distributeurs jetant quelques milliers d’exemplaires de The London Paper à la poubelle. Cette accusation a&nbsp;<a href="https://www.campaignlive.co.uk/article/abc-investigate-london-free-paper-dumping/653069">incité le régulateur britannique</a>&nbsp;de la presse (Audit Bureau of Circulations, ABC) à enquêter sur ces allégations et vérifier les chiffres de diffusion avancés par les deux publications. En effet, ces chiffres sont cruciaux pour déterminer les tarifs publicitaires.&nbsp;<a href="https://uk.themedialeader.com/abc-confirms-london-freesheet-dumping/">L'enquête a confirmé</a>&nbsp;que des journaux gratuits avaient effectivement été imprimés en surnombre puis jetés.</p> <p>Une telle pratique est problématique car elle gonfle le lectorat des journaux, ce qui peut induire les annonceurs en erreur vu qu’ils s'appuient sur les chiffres de diffusion pour prendre des décisions sur les placements publicitaires et les tarifs. Cet incident a mis en lumière la concurrence intense qui règne sur le marché des journaux gratuits et les efforts que les éditeurs peuvent déployer pour paraître plus attrayants aux yeux des annonceurs. Il a également mis en évidence l'importance d'audits de diffusion précis pour maintenir l'intégrité de l'industrie de la presse et protéger les intérêts des annonceurs.</p> <p><strong>Conclusions</strong></p> <p>La controverse Roblox souligne le rôle crucial que jouent les attentes des utilisateurs pour la croissance des plateformes numériques. Les plateformes peuvent être tentées de gonfler artificiellement les chiffres de participation ou même de feindre la participation. Elles pourraient justifier cette malhonnêteté en arguant qu'elle n'est que temporaire : la tromperie pourrait en effet devenir une réalité si suffisamment d’utilisateurs y croient, étant donné la nature auto-réalisatrice des attentes.</p> <p>En plus de soulever des préoccupations éthiques évidentes, ces tactiques comportent des risques importants, car les investisseurs, les concurrents et les utilisateurs peuvent contester les affirmations de la plateforme. Les dommages potentiels peuvent être considérables et durables, car des boucles de rétroaction négatives peuvent rapidement s'installer, conduisant au départ de certains utilisateurs et déclenchant un effet cascade parmi les autres. Par conséquent, il est essentiel de souligner l'importance de la transparence et de l'honnêteté dans la promotion des plateformes ; les pratiques trompeuses peuvent éroder la confiance des utilisateurs et finalement compromettre la durabilité des opérations de la plateforme.</p> <p>&nbsp;</p> <p><sup>1</sup>&nbsp;Un vendeur à découvert parie sur la baisse du cours d'un actif financier, généralement une action. Il vend des titres qu'il ne possède pas encore, dans l'espoir de les racheter plus tard à un prix inférieur.</p> <p><sup>2</sup>&nbsp;Ce phénomène se produit si des utilisateurs rejoignent une plateforme par curiosité ou en raison d’un engouement initial mais se désintéressent rapidement si la plateforme n'offre pas de valeur continue ou de contenu attrayant (comme ce fut le cas, par exemple, pour le réseau social&nbsp;<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/10/31/les-raisons-de-la-fermeture-de-vine-ancienne-star-des-reseaux-sociaux_5023015_4408996.html">Vine</a>).</p> <p><sup>3</sup>&nbsp;Dans ces trois cas de figure, des attentes optimistes quant au nombre d’utilisateurs futurs sont susceptibles d’enclencher des effets de réseaux dits "croisés" : les joueurs ont plus de chances de trouver des développeurs qui partagent leurs gouts et vice versa, les annonceurs peuvent espérer une rentabilité plus élevée pour leurs publicités et les financiers, un meilleur retour sur leur investissement. Même si ces effets perdent de leur intensité à mesure que la plateforme se développe (car l’impact additionnel du 100.000ème utilisateur est sans doute moins important que celui du 1000ème ou encore du 100ème), ils restent non négligeables, en particulier dans un secteur concurrentiel où un utilisateur gagné par une plateforme est un utilisateur perdu pour ses concurrentes.</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés Regards économiques 2025 2025-01-09 2025-01-09 10.14428/regardseco2024.11.28.01 Focus 32 - octobre 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/85573 <p>En janvier dernier, le Président français Emmanuel Macron a parlé de "réarmement démographique" lors d'une intervention télévisée. Son discours s'est inscrit dans le contexte des défis démographiques en Europe, soulignant le désir de rajeunir et de stabiliser la taille de la population par le biais d'une série de politiques pro-natalistes. Ce focus de Regards économiques vise à discuter de l’efficacité de ces politiques au regard d’autres leviers d’action possibles comme les mesures visant à promouvoir l’égalité des hommes et des femmes.</p> David de la Croix Paula Eugenia Gobbi Christine Schnor (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-10-18 2024-10-18 10.14428/regardseco2024.10.28.01 Numéro 186 - septembre 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/85093 <p>Aujourd’hui en Belgique, certains recruteurs peinent à trouver de la main d’oeuvre pour remplir leurs postes de travail vacants. Dans le même temps, on compte encore des centaines de milliers de chômeurs. Mais alors : y-a-t-il trop de chômeurs par rapport au nombre de postes à pourvoir ? Ou bien sommes-nous vraiment arrivés à une situation de plein emploi en Belgique ?</p> <p>D’abord, le plein emploi ne veut pas dire l’absence de chômeurs. En effet, même les régions aux économies les plus dynamiques du monde ont un taux de chômage strictement positif. Comment peut-on expliquer cela ?</p> <p>En fait, si le taux de chômage était à 0 en permanence, l’économie devrait consacrer d’énormes ressources dans le processus de recrutement. Il faudrait une armée de recruteurs dans chaque entreprise pour détecter la moindre nouvelle personne disponible à travailler et l’engager plus rapidement que ses concurrents. Lorsque cette personne sera engagée par un employeur, l’ensemble des efforts de recrutement des autres employeurs auront été vains - ce qui constitue un gaspillage considérable des ressources du marché du travail. En effet, la force de travail de ces armées de recruteurs n’est pas utilisée dans la production économique lorsqu’elles se livrent de telles batailles pour dénicher le moindre chômeur. Dès lors, mêmes dans les régions les plus dynamiques du monde, les entreprises engagent moins de recruteurs que ce qui serait nécessaire pour atteindre un taux chômage de 0%.</p> <p>A contrario, nous sommes habitués en Belgique et en Europe au gaspillage de ressources engendré par le chômage de masse, c’est-à-dire la situation dans laquelle il y a beaucoup de demandeurs d’emploi pour peu de postes vacants. Les chômeurs passent alors de longues périodes à vainement chercher un emploi et leur force de travail est ainsi gaspillée.</p> <p>Dans cet article, on entendra le plein emploi comme l’adéquation entre ces deux phénomènes : il ne faut ni trop peu de chômeurs, auquel cas les recruteurs sont trop nombreux, ni trop de chômeurs. Nous quantifions ceci en adaptant la théorie du plein emploi de Michaillat et Saez (2021) au cas belge et à ses régions.</p> <p>Mais qu’elle est donc cette théorie ? Cette mesure s’intéresse à une sorte de ratio entre deux variables : le nombre d’offres d’emploi vacant et le nombre de demandeurs d’emploi. Ceci a plusieurs conséquences importantes.</p> <p>D’abord, cette théorie du plein emploi s’intéressera au nombre de chômeurs non pas en termes absolus mais bien en termes relatifs par rapport au nombre d’emplois vacants. En conséquence, il est tout à fait possible qu’une région ait un faible taux de chômage mais soit loin du plein emploi. Ceci arriverait lorsqu’elle connaitrait trop d’emplois vacants.</p> <p>Ensuite, il est tout à fait possible que deux économies aient le même ratio, même si la première a beaucoup plus de chômeurs et d’emplois vacants que la seconde. Dans ce cas, la seconde connait un marché du travail qui est structurellement plus efficace que la première, mais notre indicateur sera silencieux sur ce point. La mesure du plein emploi dans cet article est donc un indicateur conjoncturel et pas structurel : nous analyserons la tension sur le marché du travail au cours du cycle économique, et non pas la capacité des politiques publiques sur le marché du travail à appareiller les offres d’emploi avec les demandeurs d’emploi.</p> <p>Nos résultats suggèrent que, au niveau national, la Belgique connait actuellement une période de plein emploi. Toutefois, ceci masque une hétérogénéité régionale importante. La région bruxelloise est caractérisée par un taux de chômage trop important, alors que la Flandre connaît une pénurie de chômeurs. La Wallonie, elle, est proche de son plein emploi conjoncturel : il y a un nombre idéal de demandeurs d’emploi par rapport aux offres d’emploi disponibles en Wallonie.</p> <p>Doit-on s’en réjouir ? L’article est silencieux à ce sujet. Il permet simplement d’objectiver l’état de la tension sur le marché du travail au niveau macroéconomique, en gardant fixées les structures du marché du travail. Enfin, il souligne la pertinence de mettre en perspective les chiffres du chômage avec ceux des emplois vacants pour informer le débat.</p> <p> </p> <p><a href="https://sites.uclouvain.be/econ/Regards/186/Annexes-N186.pdf">Annexes</a></p> Antoine Germain (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-09-12 2024-09-12 10.14428/regardseco/2024.09.12.01 Numéro 185 - juillet 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/85103 <p>Au 1er trimestre 2024, l’économie belge a progressé de 0,3%. Elle devrait conserver ce rythme de croissance modéré au cours des prochains trimestres.</p> Aurélie Bertrand Vincent Bodart Margaux Clarr Florian De Bundel Charles De Pierpont Alain Guillet Nathan Lachapelle Vincent Notte Leïla Van Keirsbilck (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-09-12 2024-09-12 10.14428/regardseco/2024.07.04.01 Numero 184 - mai 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/83893 <p>La taxation du patrimoine est défendue par de nombreuses organisations dans notre pays. À l’approche des échéances électorales de cette année, nous proposons une nouvelle méthode d’estimation du revenu fiscal que pourrait rapporter à l’État une taxe à 1% à partir d’un patrimoine de 1 million d’€, à 2% à partir de 2 millions d’€ et à 3% à partir de 3 millions d’€. La réponse se situe autour de 10 milliards d’€. Notre méthode s’appuie sur des données récentes et fiables du patrimoine des ménages belges.</p> Martial Toniotti (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-05-23 2024-05-23 1 8 10.14428/regardseco/2024.05.23 Numero 183 - Mars 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/83153 <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Een van de fundamentele uitdagingen voor ons pensioenstelsel is om gepensioneerden een adequate levensstandaard te garanderen in een context waarin de vergrijzing van de bevolking ons dwingt om de leeftijd waarop mensen hun pensioen kunnen opnemen te verschuiven. Hoe kunnen we mensen aanmoedigen om langer te werken zonder degenen die dat niet kunnen te straffen, terwijl het aantal mensen met een ziekte- of arbeidsongeschiktheidsuitkering voortdurend toeneemt? Het verlagen van pensioenen voor mensen die de arbeidsmarkt voortijdig verlaten is oneerlijk, omdat het vaak werknemers met lage inkomens en laaggeschoolden zijn die hierdoor worden getroffen. Het belonen van degenen die kunnen doorwerken tot hun pensioenleeftijd met een bonus, zoals voorgesteld in de hervorming van juli 2023, is ook oneerlijk tegenover degenen die niet tot die leeftijd kunnen doorwerken. Het is des te oneerlijker omdat deze laaggeschoolde mensen die de arbeidsmarkt vroeg verlaten hun carrière eerder zijn begonnen, minder welvarend zijn, een slechtere gezondheid hebben en een kortere levensverwachting hebben. Concreet sterft een kwart van de mensen in het eerste inkomenskwintiel (die de 20% van de bevolking met het laagste inkomen vertegenwoordigt) vóór de leeftijd van 65 jaar, vergeleken met 1/20 van de mensen in het laatste kwintiel (die de 20% van de bevolking met het hoogste inkomen vertegenwoordigt).</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">De kwestie van zwaar werk is des te crucialer omdat de pensioenhervorming de pensioengerechtigde leeftijd geleidelijk heeft verhoogd naar 66 jaar in 2025 en 67 jaar in 2030, met de bedoeling een uitzondering in te voeren voor mensen met zware beroepen. Dit is er niet van gekomen en vandaag ligt er een verzoek om de pensioengerechtigde leeftijd te verlagen naar 65 jaar met de bekende retoriek: "op 67 jaar zijn alle banen zwaar". Dit voorstel is buitensporig, omdat we gemiddeld allemaal langer leven.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">In zijn aanvullend advies van maart 2015 stelde de Academische Raad Pensioenen een flexibele pensioenleeftijd voor: "wie een zware job heeft, moet dankzij de algemene flexibiliteit in het systeem de mogelijkheid hebben om vroeger met pensioen te gaan dan wie geen zware job heeft gehad, met een pensioenbedrag dat niettemin vergelijkbaar is".</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Ons argument is dat jobs inderdaad verschillen in moeilijkheidsgraad en dat moeilijke jobs vaker voorkomen in de lager geschoolde, lager betaalde groepen. Deze mensen beginnen eerder met werken en zijn sneller "versleten" door het werk (fysieke vermoeidheid, stress en onzekerheid). Zij zouden redelijkerwijs eerder met pensioen moeten kunnen gaan zonder hun pensioen te verliezen.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">We stellen daarom een praktisch mechanisme voor dat het mogelijk maakt om een tweeledige correctie te bereiken: (i) degenen die hun carrière eerder zijn begonnen eerder met pensioen laten gaan en (ii) degenen in "zware" beroepen een kortere carrière gunnen.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Wat de definitie van zware beroepen betreft, bestaat onze benadering erin een vast budget toe te wijzen voor de financiering van zware beroepen dat afneemt met het loonkwintiel en het vervolgens aan de sociale partners over te laten om te beslissen hoe dit vaste budget binnen elk loonkwintiel wordt verdeeld.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">We berekenen de budgettaire kosten van onze compensatie op basis van de enveloppe en de verdeling ervan, die we financieren door de hoogste pensioenen aan te passen. Het systeem is dus "zelfvoorzienend". Een verrassend resultaat van onze analyse is dat rekening houden met de zwaarte van loopbanen, beperkt tot laagbetaalde werknemers, geen onoverkomelijke last legt op beter betaalde werknemers. Ter illustratie: ons referentiescenario impliceert een pensioenverlies van ongeveer 1% voor het 4e kwintiel en 4,7% voor het 5e kwintiel, terwijl respectievelijk 3, 2 en 1 jaar vervroegde uittreding wordt toegekend aan de 1st, 2e en 3e loonkwintielen.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">De simulator "Pensions et Pénibilité" van Laurent Collot en Jean Hindriks is hier beschikbaar (in het Frans):&nbsp;<a style="box-sizing: border-box; color: #003671; text-decoration: none; cursor: pointer;" href="https://sites.uclouvain.be/econ/Regards/183/Simulateur_Pension_et%20_Penibilite.xlsx">simulator</a></p> Laurent Collot Jean Hindriks (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-03-27 2024-03-27 10.14428/regardseco/2024.03.21.02 Numéro 183 - Mars 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/83133 <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Un enjeu fondamental de notre système de pension consiste à garantir aux retraités un niveau de vie adéquat dans un contexte où le vieillissement de la population nous oblige à reporter toujours plus loin les âges d’accès à la pension. Comment encourager les gens à travailler plus longtemps sans pénaliser ceux qui ne le peuvent pas, dans un contexte où le nombre de personnes en maladie-invalidité ne cesse d’augmenter ? Réduire la pension pour ceux qui quittent prématurément le marché du travail est injuste puisque ce sont souvent les travailleurs à faible revenu et qualification qui sont concernés. Récompenser par un bonus ceux qui peuvent continuer jusqu’à l’âge de la pension, comme proposé dans la réforme de juillet 2023, est aussi injuste pour ceux qui ne peuvent pas travailler jusqu’à cet âge. C’est d’autant plus injuste que ces personnes peu qualifiées qui quittent le marché du travail plus tôt ont, en moyenne, commencé leur carrière plus tôt, sont moins riches, sont en moins bonne santé, et ont une espérance de vie plus courte. Concrètement, 1/4 des personnes du 1er quintile de revenu (qui représente les 20% de la population ayant le revenu le plus faible) décèdent avant 65 ans contre 1/20 des personnes du 5e quintile (qui représente les 20% de la population ayant le revenu le plus élevé).</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">La pénibilité du travail est d’autant plus cruciale que la réforme des pensions a reculé progressivement l'âge de la pension à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030 avec la volonté d’introduire une exception pour les personnes qui effectuent un métier pénible. Cette adaptation ne s’est pas concrétisée, et nous avons aujourd’hui une demande pour ramener l’âge de la pension à 65 ans selon la rhétorique bien connue : “à 67 ans tous les métiers sont pénibles”. Ce retour en arrière est aussi excessif car nous vivons en moyenne toutes et tous plus longtemps.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Dans son avis complémentaire de mars 2015, le Conseil Académique des Pensions suggérait un âge flexible de pension : “celui qui a un métier pénible doit, grâce à la flexibilité générale dans le système, avoir la possibilité de prendre sa pension plus tôt que ceux qui n’ont pas exercé de métier pénible, avec un montant de pension qui soit malgré tout comparable”. Notre proposition va dans ce sens.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Notre argument est que les métiers sont effectivement de pénibilité variable et que les métiers pénibles sont plus souvent concentrés chez les personnes moins qualifiées avec un faible salaire. Ces personnes commencent à travailler plus tôt et sont plus vite “usées” par le travail (fatigue physique, stress et insécurité). Elles devraient raisonnablement pouvoir prendre leur pension plus tôt sans perte de pension.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Nous proposons donc un mécanisme concret qui permet de réaliser une double correction: (i) permettre à ceux qui ont commencé leur carrière plus tôt de partir plus tôt et (ii) permettre à ceux qui exercent un métier “pénible” de faire une carrière plus courte.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Concernant la définition des métiers pénibles, notre approche consiste à octroyer une enveloppe budgétaire fixe pour financer la pénibilité qui soit décroissante avec le quintile (niveau) de salaire et à laisser ensuite les partenaires sociaux décider de la distribution de cette enveloppe fixe au sein de chaque quintile de salaire.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Nous chiffrons le coût budgétaire de notre compensation en fonction de l’enveloppe et de sa répartition que nous finançons par un ajustement des pensions les plus élevées. Le système est donc “auto-porté”. Un résultat surprenant de notre analyse est que la prise en compte de la pénibilité des carrières, limitée aux travailleurs à bas salaires, n’impose pas un fardeau insurmontable pour les travailleurs mieux rémunérés. À titre d’illustration, notre scénario de référence implique une perte de pension de l’ordre de 1% pour le 4e quintile et de 4,7% pour le 5e quintile tout en accordant respectivement 3, 2 et 1 années d’anticipation aux 1er, 2e et 3e quintile de salaire.</p> <p style="box-sizing: border-box; margin: 10px 0px; color: #444444; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Le simulateur « Pension et Pénibilité » de Laurent Collot et Jean Hindriks est disponible ici :&nbsp;<a href="https://sites.uclouvain.be/econ/Regards/183/Simulateur_Pension_et%20_Penibilite.xlsx" target="_blank" rel="noopener">simulateur</a></p> Laurent Collot Jean Hindriks (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-03-25 2024-03-25 1 8 10.14428/regardseco/2024.03.21.01 Numéro 182 - janvier 2024 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/82293 <p>Malgré le fort durcissement des conditions monétaire et financière, l’économie belge a progressé de manière significative durant les premiers trimestres de 2023. Selon nos prévisions, sa progression devrait se poursuivre au dernier trimestre 2023 et en 2024. Son rythme de croissance devrait toutefois ralentir quelque peu au cours des prochains trimestres. D’une part, plusieurs facteurs contraires à la croissance demeurent actuellement présents : la conjoncture industrielle demeure maussade en Belgique et au niveau mondial, l’économie allemande est proche de la récession, des problèmes internes contraignent la croissance économique chinoise, les conditions financières sont toujours très restrictives, les créations d’emplois sont moins nombreuses et les risques géopolitiques sont élevés. D’autre part, il semble que l’expansion économique belge soit soutenue depuis plusieurs trimestres par certains éléments particuliers, dont l’impact devrait être moins positif à l’avenir. Ainsi, au cours des trimestres passés, la consommation privée a probablement été soutenue par l’épargne excédentaire que les ménages ont accumulé durant la pandémie. On peut raisonnablement penser que cet effet sera moins actif à l’avenir.</p> <p>En 2023, la croissance de l’économie belge devrait être de 1,5% en base annuelle moyenne. Selon nos prévisions, elle faiblirait à 1,1% en 2024.</p> <p>Malgré l’affaiblissement de la croissance économique, la situation du marché continuera à s’améliorer en 2024. L’emploi devrait ainsi augmenter de 47.000 personnes en 2024, ce qui entrainera une très légère diminution du nombre de personnes au chômage.</p> <p>En décembre 2023, l’inflation générale était de 1,4%. Elle devrait se relever légèrement en 2024 où elle atteindrait 2,0% en fin d’année.<br><br></p> <p>Résumé des prévisions:</p> <p>• L’économie belge devrait croître de&nbsp;<strong>1,1%</strong>&nbsp;en 2024.<br>• L’emploi&nbsp;<strong>augmenterait&nbsp;</strong>d’environ&nbsp;<strong>47.000</strong>&nbsp;<strong>unités</strong>&nbsp;en 2024.<br>• Le nombre de demandeurs d’emploi diminuerait de&nbsp;<strong>2.000</strong>&nbsp;<strong>unités</strong>&nbsp;en 2024.<br>• L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait en moyenne à&nbsp;<strong>2,2%</strong>&nbsp;en 2024.<br>• Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait&nbsp;<strong>3,9%</strong>&nbsp;en 2024.</p> Aurélie Bertrand Vincent Bodart Margaux Clarr Florian De Bundel Alain Guillet Nathan Lachapelle Vincent Notte Leïla Van Keirsbilck (c) Tous droits réservés Regards économiques 2024 2024-01-12 2024-01-12 10.14428/regardseco/2024.01.11.01 Numéro 181 - octobre 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/81373 <p>Le dernier numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;présente les principaux résultats d’une évaluation des aides à l’embauche «I<strong>mpulsion moins de 25 ans</strong>» introduites en Wallonie en juillet 2017. Cette évaluation a été réalisée conjointement par l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES/LIDAM) de l’UCLouvain et l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et des statistiques (IWEPS).</p> <p>L’aide à l’embauche Impulsion − 25 ans s’adresse aux&nbsp;<strong>demandeurs d’emploi de moins de 25 ans qui n’ont pas de diplôme d’études supérieures</strong>. Pour les moins scolarisés d’entre eux, aucune condition de durée de chômage n’est exigée. Les diplômés de l’enseignement secondaire supérieur doivent être inoccupés depuis au moins 6 mois pour être éligibles. L’aide à l’embauche est temporaire et dégressive, d’une durée maximale de 3 ans. Si on la compare au revenu mensuel minimum garanti, elle représente une&nbsp;<strong>réduction salariale de 25% à l’embauche</strong>. Entre juillet 2017 et décembre 2021, notre période d’étude, le montant total des aides octroyées par ce dispositif s’est élevé à près de&nbsp;<strong>195 millions EUR</strong>.</p> <p>En réduisant le coût du travail, l’<strong>objectif</strong>&nbsp;de l'aide est d’inciter les employeurs à créer de&nbsp;<strong>nouvelles opportunités d’embauche pour les jeunes chômeurs faiblement scolarisés</strong>. Notre évaluation vise à vérifier si cet objectif a été atteint : les perspectives d’emploi du public ciblé sont-elles plus importantes de ce qu’elles auraient été si les aides à l’embauche n’avaient pas été mises en place ? Pour répondre à cette question, nous exploitons une&nbsp;<strong>méthode d’évaluation causale</strong>&nbsp;qui utilise un groupe de chômeurs faiblement scolarisés qui viennent d’avoir 25 ans comme point de référence, au regard duquel la situation d’emploi des jeunes éligibles peut être confrontée et l’effet net du programme identifié. Cette méthode est appliquée à un grand ensemble de données administratives fournies par le FOREM.</p> <p>L’analyse des données montre que le dispositif&nbsp;<strong>Impulsion − 25 ans n’a pas permis de relever le taux de retour à l’emploi ni la durée passée en emploi des chômeurs faiblement scolarisés de moins de 25 ans</strong>. Les subsides n’ont donc pas incité les employeurs à recruter davantage ces travailleurs et génèrent des effets d’aubaine.</p> <p>En comparant nos résultats avec la littérature scientifique sur le sujet, nous concluons qu’une des raisons principales de l’absence d’effet de l’aide à l’embauche tient au fait qu’elle ait été introduite dans une période où la situation économique était favorable au recrutement et le chômage en baisse. En effet,&nbsp;<strong>lorsque le marché du travail est tendu, stimuler la demande de travail des entreprises en abaissant le coût du travail peut s’avérer inopérant</strong>&nbsp;puisque les opportunités d’emploi existent déjà. C’est la raison pour laquelle nous recommandons de cibler les aides Impulsion − 25 ans à certains moments du cycle économique, par exemple lors d’une sortie de récession bien avant que des tensions apparaissent sur le marché du travail. Un ciblage ponctuel en fonction de la situation économique permettrait également d’envisager des montants d’aide plus généreux, renforçant l’effet incitatif pour les employeurs. Au-delà de la situation conjoncturelle, nous soulignons&nbsp;<strong>que les programmes qui mettent l’accent sur un retour rapide au travail – comme les aides à l’embauche – ne sont pas nécessairement efficaces pour les jeunes demandeurs d’emploi avec un trop faible niveau de compétences</strong>. Le défi pour ce groupe ne réside pas tant dans la demande des entreprises mais plutôt dans ce que les jeunes peuvent leur offrir en retour. Pour qu’un subside à l’embauche s’avère efficace, il doit s’appuyer sur un socle de compétences suffisant que l'on peut notamment acquérir par le biais de formations ciblées.</p> <p>Depuis le 1er juillet 2023, une réforme du dispositif Impulsion est entrée en vigueur, restreignant l'octroi des aides aux contrats d'une durée minimale de deux mois.&nbsp;<strong>Les entreprises de travail intérimaire seront de facto exclues du dispositif Impulsion</strong>, du fait de la courte durée des contrats qu’elles proposent. Sur base de l’évaluation réalisée, il n’est pas possible d’anticiper avec certitude les effets du subside selon les nouvelles modalités. Étant donné la part importante des agences d’intérim dans les entreprises utilisatrices du subside, l’économie sera sans doute importante sur le plan budgétaire. Cependant,&nbsp;<strong>rien ne permet d’affirmer que les effets d’aubaine disparaitront</strong>. En particulier, si l’aide à l’embauche telle qu’elle est aujourd’hui n’a pas incité les employeurs à créer de nouvelles opportunités d’embauche, il est difficile d’imaginer que l’effet incitatif soit augmenté par l’ajout d’une contrainte supplémentaire sur la durée du contrat.</p> Muriel Dejemeppe Matthieu Delpierre Mathilde Pourtois (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-10-19 2023-10-19 10.14428/regardseco/2023.10.19.01 Focus 31 - octobre 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/80963 <p>La réduction de la durée hebdomadaire de travail est récemment revenue à l’avant-plan en Belgique. Il s’agit non pas de réduire marginalement cette durée mais d’expérimenter une formule de travail sur quatre journées accompagnée d’une durée hebdomadaire sensiblement réduite, la référence étant le système des 32 heures par semaine (quatre fois huit heures par jour, par exemple). Il existe de nombreuses évaluations des mises en oeuvre passées de la réduction du temps de travail. L’intention n’est pas ici de résumer ces évaluations, au demeurant de qualité très variable. Face aux prises de position récentes en Belgique à propos de la «semaine de quatre jours», ce focus de Regards économiques a pour objectif d’expliciter l’éventail des implications d’une telle formule. Trop souvent en effet, les prises de position ne mettent en avant que l’une ou l’autre de ces implications.</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-10-05 2023-10-05 10.14428/regardseco2023.10.04.01 Numéro 180 - juillet 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/78843 <p>Selon les données récentes des comptes nationaux, le rythme de croissance de l’économie belge s’est sensiblement raffermi en début d’année, le PIB national ayant augmenté de 0,5% entre décembre 2022 et mars 2023. Il ressort par ailleurs de l’évolution récente de plusieurs indicateurs conjoncturels que l’économie belge a progressé au même rythme soutenu au cours du 2ème trimestre.</p> <p>Malgré le repli important des prix de l’énergie, la croissance de l’économie belge ne devrait pas rester aussi soutenue sur l’ensemble de la période de projection. On s’attend en effet à ce que la dynamique de croissance soit prochainement bridée par les hausses répétées des taux d’intérêt, par le lent recul de l’inflation sous-jacente et un ralentissement de la croissance du pouvoir d’achat, ainsi que par le manque d’optimisme des ménages et des entreprises. Par ailleurs, la croissance de l’économie mondiale reste faible et, du fait du prolongement de la guerre en Ukraine, l’incertitude continue à être élevée.</p> <p>En 2023, la croissance annuelle moyenne de l’économie belge devrait être de 1,4%. Elle serait à peine différente en 2024, à 1,3%. Un peu plus de 100.000 emplois seraient créés sur les deux années de la période de projection. En raison d’une forte hausse de la population active, le chômage augmenterait en 2023, avant de repartir à la baisse en 2024. S’agissant de l’inflation, la croissance sur un an de l’indice général des prix à la consommation devrait faiblir jusqu’à 0,9% fin 2023 avant de remonter à 4,3% fin 2024.</p> <p><br>Résumé des prévisions</p> <p>• L’économie belge devrait croître de&nbsp;<strong>1,4%</strong>&nbsp;en 2023 et de&nbsp;<strong>1,3%</strong>&nbsp;en 2024.<br>• L’emploi&nbsp;<strong>augmenterait</strong>&nbsp;d’environ&nbsp;<strong>45.000</strong>&nbsp;unités en 2023 et de&nbsp;<strong>56.000</strong>&nbsp;unités en 2024.<br>• Le nombre de demandeurs d’emploi&nbsp;<strong>augmenterait</strong>&nbsp;de&nbsp;<strong>14.000</strong>&nbsp;unités en 2023, mais il&nbsp;<strong>diminuerait</strong>&nbsp;de&nbsp;<strong>15.000</strong>&nbsp;unités en 2024.<br>• L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait en moyenne à&nbsp;<strong>3,8%</strong>&nbsp;en 2023 et en 2024.<br>• Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait&nbsp;<strong>5,0%</strong>&nbsp;en 2023 et&nbsp;<strong>4,6%</strong>&nbsp;en 2024.</p> Aurélie Bertrand Vincent Bodart Florian De Bundel Alain Guillet Nathan Lachapelle Mathilde Pourtois Mathieu Sauvenier Leïla Van Keirsbilck (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-07-06 2023-07-06 10.14428/regardseco/2023.07.06.01 Numéro 179 - mai 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/78223 <p>Le sentiment de rejet et de mépris, l’absence de perspectives, la défiance à l’égard des institutions et du pouvoir, paradoxalement combinée avec une demande d’autorité, conduisent aux quatre coins du continent à des&nbsp;<strong>manifestations de colère sociale</strong>. Ces colères s’enclenchent à la suite de décisions politiques ou des catastrophes évitables. On citera l’accident ferroviaire en Grèce, les politiques restrictives des conservateurs anglais, la taxe carbone puis la réforme des retraites en France, la hausse soudaine du coût de la vie en Belgique et les flux migratoires en Italie.</p> <p>Comment expliquer ces mouvements populistes dans des pays qui consacrent jusqu'à 30% de la richesse nationale à la protection sociale ? Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;avance l’hypothèse que&nbsp;<strong>nos États providence ont négligé la mobilité sociale</strong>. Faute de pouvoir rêver d’ascension sociale pour eux-mêmes et pour leurs enfants, de nombreux citoyens épousent des idées populistes et votent pour des partis extrêmes.&nbsp;<strong>Cette relation entre populisme et mobilité sociale s’observe avec plus ou moins d’intensité dans les 27 pays qui sont étudiés</strong>.</p> <p>Que faire face à cette situation qui met en péril l’équilibre de nos démocraties ? Il convient d’agir à deux niveaux. D’abord, celui de l’éducation qui reste particulièrement inégalitaire, particulièrement en France et en Belgique. Donner à chacun les mêmes chances de s’éduquer devrait être une priorité. Ensuite, il y a le niveau du marché du travail qui demeure fermé à ceux qui n’appartiennent pas aux bons réseaux. Ici aussi il conviendrait de lutter contre les discriminations de tous genres et les barrières à l’entrée de certaines professions.</p> Sergio Perelman Pierre Pestieau (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-06-01 2023-06-01 10.14428/regardseco/2023.06.01.01 Focus 30 - mars 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/76663 <p>Le 17 mars 2023, Silicon Valley Bank (SVB), 16<sup>ème</sup> banque aux Etats-Unis par sa taille, déposait le bilan. Le jour même, l’action de Crédit Suisse, 17<sup>ème</sup> plus grande banque d’Europe, chutait de plus de 60% et sera rachetée deux jours plus tard par son principal concurrent, UBS, sous la pression du gouvernement helvète. Autour du 15 mars, les principales valeurs bancaires européennes perdaient plus de 10%, lâchant près de 20% en un mois. On peut donc légitimement se demander si nous ne sommes pas sur le point de revivre le scénario d’une crise bancaire mondiale avec les effets que l’on connait.</p> <p>La question se pose&nbsp;: faut-il avoir peur de nos banques&nbsp;? La régulation est-elle assez stricte&nbsp;? Les institutions qui dépendent du régulateur bancaire européen n’ont jamais été aussi solides, mais les réactions des investisseurs, y compris des épargnants, peuvent créer de grosses turbulences.</p> <p>En 2008, la crise financière trouvait son origine dans les <em>subprimes</em>. Via la titrisation, ces crédits hypothécaires toxiques se sont retrouvés sur le bilan d’un grand nombre de banques (voir le <a href="https://www.regards-economiques.be/index.php?option=com_reco&amp;view=article&amp;cid=75">numéro 64 de <em>Regards économiques</em></a>). Ne connaissant pas précisément l’exposition des autres institutions financières à ces produits, la méfiance contamina l’ensemble du secteur et le robinet des liquidités interbancaires fut coupé. La crise de 2008 révéla au grand jour le <em>risque de liquidité</em> des banques (à savoir le risque de ne pas pouvoir se refinancer), y compris de celles présentant un risque systémique. Elle mena à des réformes importantes dans la régulation bancaire, notamment via l’introduction des ratios de liquidités de Bâle III (<em>Leverage Coverage Ratio</em>, LCR et <em>Net Stable Funding Ratio</em>, NSFR) destinés à mesurer les risques associés (voir le <a href="https://www.regards-economiques.be/index.php?option=com_reco&amp;view=article&amp;cid=107">numéro 96 de <em>Regards économiques</em></a>). Les problèmes de SVB et de Crédit Suisse ont des origines différentes, mais engendrent le même climat de méfiance et de panique dans le secteur.</p> <p><em>Le cas de SVB</em></p> <p>La faillite de SVB est malheureusement un exemple tout à fait classique d’une gestion catastrophique : un bilan de 212 milliards de dollars composé notamment, côté passif, d’environ 173 milliards de dépôts (essentiellement d’entreprises) et, du côté actif, de 112 milliards de titres à revenu fixe, principalement des créances garanties par des institutions bénéficiant du support du gouvernement américain (MBS) ainsi que des bons du Trésor de maturité supérieure à 10 ans. Malgré l’excellente qualité de ces titres, le bilan de la banque californienne était fort déséquilibré, car très exposé au risque de taux d’intérêt&nbsp;: l’augmentation des taux à 10 ans de 1,5% à 4% au cours de l’année 2022 <a href="https://fred.stlouisfed.org/series/IRLTLT01USM156N">[1]</a> aura entrainé une perte de valeur sur ces titres de près de 15 milliards de dollars, ce qui correspond à la quasi-totalité des 16 milliards de dollars que comptaient les fonds propres de haute qualité (<em>Core Equity Tier 1</em>, CET1) de la banque [<a href="https://s201.q4cdn.com/589201576/files/doc_financials/2022/q4/Q4-2022-SVB-Basel-Pillar-lll-Disclosures.pdf">2</a>]. Le plus surprenant dans cette histoire est que SVB était tout à fait consciente de sa large exposition au risque de taux, comme l’attestent des rapports de risque datant de 2021. Il est probable qu’elle n’y ait pas suffisamment porté attention, ayant l’intention de détenir ces actifs jusqu’à leur maturité (l’autre explication proviendrait d’une absence de gestion de risque, le poste de directeur financier (CRO) étant resté vacant pendant la quasi-totalité de 2022 [<a href="https://fortune.com/2023/03/10/silicon-valley-bank-chief-risk-officer/">3</a>]). Le faible rendement des titres détenus (qu’on estime à environ 2%) ne permettait pas à SVB de répercuter sur ses dépôts l’augmentation brutale des taux décidée par la FED. Le doute quant à la solidité de la banque s’était immiscé, et la chute fut précipitée par le retrait massif des dépôts issus d’entreprises (très réactives aux taux offerts), et dont la plupart excédaient le seuil de protection garantie de 250.000 dollars. On estime qu’environ 97% des 173 milliards dépôts de SVB provenaient d’entreprises, une situation très inhabituelle dans la mesure où les dépôts dans les banques de détail proviennent en général majoritairement des particuliers (moins réactifs à une variation de taux et avec des montants se situant souvent sous la garantie de l’Etat).</p> <p><em>Le cas de Crédit Suisse</em></p> <p>S’agissant de la 45<sup>ème</sup> banque la plus importante du monde en 2022 et d’une des plus grandes d’Europe, Crédit Suisse est un mastodonte. Néanmoins, cette institution accumule les problèmes depuis de nombreuses années. Il y a quelques mois à peine, en octobre 2022, elle accepta de verser une compensation de plus d’un demi-milliard de dollars lors d’une transaction financière avec les autorités judiciaires américaines dans le cadre de la résolution d’un conflit lié à la crise de 2008. A cette époque, son cours était d’environ 80 francs suisses (CHF). Dix ans plus tard, en mars 2018, il n’était plus que de 15 CHF pour terminer à environ 2 CHF avant son rachat par UBS (au prix de 76 centimes par action). De manière assez paradoxale, c’est l’un des plus gros actionnaires de l’institution suisse, la Banque nationale saoudienne, qui a allumé la mèche en indiquant ne pas être en mesure d’injecter de nouveaux capitaux dans la banque helvète en raison d’une part actuelle de 9,9%, un niveau proche de la limite maximale autorisée dans leur mandat (10%) [<a href="https://www.reuters.com/business/finance/credit-suisses-saudi-backer-happy-with-transformation-plan-doesnt-think-extra-2023-03-15/">4</a>]. Apporter la précision qu’une augmentation de capital de Crédit Suisse n’était, selon elle, pas nécessaire n’y changera rien&nbsp;: à la mi-mars, les retraits s’enchainèrent à concurrence d’environ 10 milliards CHF par jour.</p> <p><em>Au suivant&nbsp;?</em></p> <p>Comme souvent dans le secteur bancaire, les séismes se propagent très rapidement, la plupart des actions financières ayant lâché près de 20% depuis leur niveau enregistré au début du mois de mars. Dès lors, faut-il redouter une contagion à l’ensemble du secteur&nbsp;?</p> <p>D’un côté, nous l’avons vu, les situations de ces deux institutions sont très particulières&nbsp;: SVB est une banque ayant un bilan très atypique, déséquilibré et essentiellement financé par des dépôts volatils d’entreprises très spécifiques (sociétés technologiques et investisseurs de capital à risque). De plus, son bilan étant inférieur à 250 milliards de dollars, elle n’était pas considérée comme une banque systémique par le régulateur américain, ce qui implique qu’elle n’était pas tenue de respecter des ratios de liquidités évoqués plus haut. Crédit Suisse, quant à elle, accumulait les problèmes depuis des années, et n’a pas pu bénéficier du soutien de son plus gros actionnaire pour des raisons de limite d’exposition atteinte. Il est donc très hasardeux de vouloir généraliser ces problèmes à l’ensemble du secteur.</p> <p>La situation des banques européennes reste très bonne. La régulation y est une des plus strictes au monde. La Belgique, en particulier, se situe parmi les meilleurs &nbsp;élèves de la classe en termes de capitalisation. Avec 19,7% de CET1 et beaucoup de cash, les banques belges sont très bien capitalisées (top 6 en Europe) [<a href="https://www.bankingsupervision.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ssm.pr220112~618de6b7dd.en.html">5</a>,<a href="https://www.statista.com/statistics/671348/tier-1-capital-ratio-of-banks-in-belgium/">6</a>]. Initialement fixé à 60% en 2015, le seuil minimum requis pour le ratio LCR a été poussé à 100% sous les normes de Bâle III, en 2018. L’autorité bancaire européenne (EBA) rapporte que la moyenne de ces ratios sur plus de 300 banques se situe actuellement bien au-delà, autour de 170% [<a href="https://www.eba.europa.eu/sites/default/documents/files/document_library/Publications/Reports/2023/1050841/Report%20on%20Liquidity%20Measures%20under%20Article%20509%281%29%20of%20the%20CRR.pdf">7</a>]<sup>1</sup>.</p> <p>Un point cependant nécessite une attention particulière&nbsp;: les ratios réglementaires de SVB et de Crédit Suisse étaient au vert. Ces banques étaient bien capitalisées (ratios CET1 et<em> Tier One Leverage</em> de 12,05% et de 8,11% pour SVB, et de 14,1% et 7,7% pour Crédit Suisse), plus du double des minimas requis. Bien que SVB n’était pas tenue de rapporter ses ratios de liquidité, plusieurs analystes s’accordent pour dire qu’ils auraient probablement été satisfaisants. C’était d’ailleurs le cas pour Crédit Suisse, dont les ratios de liquidité étaient de 144% (LCR) et 117% (NSFR), nettement supérieurs au seuil de 100% requis [<a href="https://www.credit-suisse.com/about-us/en/investor-relations/financial-regulatory-disclosures/regulatory-disclosures/pillar-3.html">8</a>]. Du côté du régulateur, donc, ces banques étaient jugées suffisamment solides.</p> <p>Faut-il en conclure que la régulation doit être renforcée&nbsp;? Indéniablement, la règlementation est déjà très stricte, et pèse lourdement sur la rentabilité des banques, particulièrement en Europe. De plus, il faut prendre conscience que la régulation est un jeu d’équilibriste avec des effets potentiellement pervers. En effet, des contraintes excessives limiteront les profits des institutions financières, et pousseront donc les banques dans des situations plus précaires encore. D’un autre côté, force est de constater qu’une banque, même saine (dans le sens où elle remplit toutes les conditions requises par le régulateur) reste très vulnérable à un <em>bank run</em>, c’est-à-dire un retrait massif des dépôts. De manière intéressante, la modélisation de la panique bancaire et les crises économiques qui en résultent sont au centre des recherches de D. Diamond et Ph. Dybvig, lauréats du prix de la Banque de Suède en sciences économiques (connu sous l’appellation de prix Nobel en économie) 2022 avec l’ancien président de la FED, Ben Bernanke [<a href="http://www.bsi-economics.org/1445-diamond-dybvig-bernanke-prix-nobel">9</a>]. La période actuelle démontre qu’au-delà des risques financiers réels mesurés par une pléthore d’indicateurs sophistiqués, le talon d’Achille du secteur bancaire réside essentiellement dans les réactions émotionnelles des investisseurs et épargnants [<a href="https://www.jstor.org/stable/1837095">10</a>]. Elles sont le symptôme d’une perte de confiance dans le secteur mais aussi, ce qui est plus inquiétant, dans la capacité des autorités régulatoires à pouvoir évaluer correctement la solidité des banques, et à garantir la stabilité de l’écosystème financier. Les banques restent fortement exposées au retrait massif de dépôts, source principale de leur financement. La résistance au <em>bank run</em> est difficile à évaluer, mais la régulation bancaire gagnerait probablement à renforcer ses analyses sur ce type de scénarios.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><sup>1</sup> Lorsque l’on analyse la solvabilité ou la prise de risque d’une institution financière, les montants absolus (tel que, par exemple, le montant des fonds propres) ne donnent pas une image complète concernant sa solidité; il faut analyser ces chiffres au regard des risques encourus. C’est la raison pour laquelle la régulation bancaire s’appuie sur des <em>ratios</em> où, en général, le numérateur correspond à des «rentrées» et le dénominateur à un «risque». Ainsi, par exemple, le taux de capitalisation CET1 correspond au rapport entre le montant de fonds propres de haute qualité et l’ensemble des actifs pondérés par les risques associés (<em>risk-weighted assets</em>, RWA, qui augmentent avec la prise de risque). Les banques belges ont, en moyenne, 19,7% de leurs RWA sous la forme de fonds propres de haute qualité. Le seuil minimum pour ce ratio, tel que déterminé dans les normes de Bâle III, est de 4,5%. D’autres ratios s’appliquent. Par exemple, les ratios LCR et NSFR mesurent la capacité qu’a l’institution financière de pouvoir faire face à des flux financiers sortants, pour lesquels les minimas requis sont actuellement de 100%. En Europe, ces ratios s’appliquent à toutes les banques (qu’elles soient systémiques ou non) et sont destinés à compenser le risque associé à la tendance naturelle qu’ont les banques à «jouer sur la courbe de taux», c’est-à-dire, à financer des besoins long-terme via des financements à court-terme. Cette approche permet à la banque de capter le différentiel de taux résultant de la différence de maturités entre actif et passif mais, comme l’illustre parfaitement le cas de SVB, elle entraine un risque de taux sur le bilan.</p> Frédéric Vrins (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-03-30 2023-03-30 10.14428/regardseco2023.03.30.01 Numéro 178 - février 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/75123 <p>En 1980 le ministre des pensions, Mr Herman De Croo appelait à une réforme des pensions pour faire face aux vieillissements démographiques à venir. En 2013, son fils Mr Alexander De Croo, ministre des pensions à son tour, mettait en place la Commission de réforme des pensions 2020-2040 avec à sa présidence l’actuel vice-premier ministre Mr Frank Vandenbroucke. En Juin 2014, la Commission remettait un rapport détaillé adopté à l’unanimité de ses membres (dont les auteurs de ce numéro faisaient partie). Ce rapport proposait une réforme structurelle de nos pensions légales. Depuis une décennie s’est écoulée et rien ne s’est produit à l’exception du report de l’âge légal à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030. Cette politique de l’âge est en elle-même assez paradoxale car le rapport proposait de «privilégier le kilométrage sur l’âge» en proposant un âge de pension variable selon l’âge de début de carrière.</p> <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards Economiques</em>, nous souhaitons contribuer à débloquer une réforme des pensions qui s’enlise progressivement. Nous proposons un cadre cohérent et un mécanisme concret pour organiser une transition progressive vers un système de pension plus simple et transparent qui offre des garanties réelles sur les pensions pour les jeunes et moins jeunes.</p> <p>Notre système de pension est devenu incompréhensible avec un enchevêtrement de conditions d’accès et des règles de calcul spécifiques aux différents régimes et qui posent un problème dans le cas des carrières mixtes de plus en plus fréquentes. Même dans le cas a priori le plus simple d’une pension minimum à 1500 euros net, les choses sont compliquées. Les conditions d’accès varient de 20 ans pour les fonctionnaires statutaires à 30 ans pour les fonctionnaires contractuels ou les salariés. Ensuite, le calcul des années de carrière est variable selon l’intensité de travail et selon les régimes. Il n’est pas cumulable entre régimes en cas de carrière mixte. Enfin, le montant de la pension minimum est proratisé à la durée de carrière effectivement prise en compte. Bref on a presque autant de pension minimum que l’on a de personnes potentiellement éligibles.</p> <p>Les gens ne s’y retrouvent plus et la méfiance s’installe insidieusement. Un progrès notable réalisé durant la dernière décennie est la plateforme MyPension.be qui offre une estimation d’un montant attendu de pension pour une personne qui approche l’âge de la retraite. Nous proposons de poursuivre la logique du Mypension.be jusqu’au bout en ouvrant un compte universel pension pour toutes et tous en cours ou en début de carrière et y compris pour ceux et celles qui sont déjà à la retraite. L’enjeu est de sécuriser les droits de pension de chacun au cours du temps par la matérialisation de ces droits au sein d’un compte universel pension (en répartition). Des sécurités sont en place qui empêchent la baisse des droits de pension au cours du temps. Un mécanisme d’indexation variable pourrait permettre la convergence des régimes. Les droits du passé sont protégés et seuls les droits futurs peuvent être modulés pour assurer la soutenabilité à long terme de nos pensions. Cette soutenabilité est réalisable moyennant des adaptations modérées mais soutenues des droits futurs de pension. Ces ajustements devraient pouvoir s’appliquer sans baisser la pension moyenne à condition de se faire au plus vite. Les plus fragiles sont protégés des «accidents de la vie» par des mécanismes de solidarité intégrés qui couvrent les périodes non prestées mais assimilables (chômage, maladie, …).</p> <p>Notre mécanisme du compte universel pension permet aussi d’organiser en toute cohérence une sortie progressive du marché du travail par l’intermédiaire d’une pension partielle en veillant à ne pas encourager des départs anticipés et à encourager la poursuite de l’activité par des corrections actuarielles adéquates. Il est possible de moduler le rythme de constitution des droits de pension en cours de carrière pour mieux compenser la pénibilité des métiers et les inégalités d’espérance de vie en introduisant notamment des mécanismes progressifs. Soutenabilité financière et adéquation sociale sont de ce fait parfaitement conciliables. Enfin, en cette période de Saint Valentin, il est concevable de mutualiser les droits de pension entre conjoints au travers du compte universel pension, ce qui apporte une touche additionnelle de solidarité qui est aujourd’hui absente de nos régimes de pension. Cette solidarité intra-familiale contribuerait fortement à réduire les écarts de pension entre hommes et femmes.</p> Jean Hindriks Pierre Devolder (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-02-17 2023-02-17 10.14428/regardseco/2023.02.17.01 Numéro 177 - février 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/75083 <p>En avril 2020, la rupture d’une digue d’un bassin de rétention d’eau de lagunage exploité par l’usine Tereos à Escaudoeuvres près de Cambrai (Nord de la France) a entraîné le déversement de près de 100.000 m3 de matières organiques dans le canal de l’Escaut. Il s’agit de l’une des plus grandes catastrophes industrielles entraînant de graves conséquences pour la nature que le nord de la France et la Belgique aient connu. La catastrophe de Tereos a entraîné un certain nombre de dommages écologiques significatifs qui ont été recensés en France mais également en Belgique et aux Pays-Bas où une mortalité inhabituelle des poissons y a été observée.</p> <p>L’arrêté préfectoral de 2021 prescrivant à l’entreprise Tereos la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures de réparation écologique de l’Escaut (dont la restauration de 10ha de zones favorables à la reproduction piscicole) constitue un des premiers cas d’application d’une loi sur la responsabilité environnementale qui impose de compenser en nature les dommages causés à l’environnement en France. A contrario,&nbsp;<a href="https://www.wallonie.be/fr/actualites/pollution-de-lescaut-lentreprise-tereos-condamnee-dedommager-la-wallonie">la condamnation de cette même entreprise par le tribunal de Lille à verser notamment près de 9 millions d’euros à la Région wallonne</a>&nbsp;au titre du préjudice écologique pour le même incident constitue une compensation purement financière. Cet exemple récent illustre que le principe de réparation des dommages environnementaux (qu’ils soient accidentels ou non) est rentré dans les mœurs, même si de nombreux enjeux se posent quant au type de réparation.</p> <p>Dans ce numéro de Regards Economiques, nous discutons des modalités des mesures de compensation écologique en réponse à des dommages environnementaux lorsque des critères à la fois écologiques, économiques et sociétaux sont pris en compte (nature endommagée, qualité de vie des habitants dégradée, coûts de restauration, etc.). Nous montrons qu’il est nécessaire d’atteindre un compromis entre des critères écologiques et des critères tenant compte de la préservation de la qualité de vie des habitants, ce que nous appelons le critère de «bien-être social».</p> <p>Si les mesures de compensation qui ont été décidées dans le cas Tereos constituent à bien des égards une avancée majeure dans la prise en compte des dommages environnementaux, elles se sont basées sur des études évaluant les capacités de régénération de la biodiversité. Il s’agit donc d’une évaluation principalement écologique. De ce fait, la notion de bénéfice du bien environnemental en tant que tel pour la population n’a pas été prise en compte dans ce cas précis. Or, la qualité de l’eau, la possibilité de pouvoir venir pêcher dans l’Escaut, les opportunités de profiter de la nature et d’espèces animales et végétales variées sont autant d’éléments participant de la qualité de vie des habitants. La pollution des berges et l’empoisonnement des poissons qui ont empêché la population avoisinante de pouvoir accéder aux berges, d’y bénéficier d’un usage récréatif et des zones de pêches n’ont pas été pris en compte pour l’évaluation de la compensation à mettre en place. De plus, même si plusieurs lieux de restauration ont été identifiés, ils ont été choisis sur la base de critères de faisabilité et d’efficacité écologique indépendamment du potentiel bénéfice que la population peut retirer de ces aménités environnementales.</p> <p>&nbsp;Dans notre étude, nous montrons qu’à résultat écologique équivalent, la prise en compte des populations impactées négativement par le dommage peut notamment remettre en question le choix des sites de mise en place de la compensation. La notion même de bien-être place également au cœur de la compensation écologique des enjeux de redistribution qui sont le plus souvent absents des critères de compensation exclusivement écologiques.</p> <p>Si la mise en œuvre d’une telle logique est difficile, elle semble toutefois nécessaire. En effet, la détermination de la «juste» compensation écologique va s’avérer être un réel enjeu dans les années à venir, notamment du fait d’un recours accru à ce type de mécanisme dans le cadre de dommages environnementaux liés à des projets d’aménagement du territoire (construction de lignes ferroviaires, développement de zones commerciales et industrielles, nouveaux quartiers, etc.) ou de pollution industrielle (comme celle imputable à l’<a href="https://www.rtbf.be/article/la-flandre-secouee-par-un-scandale-environnemental-qui-nous-concerne-tous-10781726">usine de Zwijndrecht du groupe chimique américain 3M</a>&nbsp;en province d’Anvers et mise à jour en 2021).</p> Pascal Gastineau Pascal Mossay Emmanuelle Taugourdeau (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-02-09 2023-02-09 10.14428/regardseco/2023.02.09.01 Numéro 176 - janvier 2023 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/74103 <p>Malgré l’inflation élevée et la détérioration de la confiance des ménages et des entreprises, l’économie belge était toujours en progression au 3<sup>ème</sup> trimestre 2022, même si le rythme de la croissance fut plus faible que celui enregistré aux deux premiers trimestres. Il est probable que cette performance positive soit due encore pour partie à la réouverture complète de plusieurs activités économiques dont l’accès en début d’année était encore restreint par les mesures sanitaires. Ce phénomène étant par nature temporaire, il ne devrait plus avoir d’impact économique significatif fin 2022, si bien que l’évolution de l’activité économique au dernier trimestre devrait être plus fortement marquée par la crise énergétique. Nous prévoyons ainsi une contraction significative (-0,3%) de l’activité économique belge entre septembre et décembre. Fin 2022, de nombreux freins à la croissance persistent&nbsp;: inflation élevée, resserrement des conditions de financement, faible confiance et incertitude élevée, ralentissement de la croissance économique mondiale. En raison de ceux-ci, l’activité économique belge devrait continuer à se contracter début 2023. Pour autant que les prix de l’énergie se stabilisent, la récession pourrait être de courte durée. Soutenue par un marché du travail qui est resté dynamique tout au long de 2022, la croissance économique pourrait redevenir positive dès le 2<sup>ème</sup> trimestre 2023.&nbsp;</p> <p>Selon ces perspectives, la croissance de l’économie belge en 2023 serait de +0,2% en base annuelle moyenne (contre 3,0% en 2022). L’emploi, qui a très fortement augmenté en 2022, n’augmenterait plus que faiblement en 2023, si bien que le chômage devrait se relever. Enfin, la hausse des prix devrait ralentir de manière significative en 2023.</p> <p><strong>Résumé des prévisions</strong></p> <ul> <li>L’économie belge devrait croître de <strong>0,2%</strong> en 2023.</li> <li>L’emploi <strong>augmenterait</strong> d’environ <strong>11.</strong><strong>000</strong> unités en 2023.</li> <li>Le nombre de demandeurs d’emploi <strong>augmenterait</strong> de <strong>12.600</strong> unités en 2023.</li> <li>L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait à <strong>5,3%</strong> en 2023.</li> <li>Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait <strong>5,0%</strong> en 2023.</li> </ul> Arno Baurin Vincent Bodart François Courtoy Nathan Lachapelle Mathilde Pourtois Mathieu Sauvenier Leïla Van Keirsbilck (c) Tous droits réservés Regards économiques 2023 2023-01-12 2023-01-12 10.14428/regardseco/2023.01.12.01 Numéro 175 - décembre 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/73523 <p>Ce nouveau numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;part du constat que l’inflation est élevée en Belgique et plus forte que chez la plupart de nos voisins. Comme ce fut le cas par exemple dans les années 1970, l'origine principale du choc d’inflation est une hausse de prix des biens importés, au premier rang desquels figurent les prix des énergies fossiles. Ceci engendre un appauvrissement de la «collectivité Belgique», formée des ménages, des entreprises et de l’État (en ce compris la sécurité sociale). La manière de partager cet appauvrissement entre ces composantes de la société est un enjeu de taille. La nature du choc subi fait qu’une composante particulière ne peut porter seule le poids de l’ajustement.</p> <p>L’inflation sous-jacente, qui fait abstraction de l'évolution des prix des produits énergétiques et des produits alimentaires non transformés, est également élevée et supérieure à celle de la plupart de nos voisins. Ceci fait craindre qu’une inflation importante et comparativement plus élevée s’incruste en Belgique.</p> <p>Parmi les facteurs responsables de la singularité belge en matière d’inflation, il y a une transmission plus rapide et plus forte des prix de gros des énergies aux utilisateurs finaux et, plus généralement, un manque de concurrence sur certains marchés. Il y a aussi la fréquente présence, dans les contrats, de clauses d’indexation liées à un indice de prix à la consommation. Ces constats n’ont rien de nouveau.</p> <p>L’appauvrissement collectif de la Belgique est important et, même s’il y a des perspectives d’atténuation du choc de prix des énergies fossiles, la durée de ce choc demeure incertaine et sa propagation aux autres prix préoccupante.</p> <p>Le point de vue défendu ici est qu’il y a lieu d’intervenir sur la période 2023-2024 au niveau de tous les mécanismes d’indexation automatique et au niveau de la formation des prix en Belgique. Une intervention limitée à l’indexation automatique des salaires et des allocations sociales manquerait d’efficacité et serait déséquilibrée. Il s’agit donc aussi de freiner l’indexation des loyers et celle qui est présente dans les autres contrats.</p> <p>Il y a lieu de limiter temporairement l’indexation automatique des salaires et des allocations sociales, mais la manière de le faire est cruciale. Une suspension momentanée de l’indexation automatique sous la forme du «saut d’index» d’avril 2015 aurait, dans le contexte actuel, des répercussions fort préoccupantes au sein des premiers déciles de la distribution des revenus. Pour éviter cet écueil, il est recommandé de maintenir l’indexation automatique inchangée jusqu’à un seuil de salaire ou d’allocation sociale et de la limiter temporairement de manière progressive au-delà.</p> <p>&nbsp;Une action sur la formation des prix en Belgique doit également être un chantier urgent. Quoi que le niveau européen décide au niveau du plafonnement du prix du gaz naturel, le chantier de la révision des modes de tarification du gaz et de l’électricité en Belgique devrait être prioritaire. En s’appuyant sur l’expertise disponible en Belgique, les autorités belges devraient aussi rapidement étudier la possibilité de bloquer&nbsp;<em>temporairement</em>&nbsp;certains prix dans des secteurs dont la viabilité n’est pas menacée.</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 2022-12-22 2022-12-22 10.14428/regardseco/2022.12.22.01 Numéro 174 - novembre 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/68663 <p>Les ménages et les entreprises sont confrontés à des hausses importantes de leurs factures d’énergie, conséquence de la guerre en Ukraine et de la volonté européenne de se passer du pétrole et du gaz russe. Entre janvier et août 2022, le prix du gaz est passé de 72€/MWh à 311€/MWh, soit une hausse de 331%. Le prix de l’électricité a suivi une évolution similaire, pourtant, le gaz n’est utilisé que pour produire 25% de l’électricité en Belgique. Comment dès lors expliquer un tel impact du prix du gaz sur celui de l’électricité ?</p> <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous expliquons le mécanisme de fixation du prix de l’électricité. Nous montrons notamment que l’organisation du marché de l’électricité crée une dépendance entre le prix de l’électricité et celui du gaz. Dans les circonstances actuelles, cette dépendance conduit à des hausses de prix bien supérieures aux hausses de coûts, avec comme conséquences des factures très élevées pour les consommateurs et les entreprises et des profits importants pour les producteurs. En effet, si le prix de l’électricité sur le marché a fortement augmenté, le coût de production du MWh électrique n’a pas progressé dans les mêmes proportions. En particulier, le coût de l’électricité produite à partir d’une centrale nucléaire, hydraulique, d’une éolienne ou de l’énergie solaire n’a pas fondamentalement changé depuis l’invasion de l’Ukraine. De ce fait, la marge des producteurs s’est considérablement accrue.</p> <p>Que peut-on faire pour, d’une part, limiter la hausse des factures d’électricité et, d’autre part, limiter les surprofits des producteurs ? Deux mesures sont déjà acquises : le plafonnement des prix du gaz au niveau européen et la taxation des surprofits, avec un seuil fixé à 130€/MWh par la ministre de l’énergie. Nous discutons brièvement ces deux mesures acquises avant de discuter d’autres solutions possibles pour contenir les prix sur le marché, comme une modification des paramètres d’indexation des contrats d’électricité, la suspension temporaire des subsides aux énergies renouvelables ou encore un changement du mécanisme de rémunération des énergies renouvelables et du nucléaire sur le marché.</p> Axel Gautier (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 2022-11-17 2022-11-17 10.14428/regardseco/2022.11.17.01 Numéro 173 - septembre 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/68173 <p>L’heure est à la crise de l’énergie et aux réponses à apporter à la flambée des prix, mais la question du «comment financer le coût du vieillissement», en particulier celui des pensions, subsiste.</p> <p><strong>La moins mauvaise manière de financer le coût du vieillissement consiste à prolonger les carrières et stabiliser le rapport entre retraités et travailleurs</strong>. Augmenter les cotisations et prélèvements ou baisser le montant des pensions s’apparente à une stratégie de simple répartition du coût du vieillissement entre générations. Le financement par la dette le reporte sur les générations futures. À l’opposé, les stratégies d’allongement des carrières motivant ce numéro de <em>Regards</em> visent à limiter voire éliminer ce coût. Des travaux réalisés à l'OCDE ont montré que l'indexation de la longueur des carrières sur l'espérance de vie pourrait stabiliser le rapport retraités/travailleurs, évitant une hausse des cotisations ou une réduction généralisée du niveau des pensions.</p> <p>En écho direct à ces analyses, en Belgique, l’objectif est d’atteindre un taux d’emploi de 80 %, notamment via un fort relèvement du taux d’emploi au-delà de 50 ans. Beaucoup de progrès ont déjà été enregistrés depuis le milieu des années 1990, au départ il est vrai d’un taux d’emploi des personnes plus âgées parmi les plus faibles de l’OCDE. Surtout, les progrès supplémentaires, attendus par les responsables politiques, risquent de s’avérer plus compliqués à réaliser. Car au-delà de gains mécaniques découlant de relèvements de l’âge légal de la retraite, <strong>l’allongement effectif des carrières dépendra pour une bonne part de la capacité <em>à lever les barrières </em>qui entravent l’emploi âgé</strong>.&nbsp;</p> <p>Le premier enseignement de ce numéro de <em>Regards </em>est que <strong>la (mauvaise) santé ne constitue pas la principale barrière à l’allongement des carrières</strong>. Dans un pays comme la Belgique, l’individu moyen dispose aujourd’hui d’une capacité raisonnable à exercer un emploi rémunéré, et ce jusqu’à 70 ans. L’enjeu est avant tout celui de l’hétérogénéité (croissante avec l’âge) de l’état de santé et du bon instrument à utiliser pour y répondre. La prise en compte de l’hétérogénéité doit-elle se faire à l’intérieur du système des pensions, par exemple via une différenciation de l’âge de départ&nbsp;? Ou faut-il prendre appui sur l’assurance maladie-invalidité&nbsp;? Ce texte avance un certain nombre d’arguments en faveur de la deuxième option. Le plus important est qu’à l’inverse de l’assurance maladie-invalidité, le régime des pensions n’est pas équipé pour évaluer, au cas par cas, la capacité à travailler et son évolution.</p> <p>Le deuxième enseignement est que l’essentiel des freins à l’emploi des personnes plus âgées découle de facteurs économiques et institutionnels. Certains se rapportent plutôt à l'offre de travail, c’est-à-dire relèvent des préférences et des choix individuels. Ainsi certaines personnes sont suffisamment riches et assurées pour envisager de lever le pied relativement tôt. Certaines encore aspirent à rejoindre leur conjoint plus âgé déjà retraité. D’autres barrières pointent vers la demande de travail, c’est-à-dire les employeurs. Elles correspondent à leur réticence à garder en emploi des travailleurs au-delà de 50 ans, en raison d’une baisse de productivité, d’un coût salarial élevé ou encore du risque de déséquilibre dans la pyramide des âges. <strong>Des deux côtés de la relation de travail peuvent exister des réticences à allonger les carrières ou des désaccords sur les modalités d’un tel prolongement</strong>.</p> <p>Considérons l’exemple du travail flexible/à temps partiel. Le «flexitime» est largement plébiscité par les travailleurs âgés, car il améliore l'équilibre vie professionnelle-vie privée. Mais il faut aussi compter avec le manque d'enthousiasme de certains employeurs. Les travailleurs ne choisissent pas seuls leurs horaires. Si le flexitime prend la forme d’une réduction du temps de travail, surgit, chez les employeurs, la crainte d’un effet inflationniste sur le coût horaire moyen. Car le coût total de la main-d'œuvre n’est pas strictement proportionnel aux heures prestées. <strong>Le gisement vers des emplois flexibles réside donc probablement plutôt dans les secteurs où la composante fixe du coût salarial est faible</strong> et qui seraient donc ceux à privilégier pour répondre aux aspirations des travailleurs plus âgés. Aussi, afin de promouvoir les opportunités de flexitime, les autorités devraient s’assurer que les politiques fiscales, sociales et salariales minimisent la part fixe des coûts salariaux.</p> <p>Enfin, ce numéro de <em>Regards</em> souligne l’urgence de remédier à la faible propension des entreprises, non pas tellement à prolonger l’emploi des travailleurs en poste, mais à <em>recruter</em> de nouveaux collaborateurs âgés. <strong>La hausse du taux d'emploi des personnes plus âgées depuis le milieu des années 1990 est principalement due à un taux de rétention plus élevé parmi les seniors.</strong> Autrement dit, les gains enregistrés sont le résultat de travailleurs restant plus longtemps auprès de leur employeur historique. Mais il ne s’agit là que d’une des modalités de l’allongement des carrières. D’autres modalités impliquent un détour par la case chômage. Et, dans ce cas, l’allongement effectif de la carrière dépend des opportunités d’emploi qui se présentent.</p> <p>La réticence des employeurs à recruter peut relever de la discrimination et les stéréotypes négatifs liés à l'âge qu’il a lieu de combattre vigoureusement. Mais elle peut aussi correspondre à un handicap d’employabilité qu’il convient de combattre tout autant. Cela implique, entre autres, de lutter contre le risque de baisse de productivité avec l’âge, via notamment <strong>un effort accru en matière de formation continue</strong>. Rappelons à ce titre qu’une étude récente de la BNB montre que la Belgique se caractérise par un des handicaps les plus élevés en Europe en termes d’accès à formation formelle ou informelle (définition Eurostat) des travailleurs de 55-64 ans. Cela pose également la question du maintien des règles de progression salariale à l’ancienneté telles qu’héritées des années 1970.</p> Vincent Vandenberghe (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 2022-09-22 2022-09-22 10.14428/regardseco/2022.09.22.01 Numéro 172 - juillet 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/67313 <p>Depuis notre dernière analyse trimestrielle de conjoncture, des nuages ont assombri les perspectives conjoncturelles de l’économie mondiale, en ce compris celles concernant la zone euro et la Belgique.</p> <p>La principale raison de cette situation est l’éclatement de la guerre en Ukraine à la fin février.</p> <p>Le conflit déclenché par la Russie, et les sanctions prises rapidement en guise de représailles par de nombreux pays occidentaux à l’encontre de la Russie, ont en effet amené plusieurs bouleversements dans le paysage conjoncturel international&nbsp;: flambée des prix des matières premières (pétrole et gaz, minerais, denrées alimentaires et engrais agricoles), nouvelles perturbations dans les chaînes mondiales d’approvisionnement, et durcissement des conditions monétaires et financières.</p> <p>En raison de ces chocs négatifs, un ralentissement de la croissance économique belge et internationale paraît inévitable. L’ampleur de ce ralentissement soulève une importante inquiétude, le risque d’une nouvelle récession étant de plus en plus souvent évoquée par les médias.</p> <p>Selon notre analyse, qui relève que la confiance des chefs d’entreprises belges n’a faibli que de manière limitée depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, l’économie belge ne devrait ralentir que modérément à court terme (Encadré 2). Nous estimons en effet que, grâce à la bonne santé du marché du travail, à l’épargne importante accumulée par les ménages durant la pandémie et au rôle de l’indexation automatique dans la préservation du pouvoir d’achat des ménages, l’économie belge devrait résister à court terme aux chocs négatifs évoqués ci-dessus. La fin des restrictions sanitaires devrait également soutenir l’activité économique à court terme.&nbsp;</p> <p>La résilience apportée par ces différents éléments devrait toutefois progressivement s’estomper, si bien que nous anticipons une quasi-stagnation de l’économie belge fin 2022 et durant la première moitié de 2023. A cet horizon, l’impact du durcissement des conditions monétaires et financières devrait par ailleurs se faire davantage ressentir. Durant la seconde moitié de 2023, sous l’hypothèse d’un apaisement dans le conflit ukrainien et d’une diminution des tensions sur les marchés des matières premières, la croissance de l’économie belge se renforcerait et redeviendrait proche de son niveau potentiel.</p> <p>Selon ces perspectives, la croissance de l’économie belge s’établirait en 2022 à 2,7% en base annuelle moyenne. En 2023, elle tomberait à 0,8%. 93.000 emplois seraient créés sur les deux années de la période de projection (Encadré 1). S’agissant de l’inflation, la croissance sur un an de l’indice général des prix à la consommation redescendrait progressivement sur la période de projection, pour se situer à 3,8% fin 2023 (contre 9,7% en juin 2022).</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Résumé des prévisions</strong></p> <ul> <li>L’économie belge devrait croître de <strong>2,7%</strong> en 2022 et <strong>0,8%</strong> en 2023.</li> <li>L’emploi <strong>augmenterait</strong> d’environ <strong>58.000</strong> unités en 2022 et <strong>35.000</strong> unités en 2023.</li> <li>Le nombre de demandeurs d’emploi <strong>diminuerait</strong> de <strong>16.000</strong> unités en 2022 et de <strong>2.500</strong> unités en 2023.</li> <li>L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait à <strong>8,4%</strong> en 2022 et <strong>5,2%</strong> en 2023.</li> <li>Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait <strong>5,0%</strong> en 2022 et <strong>4,9%</strong> en 2023.</li> </ul> Arno Baurin Vincent Bodart Guillaume Dallemagne Nathan Lachapelle Alexandre Ounnas Mathilde Pourtois Mathieu Sauvenier Leïla Van Keirsbilck (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-07-13 2022-07-13 10.14428/regardseco/2022.07.13.01 Numéro 171 - juin 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/66823 <p>La plupart des jeunes qui ne trouvent <strong>pas d'emploi après leurs études</strong> ont droit, au terme d’une période non indemnisée d’un an, à une allocation de chômage, appelée « <strong>allocation d'insertion</strong> ». En <strong>2015</strong>, le gouvernement Michel a <strong>supprimé le droit à cette allocation</strong> pour deux groupes : les jeunes de plus de 25 ans et les jeunes de moins de 21 ans et sans diplôme d'études secondaires. <strong>L'objectif</strong> était d'<strong>inciter les jeunes à chercher davantage un emploi et à ne pas quitter l'école</strong> prématurément. Des <strong>scientifiques de l’UCLouvain </strong>(Muriel Dejemeppe et Bruno Van der Linden), de l’UCLouvain-<strong>Saint-Louis</strong> Bruxelles (Koen Declercq) et de l’UGent (Bart Cockx), ont <strong>examiné si ces réformes ont atteint leurs objectifs</strong>. Résultats&nbsp;:</p> <ol> <li><strong>Pour les jeunes sans diplôme de l’enseignement secondaire, la réforme passe complètement à côté de son objectif</strong>. La suppression du droit à l’allocation d’insertion n’a d’effet statistiquement significatif ni sur les chances de trouver un emploi, ni sur l’obtention d’un diplôme ou encore sur l’abandon scolaire&nbsp;;</li> <li><strong>Les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur trouvent plus rapidement un emploi du fait de cette réforme, mais ce n’est pas un emploi durable</strong>. Plus précisément, entre le troisième et le sixième mois suivant l’inscription en tant que demandeur d’emploi, la transition vers des emplois intérimaires de très courte durée a certes augmenté, mais les résultats indiquent que <strong>la réforme n’a pas favorisé l’accès à des emplois plus durables</strong>.</li> <li>Cette étude a révélé un <strong>effet non intentionnel</strong> de la réforme pour les jeunes de l’enseignement supérieur qui, en raison de leur âge, risquaient de perdre leurs droits aux allocations une fois sortis des études. Cette perspective a <strong>incité certains jeunes à achever leurs études plus tôt et à ne pas les arrêter prématurément</strong>. Devant ce résultat se pose la question de savoir si supprimer le droit aux allocations d’insertion après 25 ans est le meilleur moyen d’améliorer les performances académiques dans l’enseignement supérieur. Après tout, ces effets positifs ne concernent qu’un petit groupe, tandis que la <strong>suppression des allocations d’insertion est susceptible d’accroître la dépendance financière de bien des jeunes vis-à-vis de leurs familles et de plonger certains dans la pauvreté</strong> (effets qui n’ont pas pu être mesurés dans le cadre de cette étude).</li> </ol> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Comment expliquer ces effets&nbsp;? </strong></p> <p>Les incitations financières à chercher du travail ne sont pas efficaces pour tout le monde et n’ont pas toujours de bons effets. Après la fin de leurs études, une année s’écoule sans que les jeunes aient droit aux allocations d’insertion, ce qui incite beaucoup d’entre eux à chercher activement un emploi. Par conséquent, quand arrive le moment où certains jeunes perdent le droit à ces allocations, ceux pour qui ces incitations financières jouent un rôle ont souvent déjà trouvé un emploi. Au sein du groupe qui est encore au chômage à ce moment-là, <strong>les incitations financières ne sont guère efficaces</strong>. Ce sont des jeunes qui n’ont <strong>pas les compétences appropriées</strong> pour trouver de l’emploi, qui ont des <strong>difficultés à prendre en compte les conséquences futures</strong> de leurs décisions ou qui <strong>procrastinent</strong>. La littérature montre que ces problèmes concernent principalement les <strong>jeunes peu scolarisés</strong>. Ceci permet de comprendre pourquoi nous ne trouvons pas d’effets pour ce public mais bien parmi les (futurs) diplômé·es du supérieur.</p> <p><strong>Implications politiques&nbsp;?</strong> Cette recherche UCLouvain, Saint-Louis et UGent montre que les <strong>incitations financières deviennent inefficaces à mesure que la durée de chômage s’allonge</strong>. La <strong>formation</strong> et l’<strong>accompagnement</strong> des jeunes demandeurs d’emploi sont des alternatives qui ont déjà été évaluées dans le cadre d’autres recherches (notamment publiées dans <em>Regards économiques</em>, numéros 160 et 108).</p> <p><strong>Population étudiée et méthode d’évaluation&nbsp;? </strong>Les scientifiques ont utilisé des données administratives du <strong>FOREM</strong> et du <strong>VDAB</strong>, ainsi que des départements en charge de l’enseignement de la <strong>Communauté flamande et de la Fédération Wallonie-Bruxelles</strong>. Afin de mesurer les effets de la réforme, ils contrastent l'évolution des résultats pour les groupes d'âge qui ont perdu le droit aux prestations en 2015 à celle d'autres groupes d'âge qui n'ont pas perdu ce droit. Cette méthode dite de « différence des différences » permet de mesurer les effets de la réforme sous certaines conditions dont l’étude vérifie la crédibilité. Les effets ont été examinés sur la transition vers un emploi (potentiellement temporaire) 6, 12 et 18 mois après l'inscription du demandeur d'emploi, ainsi que sur l'achèvement et l'arrêt prématuré des études. Les effets de la suppression du droit aux allocations pour les plus de 25 ans n'ont été examinés que pour des groupes dans l’enseignement supérieur, tandis que la suppression de ce droit pour les jeunes de moins de 21 ans n'a été examinée que pour les jeunes sans diplôme d'études secondaires.</p> <p>Cette étude a été réalisée grâce à un financement de la Banque nationale de Belgique.</p> Bart Cockx Koen Declercq Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-06-16 2022-06-16 10.14428/regardseco/2022.06.16.01 Numéro 170 - avril 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/65853 <p>L’afflux de réfugiés ukrainiens est inédit dans l’histoire de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Fin mars 2022, le Haut-Commissariat aux Réfugiés enregistre plus de 4 millions de réfugiés en provenance d’Ukraine. D’autres sources prédisent un total proche de 10 millions si la guerre perdure. Dans ce numéro de <em>Regards économiques</em>, nous discutons d’abord des potentielles conséquences économiques associées, avant de souligner l’importance d’une coordination renforcée entre pays de l’Union européenne.</p> <p>Le caractère historique de cet afflux de réfugiés ne doit pas faire oublier que la grande majorité des réfugiés continuera à résider dans des pays à faible ou moyen revenu, hors Union européenne. Une mise en perspective s’impose également quant à la capacité d’absorption des pays européens. Sans même évoquer les différences de richesse, le nombre de réfugiés ukrainiens représenterait à peine plus d’1% de la population européenne. Sans pour autant sous-estimer les défis liés à l’accueil des individus originaires d’Ukraine, la distribution des réfugiés au sein de l’Union européenne aura sans doute une incidence considérable sur les conséquences de cet épisode migratoire.</p> <p>La littérature économique nous montre qu’à terme la migration n’a pas d’effets néfastes sur les finances publiques ou sur le marché du travail. Au contraire, les réfugiés peuvent contribuer de manière positive à leur économie d’accueil en occupant, par exemple, des emplois en manque de main d’oeuvre, en créant eux-mêmes du travail pour la population du pays d’accueil, ou simplement en consommant ou en investissant dans le pays de destination. Toutefois, il faudra du temps pour voir se matérialiser de tels effets économiques et ceux-ci sont sans doute conditionnés à une réception et une intégration réussies des réfugiés ukrainiens à court terme. À cet égard, nous soutenons qu’une plus grande coordination entre pays de l’Union européenne est nécessaire.</p> <p>À l’aide de différentes clés de répartition, nous proposons certaines pistes pour déterminer une répartition plus équilibrée des réfugiés en fonction des capacités d’absorption de chaque pays. Un manque de coordination aboutirait certainement à une situation asymétrique où des pays comme l’Allemagne, la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie et la Roumanie, caractérisés par une forte diaspora ukrainienne et proche géographiquement de l’Ukraine, accueilleraient la majorité des réfugiés. En supposant un rôle de soutien identique des réseaux ukrainiens entre les destinations, la Belgique en accueillerait moins de 40.000. Une entente sur la distribution des réfugiés ukrainiens à moyen terme, en fonction de critères comme la population, le PIB ou une combinaison des deux favoriserait une responsabilité partagée entre pays européens en fonction de leurs capacités d’absorption. Selon un scénario pessimiste de 10 millions de réfugiés ukrainiens, la Belgique devrait accueillir entre 259.000 et 305.000 individus.</p> Lucas Guichard Joël Machado Jean-François Maystadt (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-04-21 2022-04-21 10.14428/regardseco/2022.04.21.01 Focus 29 - mars 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/65363 <p>Le 28 février dernier se tenait la Journée internationale des maladies rares. Alors que 6 à 8% de la population belge serait atteinte d’une maladie rare, on estime que 94% de ces maladies rares n’ont pas de traitement. Pour la petite proportion de maladies rares pour lesquelles un traitement est disponible, le processus allant de la découverte d’une molécule à sa commercialisation prend en moyenne 10 ans. Devant de tels longs délais, le développement des vaccins contre la Covid-19 en une petite dizaine de mois est une prouesse, et pousse à s’interroger sur les raisons de cette rapidité sans précédent.</p> <p>La recherche médicale, pour un traitement, se décompose typiquement en trois grandes étapes : la «recherche pré-clinique» en laboratoire, la «recherche clinique» où le traitement est expérimenté sur des êtres humains et l’autorisation et mise sur le marché du traitement.</p> <p>Dans le cas de vaccins, la recherche peut avoir trois objectifs : (1) une amélioration de vaccins existants – meilleure efficacité, moins d’effets secondaires, conditions de conservation ou d’administration plus simples, etc.; (2) une actualisation des vaccins existants – comme c’est le cas des vaccins contre la grippe, qui sont différents chaque année en fonction des souches en circulation; (3) le développement d’un nouveau vaccin.</p> <p>La recherche médicale est un processus long, coûteux et incertain. La durée des différentes étapes dépend de nombreux facteurs, dont les principaux sont la difficulté de la question de recherche, les connaissances déjà acquises et également les aspects administratifs, logistiques, et financiers.</p> <p>La recherche dans le contexte des vaccins anti-Covid a suivi globalement la même démarche que les autres vaccins. Elle s’est cependant distinguée par le fait qu’il a été possible de gagner du temps à plusieurs niveaux dans ce processus. Tout d’abord, le vaccin anti-Covid a bénéficié de recherches qui étaient déjà dynamiques et avancées sur les vaccins à ARN messager et à vecteur adénovirus notamment pour d’autres virus tels que Ebola ou Zika. Ensuite, le recrutement de personnes pour les essais cliniques a pu se faire en quelques semaines puisqu’il s’agissait de recruter des personnes saines et qu’un suivi de quelques mois à un an était suffisant pour établir le rapport risque-bénéfice du vaccin. Enfin, l’urgence mondiale de la situation a poussé les instances réglementaires à réduire au maximum les délais induits par les procédures administratives et logistiques.</p> <p>De plus, une autre particularité du développement du vaccin anti-Covid a eu trait aux aspects financiers. Des scientifiques dans les domaines publics et privés ont collaboré et leur recherche s’est appuyée sur un investissement financier important des phases de recherche et de développement par les contributeurs habituels mais aussi des contributeurs privés et philanthropiques. De plus, l’achat en avance de doses de vaccins par plusieurs Etats a permis de partager le risque financier dans le processus de financement du vaccin.</p> <p>De cette situation sans précédent, nous tirons plusieurs enseignements.</p> <p>Premièrement, cette prouesse montre que la recherche médicale pourrait être menée plus rapidement. La question du financement semble clef dans ce contexte, mais d’autres aspects comme encourager plus de collaborations entre les différents acteurs privés et/ou publics et dégager un nouveau modèle de recherche pourraient permettre de raccourcir la recherche pré-clinique et clinique. Néanmoins, le temps de développement de traitements concernant des pathologies avec un mécanisme d’action complexe et encore peu connues, nécessitant un recrutement de patients plus complexes, et un suivi à long terme comme c’est souvent le cas d’une maladie rare, aura moins de chances de pouvoir être raccourci.</p> <p>En second lieu, on se doit de constater que la rapidité du développement de vaccins anti-Covid-19 a accru la méfiance ou peur de la population vis-à-vis de la vaccination. La crise sanitaire a donc révélé qu’une plus grande «culture médicale» pourrait être nécessaire au sein de la population afin d’amenuiser les possibles incompréhensions, mauvaises interprétations et finalement, frustrations que cela a engendré.</p> <p>Enfin, il est à craindre que cette prouesse médicale a été obtenue au prix d’une priorisation des ressources, tant humaines que logistiques et financières au profit de projets de vaccins anti-Covid-19. Ainsi, le recrutement et la participation des patients dans des essais cliniques autres que ceux dédiés à la Covid-19 durant ces deux dernières années ont vraisemblablement été ralentis voire arrêtés. Les conséquences négatives sur les autres patients que les patients Covid-19 sont difficilement quantifiables mais certainement non négligeables.</p> Catherine Legrand Sandy Tubeuf (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-03-15 2022-03-15 10.14428/regardseco/2022.03.10.01 Focus 28 - février 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/64403 <p>Le défi de l’avenir de nos pensions, un moment occulté par la crise sanitaire, revient au cœur de l’actualité. Après des décennies marquées par une succession de réformes ponctuelles, sans doute légitimes pour la plupart mais sans vision d’ensemble, nous avons plus que jamais besoin d’une vraie réforme redonnant confiance et apportant justice, simplicité et réalisme à nos pensions légales. De nombreuses enquêtes d’opinion montrent en effet que le Belge n’a plus confiance dans le système existant; il est inquiet face à son avenir de retraité et il ne comprend plus grand-chose face à la complexité croissante des règles. Les différentes «réformettes» qui ont été prises ces dernières décennies créent de la confusion et complexifient encore plus nos systèmes de pension déjà bien compliqués, en superposant à chaque réforme des dispositions nouvelles.</p> <p>Face à ces inquiétudes, nous ne proposons ni de procéder à une réformette de plus, ni de s’engager dans un «big bang» anxiogène, mais plus pragmatiquement d’envisager une évolution de notre pension légale vers un compte individuel pension pour mieux sécuriser et garantir les pensions présentes pour nos retraités et les pensions futures pour les jeunes.</p> <p>Le principe en est le suivant : un compte pension exprimé en euros est ouvert pour chaque affilié. Ce compte est alimenté chaque année de travail par un montant de pension exprimé en euros et égal au salaire brut individuel de l’année (plafonné) multiplié par un taux appelé taux d’acquisition, à fixer chaque année. C’est donc le morceau de pension qui est promérité pour l’année de travail. En cas d’inactivité professionnelle durant l’année, à l’instar des périodes assimilées dans le calcul actuel des pensions, ce compte est alimenté par un salaire imputé (plafonné) multiplié par le taux d’acquisition. Le taux d’acquisition est donc identique pour les périodes d’activité et les périodes assimilées. Le nouveau droit en euros vient s’ajouter à ce qui a déjà été constitué et qui est revalorisé.<br>Ce mécanisme concilie sécurité et adaptation, deux qualités essentielles tout particulièrement durant cette crise sanitaire. En effet, le compte pension permet en cours de carrière de sécuriser la formation progressive des droits du passé et évite ainsi l’effet surprise en fin de carrière comme dans un système par points. Par ailleurs, et contrairement aux systèmes actuels de pension légale, cette protection du passé n’empêche pas de pouvoir, si nécessaire, ajuster les droits futurs. En fait, le compte pension permet un pilotage souple de nos dépenses de pension en dissociant clairement les droits acquis du passé de l’acquisition de nouveaux droits.</p> <p>Le compte pension, en dissociant les droits passés des droits futurs, permet également une transition progressive par rapport à l’existant, constituant de ce fait une évolution de nos systèmes plutôt qu’une révolution. Il permettra aussi d’envisager une harmonisation progressive entre les différents statuts de pension légale (salariés, fonctionnaires, indépendants); les systèmes fonctionneront de manière identique selon des règles communes, mais les paramètres pourront différer d’un régime à l’autre. Les éventuelles différences qui subsisteraient entre statut ne seraient plus simplement justifiées par l’histoire mais elles découleraient de différences objectives (par exemple l’absence actuelle de deuxième pilier pour les fonctionnaires statutaires).</p> <p>Le système permet également d’envisager plus d’équité dans la fixation de l’âge de la retraite en mettant en avant la durée de la carrière comme paramètre central plutôt qu’un âge uniforme, autorisant ceux qui entament leur carrière plus tôt, notamment les moins qualifiés, de partir à la retraite plus tôt. Il contient également de manière naturelle un mécanisme de bonus-malus pour ceux désirant anticiper leur retraite ou voulant travailler plus longtemps. Ce mécanisme permet également de prévoir de manière équitable un régime unique de pension progressive, générant une transition harmonieuse et cohérente des fins de carrière.</p> Pierre Devolder Jean Hindriks (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-02-03 2022-02-03 10.14428/regardseco/2022.02.03.01 Numéro 169 - janvier 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/64323 <p>L’inflation est de retour et avec elle la flambée des prix de l’énergie. Dans ce numéro 169 de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous mesurons l’impact de la crise sanitaire et du prix de l’énergie sur l’inflation mais aussi et surtout sur les inégalités qu’elle engendre. En effet, les prix n’évoluent pas tous dans la même mesure et les ménages ont des structures de consommation très différentes. En outre la transition énergétique s’accompagne d’une hausse du prix de l’énergie face à laquelle les ménages ne sont pas tous égaux. C’est assez simple à comprendre. D’abord, la consommation d’énergie est fonction de la taille des ménages et les ménages pauvres sont souvent plus nombreux à loger dans une même habitation. Ensuite, les ménages pauvres n’ont ni panneaux photovoltaïques, ni chauffe-eau solaire, ni chaudière à condensation, ni pompe à chaleur, ni maison passive, ni électroménager classe A++ ou lampes à basse consommation. Enfin, les ménages pauvres sont souvent des locataires qui n’ont pas le pouvoir de décision en matière de rénovation et d’isolation. Au final, la part des dépenses énergétiques est 6 fois plus élevée pour le décile le plus pauvre par rapport au décile le plus riche.</p> <p>Dans ce rapport nous calculons le niveau d’inflation spécifique à chaque groupe de revenus compte tenu de leurs structures de consommation différentes. Cette question est centrale compte tenu de notre mécanisme d’indexation uniforme des salaires et prestations sociales qui est basé sur l’indice santé, lui-même construit sur base d’un profil de consommation moyen. Or, ce panier du belge moyen n’existe pas en réalité. Dans le numéro 102 de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, il avait déjà été montré que pour la période 2001-2011 l’indice santé sous-estimait de 9 points de pourcent l’inflation réelle des bas revenus et que cette sous-estimation était tirée principalement par les prix de l’énergie. Nous confirmons à nouveau cette tendance pour la période 2011-2021 avec une inflation réelle pour les bas revenus de 5.5 points de pourcent supérieure à l’indice santé lissé (qui tient compte du saut d’index du gouvernement Michel 1er ).</p> <p>Nous montrons que les prix de l’énergie jouent un rôle central dans les inégalités d’inflation. Depuis le début du siècle en Belgique, toutes les années marquées par des hausses des prix de l’énergie sont synonymes d’un creusement des inégalités d’inflation en défaveur des ménages les plus pauvres. A contrario, lorsque les prix de l’énergie diminuent, ces inégalités d’inflation s’inversent. Ce fut le cas en 2014-2015 avec la baisse de la TVA sur l’électricité à 6% puis en 2019-2020 avec le confinement et la mise en arrêt de l’activité économique au niveau mondial qui ont fait baisser les prix de l’énergie.</p> <p>Ceci est d’autant plus pertinent vu la situation actuelle. La flambée récente des prix de l’énergie à des niveaux inédits se fait progressivement ressentir dans la facture des ménages et l’inflation s’accélère fortement, surtout pour les ménages pauvres. Ceci est interpellant car les hausses enregistrées des prix de l’énergie sur les marchés internationaux (le prix du gaz a quadruplé en Europe en 2021) ne sont encore que partiellement répercutées dans la facture des ménages. Beaucoup de ménages sont temporairement protégés par des contrats à prix fixe qui arriveront à échéance en 2022 et dont la facture sera inévitablement revue à la hausse. Nous discutons dans ce rapport de plusieurs pistes pour mieux protéger les bas revenus contre cette poussée inflationniste avec une attention particulière pour une TVA sociale et un cliquet inversé sur l’énergie. La TVA sociale aurait l’avantage de rendre l’énergie domestique durablement moins cher pour les ménages en situation de précarité énergétique, alors que le cliquet inversé permettrait de lisser les factures des ménages et les recettes de l’Etat dans un environnement international incertain. Baisser la TVA ou baisser le thermostat résume assez bien le dilemme écologique auquel nous sommes confrontés cet hiver. Et la crise des gilets jaunes en France nous a rappelé combien il est dangereux d’imposer une fiscalité uniforme sur des biens essentiels sans moduler l’intervention ou l’accompagner de compensations qui tiennent compte de la diversité des situations sociales.</p> Jean Hindriks Antoine Germain (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-01-26 2022-01-26 10.14428/regardseco/2022.01.26.01 Numéro 168 - janvier 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/64283 <p>En 2021, la reprise économique a été rapide mais le rétablissement de l’activité économique n’est que partiel, les disparités sectorielles ont été fortes en termes de reprise de l’activité, l’emploi des travailleurs moins qualifiés a baissé et l’intensité des difficultés de recrutement, elle aussi hétérogène d’un secteur à l’autre, a dépassé ce qui s’observe lors de chaque reprise économique.</p> <p>Concernant ce dernier phénomène, ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;élabore une brève comparaison entre le fonctionnement des marchés du travail belge, allemand et néerlandais. Un constat émerge sur la période 2018-2021 : si, après prise en compte de leurs tailles bien différentes, ces trois économies avaient autant d’emplois vacants, le taux de chômage belge serait nettement supérieur à celui des deux autres pays. Le taux de chômage est un concept souvent critiqué pour son étroitesse. Si l’on y substituait un indicateur alternatif de sous-utilisation de la main d’œuvre, l’écart entre la Belgique et les Pays-Bas fonderait, mais pas celui entre notre pays et l’Allemagne.</p> <p>Ensuite, ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;tente d’expliquer le constat fait au paragraphe précédent. La fréquence des entrées en chômage, plus élevée en Belgique que chez nos deux voisins, est un premier facteur explicatif. Les autres facteurs concernent la sortie du chômage. Une proportion plus grande de chômeurs de longue durée est défavorable à la Belgique. Des indicateurs, certes imparfaits, de formation initiale sont aussi défavorables à notre pays. La présence de plusieurs langues de travail se révèle également être un frein à un bon appariement sur le marché du travail. La distance géographique entre les demandeurs d’emploi et les viviers d’emploi est une autre source de préoccupation compte tenu de la hausse du coût du logement là où l’emploi se développe et des problèmes de mobilité. Les gains financiers en cas de reprise d’emploi demeurent assez faibles au bas de l’échelle des rémunérations en Belgique. C’est aussi vrai en Allemagne, mais moins aux Pays-Bas. Enfin sans chercher ici l’intensité du phénomène dans les trois pays, les attitudes discriminatoires compliquent aussi l’appariement dans le cas de demandeurs d’emploi d’origine étrangère.</p> <p>Enfin, ce texte relève quelques réponses aux difficultés de recrutement. A côté de la préoccupation assez évidente de la formation initiale et continuée de notre population, nous attirons l’attention sur la possible réallocation des travailleurs qui sont sur-éduqués dans les emplois qu’ils occupent, sur la remise en question des conditions d’accès des étrangers à notre marché du travail et sur la capacité d’ajustement des rémunérations à des déséquilibres entre offre et demande sur le marché du travail. Comme les difficultés de recrutement concernent aussi des professions ne requérant pas de longue formation et que les moins scolarisés sont surreprésentés dans le chômage, la question d’un renforcement des obligations pesant sur les personnes indemnisées est légitime. Il nous apparaît toutefois que le cadre réglementaire actuel suffit à orienter les chômeurs indemnisés vers les métiers en pénurie et les formations qui préparent à les exercer.</p> Vincent Bodart Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-01-25 2022-01-25 10.14428/regardseco/2022.01.21.01 Numéro 167 - janvier 2022 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/64213 <p>Alors que la croissance de l’économie belge fut très soutenue durant une large partie de l’année écoulée, nos estimations indiquent que celle-ci a considérablement ralenti en fin d’année, comme le montre l’encadré 2. Les principaux facteurs explicatifs de ce ralentissement sont la dégradation de la situation sanitaire, les difficultés rencontrées par les entreprises pour accroître leur production, et une forte hausse de l’inflation.&nbsp;</p> <p>Ces facteurs devraient continuer à freiner considérablement la croissance de l’économie belge début 2022. Le risque sanitaire posé par la variant Omicron a ainsi contraint la Belgique et ses voisins européens à réinstaurer des mesures sanitaires strictes. Les contraintes d’offre sont par ailleurs encore importantes.</p> <p>Au-delà du court terme, en comptant sur une amélioration des conditions sanitaires à partir de la fin de l’hiver et sur une diminution des perturbations dans les chaînes mondiales d’approvisionnement, la croissance économique belge se raffermirait, sans pour autant être aussi soutenue qu’elle ne l’a été en 2021.</p> <p>Selon nos prévisions, l’économie belge progresserait de 3,0 % en 2022, après une forte progression de 6,1 % en 2021 (Encadré 1). L’emploi, qui a fortement augmenté en 2021, augmenterait encore de manière significative en 2022, de sorte que le chômage continuerait à reculer (Encadré 1). Enfin, la hausse des prix devrait progressivement ralentir en 2022.</p> Arno Baurin Vincent Bodart François Courtoy Guillaume Dallemagne Nathan Lachapelle Alexandre Ounnas Mathilde Pourtois Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés Regards économiques 2022 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2022-01-18 2022-01-18 10.14428/regardseco/2022.01.14.01 Numéro 166 - octobre 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/64023 <p>Diverses études macroéconomiques ont été publiées ces derniers mois, relatives au deuxième pilier de pension en Belgique (pilier des pensions complémentaires formé des assurances de groupe et des fonds de pension), notamment de la part de la Cour des Comptes et du Bureau Fédéral du Plan. Un des objectifs de ces analyses a été de tenter d’évaluer le coût pour l’Etat des avantages fiscaux et parafiscaux accordés aux affiliés de ce deuxième pilier. En effet, le deuxième pilier jouit d’un traitement fiscal et parafiscal particulier visant notamment à encourager, dans le contexte du vieillissement bien connu, l’épargne retraite à long terme. Ces études ont aussi porté sur le caractère plus ou moins inégalitaire de ce deuxième pilier dans sa configuration actuelle. S’il faut saluer ces analyses qui manquaient jusqu’à présent, et qui enrichissent le débat sur les pensions, il n’est pas inutile par ailleurs d’en examiner la méthodologie et d’en discuter les principes.</p> <p>Ces études sont ainsi caractérisées par une approche budgétaire qui vise à comparer, une année donnée, les avantages accordés (principalement des cotisations sociales à taux réduit et la déductibilité des contributions versées) et les taxes prélevées (principalement la taxation des prestations obtenues à la retraite). Cette approche peut se comprendre dans une vision purement comptable mais elle ne prend pas en compte la dynamique de long terme intrinsèque à la constitution de pension : les contributions d’aujourd’hui payées pendant la durée d’activité sont le pendant des prestations de demain à la retraite, pas des prestations payées aujourd’hui ! Ce phénomène est d’autant plus marqué que le deuxième pilier belge est en pleine mutation depuis la loi de 2003 sur les pensions complémentaires. Un deuxième point d’attention est que ces évaluations ont été faites sur le seul deuxième pilier, sans prise en compte d’interactions avec le premier pilier.</p> <p>Notre étude vise à pallier à ces critiques; nous mesurons les avantages fiscaux et parafiscaux du deuxième pilier pour travailleurs salariés, d’une part tout au long du cycle de vie d’un individu et d’autre part en intégrant les liens avec le premier pilier. En particulier, nous avons voulu mettre en parallèle aux avantages accordés aux affiliés du deuxième pilier, la taxe implicite résultant du mode de financement particulier à la Belgique de nos pensions légales de premier pilier pour salariés. En effet, si, comme dans la plupart des pays, un plafond de rémunération existe pour la détermination de la pension légale (actuellement de l’ordre de 61.000 €), ce plafond ne joue pas en Belgique, contrairement aux autres pays, pour le calcul des cotisations sociales. Les salariés se voient ainsi prélever sur la partie de leur salaire au-dessus du plafond des cotisations sans aucune ouverture de droit. On pourrait ainsi dire, en regardant l’ensemble des pensions d’un salarié, que l’Etat donne d’une main par les avantages au deuxième pilier ce qu’il reprend de l’autre par cette taxe de premier pilier. L’étude chiffre ces effets sur la base de différentes hypothèses portant notamment sur le profil d ‘un affilié type et d’un plan de pension de référence; des études de sensibilité sont ensuite présentées.</p> <p>Ainsi, pour le profil individuel de référence choisi, le coût brut annuel moyen du seul deuxième pilier s’élève à 47 % des contributions de ce deuxième pilier. L’étude du Bureau du plan mettait en évidence un coût annuel du deuxième pilier des salariés de 2,1 milliards sur 3,988 milliards de contributions (soit 53 %). Si on tient compte des effets sur le premier pilier, principalement la taxe implicite mentionnée ci avant, le coût est diminué de plus de moitié, passant à 21 % des contributions. L’étude met également en évidence les effets de solidarité et illustre que si les avantages de deuxième pilier analysé isolément croissent avec le salaire, notre système global de pension premier et deuxième pilier reste bien largement solidaire du fait principalement de la présence de cette taxe implicite.</p> <p><a href="https://sites.uclouvain.be/econ/Regards/Regards2021_annexe_technique.pdf">télécharger l'annexe technique</a></p> Pierre Devolder (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-12-23 2021-12-23 10.14428/regardseco/2021.10.01.01 Numéro 165 - juillet 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/62603 <p>Après avoir connu un coup d’arrêt au dernier trimestre 2020, la reprise de l’économie belge apparaît à nouveau bien enclenchée depuis le début de l’année en cours.&nbsp; Entre décembre 2020 et mars 2021, l’économie belge a progressé de 1 % et, selon nos prévisions, sa progression fut de 1,3 % au deuxième trimestre. &nbsp;</p> <p>La croissance de l’économie belge devrait encore se renforcer durant la seconde partie de l’année.&nbsp; L’environnement économique international est à nouveau dynamique, tandis que la couverture vaccinale a fortement augmenté en Belgique, autorisant la réouverture de la plupart des activités économiques qui, il y a peu, étaient encore sous le coup des restrictions sanitaires. Dans ce contexte, la confiance des ménages et des entreprises belges a connu un rebond spectaculaire au cours des derniers mois.&nbsp; Pour autant que la situation sanitaire demeure sous contrôle, le redressement de l’économie belge se poursuivrait en 2022, mais à un rythme plus modéré.&nbsp; &nbsp;</p> <p>Selon ces perspectives, l’économie belge progresserait de 5,8 % en 2021 et de 3,6 % en 2022.&nbsp; Elle retrouverait son niveau d’avant crise au dernier trimestre 2021 mais, fin 2022, le niveau du PIB serait encore inférieur d’environ 1,5 % par rapport au niveau auquel il se serait situé sans l’éclatement de la crise économique et sanitaire. Des créations d’emplois significatives sont attendues sur la période de projection mais l’amélioration du chômage serait plus modeste. <br><br></p> <p>Résumé des prévisions pour la Belgique&nbsp;</p> <ul> <li>L'économie belge devrait croître de 5,8% en 2021 et 3,6% en 2022.&nbsp;</li> <li>L'emploi augmenterait d'environ 32.000 unités en 2021 et 18.000 unités en 2022.&nbsp;</li> <li>Le nombre de demandeurs d'emploi diminuerait de 10.000 unités en 2021, mais il augmenterait de 9.000 unités en 2022.&nbsp;</li> <li>L'inflation générale des prix à la consommation s'élèverait de 1,6% en 2021 et 2,0% en 2022.&nbsp;</li> <li>Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait 6,8% en 2021 et 3,8% en 2022.&nbsp;</li> </ul> Gautier Attanasi Arno Baurin Vincent Bodart François Courtoy Guillaume Dallemagne Nathan Lachapelle Alexandre Ounnas Mathilde Pourtois Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr 2021-07-08 2021-07-08 10.14428/regardseco/2021.07.08.01 Numéro 164 - Juin 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/62263 <p>Dans ce numéro spécial de <em>Regards économiques</em>, <strong>trois expertises dialoguent</strong> afin d’offrir une <strong> compréhension multidisciplinaire</strong> du «télétravail» aujourd’hui et demain :</p> <ul> <li>D’un <strong> point de vue économique</strong>, la question clé demeure celle de <strong>l’incidence d’une pratique intensive de télétravail à domicile sur la mobilité, les villes et l’économie dans son ensemble</strong>. Le gain espéré de productivité au travail sous-tend le développement du télétravail. Souvent déclaré, mais rarement mesuré de façon précise, des rares études montrent néanmoins une <strong>relation de cause à effet entre la pratique du travail à domicile et un surcroît de productivité au travail</strong>. Mais, qu’en sera-t-il demain sur le long terme ? Et quel impact une pratique plus forte du télétravail peut-elle avoir sur la demande et l’offre immobilières dans les villes et sur les marchés locaux du travail ? Ce sont quelques-unes des analyses développées par <strong>Jacques-François Thisse</strong>, professeur émérite d’économie à l’UCLouvain.</li> </ul> <ul> <li><strong>Du point de vue des organisations et du management,</strong> la pratique du télétravail a conduit <strong>à revisiter les processus de régulation du rapport au travail</strong> (tels que le contrôle et l’autonomie au travail, les styles de management, l’identité au travail, la productivité et l’équilibre entre sphères privée et professionnelle). Autre enjeu pour les entreprises ? La gestion de la distance sur les comportements au travail (notamment l’hyper connexion ou l’invisibilisation). Selon <strong>Laurent Taskin</strong>, professeur en sciences de gestion à l’UCLouvain, le futur verra s’intensifier le télétravail. L’enjeu organisationnel et managérial clé de l’après-covid sera donc de <strong>réinventer de nouvelles routines de travail autour de la présence</strong>, là où c’était la distance qui était régulée avant la crise covid. C’est cette réflexion qui permettra de préserver et valoriser l’innovation, la créativité et la socialisation.</li> <li><strong>Du point de vue des individus</strong>, les recherches sur le télétravail ont identifié de longue date des <strong>effets plutôt positifs en termes de satisfaction, de motivation, de bien-être ou de fidélisation</strong>, justifiant une demande, de la part des travailleurs, pour ce type d’arrangement. Se basant sur une enquête menée durant le premier confinement en Belgique, <strong>Isabelle Hansez</strong>, professeure de psychologie à l’ULiège, offre une perspective nuancée des conditions de la pratique du télétravail durant le confinement et des perspectives affichées par les personnes sondées. Plus que jamais, semble-t-il, <strong>la dimension du bien-être au travail semble clé dans la valorisation du télétravail</strong> par les individus et montre aussi les disparités de situations (familiale, professionnelle) qui amènent à apprécier différemment la flexibilité offerte par le télétravail.</li> </ul> <p>&nbsp;</p> <p>Ces trois regards se complètent et permettent, in fine, d’identifier les équilibres et les tensions qui caractérisent le développement du télétravail. Et donner <strong>des pistes qui pourront satisfaire</strong> à la fois les <strong>travailleurs, les managers, les entreprises</strong> et les acteurs qui vivent de la présence des travailleurs sur leur lieu de travail (commerces, services, entretien…) ? Voici les principaux <strong>enseignements et recommandations</strong> des trois scientifiques :</p> <ul> <li>L’accroissement de productivité dû à la pratique du télétravail est lié à sa fréquence <strong>: au-delà de deux jours par semaine ou de 50% du temps de travail, l’impact sur la productivité s’atténue</strong>&nbsp;;</li> <li>Le développement du télétravail peut potentiellement modifier la consommation d’espace de bureau (décroissance) et domestique (croissance), dans un mouvement qui <strong>risque de dévitaliser les centres urbains et d’affaires</strong>&nbsp;;</li> <li>La pratique plus intensive du télétravail <strong>menace l’existence de communautés de travail</strong> au sein des organisations, au profit de liens plus formels et instrumentaux avec l’organisation et les collectifs de travail&nbsp;;</li> <li>Pour les travailleurs, la pratique du télétravail est <strong>source de satisfactions</strong> (autonomie, flexibilité, par exemple) <strong>mais aussi d’inconfort</strong> (ergonomie, conflit privé-professionnel, ambiguïté des attentes, par exemple)&nbsp;;</li> <li>Les politiques publiques doivent d’urgence proposer des <strong>solutions de mobilité</strong> afin de faciliter <strong>l’accès aux centres urbains</strong>, pour les travailleurs, et <strong>juguler une potentielle désertion de ceux-ci</strong> par les quartiers d’affaire—la mobilité étant le premier facteur de choix pour le télétravail&nbsp;;</li> <li>Les employeurs doivent <strong>formaliser la possibilité de télétravail</strong> dans des accords collectifs négociés et permettre à leurs salariés d’être <strong>dans de bonnes conditions de travail</strong> à domicile, a fortiori si le télétravail fait l’objet d’une politique organisationnelle ou de gestion des ressources humaines&nbsp;;</li> <li>Le management doit <strong>réguler la présence des équipes de travail</strong> en tenant compte de leurs réalités propres (activités, par exemple) afin de <strong>préserver les liens sociaux, garants d’une performance de long terme</strong>&nbsp;;</li> <li>Les travailleurs sont invités à <strong>organiser leurs temps et leurs espaces</strong> privé et professionnel de sorte à permettre une <strong>conciliation harmonieuse</strong>.</li> </ul> Isabelle Hansez Laurent Taskin Jacques-François Thisse (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr 2021-06-08 2021-06-08 10.14428/regardseco/2021.06.08.01 Focus 27 - Mai 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/61983 <div class="">Le gouvernement belge&nbsp;a décidé que, du 8 mai au 30 septembre 2021, un taux réduit de TVA de 6% serait&nbsp;appliqué aux services de restaurant et de restauration, en ce compris les&nbsp;boissons. La&nbsp;question de la baisse de la TVA dans l’Horeca n’est pas nouvelle.&nbsp;Bien avant la crise du Covid-19, le 30 juin 2009, les trois fédérations ...</div> <div class="">&nbsp;</div> <div class=""><strong class="">Texte sur la page en savoir plus (normalement c’est tout le texte du focus; comme il est long, a des notes de bas de page et des encadrés, je propose ne de retenir que l’intro):</strong></div> <div class="">Le gouvernement belge a décidé que, du 8&nbsp;mai au 30 septembre 2021, un taux réduit de TVA de 6% serait appliqué aux&nbsp;services de restaurant et de restauration, en ce compris les boissons. La&nbsp;question de la baisse de la TVA dans l’Horeca n’est pas nouvelle. Bien avant la&nbsp;crise du Covid-19, le 30 juin 2009, les trois fédérations Horeca de Belgique,&nbsp;soutenues par l'Union des Classes&nbsp;Moyennes (UCM) et l'UNIZO, avaient lancé un&nbsp;appel commun en vue d'une baisse de la TVA dans le secteur, de 21% à 6%. Cette&nbsp;demande était motivée par la décision prise en France à l’époque par&nbsp;le&nbsp;Gouvernement de François Fillon de faire passer la TVA sur la restauration en&nbsp;France du taux plein de 19,6% au taux réduit de 5,5%, en conformité avec la&nbsp;directive européenne en matière de TVA.&nbsp;<br class=""><br class="">Avant de s’interroger sur l’opportunité&nbsp;de cette baisse temporaire de la TVA en Belgique - dont il ne faut pas&nbsp;sous-estimer le coût budgétaire - une question&nbsp;qui&nbsp;se pose est de savoir qui va en profiter.&nbsp;La théorie nous enseigne que, contrairement&nbsp;à certaines intuitions trop rapides, la TVA n’est pas en général transmise&nbsp;intégralement dans les prix, mais elle est partiellement prise en charge par&nbsp;les&nbsp;vendeurs (y compris les employés au travers des salaires) en remontant&nbsp;parfois la chaîne des fournisseurs. Pour savoir si cette baisse de la TVA va&nbsp;effectivement profiter au secteur Horeca, il convient&nbsp;d’analyser son incidence&nbsp;sur les prix et les ventes. En particulier, si la baisse de la TVA est&nbsp;intégralement répercutée sur les prix des consommateurs, sans que le volume de&nbsp;vente augmente, cela sera&nbsp;sans effet pour le secteur. Le soutien espéré au&nbsp;secteur Horeca se transformera en définitive en un soutien aux clients qui&nbsp;accaparent la totalité de la baisse de la TVA.<br class=""><br class="">Dans sa réforme de la&nbsp;TVA, le gouvernement belge stipule que cette baisse de la TVA doit être&nbsp;temporaire avec un retour ultérieur au taux initial de 21%.&nbsp;Une question supplémentaire se pose alors :&nbsp;les effets de cette&nbsp;hausse de la TVA seront-ils répartis dans les mêmes proportions entre&nbsp;restaurateurs et consommateurs que l’auront été les effets de la baisse de la&nbsp;TVA ?&nbsp;Pour que la réforme de la&nbsp;TVA profite pleinement à&nbsp;l’Horeca, il faudrait que la baisse de la TVA conduise à une faible baisse des&nbsp;prix avec une forte hausse de la demande; et que la hausse ultérieure de la TVA&nbsp;soit&nbsp;principalement répercutée sur les prix avec un faible impact sur la&nbsp;demande. L’effet total sur les prix serait neutre en cas de symétrie de l’effet&nbsp;baisse et de l’effet hausse des prix. Pour se faire une idée&nbsp;sur toutes ces&nbsp;questions, il est utile de revenir sur les effets de la réforme française.</div> Jean Hindriks Valerio Serse (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-05-25 2021-05-25 10.14428/regardseco/2021.05.25.01 Numéro 163 - avril 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/61693 <p style="margin: 6px 0px; color: #444444; font-family: Verdana, Arial, sans-serif; font-size: 12px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Parmi les principaux indicateurs macroéconomiques, le chiffre de croissance trimestrielle du PIB permet d’évaluer l’évolution récente de la situation économique générale d’un pays. Pour cette raison, ce chiffre constitue une source d’information précieuse pour guider les choix des acteurs économiques, notamment en ce qui concerne les décisions de politiques budgétaires et monétaires.</p> <p style="margin: 6px 0px; color: #444444; font-family: Verdana, Arial, sans-serif; font-size: 12px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Il s’avère cependant que les données de croissance trimestrielle du PIB ne sont disponibles qu’avec un certain délai. Dans le cas de la Belgique, une estimation préliminaire (dite estimation «<em style="font-style: italic; color: inherit !important;">flash</em>») de la croissance économique pour un trimestre donné est publiée par l’Institut des Comptes Nationaux (ICN) environ 30 jours après la fin de ce trimestre. Un chiffre plus définitif, basé sur des données plus tangibles, est ensuite publié 60 jours après la fin du trimestre.</p> <p style="margin: 6px 0px; color: #444444; font-family: Verdana, Arial, sans-serif; font-size: 12px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Du fait de ces délais de publication, des méthodes ont été développées dans le but de produire un estimateur de la croissance du PIB en temps réel, appelé dans le jargon estimateur «<em style="font-style: italic; color: inherit !important;">nowcasting</em>», qui soit suffisamment précis pour être utile à la prise de décision des acteurs économiques. Ces méthodes de «prévision en temps réel» sont aujourd’hui largement utilisées pour produire des estimations très précoces du PIB.</p> <p style="margin: 6px 0px; color: #444444; font-family: Verdana, Arial, sans-serif; font-size: 12px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Ce numéro de&nbsp;<em style="font-style: italic; color: inherit !important;">Regards économiques</em>&nbsp;présente ces méthodes, et en donne une application pour la zone euro, la Belgique et la Wallonie.</p> <p style="margin: 6px 0px; color: #444444; font-family: Verdana, Arial, sans-serif; font-size: 12px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Une application concrète concerne la prévision de croissance du PIB pour le premier trimestre 2021. Ainsi, sur base des statistiques disponibles à la fin mars, nous obtenons une prévision de la croissance trimestrielle du PIB de + 0,2 % pour la zone euro, de + 1,0 % pour la Belgique et de + 0,7 % pour la Wallonie.</p> <p style="margin: 6px 0px; color: #444444; font-family: Verdana, Arial, sans-serif; font-size: 12px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: #ffffff; text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Dans le cas de la Wallonie, nous produisons à partir de ces méthodes des données trimestrielles de croissance du PIB, lesquelles n’existent pas pour l’instant. Ainsi, pour 2020, la croissance économique de la Wallonie est estimée à - 4,1 % au 1er trimestre, 12,6 % au 2ème trimestre, + 9,1 % au 3ème trimestre et + 0,1 % au 4ème trimestre. Pour la Belgique, les données de croissance correspondantes, lesquelles sont déjà disponibles, sont de - 3,4 % au 1er trimestre, - 11,8 % au 2ème trimestre, 11,6 % au 3ème trimestre et - 0,2 % au 4ème trimestre. La croissance annuelle de la Wallonie pour 2020 est estimée à - 8,8 %, un chiffre inférieur à celui publié pour la Belgique (- 6,3 %).</p> <div id="ConnectiveDocSignExtentionInstalled" data-extension-version="1.0.4">&nbsp;</div> Vincent Bodart Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-04-26 2021-04-26 10.14428/regardseco/2021.04.29.01 Numéro 162 - avril 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/61383 <p>La moyenne hebdomadaire des nouvelles admissions COVID des dernières semaines a conduit le SPF Santé Publique à suggérer un passage à la phase 1B du plan de <em>Surge Capacity</em> le 22 mars 2021. Selon cette phase 1B, les hôpitaux doivent reporter des soins non urgents afin de disposer d’une capacité hospitalière suffisante pour fournir les soins nécessaires aux patients COVID comme aux patients non-COVID.</p> <p><strong>Le report et/ou le renoncement à des soins médicaux depuis le début de la crise sanitaire est devenu plus fréquent dans la population</strong>. Qu’il s’agisse d’un report de rendez-vous par les professionnels de santé ou un renoncement aux soins par les patients par crainte de contracter le coronavirus, ces soins médicaux non satisfaits pourraient conduire à une dégradation ultérieure de l’état de santé et donc directement ou indirectement à une surmortalité. Ce numéro de <em>Regards économiques</em> réalise un premier état des lieux de l’ampleur du renoncement aux soins durant le premier confinement à partir des données d’une <strong>enquête en ligne menée auprès de la population en Belgique au printemps 2020</strong>.</p> <p>L’analyse montre un important renoncement à des soins spécialistes et des examens médicaux dans la plupart des cas pour des raisons qui relèvent de l’offre de soins, notamment le fait que les hôpitaux ou les établissements de soins ont annulé ou reporté les rendez-vous médicaux ou que les professionnels de santé avaient fermé leur cabinet. Puisqu’ils sont nécessairement de plus grands utilisateurs de soins, ce sont <strong>les plus malades</strong> qui ont particulièrement renoncé à des soins médicaux. En revanche, dans le cas des soins dentaires, des disparités dans le renoncement s’observent majoritairement <strong>au détriment des plus pauvres</strong>. Une détérioration de l’état de santé de la population est donc à craindre du fait du renoncement à des soins médicaux durant le confinement et au-delà puisqu’une proportion non négligeable de personnes rapportent ne pas envisager d’aller consulter lors d’un futur besoin de soins.</p> <p>A partir de ces premiers résultats chiffrés de l’ampleur et les raisons du renoncement aux soins durant le premier confinement, nous <strong>formulons plusieurs points d’attention pour les décideurs politiques</strong>.</p> <ul> <li>Bien que nous ne soyons pas en mesure de comparer l’ampleur du renoncement aux soins au cours des confinements successifs, le maintien de l’offre de soins dans les confinements plus récents devrait permettre de limiter les externalités négatives sur les autres malades que les malades COVID-19. <strong>Le report de soins même jugés non urgents devrait être évité autant que possible</strong>.</li> <li>Alors que le profil des répondants à l’enquête est socialement plus avantagé que la population générale, nous avançons que ces résultats sont une borne inférieure de l’ampleur du renoncement aux soins dans la population belge et des conséquences futures sur la santé de la population. Les conséquences de soins médicaux non satisfaits sont susceptibles d’être encore plus importantes dans des sous-groupes de la population qui cumuleront non seulement <strong>un renoncement aux soins médicaux dû au confinement mais aussi un renoncement pour raisons financières</strong> s’ils subissent des pertes d’emploi ou de revenu accrues en raison de la COVID-19.</li> <li>Ces obstacles à l'accès aux soins de santé et les besoins insatisfaits ont mis en évidence la difficulté du système de santé à être suffisamment résilient pour absorber le choc d’une pandémie. Il sera donc important que les décideurs politiques envisagent des <strong>plans nationaux de santé publique de grande ampleur qui «ramènent» les patients vers les soins</strong>. Il s’agira non seulement d’encourager les patients dont le suivi s’est interrompu à reprendre leur traitement et à évaluer la détérioration de leur état de santé mais aussi d’encourager tous les patients qui ont manqué une opportunité de dépistage de ne pas perdre plus de temps dans l’identification potentielle de problèmes de santé sévères.</li> </ul> Marie Bertier Jeroen Luyten Sandy Tubeuf (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-04-01 2021-04-01 10.14428/regardseco/2021.04.01.01 Numéro 161 - mars 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/61173 <p>L’or est étroitement mêlé à l’histoire des hommes, étant tour à tour chair des dieux égyptiens, matière des premières pièces de monnaie, promesse de liberté lors des ruées vers l'or et ancrage du système monétaire international. Aujourd’hui, alors qu’il ne joue plus de rôle officiel dans nos systèmes monétaires, l’or continue de susciter l’intérêt des investisseurs.</p> <p>En août 2020, le prix de l’or a atteint un nouveau sommet en dépassant ponctuellement les 2.000 dollars l’once. L’investissement est tentant. Les vertus présumées de l’or sont multiples. Certains y voient un refuge lorsque le climat économico-financier se dégrade, d’autres une couverture contre les fluctuations du dollar américain, d’autres un moyen de se protéger de l’inflation. Et justement, les craintes d'un retour de l'inflation ressurgissent, au vu des niveaux d'endettement de nos économies.</p> <p>Dans ce numéro de <em>Regards économiques</em>, nous testons la validité de cette dernière vertu : la propriété qu'aurait l'or de protéger contre l’inflation. L’originalité de notre approche est non pas d’évaluer la capacité propre de l’or à préserver le pouvoir d’achat, mais plutôt sa performance relative par rapport à d’autres matières premières que sont, par exemple, le pétrole, le cuivre ou le blé. En nous appuyant sur différentes techniques statistiques, nous montrons que la réputation de l'or est surfaite, l'or n'étant pas plus apte à protéger contre l’inflation que ne l’est le maïs, le nickel, le pétrole ou toute autre matière première.</p> Jean-François Carpantier (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-03-17 2021-03-17 10.14428/regardseco/2021.03.16.01 Numéro 160 - mars 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/60783 <p>Ce numéro de <em>Regards économiques</em> analyse la question de la <strong>formation des demandeurs d’emploi en Belgique</strong>, du côté néerlandophone en particulier. Ces formations sont-elles efficaces pour améliorer l’insertion professionnelle des chômeurs et si oui, pour quels demandeurs d’emploi en particulier&nbsp;?</p> <p>Pour mener cette étude, Bart Cockx, spécialiste des questions du marché de l’emploi, a travaillé en collaboration avec le VDAB (le service public de l’emploi flamand) et le professeur Michael Lechner (Université de Saint-Gall en Suisse). Ils ont utilisé les <strong>techniques </strong><strong>d’analyse statistique des Big Data</strong>. Ils les ont appliquées à un grand ensemble de données administratives anonymisées sur des demandeurs d’emploi résidant en Flandre. Ces techniques permettent de prévoir le gain d’emploi qu’un chômeur peut espérer de sa participation à une formation donnée.</p> <p>Les <strong>trois résultats majeurs</strong> présentés dans cette étude sont les suivants&nbsp;:</p> <ol> <li><strong> Quelles sont les formations les plus efficaces&nbsp;?</strong> Parmi les types de formation étudiés (sessions d’orientation professionnelle, formation professionnelle de type court et formations de durée moyenne), <strong>ce sont les formations professionnelles courtes qui sont les plus efficaces</strong>; elles augmentent la durée moyenne passée en emploi des participants de 3,5 mois (soit + 21 %) par rapport à l’absence de participation.</li> <li><strong> Pour quel profil de demandeur d’emploi </strong><strong>les formations sont les plus efficaces&nbsp;? </strong>Les formations ont le plus d’impact sur le retour à l’emploi des <strong>immigrés récents dont la connaissance du néerlandais est limitée</strong>.</li> <li><strong> Comment améliorer l’efficacité des formations&nbsp;? </strong>Si le VDAB attribuait les programmes de formation aux demandeurs d’emploi selon l’algorithme informatique développé par les chercheurs, on obtiendrait une <strong>augmentation de 20 % de la durée passée en emploi grâce aux formations</strong>.</li> </ol> <p>Cette étude démontre que <strong>les outils informatiques et statistiques peuvent apporter un soutien dans l’attribution des politiques d’aide à l’emploi pour les chômeurs</strong> mais également que les gains d’emploi peuvent être conséquents si on alloue les formations à celles et ceux qui en tirent le plus de bénéfices.</p> Bart Cockx (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-03-04 2021-03-04 10.14428/regardseco/2021.03.04.01 Focus 26 - janvier 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/60423 <p>Les crypto-monnaies, comme le Bitcoin ou Ethereum, animent le débat public depuis au moins 10 ans. A leur avènement, les banques centrales se sont montrées pour le moins frileuses. Ainsi, dans <a href="https://eba.europa.eu/sites/default/documents/files/documents/10180/598344/b99b0dd0-f253-47ee-82a5-c547e408948c/EBA%20Warning%20on%20Virtual%20Currencies.pdf?retry=1">un rapport publié en 2013</a>, la Banque centrale européenne (BCE) avertissait que la nature non réglementée de ces monnaies pourrait exposer leurs utilisateurs à des risques élevés. Plusieurs années plus tard, les banquiers centraux reconnaissent maintenant leur potentiel. La <a href="https://www.bankofengland.co.uk/speech/2015/how-low-can-you-can-go">Banque d'Angleterre</a>, la <a href="https://www.riksbank.se/globalassets/media/rapporter/e-krona/2017/handlingsplan_ekrona_171221_eng.pdf">Banque centrale suédoise</a> et la <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2020/html/ecb.sp200910~31e6ae9835.en.html">BCE</a> étudient toutes intensément la possibilité d'émettre leur propre monnaie numérique (ci-après dénommée «monnaie numérique de banque centrale» ou «central bank digital currencies» en anglais). Cet enthousiasme est-il justifié ? Les banques centrales devraient-elles créer leur propre monnaie numérique ? Ce focus de <em>Regards économiques</em> présente d’abord brièvement ce que sont ces monnaies. Il expose ensuite les raisons justifiant leur éventuelle introduction et détaille finalement les risques qu’elles pourraient poser.</p> <p>Notons tout d’abord que ces monnaies ne sont pas une copie «publique» des crypto-monnaies privées. Les banques centrales rejettent en effet la nature décentralisée et l’absence de gouvernance unifiée du Bitcoin et des crypto-monnaies similaires. Par ailleurs, la nature «numérique» de ces nouvelles monnaies n’est pas vraiment une innovation. La majorité de la masse monétaire prend déjà une forme numérique. A côté de la monnaie «physique» (pièces et billets), la plus grande partie de notre monnaie est constituée de dépôts bancaires privés et de dépôts à la banque centrale (la monnaie de réserve). Pour l'instant, seules les banques et certaines institutions financières ont accès aux réserves de la banque centrale. La véritable innovation au cœur des monnaies numériques de banque centrale serait de donner aux particuliers et aux entreprises la possibilité de détenir de l'argent sous forme de dépôts directement auprès de la banque centrale. En somme, les monnaies numériques de banques centrales, malgré leur nom, ne formeraient pas une nouvelle monnaie, mais plutôt un nouveau moyen de payement, labellisé en euros, et de valeur équivalente à l’euro. Pour quelles raisons une banque centrale pourrait-elle donner cette opportunité à toutes et tous&nbsp;?</p> <p>Une première raison est liée à la dépendance des banques centrales vis-à-vis du système financier. Le système financier moderne est basé sur une certaine division du travail entre les banques commerciales qui sont chargées de prêter de l'argent au secteur productif, et les banques centrales qui supervisent les premières et tentent d'influencer l'économie par des interventions sur les marchés financiers. Schématiquement, ces dernières tentent de peser sur le comportement des premières de deux manières&nbsp;: soit en modifiant le taux d’intérêt auquel les acteurs financiers peuvent leur emprunter de l’argent, soit via l’achat ou la vente d’actifs financiers. Cela signifie que les banques centrales n'ont qu'une influence indirecte sur l'économie productive et qu'elles dépendent des banques commerciales pour canaliser la politique monétaire. Lors de la crise financière de 2007-2008, par exemple, la dépendance des banques centrales par rapport aux banques commerciales a conduit les premières à injecter des milliards d'euros et de dollars sur les marchés financiers, dans l'espoir que les banques commerciales utilisent cet argent pour des investissements productifs. Or, l’efficacité de ces politiques est loin d’être démontrée. D’<a href="https://www.wiley.com/en-us/Do+Central+Banks+Serve+the+People%3F-p-9781509525775">aucuns</a> s’effraient que cette situation ne génère des bulles spéculatives et ne privilégie indûment les banques commerciales, sans que ces dernières ne financent l’économie productive à la hauteur des espérances des banquiers centraux.</p> <p>La mise en œuvre de monnaies numériques de banque centrale à grande échelle pourrait modifier radicalement cette situation. Cela offrirait un système de paiement alternatif qui ne serait pas géré par le secteur bancaire commercial. Les citoyens pourraient également choisir de placer leurs économies sur un compte à la banque centrale qui, par définition, serait plus sûr qu’un compte dans une banque commerciale. En outre, l'introduction de ces monnaies réduirait la dépendance des banques centrales vis-à-vis des banques commerciales en permettant aux banques centrales de créditer directement les comptes des citoyens ou des entreprises, sans nécessairement recourir à des intermédiaires bancaires. Par conséquent, l'introduction de ces monnaies pourrait rendre la politique monétaire plus directe et plus simple.</p> <p>A première vue, donc, on pourrait se réjouir de la possibilité de limiter la dépendance des banques centrales par rapport aux banques commerciales. Il convient cependant de considérer plusieurs problèmes importants.</p> <p>Premièrement, si les particuliers et les entreprises décident de considérer leur banque centrale comme leur fournisseur de services bancaires, ne risque-t-on pas de rendre les banques commerciales obsolètes et superflues ? Dans ce cas extrême, ni les citoyens ni les banques centrales n'auraient plus besoin d'intermédiaires pour l’octroi de crédits et l’accueil de dépôts. Les banques commerciales garderaient sans doute le rôle d’intermédiaire sur les marchés financiers, mais manqueraient d'une source de financement appropriée (les dépôts des clients) et perdraient une de leurs principales activités (les prêts). La taille des marchés financiers pourrait se réduire considérablement. Cela pourrait fragiliser la santé économique des banques commerciales et celle des marchés financiers dans leur ensemble.</p> <p>Un deuxième problème concerne l’équilibre des pouvoirs entre gouvernements, banques centrales et banques commerciales. À la suite de la crise financière, les banques centrales ont déjà acquis d'énormes pouvoirs. La BCE a par exemple participé à la Troïka en Grèce et dicté des réformes économiques structurelles dans ce pays. La Réserve fédérale américaine (la Fed), la BCE et la Banque d'Angleterre ont également obtenu des pouvoirs supplémentaires de supervision du système bancaire. Et elles sont toutes intervenues massivement sur les marchés financiers, par l'achat massif d'obligations et de titres. L’introduction de monnaies numériques de banque centrale renforcerait ces tendances et accroîtrait le poids des banques centrales sur les marchés financiers, en leur donnant un accès direct aux comptes des citoyens et des entreprises, et en leur permettant de contourner les acteurs financiers commerciaux. Ce déséquilibre de pouvoir pourrait encore accroître le <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/ethics-and-international-affairs/article/abs/rethinking-central-bank-accountability-in-uncertain-times/FD13828CF201F1AB582B4A0758D77731">déficit démocratique</a> dont souffrent les banques centrales. Par ailleurs, les banques centrales, si elles sont amenées à fournir des services bancaires et à alimenter l'économie productive par le crédit, pourraient être entraînées dans d’importants conflits d'intérêts. En effet, ces dernières deviendraient leur propre régulateur.</p> <p>En conclusion, il est certain que les monnaies numériques de banque centrale suscitent un débat intéressant sur le rôle des banques centrales dans le système financier. D’une part, elles pourraient constituer une piste de solution à la dépendance des banques centrales vis-à-vis des marchés financiers. Cependant, elles pourraient également conduire à accroître démesurément les pouvoirs des banques centrales et à fragiliser les marchés financiers en rendant le financement des banques commerciales plus complexe. L’enjeu, en définitive, est le partage du pouvoir financier entre banques commerciales et banques centrales – un débat qui dépasse de loin l’objectif de ce focus, et qu’il ne prétend pas trancher.</p> <p><u>Pour aller plus loin</u>&nbsp;:</p> <p>Larue, L., Fontan, C. et Sandberg, J. (2020).&nbsp;The promises and perils of Central Bank Digital Currencies<em>. </em><em>Revue de la Régulation</em>, Numéro 28.</p> Louis Larue (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-01-28 2021-01-28 10.14428/regardseco/2021.01.28.01 Numéro 159 - janvier 2021 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/60223 <p>En forte récession durant la première partie de l’année écoulée, l’économie belge a connu un rebond spectaculaire au troisième trimestre 2020, qui n’a cependant permis de récupérer que 2/3 des pertes de production enregistrées durant les deux trimestres précédents.</p> <p>Alors que dans notre étude de conjoncture d’il y a trois mois, nous anticipions le prolongement de la reprise économique au dernier trimestre 2020, le rebond de l’épidémie et le rétablissement d’un confinement partiel de l’économie ont balayé cette perspective. Il est ainsi plus que probable que l’économie belge se soit à nouveau contractée durant les trois derniers mois de 2020.</p> <p>En ce qui concerne les perspectives économiques pour 2021, il est ici fait l’hypothèse que les campagnes de vaccination qui ont débuté contribueront à contrôler la maladie. Il est dès lors envisagé le retour progressif de conditions normales d’activité au cours des prochains mois.</p> <p>Selon ce scénario, l’activité économique belge devrait retrouver une pente d’évolution positive à partir du premier trimestre 2021. Sa progression risque cependant d’être faible durant une bonne partie de l’année. D’une part, il est probable que des mesures de restriction de l’activité économique resteront en place encore plusieurs mois afin de maintenir l’épidémie sous contrôle. D’autre part, malgré les aides mises en place par les pouvoirs publics, la situation financière des ménages et des entreprises s’est dégradée en 2020.</p> <p>Ainsi, alors qu’il est attendu une contraction de l’économie belge de près de 7 % en 2020, la croissance économique prévue pour 2021 serait limitée à 3,4 % en base annuelle. Cette projection implique que, fin 2021, le niveau du PIB belge serait encore inférieur - d’environ 2 % - à ce qu’il était avant la crise.</p> <p>Résumé des prévisions pour la Belgique<br>• L’économie belge devrait croître de 3,4 % en 2021.<br>• L’emploi diminuerait d’environ 19.000 unités en 2021.<br>• Le nombre de demandeurs d’emploi augmenterait de 52.600 unités en 2021.<br>• L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait à 1,4 % en 2021.<br>• Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait 7,1 % en 2021.</p> Gautier Attanasi Arno Baurin Vincent Bodart François Courtoy Guillaume Dallemagne Nathan Lachapelle Alexandre Ounnas Mathilde Pourtois Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés Regards économiques 2021 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2021-01-15 2021-01-15 10.14428/regardseco/2021.01.15.01 Numéro 158 - décembre 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/59993 <p>La Commission européenne est très prudente et discrète dans ses communications sur le budget et l’utilisation des langues dans l’Union européenne (UE). Ce que l’on sait, c’est que ce budget s’élève «à peu près» à un milliard d’euros. Comme le disait le britannique Neil Kinnock du temps de sa Vice-Présidence de la Commission européenne à ceux qui, sans doute, l’ennuyaient par leurs questions sur l’importance du budget langues : «C’est le prix d’une tasse de café par habitant dans l’UE».</p> <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous examinons comment évaluer la part dans le budget langues de l’UE de chacune des 24 langues, y compris de l’anglais qui, suite au Brexit, sera la langue maternelle d’un pourcent seulement de la population de l’UE tout en produisant, lors de ces dernières années, plus de 70 % des documents officiels qui doivent, selon leur importance, être traduits dans le 23 autres langues.</p> <p>Notre analyse montre que le coût de l’anglais s’élève à près d’un tiers de budget, soit 290 millions d’euros. Ce montant est aussi le prix à payer par l’UE post-Brexit qui a conservé, dans son répertoire de langues, l’anglais comme langue officielle et procédurale (c’est-à-dire de travail). Pour les européens post-Brexit, la tasse de café s’est transformée en cappuccino au goût un peu amer.</p> <p>Il est sans aucun doute efficace, aussi bien pour l’UE que pour le Royaume-Uni, de préserver l’anglais comme langue officielle et procédurale. Mais on peut se demander pourquoi il irait de soi que les britanniques puissent profiter gratuitement de cette aubaine. Bien avant les velléités de quitter l’UE, on peut arguer que le Royaume-Uni a bénéficié, depuis son adhésion en 1973, du statut de sa langue dans l’UE, en détrônant très largement le rôle du français et de l’allemand, ce qui n’a enchanté et continuera de ne pas enchanter ni la France ni l’Allemagne. Il sera intéressant de suivre l’affaire dans les prochaines années.</p> Victor Ginsburgh Juan Moreno-Ternero (c) Tous droits réservés Regards économiques 2020 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-12-23 2020-12-23 10.14428/regardseco/2020.12.23.01 Numéro 157 - octobre 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/58983 <p>Une monnaie internationale est une unité monétaire utilisée en dehors de son pays d’origine. Comme une devise nationale, elle remplit trois fonctions : moyen de paiement, unité de compte et réserve de valeur. De ce point de vue, le dollar américain est depuis plusieurs décennies la principale monnaie internationale. Le dollar est notamment la principale monnaie de réserve pour la plupart des banques centrales dans le monde : ainsi, en 2018, selon les données du FMI, environ 62% des réserves de change des banques centrales étaient détenues en dollar américain.</p> <p>Alors qu’il apparaît de manière indéniable que le dollar est, de loin, la monnaie de réserve internationale dominante, la question à laquelle s’intéresse ce numéro de <em>Regards économiques</em> est celle de savoir si, à l’avenir, le dollar pourrait perdre sa suprématie au profit d’autres monnaies comme par exemple l’euro ou le yuan chinois.</p> <p>La question de la domination du dollar au niveau international revient périodiquement au- devant de l’actualité monétaire et financière. Ce fut ainsi le cas lors de la création de la monnaie unique européenne en 1999, ainsi qu’à la suite de la crise économique et financière de 2009. Elle a resurgit récemment, en raison notamment de la dépréciation importante subie par le dollar américain en milieu d’année.</p> <p>Concernant la fin de la suprématie du dollar, certains observateurs répondent que cela pourrait être le cas, l’argument le plus souvent évoqué étant la diminution de l’importance économique et financière des États-Unis, en raison notamment du poids croissant de la zone euro et, surtout, de la Chine au niveau mondial. D’autres économistes estiment en revanche qu’une telle évolution est peu probable à brève échéance, en soulignant notamment qu’un changement rapide de statut du dollar au niveau international supposerait un changement radical et rapide des éléments (dont par exemple le poids économique des États-Unis au niveau mondial ou la stabilité monétaire et financière des États-Unis) qui ont contribué à assurer la suprématie du dollar comme monnaie de réserve internationale depuis près de 100 ans. L’analyse présentée dans ce numéro de <em>Regards économiques</em> aboutit au même constat.</p> <p>L’analyse est menée à partir d’un modèle de détermination de la composition des réserves de change des banques centrales. A l’instar d’autres études, notre modèle révèle que la taille économique du pays émetteur d’une monnaie est un déterminant important du poids de cette monnaie dans les réserves de change. Partant de ce résultat, l’exercice réalisé consiste à projeter ce qu’adviendrait la part du dollar dans les réserves internationales des banques centrales.&nbsp; Et cela, en posant différents scénarios d’évolution de la part respective du PIB des États-Unis, de la zone euro et de la Chine dans le PIB mondial.</p> <p><strong>&nbsp;</strong>Les scénarios considérés pour le futur envisagent ainsi une augmentation du poids économique relatif de la zone euro ou de celui de la Chine, alors que le poids de l’économie américaine dans l’économie mondiale resterait inchangé ou diminuerait.</p> <p>De manière délibérée, les scénario retenus sont donc défavorables au dollar. Malgré cela, selon les résultats obtenus, il apparaît que le dollar reste la principale monnaie de réserve internationale. Son importance pourrait cependant diminuer à l’avenir au profit de la monnaie chinoise, pour autant que la croissance économique de la Chine demeure significativement supérieure à celle des États-Unis et de la zone euro.</p> Vincent Bodart Pauline Harrak (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-10-30 2020-10-30 10.14428/regardseco/2020.10.29.01 Numéro 156 - juillet 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/57703 <p>L’éclatement de l’épidémie de coronavirus en début d’année a mis brutalement à l’arrêt l’activité économique d’un grand nombre de pays. Le choc économique est particulièrement sévère pour la Belgique, dont l’activité économique devrait enregistrer en première partie de cette année son recul le plus important depuis la seconde guerre mondiale.</p> <p>A la faveur de la levée des mesures de confinement prises pour enrayer la propagation du virus, l’activité économique a commencé progressivement à reprendre dans de nombreux pays, en ce compris la Belgique et les autres pays européens. Les résultats des dernières enquêtes de conjoncture témoignent de cette reprise. Ainsi, après avoir très lourdement chuté en avril, la confiance des entreprises et des ménages belges a commencé à se redresser en mai, et elle a continué à se raffermir en juin.&nbsp;</p> <p>La poursuite de la reprise économique en cours durant la seconde partie de l’année et en 2021 dépendra étroitement de l’évolution de la situation sanitaire. Il est ici fait l’hypothèse que, à l’avenir, la propagation du virus pourra être contrôlée sans que cela nécessite l’instauration d’une nouvelle période de confinement généralisé. Sous cette hypothèse, l’activité économique devrait rebondir fortement en seconde partie de cette année, avant de retrouver des rythmes trimestriels de croissance plus conventionnels en 2021.</p> <p>Malgré la reprise attendue, l’activité économique en Belgique se situerait fin 2021 en dessous du niveau auquel elle se serait située sans la crise. Bien que courte, la récession actuelle devrait laisser des cicatrices profondes, notamment en termes d’emploi et de chômage, qui limiteront les capacités de redémarrage de l’économie.</p> <p>Selon ce scénario, l’économie belge devrait se contracter de près de 10 % en 2020. Elle afficherait à nouveau une croissance positive en 2021, de 7,5 % en base annuelle.</p> <p>Malgré la mise en place de dispositifs de chômage temporaire, le choc économique provoqué par la crise épidémique devrait avoir un lourd impact sur la situation du marché du travail.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Résumé des prévisions pour la Belgique</p> <p>• L’économie belge devrait se contracter de 9,9 % en 2020. Elle retrouverait une croissance positive, de 7,5 %, en 2021.<br>• L’emploi diminuerait, en termes nets, de 106.000 unités en 2020. En 2021, il augmenterait de 32.000 unités.<br>• Le nombre de demandeurs d’emploi augmenterait de 132.800 unités en 2020. En 2021, il diminuerait de 4.700 unités.<br>• L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait à 0,9 % en 2020 et 1,7 % en 2021.<br>• Le déficit budgétaire des administrations publiques atteindrait 11,5 % du PIB en 2020 et 6,6 % en 2021.</p> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Sébastien Fontenay Nathan Lachapelle Alexandre Ounnas Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-07-16 2020-07-16 10.14428/regardseco/2020.07.09.01 Focus 25 - juin 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/57693 <p>En décembre 2019, les membres de&nbsp;<em>Rethinking Economics Belgium</em>&nbsp;(dorénavant REB) ont diffusé un rapport intitulé “Dix ans après la crise, faut-il changer la formation des futurs économistes ?”. Ce rapport présente les résultats d’une enquête statistique réalisée auprès d’un échantillon d’étudiants bacheliers en sciences économiques en Fédération Wallonie-Bruxelles entre 2016 et 2017. Ses auteurs y déplorent que l’enseignement des sciences économiques est presque exclusivement centré sur l'approche néoclassique alors que celle-ci, selon eux, souffre d'un biais en faveur de l'idéologie néolibérale. Stigmatisant cette situation comme un manque de pluralisme, le rapport avance un certain nombre de propositions de réforme de l’enseignement et de la recherche en économie. Nous accueillons ce rapport comme une belle opportunité de&nbsp;<em>disputatio</em>&nbsp;et c'est dans cet esprit que notre note a été écrite. Bien que selon nous le rapport comporte plusieurs défauts méthodologiques, notre intention dans cette note est de nous limiter à l’essentiel en proposant une interprétation différente du phénomène que les auteurs du rapport appellent la «domination de la théorie néoclassique» et en défendant l’idée que la question du pluralisme en économie gagne à être abordée d’une manière différente.<br><br></p> <p>Une domination néoclassique ?</p> <p>L’approche néoclassique est un courant de la pensée économique qui vit le jour dans le dernier quart du 19ème siècle. Ses piliers sont la notion d'équilibre et la théorie subjective de la valeur, enracinée dans une perspective d'individualisme méthodologique et fondée sur les concepts d’utilité marginale et de productivité marginale*. Les auteurs du document de REB rattachent sa “domination” dans l’enseignement au fait qu’elle existe “quasiment sans partage” dans la recherche. En d’autres termes, elle y occupe le statut de “<em>mainstream</em>”.</p> <p>La notion de&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;se rencontre fréquemment dans la littérature économique – ainsi que dans le rapport de REB – mais elle est souvent définie d’une manière vague. Dans un article récent (De Vroey et Pensieroso 2020), nous avançons la thèse que cette notion n’est intéressante que si on lui donne un fondement méthodologique au lieu de se contenter de la rattacher à une simple&nbsp;prépondérance statistique. Dans cette vue, une situation de&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;n’existe que si un consensus s’établit sur des critères méthodologiques considérés comme des&nbsp;<em>sine qua non</em>&nbsp;pour une bonne pratique scientifique.</p> <p>Dans notre article, nous montrons que trois types de situations se sont succédés au cours du 20ème siècle. La première est un état d’absence de&nbsp;<em>mainstream</em>. Elle a perduré jusque dans les années 1980. Ces dernières ont vu l’émergence d’un&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;en économie théorique, qu’il s’agisse de travaux de pure théorie ou de travaux combinant théorie et mesure empirique. C’est la seconde situation. Elle a émergé à la croisée de deux évolutions distinctes. La première est l’extension à différents champs de l’économie de trois principes méthodologiques déjà en vigueur en théorie des jeux et en microéconomie:&nbsp;<em>(i)</em>&nbsp;le rôle-pivot donné au concept d’équilibre,&nbsp;<em>(ii)</em>&nbsp;la modélisation mathématique et&nbsp;<em>(iii)</em>&nbsp;le caractère micro-fondé de l’analyse, à savoir l’exigence que les fonctions de demande et offre agrégées soient explicitement dérivées des règles de comportement optimisateur suivies par les agents économiques. Une telle extension s’est produite plus ou moins simultanément et d’une manière non-coordonnée dans différentes disciplines comme par exemple la macroéconomie et l’économe industrielle. A son origine, on trouve une insatisfaction quant aux principes méthodologiques en vigueur antérieurement. La seconde évolution est le phénomène général de certification qui a graduellement imprégné nos sociétés pour prendre son plein essor avec l’émergence de l’internet – l’attribution de brevets de qualité et la construction d’échelles appréciatives permettant de classer des objets ou des expériences diverses en fonction de leur excellence. Dans ce contexte, les revues scientifiques, en plus de leur rôle d’instrument de diffusion de la recherche, ont commencé à fonctionner comme organes de certification, séparant les articles respectant les standards méthodologiques de ceux qui ne les respectent pas et sont dès lors écartés. L’effet de cette double transformation se résume en quelques chiffres ayant trait au contenu des articles publiés dans les quatre principales revues économiques (<em>American Economic Review</em>,&nbsp;<em>Econometrica</em>,&nbsp;<em>Journal of Political Economy</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Quarterly Journal of Economics</em>) dans les périodes 1970-1990 et 1990-2010. Alors que les articles respectant les trois choix méthodologiques précités représentaient 38 % du total des articles publiés en 1970, en 1990 ils en représentaient 67 % et en 2010 69 %. Nous interprétons ces chiffres comme offrant une indication claire de l’émergence d’un&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;dans le champ théorique entre 1970 et 1990. Par contre durant cette période, aucun consensus méthodologique n’existait en ce qui concernait les travaux faisant une contribution exclusivement empirique, l’économie appliquée.</p> <p>Mais ce qui n’était pas vrai en 1990 l’est devenu au cours de la première décennie de ce siècle. La situation actuelle se caractérise par la montée en puissance de l’‘économie expérimentale’, ce terme étant entendu dans un sens large comme le commun dénominateur&nbsp;<em>(i)</em>&nbsp;des expériences comportementales de laboratoire,&nbsp;<em>(ii)</em>&nbsp;des&nbsp;<em>randomized controlled trial</em>&nbsp;et&nbsp;<em>(iii)</em>&nbsp;des ‘expériences naturelles’.** Le premier de ces courants résulte de l’adoption par un groupe d’économistes de protocoles expérimentaux propres aux psychologues cognitifs dans le but de justifier le remplacement de l’hypothèse de comportement optimisateur par des hypothèses plus réalistes. Le succès venant, cette démarche est maintenant connue sous le nom d’‘économie comportementale’. Le second découle de l’adoption par des économistes du développement de techniques expérimentales en usage en épidémiologie et centrées sur une confrontation entre groupe de traitement et de groupe de contrôle (cfr. Parienté 2016). Quant aux études d’expériences naturelles, elles consistent à exploiter «des situations où les forces de la nature ou des politiques étatiques semblent avoir conspiré pour produire un environnement&nbsp;proche de celui sur lequel les&nbsp;<em>randomized trials</em>&nbsp;se penchent» (Angrist and Krueger 2001 : 73).</p> <p>Les méthodes adoptées en économie expérimentale au sens large ont eu un impact majeur sur l’économie appliquée. Une nouvelle manière de la concevoir, marquant une triple rupture par rapport à l’économie appliquée traditionnelle, s’est dégagée. On y observe :<br><em>i)</em>&nbsp;Une émancipation à l’égard des impératifs méthodologiques imposés par les économètres théoriques. Le recours à des outils économétriques plus simples en est la conséquence (cfr. Angrist et Peschke 2017).<br><em>ii)</em>&nbsp;Une adhésion à la ‘révolution causale’ avec, comme corolaire, un résultat de rétrécissement de l’objet d’étude. L’<em>explanandum</em>&nbsp;est une question concrète et spécifique ayant souvent une incidence politique immédiate; l’<em>explanans</em>&nbsp;est une cause unique. A titre d’exemple, citons l’étude de Dal et Krueger (2002) visant à répondre la question, le fait d’être diplômé d’une université prestigieuse au minerval élevé plutôt que d’une université moins prestigieuse et moins chère génère-t-il une différence de revenu significative une vingtaine d’année après l’obtention du diplôme ?<br><em>iii)</em>&nbsp;Le recours à des instruments statistiques - telles que les variables instrumentales, la stratégie de double différence ou les discontinuités de régression - visant à éliminer les biais de sélection ou d’omissions et dont les règles de bon usage font l’objet d’un consensus à l’intérieur de la communauté des économistes appliqués.</p> <p>Le&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;théorique se voit ainsi complété par un&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;empirique fondé sur des règles méthodologiques régissant chacune de trois composantes de l’économie expérimentale. De nos jours, il y a donc deux manières d’appartenir au&nbsp;<em>mainstream</em>. La première résulte d’une définition méthodologique de ce qui est considéré être une bonne pratique théorique, la seconde d’une définition méthodologique de ce qui est considéré être une bonne pratique empirique.</p> <p>Notre analyse sur le débat ouvert par le rapport REB a deux retombées. En premier lieu, on peut se demander si&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;et approche néoclassique coïncident. A strictement parler, cela n’est pas le cas. D’abord, la théorie des jeux est une composante du&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;qui ne peut être identifiée à l’approche néoclassique. Ensuite, il y a des travaux néoclassiques qui se trouvent être exclus du&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;- la théorie autrichienne, parce qu’elle n’adopte pas le langage mathématique, et les études néoclassiques qui n’adoptent pas la démarche de micro-fondements. Enfin, en 2010, la part du&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;empirique dans le total des deux&nbsp;<em>mainstreams</em>&nbsp;représentait 22 %. Or, par définition, aucun des articles qui en font partie n’appartient à l’approche néoclassique. Le tableau contemporain est donc bien plus riche et varié que ce qui est dépeint dans le rapport REB.</p> <p>La seconde question qui se pose du fait de l’existence d’un&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;en économie porte sur l’interprétation de cette réalité. Il est clair que les tenants des approches écartées se sentent frustrés d’être exclus du&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;avec toutes les conséquences professionnelles qui en découlent. Ils auront donc tendance à voir cette situation comme une régression par rapport à une situation antérieure plus satisfaisante car marquée du sceau du pluralisme. Par contre, les économistes dont les travaux s’inscrivent à l’intérieur des critères définissant le&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;peuvent avancer l’idée que l’unification de la discipline autour de critères méthodologiques clairs et nets est un signe de progrès. En conséquence, la question de savoir si l’existence d’un&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;est une régression ou la marque d’un progrès ne peut recevoir de réponse univoque.<br><br></p> <p>Une absence de pluralisme ?</p> <p>Trois stratégies s’offrent aux tenants de choix méthodologiques exclus du&nbsp;<em>mainstream</em>. La première (et la plus intéressante à nos yeux) est de centrer leur énergie sur le développement de leur paradigme préféré, comme si de rien n’était, dans le but d’en démontrer la fécondité explicative. La seconde vise à convaincre les tenants du&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;que les choix de base sur lesquels ils reposent sont inadéquats. A notre avis, les chances de succès de cette seconde stratégie sont minimes si, comme nous le pensons, les révolutions théoriques trouvent en général leurs origines dans des faiblesses mises en avant par une critique interne. La troisième consiste à affirmer que l’existence même d’un mainstream est condamnable parce qu’il s’agit d’un manque de pluralisme. Comme ce point de vue occupe une place centrale dans le document REB, il mérite d’être passé au crible.</p> <p>A nos yeux, la justification qui en est donnée n’est pas convaincante. Le fait que l’exigence de pluralisme est d’une importance primordiale dans le domaine de la démocratie politique et de l’information n’implique pas que ceci soit aussi le cas pour la connaissance scientifique. Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, une unification paradigmatique peut être interprétée comme une marque de progrès.</p> <p>Il reste qu’en économie, peut-être plus que dans d’autres sciences, la question du pluralisme doit être posée. Mais, à nos yeux, elle doit l’être dans d’autres termes. Depuis Adam Smith jusqu’à nos jours, les économistes ont débattu de la meilleure manière d’organiser la société dans sa dimension économique. L’objet d’étude de la science économique est donc éminemment politique. D’ailleurs, les travaux économiques débouchent souvent, sinon toujours, sur des conclusions de politique économique. L’enjeu sous-jacent porte sur le rôle respectif de l’Etat et des forces de marchés dans le fonctionnement de l’économie. Schématiquement, trois visions du capitalisme sont en présence : une vision pleinement libérale (le laissez faire d’Hayek ou de Friedman), une vision marxiste et une vision que l’on peut qualifier de «libéralisme mitigé» ou de «libéralisme raisonné». Cette dernière, associée notamment au nom de Keynes, consiste en une défense de l’économie de marché allant de pair avec la réalisation qu’elle peut rencontrer des échecs de fonctionnement auxquels seules des interventions étatiques sont à même de remédier. L’accusation de manque de pluralisme serait pertinente s’il s’avérait que le&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;théorique, tel que nous l’avons cerné dans la section précédente, est intrinsèquement partisan d’une seule vision, le plein libéralisme par exemple. Dans un article, publié dans les&nbsp;<em>Regards Économiques</em>&nbsp;en 2018, nous avons démontré que cela n’est pas le cas en nous centrant sur trois épisodes de l’histoire des théories économiques - une comparaison du cadre conceptuel de Marx et des économistes classiques, l’utilisation de la théorie walrasienne pour justifier le socialisme et les controverses entre keynésiens et monétaristes. Dans cette perspective, tant la théorie classique que la théorie néoclassique sont un langage qui peut être mis au service de visions du capitalisme différentes. L’existence d’un&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;en économie n’est donc pas synonyme d’un manque de pluralisme en économie.<br><br></p> <p>&nbsp;*&nbsp;Cfr. De Vroey et Pensieroso (2018) pour plus de détails.<br>**&nbsp;En témoignent les prix Nobel en économie décernés à D. Kahneman et V. Smith en 2002, à A. Roth en 2012, à R. Shiller en 2013, à R. Thaler en 2017 et à A. Banerjee, E. Duflo and M. Kremer en 2019.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Références:</p> <p>Angrist, J. and A. Krueger (2001), “Instrumental Variables and the Search for Identification: From Supply and Demand to Natural Experiments.”<em>&nbsp;Journal of Economic Perspectives</em>. 15, No. 4 : 69-85.</p> <p>Angrist, J. and J-S. Pischke. 2009.&nbsp;<em>Mostly Harmless Econometrics. An Empiricist's Companion</em>. Princeton (N. J.) and Oxford, Princeton University Press.</p> <p>Dale, S. and Al Krueger. 2002. “Estimating the Payoff to Attending a More Selective College: An Application of Selection on Observables and Unobservables.”&nbsp;<em>Quarterly Journal of Economics</em>&nbsp;117: 1491–1527.</p> <p>De Vroey M. et L. Pensieroso (2020), “Mainstream Economics. Its Rise and Evolution”, mimeo.</p> <p>De Vroey M. et L. Pensieroso (2018), “La question du pluralisme en économie. Une mise en perspective”,&nbsp;<em>Regards Économiques</em>, numéro 137.</p> <p>Parienté W. (2016), “Mesurer l'effet des politiques publiques : l'essor des évaluations aléatoires”,&nbsp;<em>Regards Économiques</em>, numéro 124.</p> <p>Rethinking Economics Belgium (2019),&nbsp;<em>10 ans après la crise : faut-il changer la formation des futur·e·s économistes ?</em></p> Luca Pensieroso Michel De Vroey (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-07-16 2020-07-16 10.14428/regardseco2020.06.04.01 Focus 24 - avril 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/57683 <p>Le choc qui frappe nos économies n’a rien en commun avec d’autres crises survenues dans le passé proche, comme celle de la Grande Récession de 2008-2009. Aucune activité économique viable juste avant la crise du Covid-19 n’est devenue obsolète du seul fait de celle-ci. L’offre d’un ensemble de biens et services a brutalement baissé ou disparu en raison des freins, motivés, à la mobilité et aux contacts en face-à-face. Des problèmes d’approvisionnements internationaux se sont ajoutés. Beaucoup d’échanges économiques se sont donc raréfiés mais les coûts fixes des entreprises concernées sont, eux, demeurés présents. L’incertitude sur la durée de ces graves perturbations engendre des attentes pessimistes (comme l’indique&nbsp;<a href="https://www.nbb.be/doc/dq/f/dq3/histo/pfc2003.pdf">le baromètre de conjoncture de mars de la Banque Nationale de Belgique</a>) et incite à reporter des décisions qui représentent une forme d’investissement. Les licenciements et le report des embauches font dès lors partie des ajustements spontanés de nos économies. Ceci affecte négativement les personnes concernées et l’ensemble de ces évolutions peut conduire à une contraction économique plus ou moins durable.</p> <p>Dans ce contexte sommairement dépeint, il faut à court terme désinciter les entreprises en difficulté à licencier massivement. Les postes de travail et le savoir-faire sont ainsi sauvegardés et les pertes de revenus limitées (voir à ce sujet&nbsp;<a href="https://voxeu.org/article/building-effective-short-time-work-schemes-covid-19-crisis">l'article des économistes Giulia Giupponi et Camille Landais paru dans Vox</a>). Les autorités belges ont eu cette préoccupation rapidement à l’esprit et ont heureusement agi. Pour les personnes licenciées, récemment ou non, il faut aussi atténuer le choc subi. Avant de développer ces réponses, rappelons qu’atteindre ces objectifs représente bien évidemment un coût pour la collectivité. Or, notre situation d’endettement public est préoccupante et pèse sur la capacité publique à répondre aux défis de moyen et long terme (vieillissement, santé publique, réchauffement climatique, etc.). Notre État fédéral doit jouer, un temps et de manière coordonnée, le rôle d’assureur et de payeur de dernier ressort, mais sans perdre de vue les générations jeunes et à venir. A ce stade, ni toutes les entreprises ni tous les ménages n’ont besoin d’une aide financière. Des comportements opportunistes peu soucieux de l’intérêt collectif peuvent être favorisés par la forme précise prise par l’intervention publique. Une attention accrue aux incitations créées par les dispositions prises en urgence est à présent nécessaire. Des contrôles bien pensés sont un complément limité mais utile, requérant probablement un ajustement à la hausse des capacités publiques de contrôle (contrôleurs sociaux de l’ONEM, inspection du travail, etc.).</p> <p>Pour freiner la propension des employeurs à licencier, l’extension de la notion de «force majeure» en matière de chômage temporaire figure parmi les mesures prises par les autorités publiques. Cette mesure est limitée dans le temps et accessible à un large éventail d’entreprises et de travailleurs. S’il apparaît justifié de minimiser les contrôles d’éligibilité à l’entrée, l’absence de remise de justificatif par l’employeur permettant un contrôle a posteriori risque de mener à des abus. En outre, il y a lieu de se préoccuper de certains types de travailleurs qui, sans avoir un statut de salarié, dépendent dans les faits d’un employeur (livreurs, chauffeurs, etc.).</p> <p>Il est à noter que la formule d’extension de la force majeure prévoit que les entreprises ne sont pas obligées de fermer totalement. Certains travailleurs peuvent être mis en chômage temporaire, d’autres pas. Un même travailleur peut chômer certains jours, d’autres pas. Ceci est bienvenu car cela rend possible, sans toutefois hélas l’encourager, une rotation de la main d’œuvre et un partage du travail existant. Comme l’économiste&nbsp;<a href="https://econfip.org/policy-brief/filling-the-holes-in-family-and-business-budgets-unemployment-benefits-and-work-sharing-in-the-time-of-pandemics/">Arindrajit Dube l’explique</a>, il faudrait que&nbsp;les employeurs et/ou les travailleurs aient financièrement plus d’intérêt au maintien d’un emploi à temps partiel plutôt qu’à une mise complète en chômage temporaire. Pour procurer ces incitations, on pourrait par exemple envisager que le taux de remplacement (c’est à dire le rapport entre l’allocation de chômage temporaire et le salaire perdu) soit plus élevé en cas de maintien partiel en emploi.</p> <p><a href="https://www.onem.be/fr/documentation/feuille-info/t2">La législation actuelle</a>&nbsp;permet aussi qu’un travailleur mis en chômage temporaire soit occupé par un autre employeur. La mobilisation des plateformes digitales existantes facilitant la rencontre entre les besoins des employeurs et la population devrait permettre de rencontrer certains besoins urgents dans des secteurs très sollicités actuellement. Ce serait de même bien utile lors de la sortie progressive du confinement dans la mesure où l’on peut s’attendre à une certaine inadéquation entre le profil des travailleurs immunisés et celui des emplois des secteurs où l’activité économique pourra reprendre. Or, la mise en œuvre de cette rencontre entre besoins et disponibilité en main d’œuvre est complexe. Elle requiert que le dispositif de chômage temporaire soit suffisamment incitatif à la reprise du travail même partiel, que des formations en ligne préparent ces personnes si elles doivent exercer de nouvelles fonctions (<a href="https://www.standaard.be/cnt/dmf20200401_04909066">voir à ce propos le pic observé dans les formations en ligne en Flandre, notamment en français, comptabilité et intelligence artificielle</a>), que diverses préoccupations de nature juridique soient anticipées (nature du contrat, assurance couvrant les risques liés à l’exécution des tâches, par exemple), etc.</p> <p>Quelles que soient les possibilités offertes par le système de chômage temporaire, des salariés seront licenciés dans les jours et semaines qui viennent. Sans inciter les employeurs à recourir massivement au chômage complet plutôt qu’au chômage temporaire (où l’admissibilité du travailleur est immédiate en cas de motif de force majeure coronavirus), il faudrait décider d’alléger temporairement la durée d’emploi préalable à l’octroi d’allocations de chômage complet en Belgique (dont, en simplifiant, la durée varie d’une à deux années selon l’âge du demandeur).</p> <p>Certains secteurs fort sollicités recrutent sans doute encore. A cette nuance près, la plupart des personnes déjà en chômage avant le début du confinement ou qui y entrent ces temps-ci, ne vont pas avoir de chances significatives d’être embauchées durant les semaines où le confinement est strict, voire au-delà si l’économie a du mal à reprendre du souffle. Durant toute cette période et cette période seulement :<br>• Le compteur de durée de chômage qui intervient dans le calcul des trois années de droit aux allocations d’insertion après les études et le compteur de durée qui intervient pour le calcul des allocations dégressives de chômage complet doit être interrompu.<br>• Les rendez-vous de contrôle de l’effort de recherche d’emploi doivent être postposés et l’absence de preuves de recherche d’emploi durant la période en question ne peut être pris en compte dans le contrôle de l’effort de recherche.</p> <p>Ces mesures n’impliquent pas qu’il faille cesser tout accompagnement visant à favoriser le retour à l’emploi des chômeurs. Ainsi, dans la crise actuelle, les services régionaux de l’emploi ont tout leur rôle à jouer, comme celui de stimuler financièrement la formation (à distance) pendant la période d’inoccupation, en réorientant éventuellement des budgets alloués à la formation en présentiel, de continuer à alimenter les plateformes d’offres d’emploi (cf. supra) et d’encourager, en cette période de raréfaction des embauches, les demandeurs d’emploi à élargir la gamme des possibilités d’emploi qui s’offrent à eux.</p> <p>De tels ajustements au système d’assurance-chômage ne sont pas isolés.&nbsp;<a href="https://voxeu.org/article/labour-market-policy-response-covid-19-must-save-aggregate-matching-capital">De nombreux États américains y recourent</a>. Selon des informations directes, la Suède suspend également le contrôle de l’effort de recherche d’emploi par les chômeurs. De tels ajustements peuvent, eux aussi, susciter des comportements opportunistes, dans le chef des chômeurs cette fois. Cette attitude est cependant à court terme un problème de second-ordre.</p> <p>Pour terminer, soulignons l’importance de veiller au caractère strictement temporaire des diverses mesures mises en place. Nos systèmes d’assurance sociale et de redistribution sont d’une complexité inouïe et les moyens pour les financer sont rares. Toute tentative de pérennisation des mesures prises dans l’urgence rendrait un très mauvais service à la collectivité. Car le temps viendra prochainement de redéfinir des priorités cohérentes en matière d’assurance sociale et de redistribution, en ayant pris du recul par rapport à la pénible expérience en cours.</p> Bart Cockx Koen Declercq Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-07-16 2020-07-16 10.14428/regardseco2020.04.02.01 Focus 24 - avril 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/57713 <p>De COVID crisis heeft een enorme impact op de arbeidsmarkt in België. In vele ondernemingen is de activiteit geheel of gedeeltelijk stilgevallen. Om te vermijden dat ondernemingen massaal failliet zouden gaan of dat ze massaal werknemers ontslagen zouden worden, hebben de federale en regionale overheden substantiële maatregelen genomen om die ondernemingen en hun werknemers op korte termijn te ondersteunen. Deze maatregelen zijn essentieel om de eerste impact van deze crisis te kunnen overbruggen. Niettemin is de budgettaire kost voor de overheid enorm. We mogen de langere termijn niet uit het oog verliezen. De crisis zal niet van korte duur zijn en andere uitdagingen (veroudering van de bevolking, klimaat, enz.) blijven bestaan. Steunmaatregelen kunnen beter gericht, beter afgestemd tussen de verschillende overheden. Werken dient, daar waar mogelijk en nodig, zoveel mogelijk aangemoedigd blijven.</p> <p>Voor een efficiënte inzet van deze middelen dient:</p> <p>1. de financiële steun na verloop van tijd beter gericht op bedrijven en burgers die er echt nood aan hebben;<br>2. deeltijds (tele-)werk aangemoedigd. Dit kan door een hogere uitkering voor niet-gewerkte uren te voorzien indien men deeltijds werkt in plaats van niet;<br>3. (tijdelijke) werklozen mogelijkheden geboden, bv. via uitzendwerk, om in de essentiële sectoren (gezondheid, logistiek, voeding) aan de slag te gaan;<br>4. werklozen gestimuleerd om aan (tele-)opleidingen deel te nemen.</p> <p>Tegelijk krimpt het huidige vacatureaanbod spectaculair en mogen werklozen in de huidige context niet gestraft wanneer ze geen werk vinden. Daarom pleiten we voor</p> <p>1. een versoepeling van de voorwaarden om recht te hebben op een volledige werkloosheidsuitkering. We stellen voor de periode in te korten die gewerkt moet worden om van een uitkering te genieten;<br>2. een tijdelijke stopzetting van de daling in de tijd van de uitkeringen;<br>3. een tijdelijke stopzetting van de controle van het zoekgedrag van werklozen (zoals dit in Wallonië reeds gebeurt).</p> <p>Tenslotte benadrukken we het tijdelijke karakter van deze maatregelen. Wanneer de economie opnieuw aantrekt, dienen ze weer opgeheven.</p> <p>Voor de volledige tekst (in het Frans):<br><a href="https://www.regards-economiques.be/component/reco/?view=article&amp;cid=201">https://www.regards-economiques.be/index.php?option=com_reco&amp;view=article&amp;cid=201</a></p> Bart Cockx Koen Declercq Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-07-16 2020-07-16 10.14428/regardseco/2020.04.02.02 Focus 23 - Février 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/53223 <p>Face aux difficultés rencontrées dans la formation d'une majorité gouvernementale, le Ministre Koen Geens a proposé en décembre dernier de modifier notre mode de scrutin en donnant plusieurs voix à chaque électeur, celui-ci étant libre de répartir ses voix entre les partis qu'il souhaite soutenir. Il s'agit d'une méthode qui s'apparente au vote par approbation. Les auteurs analysent la proposition de Koen Geens à la lumière des études théoriques récentes sur ce mode de scrutin et donnent des exemples. Ils arrivent à la conclusion que la méthode proposée par Koen Geens serait utile et intéressante pour autant qu'on la modifie en ne permettant pas aux électeurs de donner plus d'une voix à un parti et en limitant le nombre de voix dont chaque électeur dispose, par exemple à trois.</p> Pierre Dehez Victor Ginsburgh (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-02-27 2020-02-27 10.14428/regardseco/2020.02.27.01 Numéro 155 - janvier 2020 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/52783 <p>Malgré un environnement économique international affaibli, l’économie belge a progressé de 1,3 % en 2019. Cette expansion demeure néanmoins modeste et plus faible qu’en 2018. La croissance de l’économie belge resterait timide en 2020. L’environnement économique international demeure en effet perturbé par les tensions commerciales et par les conséquences économiques du Brexit. Au niveau belge, le sentiment de confiance des ménages et des entreprises reste faible. La progression du pouvoir d’achat serait par ailleurs nettement ralentie en 2020. La contribution de la demande intérieure à la croissance serait donc limitée en 2020.</p> <p>En résumé, nos prévisions macroéconomiques pour 2020 sont les suivantes :</p> <p>• L’économie belge devrait croître de 1,3 % en 2020.<br>• L’emploi augmenterait, en termes nets, de 44.300 unités en 2020.<br>• Le nombre de demandeurs d’emploi diminuerait de 14.000 unités en 2020.<br>• L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait à 1,4 % en 2020.<br>• Le déficit budgétaire des administrations publiques s’élargirait à 2,3 % du PIB en 2020.</p> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Sébastien Fontenay Nathan Lachapelle Alexandre Ounnas Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés 2020 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2020-01-20 2020-01-20 10.14428/regardseco/2020.01.17.01 Numéro 154 - décembre 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/52483 <p>Le 16 décembre 2019, l’Europe fête le vingtième anniversaire de l’adoption de la règlementation sur les médicaments orphelins qui encourageait les industriels à plus de recherche pour les maladies rares.</p> <p>Cette règlementation a conduit à une augmentation du nombre d'essais cliniques et de publications scientifiques concernant les maladies rares. Cependant, cette hausse n’a pas bénéficié équitablement à toutes les maladies rares. Les investissements en recherche et développement ciblent tout particulièrement les maladies rares les plus fréquentes dans la population; celles qui surviennent à l’âge adulte; celles qui sont caractérisées par un âge au décès prématuré chez les adultes. Ainsi, ce sont les maladies qui touchent la petite enfance qui reçoivent les plus faibles investissements alors même qu’une maladie rare sur deux touche des enfants.</p> <p>De plus, s’il y a effectivement de plus en plus de médicaments orphelins qui arrivent sur le marché européen, les prix demandés par les firmes pharmaceutiques sont très élevés et sont un obstacle à l'accès des patients.</p> <p>Pourquoi ces médicaments sont-ils si chers&nbsp;? Le taux de succès moyen des thérapies en développement, des prémices de la recherche clinique jusqu’à l’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament, est faible. Ainsi les industriels compensent leur investissement avec un prix élevé. A cela s’ajoute la détermination du prix selon le principe du «<em>value based pricing</em>». Un fabricant définit le prix d'un bien qu'il produit en prenant en compte le bénéfice que tirera l'utilisateur de ce bien. Pour les maladies rares, la mise sur le marché d'un nouveau traitement alors qu’il n’en existe aucun jusqu’alors, constitue une innovation dont la valeur thérapeutique est majeure. Les industriels justifient alors un prix fort par les propriétés supérieures voire uniques du médicament.</p> <p>Néanmoins, nous défendons l’idée qu’il est possible de maitriser la perpétuelle hausse observée dans le prix des médicaments orphelins et formulons trois recommandations.</p> <p>Premièrement, <strong>il faut poursuivre les efforts de la plupart des pays européens à établir des registres nationaux recensant les patients avec des maladies rares</strong>. La mise en commun de ces bases de données permettra de produire plus efficacement des connaissances sur les maladies rares. Elle permettra surtout de connaître précisément et en temps réel le nombre de patients concernés par un médicament orphelin. Ainsi, on pourra évaluer le véritable impact budgétaire d’une décision de remboursement de tel ou tel autre traitement sur le budget total de la santé au niveau national comme européen.</p> <p>Deuxièmement, <strong>il faut accroitre le pouvoir de négociation des décideurs politiques avec les industriels</strong>. Ce pouvoir peut prendre la forme d’un partage du risque qu’un médicament ne soit pas efficace pour certains patients. Il peut également provenir d’une plus grande coordination des pays européens pour réaliser une négociation de prix commune.</p> <p>Enfin, <strong>il faut accroitre la transparence des coûts de recherche et de développement et celle des négociations portant sur les prix des médicaments de manière à tendre vers des prix plus équitables</strong>. Que représentent les financements publics ou les contributions d'associations dans la recherche et le développement de chaque médicament&nbsp;? Comment le gain de progrès thérapeutique est-il estimé et valorisé monétairement&nbsp;? Les firmes pharmaceutiques poursuivant un objectif de profit, une façon de contenir l’impact de cet objectif dans la fixation des prix serait d'introduire des défenseurs de l’intérêt des patients et du bien commun de la société dans le conseil d’administration de ces firmes.&nbsp;</p> Setti Raïs Ali Sandy Tubeuf (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-12-17 2019-12-17 10.14428/regardseco/2019.12.12.01 Numéro 153 - décembre 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/52243 <p>Le Brexit a tenu l’Europe en haleine ces trois dernières années et aura des conséquences économiques et politiques majeures dans les années à venir. A l’approche d’élections qui s’annoncent déterminantes pour le Royaume-Uni, la forme que prendra le Brexit reste très incertaine. Loin de pouvoir en prédire précisément les conséquences, nous rappelons dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;les principaux enjeux du Brexit d’un point de vue économique et ses implications possibles, et nous revenons sur l’expérience des trois dernières années pour juger de son importance.</p> <p>En tant que membre à part entière de l’Union européenne, le Royaume-Uni fait actuellement partie du marché unique et de l’union douanière. Alors que le marché unique assure la libre circulation des biens et des services entre ses membres, l’union douanière garantit l’absence de frontières et implique une politique commerciale extérieure commune. Tous ses membres appliquent les mêmes tarifs douaniers aux importations en provenance de pays tiers. Le Royaume-Uni étant un pays qui commerce beaucoup avec les pays de l’Union européenne et les pays tiers, sortir de ces deux entités ne serait pas sans conséquence. Ceci pose la question de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, sujet encore très sensible au Royaume-Uni car il deviendrait nécessaire de réintroduire des contrôles à la frontière irlandaise. C’est la quadrature du cercle que doit résoudre un accord et la raison principale de son échec à ce jour. Les différentes solutions proposées n’ont jusqu’à maintenant pas fait consensus.</p> <p>Évaluer l’impact de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’est pas simple et nécessite de trouver réponse à une série de questions connexes : le Royaume-Uni sera-t-il dans une union douanière avec l’U.E. ? Le Royaume-Uni et l’Union européenne signeront-ils un accord de libre-échange ? Le cas échéant, quelle en sera sa nature ? Les accords de retrait que Theresa May, et plus récemment Boris Johnson, ont soumis à l’Union européenne ne fixent en effet qu’un cadre global de négociations et ne prévoient rien de précis sur les détails de l’accord commercial devant être négocié au cours de la période de transition fixée à deux ans.</p> <p>Les travaux académiques qui ont étudié les conséquences de différents scénarios du Brexit sur l’économie britannique et ses partenaires à long terme s’accordent dans leur ensemble sur le fait que la sortie de l’U.E. sera coûteuse pour le Royaume-Uni. L’ampleur de ces coûts est néanmoins incertaine dans la mesure où celle-ci repose sur les hypothèses des modèles théoriques sous-jacents et des scénarios envisagés.</p> <p>Le référendum a déjà eu des conséquences sur l’économie britannique. L’annonce du résultat du vote a entraîné un changement immédiat des attentes concernant l’avenir économique du Royaume-Uni. A l’ouverture des marchés financiers, le 24 juin, la livre sterling s’est dépréciée vis-à-vis des principales monnaies (euro, dollar, yen, yuan). Selon des travaux récents, le ménage moyen britannique a vu ses dépenses de consommation augmenter de 688 livres par an, soit une semaine et demie de salaire annuel. Cette augmentation des dépenses touche autant les ménages à revenu modeste que les ménages plus aisés. L’incertitude prégnante quant à l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne a elle aussi affecté l’activité des entreprises britanniques, et aura probablement une incidence sur la croissance à plus long terme. L’investissement a ainsi diminué progressivement au cours des trois dernières années et ce surtout pour les entreprises qui commercent beaucoup avec l’U.E.. Les entreprises ont également repoussé l’exportation de nouveaux biens ou cessé leurs exportations vers l’Union européenne dans l’année suivant le référendum. Dans le même temps, les entreprises britanniques investissent davantage en Union européenne.</p> <p>Il n’est encore pas clair à ce jour quand le Brexit aura lieu, ni même certain s’il aura bien lieu. Les élections de début décembre seront déterminantes pour la tournure qu’il prendra. L’expérience de ces trois dernières années ainsi que la nature des enjeux que le Brexit soulève laissent cependant craindre des effets non-négligeables, en particulier pour le Royaume-Uni.</p> Elsa Leromain Gonzague Vannoorenberghe (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-12-03 2019-12-03 10.14428/regardseco/2019.12.03.01 Numéro 152 - novembre 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/23943 <p>L’État providence n’a jamais été autant décrié qu’aujourd’hui et pourtant il n’a sans doute jamais été autant nécessaire. Les critiques qu’il doit essuyer viennent de ceux qui veulent en réduire la voilure comme de ceux qui le trouvent inefficace à remplir ses principales missions. Pourtant les multiples fractures sociales qui ont conduit une partie de la population à douter de politiques censées la secourir, et de basculer parfois dans le vote populiste, redonnent toute sa justification à un État providence plus performant et soucieux de combler le fossé séparant une certaine tranche de la population socialement intégrée d'une autre, composée d'exclus.</p> <p>Il convient cependant de reconnaître que le contexte actuel est bien différent de celui que l’État providence a connu au moment de son essor, après la seconde guerre mondiale. Les principaux changements concernent l’ouverture des frontières, le marché du travail de plus en plus précarisé, la structure familiale éclatée et l’individualisme croissant; auxquels s’ajoutent le défi climatique, le vieillissement démographique et un net ralentissement de la croissance. Ces nouvelles donnes qui menacent la pérennité de l’État providence appellent donc des réformes profondes.</p> <p>Avant de parler de réformes, il importe également de rappeler que jusqu’à un passé récent la performance de l’État providence a été satisfaisante. Elle n’a cessé de croître dans la plupart des pays européens et on a pu assister à une nette convergence entre ces mêmes pays européens. Certes des différences demeurent avec les pays nordiques comme premiers de classe et la Bulgarie, la Roumanie et la pauvre Grèce en bons derniers. Ce bilan globalement satisfaisant et qui va à l’encontre de jugements hâtifs et idéologiques ne doit pas nous faire oublier que les menaces demeurent, sans doute plus vives que dans le passé et qui se traduisent par diverses fractures sociales.</p> <p>La source majeure de ces fractures est sans nul doute la panne de l’ascenseur social. L’État providence s’est sans doute trop longtemps préoccupé de l’inégalité des revenus et de la pauvreté et pas assez de la mobilité sociale. Il semble important de réorienter ses priorités et d’adopter une politique davantage proactive. Cela demande de sécuriser le quotidien des pauvres mais aussi celui des classes moyennes qui subissent de plein fouet les chocs qu’entraine une économie de marché mondialisée. Cela exige surtout de donner aux uns et aux autres des perspectives d’avenir en remettant en marche l’ascenseur social.</p> <p>A cet effet, nous suggérons d’améliorer la perception des droits de succession et de rendre l’école davantage démocratique. Cela implique également une réorganisation de la protection sociale. Tout particulièrement, il faudrait revenir à des programmes qui dans la tradition bismarckienne ne couvrent pas seulement les plus pauvres mais l’ensemble de la société. On a sans doute eu trop tendance à se focaliser sur les seuls pauvres et oublier que le besoin de sécurité concernait d’autres catégories : les personnes dépendantes, les travailleurs précarisés, les retraités. Les salaires minimaux représentent une garantie de stabilité pour les travailleurs peu qualifiés. Plus généralement, il importe de s’assurer que les minimas sociaux soient fixés à un niveau supérieur au seuil de pauvreté. Ajoutons le fait que la famille qui a longtemps constitué un filet de sécurité solide commence à faire défaut. L’État se trouve ainsi confronté à des besoins nouveaux que couvraient la famille.</p> <p>Nous avons esquissé quelques réformes que réclament les fractures sociales. Il serait téméraire de croire que nous avons la réponse à une question dont les chercheurs et les hommes politiques n’ont pas fini de prendre la mesure. Mais ici plus qu’ailleurs, il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain, ce que n’hésiteraient pas de faire les ennemis de l’État providence.</p> Mathieu Lefèbvre Pierre Pestieau (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-11-07 2019-11-07 10.14428/regardseco/2019.11.07.01 Numéro 151 - octobre 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/23663 <p><strong>Une opinion publique favorable</strong><br>Les décisions d’augmenter l’âge légal à la pension et de «durcir» les conditions de carrière et d’âge pour accéder à la pension anticipée ont remis au centre de la concertation sociale la question de la pénibilité des métiers. Des sondages révèlent que plus de 80 % de la population est favorable à la prise en compte de la pénibilité dans la détermination des conditions d’accès à la pension. La question se pose alors de savoir comment identifier les métiers pénibles. C’est difficile mais ce n’est pas impossible.</p> <p><strong>Quels critères utiliser ?</strong><br>Si l’on regarde les autres pays européens, on doit admettre que la liste des métiers pénibles est parfois folklorique : les toreros en Espagne, les danseurs (sirtaki) en Grèce ou les musiciens jouant d’instrument à vent en Pologne. En Belgique, le rapport des conciliateurs Soete et de Callataÿ mentionne que les partenaires sociaux s’accordent sur le fait que «les éléments de pénibilité doivent être établis de façon objective, mesurable, contrôlable et facilement enregistrable».<br>Deux approches distinctes peuvent être utilisées : une approche (directe) basée sur les conditions de travail, et une approche (indirecte) basée sur l’impact du métier sur la santé et la mortalité.</p> <p><strong>La pénibilité sur base des conditions travail</strong><br>L’approche directe des conditions de travail est la voie qui avait été suivie par le gouvernement Michel Ier. Quatre critères avaient été définis par les partenaires sociaux : le travail physique lourd, l’organisation du travail pesante (en équipe, travail de nuit), les risques pour la sécurité accrus et la charge mentale et émotionnelle. Il avait été établi que si la profession répondait à un (resp., deux, trois) de ces critères, la durée de carrière requise pour une pension anticipée serait réduite de 5 % (resp. 10 %, 15 %). Cette réforme est aujourd’hui dans une impasse.<br>Cette approche est selon nous inadéquate et mène à des discussions sans fin sur la pondération entre les différents critères.<br>Nous proposons donc l’approche indirecte qui offre un raccourci en se limitant à objectiver l’impact du métier sur la santé. Juger de la pénibilité d’un métier sans regarder son incidence sur la santé c’est comme juger de la qualité d’un plat sans le goûter.</p> <p><strong>La pénibilité sur base de la mortalité</strong><br>Notre premier indicateur consiste à identifier les emplois avec un risque de mortalité élevé. Concrètement, nous utilisons une base de données américaine qui comporte 1.835.072 individus et renseigne leurs niveaux de salaire, d’études ainsi que leurs professions au moment de l’enquête, rassemblées en 91 «groupes de métiers». Ces personnes sont suivies durant 11 années afin de répertorier leurs (éventuelles) dates de décès. Nous observons 160.750 décès, ce qui signifie que<br>91,24 % des individus sont encore en vie à la fin du suivi. Nos résultats montrent qu’il existe un différentiel substantiel de longévité entre différents métiers à âge équivalent. Par exemple, si l’on considère l’espérance de vie d’un homme à 25 ans, nos résultats révèlent que les serveurs, les infirmiers, les militaires ou les métallurgistes ont une longévité sensiblement plus faible (7 ans de moins) que les enseignants, les ingénieurs ou les architectes. On pourrait penser que ce résultat est lié aux différences de revenus ou de genre. Mais si l’on tient compte de ces différences entre métiers nous obtenons une même hiérarchie avec le métier d’enseignant dont la pénibilité relative n’est pas avérée.</p> <p><strong>La pénibilité sur base de la santé</strong><br>L’espérance de vie n’est pas suffisante pour évaluer la pénibilité; car l’espérance de vie en bonne santé (morbidité) est aussi importante. Cependant, contrairement à la mortalité, celle-ci est plus difficile à appréhender. Nous utilisons dans notre analyse la santé autoévaluée (SAE) qui se base sur la question «Comment évaluez-vous votre santé ?» sur une échelle comportant 5 réponses (très bonne, bonne, moyenne, mauvaise et très mauvaise). Nous utilisons une base de donnée européenne qui contient 43.850 individus, avec leur métier, leur niveau d’études, leur salaire et leur SAE. Nous estimons la probabilité de se déclarer en bonne/très bonne santé pour un métier donné (par rapport à une profession de référence), en tenant compte de l’effet sur la santé d’autres facteurs comme le genre, l’âge, le niveau d’études, le salaire et le statut d’indépendant. Nos résultats révèlent par exemple que par rapport aux enseignants, les agriculteurs ou travailleurs du bâtiment ont 41 % moins de chances de se déclarer en bonne santé, les métallurgistes ou techniciens de surface 35% moins de chances, et les policiers ou services de protection 20 % moins de chances.<br>Il convient de préciser que nos résultats sont partiels car faute de données plus exhaustives et détaillées nous ne pouvons distinguer la pénibilité de certains métiers. Nos résultats sont aussi basés sur des données américaines et européennes car nous n’avons pu, à ce stade, nous procurer les données belges. C’est donc un appel à la poursuite de cette analyse de la pénibilité basée sur des données belges de santé et de mortalité.</p> <p>En Belgique les données nécessaires à cette analyse existent via la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale. Il faut aussi préciser que la pénibilité varie dans le temps et l’espace et que les indicateurs de pénibilité doivent être recalculés selon la situation et l’époque dans lesquelles ils sont utilisés. Etre policier en période d’alerte terroriste ne présente pas le même risque qu’être policier en temps normal.</p> Arno Baurin Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-10-22 2019-10-22 10.14428/regardseco/2019.10.22.01 Numéro 150 - septembre 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/22163 <p>La problématique de la réforme de nos pensions légales, dans le contexte bien connu du vieillissement de la population, reste plus que jamais d’actualité en Belgique. Les récentes prévisions budgétaires illustrent la nécessité urgente de revoir les mécanismes de notre système de pension pour en assurer une soutenabilité financière et une adéquation sociale.</p> <p><br>Si la France affiche une volonté claire de mener à bien, dans les prochains mois, une réforme fondamentale de ces régimes de retraite au travers d’un régime universel à points, force est de constater que le débat semble s’être essoufflé chez nous ces derniers mois dans le contexte de crise politique.</p> <p><br>Pourtant, la Commission de réforme des pensions 2020-2040 avait, dès 2014, proposé dans son rapport une réforme de l’ensemble de nos régimes de pension légale. Le projet était basé sur un système à points : chacun accumule durant sa carrière des points de retraite en fonction de ses rémunérations; ces points s’additionnent chaque année; à l’âge de la retraite, la somme de ces points est reconvertie en euros au travers de la valeur du point, pour déterminer le montant de la pension. Ce nouveau mécanisme, perçu comme une révolution par rapport à nos systèmes actuels, permet de répondre aux grands défis du vieillissement. Mais il a suscité aussi beaucoup d’incompréhensions et de réactions négatives. Le concept de point a été vu comme une idée peu transparente. L’incertitude, réelle ou fantasmée, mais ressentie par un grand nombre de personnes quant à l’évolution de la valeur du point a focalisé l’attention.</p> <p><br>Face au rejet du concept de pension à points mais réaliste face à la nécessité de réformer le système, nous proposons l’alternative suivante : le compte individuel pension. Ce système vise à mieux garantir en cours de carrière la formation progressive des droits à la pension légale, tout en permettant la mise en place d’un nouveau cadre répondant aux mêmes objectifs de viabilité à moyen et long terme que la pension à points.</p> <p><br>Cette nouvelle proposition, qui fonctionne toujours dans une logique de répartition, consiste à créer pour chacun durant sa carrière un compte individuel pension, exprimé en euros et qui fonctionne à l’image d’un compte courant : d’une part ce compte est crédité chaque année par le nouveau droit de pension de l’année en cours (une quotité de la future pension), d’autre part il est revalorisé en liaison avec l’évolution des salaires. Ce mécanisme permet donc de sécuriser progressivement en cours de carrière les droits au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’âge de la retraite. L’incertitude fait progressivement place à la sécurité.<br>Par ailleurs, le système contient comme dans le régime à points, un certain nombre de paramètres qui permettront de s’adapter aux réalités démographiques et économiques. Ce système permet également, comme dans la pension à points, une flexibilité en termes de décision individuelle relative à l’âge de la retraite ou de pension partielle, grâce à un mécanisme de responsabilisation.<br>S’agissant d’un système exprimé en euros, le compte individuel pension permettra une communication et une transition plus facile par rapport aux mécanismes existants. Il peut être perçu à ce titre comme une évolution par rapport aux systèmes actuels plutôt qu’une révolution.</p> Pierre Devolder (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-09-24 2019-09-24 10.14428/regardseco/2019.09.24.01 Numéro 149 - juillet 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/20743 <p>Malgré de nombreuses créations d’emplois, un chômage au plus bas et une hausse significative du pouvoir d’achat, l’économie belge progresse toujours lentement. Sa croissance devrait rester faible sur l’ensemble de la période de projection. L’environnement international s’est en effet assombri, la croissance économique en zone euro ayant notamment fortement ralenti. L’expansion de l’économie belge devrait dès lors reposer avant tout sur la demande intérieure mais, en raison de la dégradation de la confiance des ménages et des entreprises, la progression de celle-ci serait considérablement freinée sur la période de projection. Dans ce contexte, la croissance de l’économie belge resterait limitée à 1,1 % en 2019 et 1,2 % en 2020.</p> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Sébastien Fontenay Alexandre Ounnas Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-07-08 2019-07-08 10.14428/regardseco/2019.07.05.01 Numéro 148 - juin 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/20563 <p>Le contrôle de l'immigration clandestine est un sujet très controversé qui anime le débat public, en Belgique comme dans d’autres pays occidentaux. L’immigration clandestine vers les pays européens est un phénomène important, mais qui reste par sa nature difficile à mesurer. Selon les estimations de l’Union Européenne (Clandestino, 2009), en 2008, il y avait en Belgique 1,1 immigrés irréguliers pour 10 migrants réguliers, une situation comparable aux Pays-Bas (1,4 immigrés irréguliers pour 10 réguliers), à la France (0,8 immigrés irréguliers pour 10 réguliers), et à l’Italie (1 immigré irrégulier pour 10 réguliers).</p> <p>Dans ce numéro de Regards économiques, nous nous proposons de clarifier les termes du débat et d’en discuter les implications de politique économique. Nous montrons que la réduction de la pression fiscale et la lutte contre la fraude fiscale peuvent contribuer à contenir l’immigration clandestine, et sont donc une alternative possible aux politiques coercitives basées sur le contrôle des frontières et les rapatriements. Au contraire, la mise en œuvre de politiques commerciale protectionnistes (de nouveau à la mode ces derniers temps) pourrait conduire à une augmentation du nombre d'immigrants clandestins.</p> <p>Une partie de l’opinion publique semble aujourd'hui poursuivre des chimères dangereuses, et se réfugie dans l'espoir illusoire qu’un contrôle plus strict des frontières puisse résoudre tous les problèmes. Notre contribution est une mise en garde partielle contre cette illusion, et propose des solutions alternatives. Selon notre analyse, un gouvernement qui s'engage sérieusement dans la lutte contre l’économie souterraine et qui ne cède pas aux tentations protectionnistes, serait mieux placé pour relever les défis de l'immigration illégale.</p> Fabio Mariani Luca Pensieroso (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-06-20 2019-06-20 10.14428/regardseco/2019.06.20.01 Numéro 147 - mai 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/20303 <p>Selon l’analyse économique&nbsp;du rôle des parents dans l’éducation des enfants,&nbsp;plus les inégalités de revenu sont élevées dans un pays, plus&nbsp;les parents essayeront de pousser leurs enfants à devenir des champions. Cela&nbsp;explique pourquoi les parents sont très impliqués dans la vie de leurs enfants&nbsp;en Chine alors que les parents sont bien plus détendus avec leurs enfants aux&nbsp;Pays-Bas et en Suède. L’inégalité croissante des revenus peut aussi&nbsp;conduire à&nbsp;des divergences d’éducation parentale entre les familles riches et pauvres dans&nbsp;une société, ce qui met en péril la mobilité sociale et l'idéal d'égalité des&nbsp;chances pour tous.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les auteurs de ce numéro de <em>Regards économiques</em> sont les coauteurs du livre <em>Love, Money, and Parenting: How Economics Explains the Way We Raise Our Kids</em> publié chez Princeton University Press en 2019.</p> Matthias Doepke Fabrizio Zilibotti (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-05-29 2019-05-29 10.14428/regardseco/2019.05.29.01 Numéro 146 - mai 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/19383 <p>Dans ce numéro de <em>Regards économiques</em>, trois questions sont étudiées. D’une part, nous examinons si, en Belgique, la relation entre l’emploi et l’activité économique s’est renforcée au cours des dernières années. D’autre part, nous essayons de déterminer quels sont les principaux facteurs qui, en Belgique, ont contribué à la forte création d’emplois depuis 2015. Enfin, nous apportons quelques éléments d’analyse sur les impacts possibles sur l’emploi de la politique de modération salariale mise en œuvre en Belgique entre 2015 et 2018. Les résultats principaux de notre analyse sont les suivants.</p> <p>&nbsp;Entre 2015 et 2018, près de 230.000 nouveaux emplois ont été créés en Belgique, dont 158.000 dans le secteur salarié privé. Notre analyse a mis en évidence qu’une part non négligeable (40 %) de ces créations d’emplois provient de facteurs qui ne sont pas propres à la période considérée, en raison d’une inertie importante dans l’évolution de l’emploi. Et parmi les emplois supplémentaires qui sont le résultat de facteurs spécifiques aux quatre dernières années écoulées, les conditions économiques jouent un rôle prépondérant, d’un ordre de grandeur cinq fois plus élevé que l’évolution du coût du travail. Certes, les pouvoirs publics ont des leviers d’action pour soutenir l’activité économique mais, dans une économie très ouverte comme la Belgique, celle-ci est en grande partie déterminée par celle de nos partenaires commerciaux.</p> <p>&nbsp;Récemment, plusieurs études ont entrepris d’évaluer quel a été l’impact de la politique de modération salariale menée par le gouvernement sortant sur les créations nettes d’emplois enregistrées au cours des dernières années. Selon au moins deux études dont nous avons connaissance (FEB, 2017; Bijnens et Konings, 2019), l’impact estimé est très positif : + 140.000 emplois et + 75.000 emplois salariés supplémentaires dans le secteur privé, pour ces deux études respectivement. Nos résultats suggèrent que l’impact est plus modeste, et ce pour deux raisons.</p> <p>&nbsp;Premièrement, notre analyse ne révèle pas l’existence de rupture dans l’intensité en emplois de la croissance économique sur la période étudiée (1995-2018). Il nous semble que si les mesures de réduction du coût du travail (les récentes ainsi que celles prises par les gouvernements précédents) avaient eu un impact positif important sur la création d’emplois, une rupture aurait été détectée, comme cela est le cas pour l’Allemagne et les Pays-Bas.</p> <p>&nbsp;En second lieu, les résultats de nos simulations montrent que l’ensemble des mesures d’abaissement du coût du travail prises pendant la législature qui se termine aurait permis la création de 59.000 emplois supplémentaires dans l’ensemble de l’économie et de 27.500 unités si on se limite à l’emploi salarié dans le secteur privé (comme le font les études de la FEB, 2017 et de Bijnens et Konings, 2019). En tenant compte du nécessaire financement de certaines mesures et de leurs effets retour potentiellement positifs sur la croissance économique, nous estimons que l’impact global de la politique de modération salariale devrait être légèrement supérieur au chiffrage généré par nos simulations.</p> Vincent Bodart Muriel Dejemeppe Sébastien Fontenay (c) Tous droits réservés 2019 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-05-06 2019-05-06 10.14428/regardseco/2019.05.02.01 Numéro 145 - mars 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/18583 <p>Tarif prosumer : ces deux mots ont fait couler beaucoup d’encre dernièrement. Alors qu’ils utilisent le réseau de distribution d’électricité pour injecter et pour prélever de l’électricité, les prosumers, principalement des particuliers ayant installés des panneaux photovoltaïques sur leur toit, ne contribuent presque pas à son financement. Cela s’explique par le fait que la facture est basée sur la consommation nette, c’est à dire le solde entre les prélèvements et les injections d’électricité sur le réseau. Pour une installation photovoltaïque dont la production est supérieure ou égale à la consommation, les deux flux se compensent et la facture est quasi nulle. Acté depuis 2 ans, le tarif prosumer proposé par la CWaPE, le régulateur de l’énergie en Wallonie, a pour objectif de faire contribuer plus équitablement les prosumers au financement du réseau électrique à partir de janvier 2020. Cependant en janvier 2019, le Ministre de l’Energie a souhaité limiter l’application de ce tarif prosumer aux installations postérieures à juin 2019, exonérant ainsi les plus de 150 000 ménages disposant actuellement d’une unité de production décentralisée chez eux.</p> <p>Au-delà de cette controverse, l’objectif de ce numéro de Regards économiques est d’expliquer pourquoi la tarification actuelle est inadaptée à l’émergence de ces ménages qui sont à la fois producteurs et consommateurs d’électricité. Cet article se base sur les résultats de nos travaux scientifiques appliqués à la situation wallonne. Nous y montrons qu’un tarif calculé sur base volumétrique via un compteur ne permettant pas de mesurer séparément le prélèvement et l’injection d’électricité ne crée pas des incitations correctes pour les prosumers. Entre autres, nous observons que ce système n’encourage pas de la meilleure manière possible l’autoconsommation, c’est-à-dire la consommation de l’électricité sur son lieu de production, et qu’il mène dans certains cas à une augmentation de la consommation d’électricité des prosumers.</p> <p>Sur base de ces constats, nous proposons de faire évoluer la tarification actuelle afin d’éviter ces lacunes et de mieux refléter les différents services rendus à l’ensemble des utilisateurs du réseau. Tout d’abord, la structure tarifaire doit évoluer et la facture doit moins dépendre du volume d’électricité consommé. Pour maintenir les revenus du réseau, une redevance réseau fixe plus importante doit être mise en place. Celle-ci devrait être capacitaire et calculée sur base de la consommation de pointe. Enfin, il nous semble indispensable de différencier le tarif lié au prélèvement et à l’injection d’électricité via un basculement généralisé vers des compteurs double flux.</p> <p>Les nouvelles technologies chamboulent les interactions entre les différents consommateurs et le réseau d’électricité. Aujourd’hui, ce sont les technologies de production décentralisée et demain ce sera au tour des batteries ou de l’autoconsommation collective. Rien n’est immuable et la tarification se doit d’évoluer face aux changements observés.</p> <p>Les travaux de recherche discutés dans ce numéro de Regards économiques sont réalisés dans le cadre du projet de recherche Transition énergétique, consommateurs et réseaux – TECR qui est financé par la Région Wallonne et dont la conférence de clôture aura lieu le 21 mars à Liège.</p> <p>Renseignements et inscriptions :&nbsp;<a href="https://hec-liege.events.idloom.com/transition-energetique-PM">https://hec-liege.events.idloom.com/transition-energetique-PM</a></p> Axel Gautier Julien Jacqmin (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-03-14 2019-03-14 10.14428/regardseco/2019.03.14.01 Numéro 144 - janvier 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/18133 <p>Comment se portent les Belges ? Qui sont les plus démunis dans notre société ? Pour répondre à ces questions à priori simples, il convient de s’accorder sur ce qu’est le bien-être.</p> <p>Pour la plupart des gens, la notion de bien-être ne se limite pas aux possessions matérielles et englobe d’autres aspects tels qu’une bonne santé, un emploi du temps judicieux et un environnement de vie agréable.</p> <p>Malgré tout, la pratique la plus courante consiste à utiliser les revenus comme indicateur du bien-être : selon le seuil de pauvreté officiel européen, une famille est considérée comme pauvre si son revenu est inférieur à 60 % du revenu médian dans la société.</p> <p>Il est toutefois de plus en plus reconnu que beaucoup de choses importantes dans la vie ne peuvent pas s’acheter. Ainsi, une quantité croissante de recherches empiriques cherche à mesurer à quel point les gens se sentent «heureux» ou «satisfaits de leurs vie». Il ressort de ces recherches que les sentiments de bonheur dépendent significativement de la situation objective des gens : les personnes ayant un revenu plus élevé, une meilleure santé ou un logement de meilleure qualité se déclarent en moyenne plus heureux. Cela fait-il du bonheur un indicateur «adéquat» du bien-être?</p> <p>Cet indicateur dépend aussi des aspirations, des attentes et des traits de personnalité des individus. Par conséquent, utiliser le bonheur comme unique indicateur du bien-être impliquerait de donner la priorité aux personnes qui se déclarent les plus insatisfaites, mais qui ne se trouvent pas nécessairement dans la situation objective la plus précaire.</p> <p>Un consortium de chercheurs de la KU Leuven, de l'Université d'Anvers, de l'Université Catholique de Louvain et de l'Université Libre de Bruxelles s’est penché sur ces questions et propose une nouvelle méthode, celle du revenu équivalent, pour mesurer le bien-être individuel. Cette méthode prend non seulement en compte la situation des personnes dans différents domaines de leur vie, mais également la façon dont ces personnes évaluent ce qui est important dans leur vie. Elle vise donc à atteindre un compromis entre les indicateurs purement objectifs et subjectifs du bien-être.</p> <p>Au moyen d’une vaste enquête menée dans toute la Belgique, ils étudient les divers aspects du bien-être individuel, examinent leur corrélation et comparent le revenu équivalent aux indicateurs standards de bien-être matériel et subjectif.</p> <p>Les données de cette enquête sont disponibles au niveau individuel. Cela permet d’aller plus loin que la pratique courante analysant les familles dans leur ensemble et d’observer les inégalités existant entre membres d’une même famille au niveau de la consommation et de l’emploi du temps, entre autres.</p> Bart Capéau Laurens Cherchye Bram De Rock Koen Decancq André Decoster François Maniquet Annemie Nys Guillaume Périlleux Eve Ramaekers Zoé Rongé Erik Schokkaert Frederic Vermeulen (c) Tous droits réservés 0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ 2019-01-31 2019-01-31 10.14428/regardseco2019.01.16.01 Numéro 143 - janvier 2019 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16723 <p>Après avoir été soutenue en 2017, la croissance de l’économie belge est redevenue plus modeste en 2018. L’expansion de l’économie belge resterait modérée en 2019. Alors que la demande intérieure devrait être soutenue par l’amélioration de la situation du marché du travail et du pouvoir d’achat des ménages, de même que par un certain optimisme des entreprises, la contribution de la demande étrangère serait en revanche réduite en raison d’un ralentissement de la croissance de l’économie mondiale et du commerce international. De 1,5 % en 2018, la croissance du PIB belge diminuerait à&nbsp;<br>1,3 % en 2019.</p> <p>En résumé , nos prévisions macroéconomiques pour 2019 sont les suivantes:</p> <ul> <li>L’économie belge devrait croître de 1,3 % en 2019.</li> <li>L’emploi augmenterait, en termes nets, de 37.900 unités en 2019.</li> <li>Le nombre de demandeurs d’emploi diminuerait de 15.200 unités en 2019.</li> <li>L’inflation générale des prix à la consommation s’élèverait à 1,8 % en 2019.</li> <li>Le déficit budgétaire des administrations publiques serait de 1,6 % du PIB en 2019.</li> </ul> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Sébastien Fontenay Alexandre Ounnas Mathieu Sauvenier (c) Tous droits réservés 2019 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2019-01-30 2019-01-30 10.14428/regardseco2019.01.11.01 Numéro 142 - novembre 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15783 <p>Les produits dérivés ont mauvaise réputation auprès du grand public. Avec les manquements des agences de notation, ils sont en effet souvent pointés du doigt comme faisant partie des principales causes ayant entrainé la crise financière de 2008 dont nous continuons, aujourd’hui encore, à subir les conséquences. Leur nature «spéculative» ainsi que leur caractère parfois obscur en font en effet des cibles privilégiées. Une partie de ce marché s’est écroulé. Cependant, l’activité financière associée reste gigantesque. On estime aujourd’hui la taille de ce marché à environ 7 fois la richesse produite à l’échelle planétaire en une année. Chaque jour, des transactions sont effectuées pour un montant avoisinant les 800 milliards de dollars. Ces chiffres semblent confirmer l’idée selon laquelle ce marché est complètement déconnecté d’une quelconque réalité économique.</p> <p>On associe souvent le terme «produit dérivé» à un pari sur l’évolution des cours. Ce qui suscite inévitablement de grands débats lorsque ceux-ci concernent un domaine aussi sensible que l’alimentation de base. Cependant, une analyse de l’importance relative des différentes classes d’actifs sur ce marché révèle qu’environ 90% des contrats portent exclusivement sur l’évolution des taux d’intérêt et des taux de change. Or, ces deux facteurs sont précisément fortement liés à l’économie réelle. Et ce n’est pas un hasard.</p> <p>Ce numéro de Regards économiques se veut essentiellement pédagogique. Il s’adresse aux lecteurs qui seraient peu familiers avec les produits dérivés et leurs applications. L’auteur propose un point de vue à contre-courant du discours généraliste qui plaide généralement pour un bannissement de ces produits. Sur base d’exemples simples, Frédéric Vrins nous explique que les produits dominants sur ce marché jouent un rôle de lubrifiant dans l’économie réelle. A la manière des contrats d’assurance, ils permettent de transférer des risques courus par des agents peu amènes à les gérer, vers des institutions spécialisées. La position des banques sur ces produits, souvent présentée comme spéculative, résulte en réalité de la nature fondamentale -voire de la raison d’être- d’une institution bancaire : un organisme offrant des services de protection financière.</p> <p>L’auteur attire enfin notre attention sur les dangers d’une régulation qui pénaliserait excessivement ce secteur. Ainsi par exemple, la titrisation est une technique d’ingénierie financière permettant de transformer une série de contrats individuels (souvent privés, comme des créances) en produits financiers que l’on peut donc qualifier de «dérivés». Ils sont souvent encore plus décriés que les produits «standards» évoqués plus haut dans la mesure où leur construction est nettement plus opaque. Si une titrisation excessive peut être pointée comme une des origines de la crise financière (via les subprimes), elle s’avère paradoxalement être aujourd’hui un outil fondamental dans sa résolution. Ainsi par exemple, le «rehaussement de crédit» est une technique intensément exploitée par le Fonds Européen d’Investissement destinée à diminuer le coût de financement des petites et moyennes entreprises. A l’heure de finaliser cet article, cette technique est également privilégiée pour solutionner la bulle des certificats verts.</p> <p>Malgré sa technicité, la régulation des produits dérivés est une problématique susceptible de nous impacter tous, quel que soit notre intérêt pour la finance. Ainsi, la fin des crédits hypothécaires à taux fixe (récemment évoquée en Belgique) peut être perçue comme une conséquence de la volonté de limiter le recours à ce type de produits.</p> Frédéric Vrins (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.11.01 Numéro 141 - octobre 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15153 <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;publie les résultats d’une étude consacrée à la formation des salaires en Belgique sur la période 1995-2015. L’article examine le rôle des interactions salariales entre secteur privé et secteur public. La question de fond est de savoir si des hausses de salaires octroyées dans un secteur peuvent provoquer des hausses excessives dans l’autre au regard par exemple de la compétitivité et de l’emploi.</p> <p>L’intérêt de distinguer les secteurs privé et public résulte de plusieurs facteurs. Le secteur privé se distingue par l’importance du progrès technique et des gains de productivité, mais aussi par son exposition à la concurrence internationale et donc une moindre maîtrise des prix de vente. Les logiques économiques des deux secteurs sont également radicalement différentes, marchande pour l’un, non-marchande pour l’autre. On peut faire l’hypothèse que les gains de productivité récurrents permettent aux entreprises du secteur privé d’accorder des hausses de salaires régulières à leurs travailleurs. Dans le cas de marchés du travail parfaitement fluides avec de faibles coûts de mobilité intersectorielle, le secteur public n’aurait d’autre choix que d’aligner ses salaires sur ceux du privé s’il veut rester attractif sur le marché du travail. En d’autres termes, le secteur privé jouerait automatiquement le rôle de leader salarial. Mais on peut aussi imaginer un mécanisme semblable en sens inverse : le secteur public étant «abrité» de la concurrence internationale pourrait accepter des augmentations de salaire, qui, par effet de contagion, se transmettraient au secteur privé et dégraderaient la compétitivité et donc l’emploi de celui-ci.</p> <p>Les résultats économétriques sur la période 1995-2015 ne suggèrent pas l’existence, dans la formation des salaires belges, d’un secteur «leader» qui imposerait systématiquement ses hausses de salaire à l’autre secteur. Ce résultat désamorce la crainte d’effets distorsifs pour la compétitivité et l’emploi. Par contre, des interactions sectorielles sont bien observées et sont importantes. Elles sont bidirectionnelles (sans «leader» systématique) et impliquent de forts effets de contagion puisqu’environ 50% d’une variation de salaire observée dans un secteur est rapidement répercutée dans l’autre secteur. Ce résultat est cohérent avec le degré relativement élevé de centralisation et de coordination dans la formation des salaires en Belgique. Ces fortes interactions salariales sectorielles expliquent aussi la rapide propagation dans les deux secteurs des effets de chocs macroéconomiques. A long terme cependant, chaque secteur garde une large autonomie. Dans le secteur privé, les salaires répercutent intégralement l’évolution de la productivité du travail, avec néanmoins une tendance systématique négative de quelque 0,36% l’an qu’on peut interpréter en termes de changements structurels et de modération salariale. Au final, les salaires du secteur privé ont évolué moins vite que ceux du secteur public. Les fortes interrelations sectorielles ne signifient donc pas que les évolutions salariales sont strictement parallèles. La grande récession de 2008-2009 par exemple a affecté très différemment les secteurs privé et public. Le secteur privé est nettement plus sensible aux variations de l’environnement économique (productivité, chômage).</p> Arnaud Bourgain Kirti Mehta Fatemeh Shadman Henri Sneessens (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.10.01 Focus 22 - septembre 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16293 <p class="p2">Des allocations de chômage plus élevées au cours des six premiers mois. Dans les mois suivants un déclin plus rapide. C'est ce que le gouvernement fédéral a décidé dans le «jobs deal» de cet été. Par cette réforme le gouvernement entend encourager les personnes sans emploi à rechercher plus activement du travail et à accepter plus vite une offre d’embauche. Le gouvernement brandit des arguments scientifiques pour justifier une dégressivité plus rapide. Mais y a-t-il un consensus scientifique à ce sujet ? Nous ne le pensons pas. En outre, nous considérons que ce volet du deal porte atteinte à une des principales missions de l’assurance-chômage.</p> Bart Cockx André Decoster Muriel Dejemeppe Johannes Spinnewijn Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.09.24.01 Numéro 140 - juillet 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12463 <p>L’amélioration du marché du travail et du pouvoir d’achat des ménages, l’optimisme des entreprises, ainsi que la vigueur de l’économie mondiale, devraient soutenir une nouvelle hausse significative de l’activité économique belge sur la période de projection. Néanmoins, en raison de résultats conjoncturels moins positifs que prévu pour le début de l’année, notre prévision de la croissance annuelle de la Belgique pour 2018 a été revue à la baisse. Elle est à présent de 1,6 %, contre 1,9 % il y a trois mois. En 2019, la croissance en Belgique serait à nouveau de 1,6 %.</p> <p>En résumé , nos prévisions macroéconomiques pour 2018-2019 sont les suivantes :</p> <ul> <li>L’économie belge devrait croître de&nbsp;<strong>1,6 %</strong>&nbsp;en 2018 et 2019.</li> <li>L’emploi augmenterait, en termes nets, d’environ&nbsp;<strong>85.000&nbsp;</strong>unités sur la période 2018-2019.</li> <li>Le nombre de demandeurs d’emploi diminuerait d’environ&nbsp;<strong>31.000&nbsp;</strong>unités sur la période 2018-2019.</li> <li>L’inflation générale des prix à la consommation baisserait à&nbsp;<strong>1,9 %</strong>&nbsp;en 2018 et&nbsp;<strong>1,7 %</strong>&nbsp;en 2019.</li> <li>Le déficit budgétaire des administrations publiques serait de&nbsp;<strong>0,9&nbsp;%</strong>&nbsp;du PIB en 2018 et de&nbsp;<strong>1,5 %</strong>&nbsp;en 2019.</li> </ul> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Sébastien Fontenay Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.07.01 Focus 21 - juin 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16303 <p class="p2">Le paysage de l’Internet est en train de se transformer radicalement aux États-Unis. Deux décisions récentes vont modifier en profondeur la manière dont les fournisseurs d’accès à Internet (ci-après FAI, tel que Proximus) et les fournisseurs de contenu (tel que YouTube) interagissent. Le 11 juin, le régulateur américain des télécoms (FCC) a édicté de nouvelles règles concernant la neutralité du net. Alors que l’Open Internet Order de 2015 et abrogé en décembre réaffirmait le principe de neutralité du net et limitait sévèrement les pratiques des FAI, les nouvelles règles parues le 11 juin (ou plutôt l’absence de règles) permettent aux FAI de faire plus ou moins ce qu’ils veulent sous la seule obligation de transparence. La même semaine, la justice américaine validait la fusion entre AT&amp;T (un des plus importants FAI américain) et Time Warner (fournisseur de contenu), alors que continue la bataille entre Disney et le FAI Comcast pour le rachat de la Fox. A travers ces fusions, on assiste à une intégration des FAI et des fournisseurs de contenu. Dans ce focus, je reviens sur les implications de la neutralité du net.*</p> Axel Gautier (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.06.28.01 Numéro 139 - mai 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12483 <p>La proposition de réforme des régimes belges de pension légale visant à introduire une pension à points a fait l’objet ces derniers mois de nombreuses interrogations et critiques, souvent basées sur une mécompréhension du mécanisme envisagé. Pourtant, loin d’être comme certains ont pu le prétendre une loterie ou une variable d’ajustement du budget de l’Etat, le système proposé est en réalité porteur de valeurs d’équité sensiblement absentes des régimes actuels :&nbsp;</p> <p><strong>1°) Equité entre les générations</strong></p> <p>Il n’est pas équitable de faire peser tout l’effort d’ajustement lié au vieillissement soit sur les seuls actifs soit sur les seuls pensionnés. L’effort devrait être partagé entre tous pour peser moins sur chacun. La pension à points est basée à cet égard sur:<br>- une répartition équitable des gains de longévité de sorte à maintenir un rapport stable entre durée de carrière et durée de pension;<br>- un maintien d’un rapport stable entre le niveau moyen des pensions et le niveau moyen des rémunérations des actifs, nets des cotisations de pension.</p> <p><strong>2°) Equité au sein des générations</strong></p> <p>Accepter comme c’est le cas aujourd’hui en Belgique un régime traditionnel avec un âge uniforme de pension, c’est accepter qu’un régime de sécurité sociale conduise à des effets clairement anti-redistributifs, compte tenu de l’inégalité sociale vis-à-vis de l’espérance de vie. Plutôt que de fixer un âge légal de retraite identique pour tous, le système prévoit de fixer une durée de carrière de référence identique pour tous. Ceux qui démarrent leur carrière plus tôt peuvent donc aussi décrocher plus tôt.</p> <p><strong>3°) Equité et responsabilisation individuelle</strong></p> <p>Tout le monde ne part pas nécessairement à sa date «légale» en pension. Le système des points vise au contraire dès le départ à inscrire, dans son architecture même, une équité en permettant la flexibilité dans la décision individuelle de départ à la pension mais tout en responsabilisant l’affilié des conséquences d’un départ anticipé ou d’un report volontaire de la pension. Le système permet aussi de prévoir de manière juste une sortie partielle du marché de l’emploi en instaurant la possibilité d’une pension progressive.</p> <p><strong>4°) Equité entre régimes</strong></p> <p>L’historique de développement des régimes de sécurité sociale a conduit à avoir en Belgique trois grands régimes de pension légale, aux niveaux de prestations très différents: les travailleurs statutaires des services publics, les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants.(1) Rien ne justifie plus aujourd’hui d’avoir des systèmes aux philosophies et aux formules inutilement contrastées. Le développement des carrières mixtes exige au ontraire des règles communes aux trois régimes. Le système des points permet cela tout en prévoyant le maintien de trois régimes distincts, les différences étant maintenues là où elles se justifient objectivement.&nbsp;&nbsp;</p> <p><strong>5°) Equité dans la continuité</strong></p> <p>Lorsque l’environnement exige des adaptations au régimes existants, celles-ci se font aujourd’hui de manière discrétionnaire et abrupte en fonction de décisions politiques successives parfois contradictoires. Ces changements discrétionnaires amènent à des inégalités de traitement entre générations en fonction de la date de prise de pension. Le système envisagé vise au contraire à doter les régimes de mécanismes d’adaptation souples et progressifs, connus à priori de tous et basés à la fois sur des indicateurs objectifs et publics.</p> <p>&nbsp;</p> <p>(1) Les prestations moyennes de pension de retraite varient entre 284 euros pour les femmes et 1.041 euros pour les hommes chez les indépendants, et respectivement 2.414 euros et 2.677 euros chez les fonctionnaires. Chez les salariés, les prestations moyennes sont respectivement de 918 euros et 1.531 euros.</p> Pierre Devolder Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.05.02 Numéro 138 - mai 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12493 <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;analyse le décret qui organise les inscriptions en première année secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le décret inscription requiert que les parents transmettent une liste de maximum dix établissements dans lesquels ils aimeraient inscrire leur enfant, classés dans l’ordre de leurs préférences. En parallèle, le décret fixe les critères qui sont utilisés pour déterminer à quels enfants donner priorité lorsque la demande pour un établissement excède son nombre de places disponibles. L’allocation des places disponibles est réalisée par un algorithme se basant sur les préférences transmises par les parents et les critères de priorité.</p> <p>Dans la mesure du possible, les élèves souhaiteraient pouvoir s’inscrire dans les établissements qu’ils estiment leur convenir le mieux. Le décret inscription atteint-il cet objectif&nbsp;? Le rapport 2018 de la Commission Interréseaux des Inscriptions révèle qu’au 11 avril 2018, 91,13% des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) étaient assurés de disposer d’une place dans «&nbsp;l’établissement de leur première préférence&nbsp;». A Bruxelles, ils étaient 77,85% dans ce cas. Si ces chiffres paraissent encourageants, il convient cependant de les relativiser car ils mesurent le pourcentage d’élèves pouvant s’inscrire dans l’établissement qu’ils ont classé en haut de leur liste. Mais le décret actuel incite les parents à ne pas classer les écoles dans l’ordre de leurs vraies préférences parce qu’il alloue 80% des places disponibles dans une école sur base des premiers choix et parce que la priorité d’un élève augmente dans un établissement qu’il a bien classé. En classant les écoles de manière stratégique, les élèves peuvent parfois obtenir une meilleure affectation qu’en les classant selon l’ordre de leurs préférences. Dès lors, ces chiffres ne nous disent pas vraiment quelle est la proportion d’élèves qui ont obtenu leur école préférée.</p> <p>Nous expliquons dans cet article que les comportements stratégiques des parents entraînent une série de désavantages. Le décret complexifie la tâche des parents, il favorise les élèves les mieux informés au détriment des autres, il constitue une source de stress lors de la réalisation du classement et de remords une fois les résultats connus, il peut conduire la direction d’établissement à influencer le classement choisi par les parents, il peut générer des situations où des échanges d’établissement permettraient aux élèves d’améliorer leur situation, il ne garantit pas à un élève une place dans une école dans laquelle il a une priorité plus élevée qu’un autre élève pouvant s’y inscrire et il favorise les élèves qui ont des options externes au détriment de ceux qui n’en ont pas. Par contre, il peut induire une allocation des élèves telle que ceux qui ont une préférence forte pour un établissement prisé peuvent s’y inscrire parce qu’ils prennent le risque de classer cette école en première position, alors que d’autres optent pour des stratégies sûres.</p> <p>Quelle est l’ampleur de ces comportements stratégiques et surtout quels sont leurs effets&nbsp;? La réponse à ces questions dépend notamment des tensions entre l’offre et la demande dans les établissements ciblés par les élèves. S’ils avaient la garantie de pouvoir s’inscrire dans une école qu’ils apprécient, même si cette école n’est pas celle qu’ils préfèrent, le décret inscription et les classements stratégiques qu’il induit ne poseraient pas de problèmes. A l’inverse, lorsque tous les établissements dans lesquels des parents souhaiteraient inscrire leur enfant sont fortement demandés, la position de chaque école dans le classement est cruciale. En effet, des élèves peuvent dans ce cas se retrouver sans établissement parce qu’ils ont classé les écoles d’une manière plutôt que d’une autre.</p> <p>Les classements stratégiques sont de ce fait déterminants dans les zones densément peuplées en regard des places qui y sont disponibles (Nord-Est de Bruxelles) ou pour des parents qui veulent absolument inscrire leurs enfants dans un établissement qui a une bonne réputation.</p> <p>Gardons cependant en tête que ces difficultés ne sont pas le résultat de l’utilisation d’un algorithme mais proviennent plutôt d’une offre insuffisante en regard de la demande. Si les effets pervers liés aux classements stratégiques étaient jugés trop importants, il y aurait alors lieu de remplacer le décret inscription par une procédure non manipulable. Notons qu’un tel changement n’implique pas de modifier les critères déterminant les priorités attribuées aux élèves. Par contre, comme expliqué dans Maniquet (2009), changer l’algorithme modifiera la performance de la procédure en termes d’efficacité et de respect des priorités fixées par le décret, que ce soit en l’améliorant ou en la détériorant. Le choix d’une autre procédure peut être éclairé par les résultats des nombreuses études scientifiques qui ont proposé&nbsp;et évalué différentes procédures d’inscription centralisées.</p> Benoit Decerf Gilles Grandjean Tom Truyts (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.05.01 Numéro 137 - mars 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12503 <p>Depuis quelques années, un vent de contestation souffle dans les facultés d’économie de nombreuses universités européennes. On y voit des étudiants et des étudiantes se plaindre de ce qu’ils considèrent être une absence de pluralisme dans la discipline économique. La plainte peut se résumer en deux propositions.</p> <ul> <li>La production théorique à l’intérieur de la discipline manque de pluralisme car elle est dominée par ce qu’on appelle un "mainstream" identifié à l’approche néoclassique. Cette critique porte sur un manque de pluralisme méthodologique.</li> <li>Cette prépondérance n’est pas neutre dans la mesure où il s’avère que la théorie néoclassique est largement au service de la cause dite néolibérale. Ici la critique porte sur un manque de pluralisme idéologique.</li> </ul> <p>Cette démarche des étudiants nous interpelle en tant qu’économistes et intellectuels. Elle doit être prise au sérieux, et tel est l’esprit dans lequel nous avons entrepris d’écrire ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>. Son objectif est de passer ces deux propositions au crible de la critique.</p> <p>Notre analyse nous amène à objecter aux deux propositions.</p> <p>La première de celle-ci affirme la domination de l’approche néoclassique dans la profession. Notre étude montre le caractère pluriel et les frontières mouvantes de l’approche néoclassique, depuis son essor jusqu’à aujourd’hui. Nous mettons aussi en avant que la composition du mainstream a évolué au cours du temps et que, parmi les courants non-mainstream, plusieurs sont néoclassiques. De plus, les années récentes ont mis en avant la présence dans le mainstream d’une composante non-néoclassique.</p> <p>La seconde proposition affirme que l’approche néoclassique est au service du néolibéralisme, entendu comme plein libéralisme ou laissez-faire. De notre analyse, il apparaît clairement qu’aucun lien univoque entre les divers courants néoclassiques et le néolibéralisme ne peut être établi. Nous montrons aussi, à l’aide d’exemples, que l’appareillage conceptuel de l’approche néoclassique, ainsi d’ailleurs que celui de l’approche classique qui l’a précédée, a été mis au service de causes idéologiques différentes.</p> <p>Notre étude n’a pas abordé les aspects plus proprement sociologiques motivant le mouvement des étudiants et des chercheurs dit-hétérodoxes, les questions d’organisation de l’enseignement et de la recherche. On songe à la question de savoir s’il faut enseigner les courants minoritaires dans le curriculum d’étude et, si oui, en quelle mesure et à quel niveau. On songe aussi à la question des règles de gouvernance institutionnelles permettant d’éviter les entraves d’ordre non-scientifique à l’éventuelle montée en puissance des courants minoritaires. Ces questions renvoient à un autre clivage, qui concerne la définition des standards de scientificité en science économique. Dans ce dernier débat, la dimension sociologique, les rapports de force dans la profession et la dimension méthodologique s’interpénètrent. Les démêler implique une recherche plus ambitieuse et complexe que celle que nous avons entreprise. Nous sommes toutefois convaincus que les questions méthodologiques que nous avons abordées dans cet article constituent un préalable nécessaire pour les débats ultérieurs.</p> Michel De Vroey Luca Pensieroso (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.03.01 Numéro 136 - janvier 2018 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12523 <p>La croissance de l’économie belge devrait être un peu plus soutenue en 2018 qu’elle ne l’a été en 2017. Alors que les exportations devraient être dynamiques grâce au renforcement de l’économie mondiale, la demande intérieure serait quant à elle soutenue par la bonne tenue du marché du travail et l’orientation favorable de la confiance des ménages et des entreprises. En hausse de 1,7 % en 2017, l’activité économique belge progresserait de 1,9 % en 2018.</p> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Charlotte de Montpellier Sébastien Fontenay Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2018.01.01 Numéro 135 - novembre 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12533 <p>Ce numéro spécial de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;croise les regards d’ingénieurs et d’économistes pour étudier les possibles impacts de la transition énergétique sur la croissance économique. Cette transition peut être définie comme la transformation des modes actuels de production et de consommation de l'énergie. L’angle d’analyse ne concerne pas un pays ou une région particulière mais se situe à un niveau global.</p> <p>Depuis quelques années, certains auteurs ont émis des doutes sur la possibilité de poursuivre sans encombre, à un niveau global, la croissance économique pendant la transition énergétique (TE). Le présent numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;approfondit certains de leurs arguments à travers deux contributions.</p> <p>La première contribution (par les ingénieurs Elise Dupont, Hervé Jeanmart et Louis Possoz) concentre son attention sur les évolutions attendues du taux de retour énergétique (TRE) des sources éolienne et solaire, ainsi que sur leur potentiel. Les auteurs mettent en évidence un effet «localisation» selon lequel l’expansion de ces énergies impliquera de les installer sur des sites de moins en moins favorables, produisant de moins en moins d’énergie pour la même capacité installée. Une TE vers un monde 100 % renouvelable conduira alors à un TRE du système énergétique global sensiblement plus faible qu’aujourd’hui et ce, malgré le progrès technique dont les auteurs soulignent par ailleurs que le potentiel est limité.</p> <p>Les possibles conséquences macroéconomiques d’une telle TE sont analysées dans la deuxième contribution (par les économistes Jean-François Fagnart et Marc Germain). La baisse du TRE global accompagnant la TE se traduit par l’exacerbation des besoins en capital du secteur énergétique, avec un possible effet «d’éviction» du secteur final au niveau de l’affectation des biens d’investissement. Cet effet pèse négativement sur la croissance économique. S’il est suffisamment fort (ce qui dépend des caractéristiques de l’économie), la TE s’accompagne d’une phase de décroissance économique prolongée. Dans le cas contraire, une transition «en douceur» (c’est-à-dire sans décroissance économique) est possible.</p> <p>Les deux contributions résumées ci-dessus visent avant tout à éveiller la prudence à l’égard d’un certain «optimisme technologique» suggérant que la TE pourrait se révéler sans douleur pour la croissance économique grâce au seul développement tous azimuts des énergies renouvelables. Le message implicite qui en découle est que pour favoriser une transition «en douceur», des changements de comportements à grande échelle sont nécessaires (par exemple, en matière de transport).</p> <p>Ce qui précède pose la question des conséquences de tels changements de comportements sur l’économie, et en particulier sur le PIB et la croissance. Une autre question concerne le rôle que les pouvoirs publics devraient jouer dans la stimulation de ces changements. A notre connaissance, il s’agit là de questions qui restent largement ouvertes.</p> Elise Dupont Jean-François Fagnart Marc Germain Hervé Jeanmart Louis Possoz (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.11.01 Numéro 134 - juillet 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12543 <p>En forte hausse en début d’année, l’activité économique belge devrait continuer à évoluer favorablement durant le reste de l’année. Elle serait soutenue par la bonne tenue du marché du travail, par le bon niveau de confiance des entreprises et des ménages, ainsi que par une accélération des échanges commerciaux internationaux. Au total, le PIB progresserait de 1,7 % en 2017. En 2018, la demande intérieure et le commerce extérieur soutiendraient un peu plus la croissance du PIB, qui se hisserait à 1,8 %.</p> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Charlotte de Montpellier Sébastien Fontenay Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.07.01 Numéro 133 - juin 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14363 <p>Alors que, depuis 1996, la compétitivité de la Belgique fait l’objet d’une attention toute particulière, nous montrons dans ce numéro de Regards économiques que son impact sur la dynamique des exportations de la Belgique est effectivement déterminant, tout en étant cependant limité.</p> <p>La compétitivité de la Belgique est un sujet souvent au-devant de l’actualité, en raison des discussions (parfois âpres) qui ont lieu à son sujet entre les partenaires sociaux. La Belgique étant une petite économie ouverte, son commerce extérieur a effectivement un impact considérable sur ses performances économiques et l’évolution de sa situation conjoncturelle. La compétitivité et les performances à l’exportation de la Belgique constituent ainsi l’objet de l’étude qui est présentée dans ce numéro de Regards économiques. Notre étude vise notamment à examiner si, comment cela est souvent présupposé, la compétitivité est un facteur déterminant de l’évolution des exportations belges.</p> <p>Notre étude confirme que la compétitivité joue effectivement un rôle déterminant dans l’évolution des exportations belges de biens et services. Notre étude conclut également que les effets de compétitivité se marquent davantage à travers le prix relatif des exportations belges par rapport à celui de ses concurrents étrangers plutôt qu’à travers le niveau relatif du coût salarial. Comme déjà suggéré par d’autres études, cela indique que la sauvegarde de la compétitivité implique de veiller à contrôler l’évolution de tous les facteurs qui interviennent dans la formation des prix à l’exportation (coût unitaire du travail, prix des intrants intermédiaires, marge de profit) et de ne pas se concentrer uniquement sur le contrôle des coûts salariaux.</p> <p>Bien que le facteur «compétitivité» soit déterminant, il apparaît toutefois qu’il n’a qu’un rôle limité dans l’évolution des exportations de la Belgique. La plus grande partie de l’évolution des exportations est en effet déterminée par l’évolution des marchés potentiels à l’exportation de la Belgique, c’est-à-dire par la demande étrangère qui résulte de la croissance économique des pays vers lesquels les entreprises belges exportent. Nous en concluons que, dans un contexte de faible conjoncture, promouvoir la modération salariale pourrait ne pas avoir les bienfaits attendus sur la croissance économique s’il s’avère que l’impact positif de la modération salariale sur les exportations n’est pas suffisamment important pour compenser son impact négatif sur la consommation des ménages.</p> <p>Alors que les discussions politiques sur les faiblesses de la Belgique en matière d’exportation tournent essentiellement autour de la compétitivité, notre analyse tend à suggérer que le principal problème est avant tout un manque de dynamisme des exportations. En effet, alors que la demande étrangère est le principal déterminant de la croissance des exportations, il apparaît que, pour des raisons autres que celles liées à la compétitivité, tout accroissement de la demande mondiale ne se répercute qu’à environ 70 % dans la croissance des exportations. Comme certaines études l’ont suggéré, la réponse à ce problème se situe en partie dans un meilleur positionnement des exportations en matière de produits et de destination géographique. Plus généralement, cela implique, comme le soulignait la Banque Nationale de Belgique dans son Rapport annuel 2012, de renforcer «l’attractivité de l’économie et son potentiel d’innovation et d’adaptation, à travers la quantité et la qualité du capital humain, la qualité, le design et la différenciation de produits offerts, le marketing de ces produits et l’organisation des processus de production».</p> Vincent Bodart Sébastien Fontenay (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.06.01 Numéro 132 - avril 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15303 <p>L’internationalisation du secteur de l’éducation supérieure est un phénomène incontestable qui s’inscrit dans le processus de globalisation. Le nombre d’étudiants étrangers et leur proportion dans les universités des pays développés est en constante augmentation depuis les années septante. Le nombre d’étudiants étrangers a été multiplié par 5 en 40 ans. La Belgique n’échappe pas à la règle.</p> <p>En 2013, la Belgique comptait environ 45.000 étudiants en mobilité internationale dans l’enseignement de type supérieur. Cela représente une proportion d’étudiants étrangers d’environ 10 % pour l’ensemble des niveaux d’études universitaires. C’est légèrement au-dessus de la moyenne européenne (9 %) et de celle des pays de l’OCDE (8 %). Sur ces 45.000 étudiants, environ 55 % étaient issus de pays appartenant à l’UE (à 28 États membres). La Communauté française est mieux positionnée dans l’accueil international que la Communauté flamande, avec une proportion d’environ 21 % d’étrangers contre 7 % pour cette dernière. Cette différence s’explique en grande partie par l’usage de la langue française qui demeure malgré tout une langue d’usage international.</p> <p>A l’instar de leur position vis-à-vis de l’immigration en général, les décideurs politiques ont une vision souvent mitigée quant à la nécessité d’attirer des étudiants étrangers dans les universités de leur pays. Ainsi, récemment, le gouvernement britannique a pris des dispositions visant à limiter le nombre d’étudiants étrangers dans les universités britanniques (en octobre 2016, Amber Ruud, ministre de l’Intérieur, déclarait vouloir couper par 2 le nombre d’étudiants extra-européens qui s’élevait alors à 167.000).</p> <p>Si bon nombre de pays de l’OCDE permettent aux étudiants diplômés de rechercher un emploi sur leur territoire durant une certaine période, d’autres comme la Belgique ou le Luxembourg n’octroient pas cette possibilité. Ceci reflète une position de défiance vis-à-vis des étudiants étrangers diplômés, alors qu’ils sont a priori très attractifs pour le marché du travail domestique puisqu’ils connaissent la culture, les institutions et la langue. C’est d’autant plus handicapant que les pays limitrophes (France, Pays-Bas, Allemagne) offrent cette possibilité.</p> <p>Pourtant, il est évident que l’attraction d’étudiants étrangers comporte de nombreux avantages, à la fois au niveau du pays et au niveau de chaque université. Dans ce numéro de Regards Economiques, nous faisons le point sur les effets économiques de ce phénomène et nous présentons les facteurs qui peuvent influencer l’attractivité des universités vis-à-vis des étudiants extérieurs. Les facteurs de politique économique générale portent sur l’octroi de visas aux étudiants extra-européens, ainsi que la possibilité qui leur est donnée de s’insérer sur le marché du travail domestique. Aux niveaux des universités, les facteurs essentiels sont leur qualité perçue au niveau international, les droits d’inscription ainsi que le coût de la vie.</p> <p>Nous pensons que les universités francophones sont relativement bien positionnées dans la compétition internationale mais pourraient mieux profiter de la mobilité internationale des étudiants, notamment à travers une politique de montée en gamme. Un exemple de cette politique reposerait sur une stratégie de hausse des droits d’inscription pour les étudiants extra-européens, accompagnée d’un investissement de ces ressources supplémentaires dans les universités afin d’améliorer leur performance.</p> Michel Beine (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.04.01 Numéro 131 - mars 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15293 <p>On peut lire dans le dernier rapport annuel de la Banque nationale de Belgique que, en dépit de l’environnement de taux d’intérêt bas (voire négatifs), les ménages belges continuent de donner la préférence à l’épargne sous la forme d’actifs liquides comme les comptes d’épargne, ou d’actifs à long terme mais peu risqués comme les produits d’assurance avec capital garanti. Ce comportement est difficile à comprendre au regard de la théorie financière classique qui considère l’individu comme un agent économique rationnel cherchant notamment à maximiser sa richesse tout en limitant son risque. C’est ici que la finance comportementale peut jouer un rôle pour nous aider à mieux comprendre l’influence des facteurs cognitifs et émotionnels dans la prise de décision des investisseurs.</p> <p>La finance comportementale a mis au jour l’existence de nombreux biais comportementaux qui suivent souvent les mêmes schémas chez les individus. Les origines de ces biais sont multiples&nbsp;: le recours à des heuristiques, la sur-confiance et les mécanismes liés à l’estime de soi, les émotions et la maîtrise de soi, ou encore les interactions sociales. Ces différents phénomènes amènent parfois l’individu à poser des choix non rationnels. Cette propension est particulièrement présente chez l’investisseur à cause des caractéristiques des décisions auxquels il est confronté. En effet, ces décisions impliquent souvent des instruments financiers complexes par nature ainsi qu’un arbitrage entre le présent et le futur. De plus, les décisions financières nécessitent fréquemment de pouvoir évaluer le risque inhérent à celles-ci. Enfin, s’ajoute le fait que certaines décisions financières sont tellement peu fréquentes qu’elles ne permettent pas à l’individu de tirer les leçons de ses erreurs passées.&nbsp;</p> <p>Les biais comportementaux les plus susceptibles de conduire l’investisseur à une gestion sous-optimale de son portefeuille d’actifs sont le biais de représentativité qui peut se manifester par une tendance à acheter les titres dont les prix augmentent, le biais de disponibilité qui peut amener l’investisseur à surestimer la probabilité d’une prochaine crise, le biais de familiarité qui le pousse à privilégier les titres qui lui sont les plus familiers, le biais de disposition qui amène l’investisseur à réaliser ses plus-values trop rapidement et à ne pas couper ses pertes assez vite, le biais de sur-confiance qui le pousse à traiter des volumes importants et trop fréquemment. Ces exemples révèlent à quel point le comportement des investisseurs, qu’ils soient individuels ou professionnels, est influencé par un mélange complexe d’heuristiques et d’émotions, qui peut lui-même être affecté par certains facteurs individuels et collectifs.</p> <p>La littérature en finance comportementale regorge aujourd’hui d’articles scientifiques démontrant l’existence de ces biais ainsi que leur caractère systématique et donc souvent prévisible. Ces contributions sont dès lors porteuses d’enjeux et de perspectives. Elles ne se limitent pas au monde académique ; elles doivent aussi permettre aux régulateurs et aux conseillers financiers de mieux servir les intérêts des investisseurs. Il s’agit en fait de mieux comprendre leurs points faibles afin de leur éviter les pièges que peuvent représenter leurs intuitions, leurs heuristiques, leurs émotions ou leurs excès de confiance. La finance comportementale nous invite ainsi à passer de «l’homo economicus» imaginé par la théorie financière classique à «l’homo sapiens» que nous sommes en réalité...</p> Catherine D'Hondt Rudy De Winne (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.03.02 Numéro 130 - mars 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15283 <p>La Commission de réforme des pensions 2020-2040 a, dans son rapport de juin 2014, proposé une réforme de notre système de pension vers un système de pension à points. L’accord de gouvernement du 11 octobre 2014 a repris cette proposition. Mais de quoi s’agit-il exactement et comment cela fonctionne-t-il concrètement ?<br><br><strong>L’urgence du moment : le financement du vieillissement<br></strong><br>Depuis 2003, les dépenses de pension évoluent plus rapidement que les cotisations sociales (sur la période 2003-2015, les pensions ont augmenté deux fois plus vite que les cotisations sociales). Cela se passe en dépit du Pacte de solidarité entre les générations (23 décembre 2005) et des réformes successives des pensions des gouvernements Di Rupo 1er et Michel 1er. Le décrochage en soi des cotisations sociales peut résulter d’une politique d’allègement des charges sociales avec un financement alternatif pour promouvoir l’emploi. Néanmoins, le recours au financement alternatif n’est pas inépuisable et des mécanismes d’ajustement équilibrés s’avèrent indispensables. Répondre à cette urgence exige d’allonger effectivement les carrières mais cette exigence se heurte à notre régime actuel de pension qui encourage les carrières courtes et souffre d’un manque de flexibilité concernant les métiers pénibles et la sortie progressive à la pension.<br><br><strong>Kilométrage ou âge<br></strong><br>Dans le système à points c’est le kilométrage qui détermine le départ à la pension. Si l’on commence sa carrière plus tôt, on peut partir à la retraite plus tôt. Pendant sa carrière, on accumule des points sur son compte «points» au prorata de son salaire brut relatif au salaire brut moyen. On peut aussi obtenir des points pour des périodes d’inactivité (chômage indemnisé, maladie, congé parental, crédit-temps, etc.). Au moment du départ à la retraite, on obtient une pension en euros par la conversion de tout (ou partie) de ses points disponibles dans son compte «points» sur base de la valeur du point et du coefficient de conversion pour anticipation éventuelle. La valeur du point est publique ce qui permet à l’affilié de suivre l’évolution de sa pension sur base des points accumulés.<br><br><strong>La flexibilité du système à points<br></strong><br>Pour renverser la dynamique et allonger effectivement les carrières, il faut apporter des changements structurels qui répondent aux attentes et besoins des personnes concernées. Le système à points permet une grande flexibilité dans la gestion des départs progressifs à la pension via une pension partielle. Il permet aussi d’intégrer avec cohérence la pénibilité des métiers dans notre système de pension en tenant compte du caractère évolutif de la pénibilité.<br><br><strong>Mécanismes d’ajustement équilibrés<br></strong><br>Nous devons veiller à doter notre système de pension à points d’un mécanisme de pilotage intégré au moyen de plusieurs variables d’ajustement. Evidemment, ces ajustements ne préjugent pas d’un financement alternatif ad hoc. La variable centrale est la durée de carrière de référence (notamment pour adapter la pension à l’augmentation de l’espérance de vie). En outre le système à points est doté d’autres mécanismes d’ajustement qui veillent à répartir équitablement la charge des coûts du vieillissement entre actifs et pensionnés.</p> Pierre Devolder Jean Hindriks Erik Schokkaert Frank Vandenbroucke (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.03.01 Numéro 129 - janvier 2017 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15273 <p>La croissance économique de la Belgique devrait être un peu plus soutenue en 2017 qu’elle ne l’a été en 2016. Les exportations devraient en effet profiter d’un environnement économique international qui redevient progressivement mieux orienté tandis que la demande intérieure devrait être soutenue par la bonne tenue de la situation du marché du travail et par un regain de confiance des entreprises et des ménages. La situation économique de la Belgique reste néanmoins fragile et soumise à de nombreux aléas. Pour cette raison, la croissance resterait modeste en 2017, à 1,5 %.</p> Gautier Attanasi Vincent Bodart François Courtoy Charlotte de Montpellier Sébastien Fontenay Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2017.01.01 Numéro 128 - décembre 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14373 <p>Ces dernières semaines, les retards s’accumulent à la SNCB et le président de l’association «navetteurs.be» qualifie la situation de catastrophique. Dans ce contexte polémique, ce numéro de Regards économiques fait le point sur l’évolution du secteur ferroviaire en Belgique et analyse les performances de l’opérateur historique belge, la SNCB dans la perspective de la libéralisation du secteur qui s’annonce.</p> <p>Malgré la croissance importante du nombre de passagers (+ 22 % depuis 2005) et le retour à l’équilibre financier, la qualité du service – mesurée par l’indice de ponctualité et la satisfaction des voyageurs – ne s’améliore pas. De plus, la productivité de la SNCB reste faible et sa dette est un handicap pour le développement futur.</p> <p>Ces constats sont préoccupants. En 2023 au plus tard, la Belgique devra désigner un opérateur pour le service public de transport par rail. Pour éviter la mise en concurrence, ce qui semble être le choix de la Belgique, et privilégier l’attribution directe à l’opérateur historique, il faudra démontrer que le rapport «coût-efficacité» de ce dernier, est comparable à celui de ses concurrents.</p> <p>Dans cette étude, nous comparons la SNCB avec d’autres exploitants ferroviaires européens. Nous faisons trois constats. Premièrement, la productivité de la SNCB est nettement plus faible en comparaison d’autres entreprises européennes. Deuxièmement, la contribution directe des passagers au financement du service est relativement faible à la SNCB. Troisièmement, les subsides d’exploitation octroyés par l’Etat sont importants. Ceci pouvant s’expliquer par la faible productivité, la faible contribution des passagers et une redevance d’infrastructure payée à Infrabel importante. A notre sens, des réformes importantes doivent être entreprises pour améliorer les performances de la SNCB.</p> Axel Gautier Iman Salem (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.12.01 Focus 20 - décembre 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16313 <p class="p2"><span class="s2"><em>Selon les projections économiques de l’automne 2016 réalisées par la BNB</em></span>, l’emploi en Belgique a augmenté de 116.000 unités sur la période 2014-2016. Le gouvernement fédéral s’est empressé d’y voir une illustration du succès de sa politique. Ce que notamment l’Institut pour un développement durable a «<span class="s2"><em>mis en perspective»</em></span><span class="s3">. </span></p> <p class="p2">Se faire une opinion quant au lien entre l’action de tel gouvernement et nos performances d’emploi est un exercice critiquable si l’évolution observée n’est pas comparée à la construction d’une situation de référence de qualité. Celle-ci doit mesurer ce qu’il serait advenu à l’emploi chez nous en l’absence de l’action du gouvernement concerné. La construction de cette situation de référence est indispensable. Elle est aussi un défi, souvent mal relevé.</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.12.16.01 Focus 19 - décembre 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16323 <p class="p2">Depuis que les marchés financiers existent, les professionnels de la finance ont sans relâche exploité les évolutions technologiques, que ce soit le télégraphe, le téléphone, l’ordinateur, ou plus récemment l’Internet, visant sans cesse à diminuer la latence, autrement dit le temps qui s’écoule entre l’introduction d’un ordre et son exécution. Cette évolution a bénéficié aux investisseurs non-professionnels puisqu’ils peuvent désormais introduire leurs propres ordres d’achat ou de vente, en obtenir l’exécution en moins d’une seconde, et payer des coûts de transaction bien plus faibles que lorsqu’ils devaient attendre la confirmation de leur courtier durant d’interminables minutes passées au téléphone.</p> Christophe Desagre Floris Laly Mikael Petitjean (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.12.08.01 Numéro 127 - septembre 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14403 <p>De nombreuses monnaies parallèles circulent depuis toujours à côté de la monnaie officielle. Aujourd’hui, une nouvelle génération de monnaie est en train de naître des nouvelles technologies : les crypto-monnaies, dont l’exemple le plus connu est le bitcoin. Ces monnaies n’existent que sous forme de code informatique, sans équivalent papier ou métallique. Leur particularité est d’être créées et gérées de manière décentralisée. Bien qu’elles constituent une avancée technologique remarquable, elles soulèvent de nombreux défis tant éthiques qu’économiques, que ce numéro de Regards économiques essaie d’éclairer.</p> <p>Le bitcoin est aujourd’hui la crypto-monnaie la plus populaire. Son fonctionnement est totalement indépendant des banques et des États, et garantit l’anonymat des utilisateurs. Sa sécurité repose sur une innovation cruciale : un système de paiement entièrement décentralisé. Plus besoin de banques commerciales ou de banques centrales pour gérer le système de paiement et s’assurer de la sécurité des transactions. L’ensemble des paiements en bitcoin est archivé dans un registre public (le «distributed ledger»), conçu pour être infalsifiable (ou presque). Ce registre permet d’éviter un problème inhérent à toute monnaie électronique sans forme matérielle : la possibilité de dépenser plusieurs fois un même bitcoin pour plusieurs transactions. Puisqu’aucune autorité ne possède un pouvoir de contrôle sur le bitcoin et ne peut surveiller les transactions, ce registre virtuel garantit un traçage de chaque bitcoin et évite qu’il ne soit dépensé plusieurs fois par un même utilisateur.</p> <p>Cette innovation a été essentielle pour le succès et la sécurité du bitcoin. Elle intéresse d’ailleurs de nombreux acteurs, comme les banques commerciales. Géréer de manière automatique et décentralisée le système de paiement permet en effet d’épargner d’importantes sommes d’argent. Cependant, le bitcoin n’est pas sans connaître quelques difficultés.</p> <p>Au regard de l’efficacité économique, le bitcoin est encore loin de constituer une monnaie de confiance. De nombreuses fraudes et quelques faillites retentissantes ont émoussé l’enthousiasme initial qu’il suscitait. Par ailleurs, la conception même du bitcoin interdit qu’un État ou qu’une banque centrale puisse intervenir, une impossibilité qui, en cas de crise, peut se révéler problématique.</p> <p>Le bitcoin soulève également problème au regard de la justice sociale. Tous les utilisateurs ne sont pas égaux, notamment en termes technologiques. Par ailleurs, bien que la protection de la vie privée et des données personnelles de chaque utilisateur soit légitime, l’anonymat des utilisateurs de bitcoins constitue un nouvel instrument pour le blanchiment d’argent qui complique le travail des autorités fiscales.</p> <p>Ce numéro de Regards économiques entend éclairer le fonctionnement des crypto-monnaies, en prenant l’exemple du bitcoin. Il apporte également quelques réflexions sur les enjeux économiques et éthiques de cette nouvelle forme de monnaie. En conclusion, il insiste sur les enseignements principaux et les pistes éventuelles que tracent ces nouvelles monnaies.</p> Louis Larue (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.09.02 Numéro 126 - septembre 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14413 <p>Adopter un système d’allocation universelle, c’est modifier notre système de redistribution des revenus et certains aspects de notre sécurité sociale pour garantir à chaque citoyen un revenu de base sans condition de ressources ni de disponibilité à travailler. Plusieurs scénarios d’allocation universelle ont été proposés. Le débat sur les mérites des différents scénarios illustre la complexité de la question. Pour aider à y voir plus clair, nous expliquons que cette réforme en profondeur de notre système de taxes et de transferts peut être décomposée en quatre réformes, indépendantes l’une de l’autre, qui mérite chacune un débat séparé.</p> <p>1) Le revenu de base est versé sans condition de ressources. Cela ne signifie pas que l’allocation universelle consiste en un montant qui vient s’ajouter aux revenus des gens. Cela signifie qu’il existe un revenu seuil, versé indépendamment des autres revenus. La question est : veut-on, oui ou non, que chaque citoyen reçoive un montant donné au début de chaque mois, de sorte qu’il devienne impossible pour quiconque d’avoir moins de revenu que ce montant-là, quels que soient les autres revenus (du travail comme du capital) de ce citoyen ?</p> <p>2) Le revenu de base est versé sans condition de disponibilité à accepter un travail. La question suscitée par cette réforme est la plus claire : accepterions-nous, oui ou non, que des citoyens bénéficient d’une aide financière de l’Etat sans être obligés de rester disponibles pour travailler ?</p> <p>3) Le revenu de base est versé à chaque citoyen (et non pas à chaque ménage). Ici aussi, la question est simple : accepterions-nous que les montants de l’aide monétaire soient versés aux bénéficiaires indépendamment de la taille du ménage dans lequel ils vivent ?</p> <p>4) Le système de taxes et de transferts est adapté en conséquence. C’est l’aspect le plus complexe du débat. La question qui est posée ici est celle de la définition d’un système de redistribution juste. Quelle répartition des revenus, ou, plus fondamentalement, du bien-être, est désirable ? Lorsqu’une réforme fiscale est envisagée dans le but de rendre le système plus juste, il faut se concentrer sur toutes les politiques qui déterminent le revenu disponible des gens et pas seulement sur une politique isolée. Autrement dit, dans notre pays, il faut tenir compte simultanément 1) de l’impôt sur les revenus du travail et sur les revenus de remplacement, 2) de la taxation des autres revenus, 3) des cotisations de sécurité sociale, et 4) des allocations familiales. Il faut aussi tenir compte de l’effet de la réforme sur l’offre de travail et sur les autres finalités des finances publiques, essentiellement la production de biens publics. Un système redistributif basé sur l’allocation universelle porte une attention particulière au revenu de ceux qui ne travaillent pas et dont les revenus avant transferts sont nuls. Des systèmes justes différents existent, par exemple ceux qui portent une attention particulière au revenu de ceux qui travaillent à temps plein ou qui essayent d’être neutres par rapport au choix de temps de travail des gens.</p> François Maniquet Dirk Neumann (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.09.01 Numéro 125 - juillet 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12553 <p>Après avoir fortement ralenti en début d’année, la croissance de l’économie belge devrait se renforcer sur la période de projection. Elle resterait cependant modérée. D’une part, les difficultés économiques de nombreux pays émergents ainsi que l’adoption par la Chine d’un nouveau modèle de croissance ont pour effet de freiner la croissance de l’économie mondiale et des échanges internationaux. D’autre part, l’incertitude sur les perspectives économiques reste forte, ce qui incite les ménages et les entreprises à maintenir des comportements de dépense prudents. En 2016, la croissance du PIB belge resterait limitée à 1,3 %. En considérant que les facteurs de freinage devraient progressivement être moins actifs, elle se hisserait à 1,6 % en 2017.</p> Gautier Attanasi Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Sébastien Fontenay Vanessa Lutgen Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.07.01 Focus 18 - avril 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16333 <p class="p2">Dans son <span class="s2"><em>communiqué de presse du 9 avril 2016 </em></span>relatif au contrôle budgétaire, le gouvernement belge annonce, parmi les réformes structurelles, la taxation de ce qu’il est convenu d’appeler l’économie collaborative, dont les figures emblématiques sont des plateformes numériques comme Airbnb, Uber ou Listminut. Le communiqué n’indique pas la manière dont cette taxation serait réalisée mais selon <span class="s2"><em>Le Soir </em></span>et <span class="s2"><em>Trends</em></span>, le cabinet du Ministre De Croo envisagerait d’opérer des prélèvements à la source sur les revenus que les prestataires (les hôtes d’Airbnb, les conducteurs d’Uber, …) gagnent sur ces plateformes.</p> Paul Belleflamme Eric Toulemonde (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.04.28.01 Numéro 124 - mars 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12573 <p>Quel est l’effet des programmes d’accompagnement des demandeurs d’emploi? Quel est l’impact des politiques de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement ? L’objectif d’une évaluation d’impact est de répondre de manière rigoureuse à ce genre de questions. Les évaluations aléatoires, qui consistent à comparer la situation de deux groupes tirés au sort, un groupe «traitement» recevant le programme alors que l’autre groupe «contrôle» ne le reçoit pas, connaissent un essor important et deviennent une méthode phare. Elles permettent de mesurer précisément la valeur ajoutée des politiques publiques. Cette mesure est indispensable pour modifier et améliorer les politiques.</p> <p>Selon une étude scientifique récente, les chômeurs flamands (en particulier les moins scolarisés d’entre eux) qui participent à une séance d’information collective obligatoire au courant du mois qui suit leur inscription au VDAB ont plus de chances de trouver rapidement un emploi que ceux qui participent à une telle séance au cours de leur sixième mois d’inoccupation.</p> <p>Cela peut paraître une évidence. Les chercheurs d’emploi qui ont une brève durée d’inoccupation ont de meilleures perspectives de retour à l’emploi que ceux qui sont inoccupés depuis déjà six mois. Attribuer cette différence à une information collective (un programme léger et peu coûteux comme le reconnaissent d’ailleurs les auteurs de l’étude) est donc plus que hasardeux. Mais c’est sans savoir que les chercheurs concernés ont mis en œuvre une méthodologie randomisée avec l’accord du VDAB.</p> <p>Concrètement, l’étude concernait les personnes âgées de 25 à 49 ans et s’inscrivant comme demandeuses d’emploi au VDAB entre les mois de janvier 2014 et 2015. Dès le premier jour de l’inscription, deux groupes ont été tirés au sort : un groupe «traitement» dont les membres étaient invités rapidement à une séance d’information collective et un groupe «contrôle» dont les membres ont été pris en charge moins rapidement que les autres. A la fin du quatrième mois qui suit l’inscription au VDAB, les chômeurs peu scolarisés du groupe de traitement comptent en moyenne 5 jours en emploi de plus que ceux du groupe de contrôle. Les deux groupes ayant été formés au hasard au sein d’une large population, il n’y aucune raison qu’ils aient des caractéristiques différentes quatre mois après leur inscription au VDAB, hormis le fait que les membres du groupe de traitement ont déjà participé à une séance d’information. On peut donc bien attribuer cet effet positif à une prise en charge rapide des demandeurs d’emploi via un programme d’information standard.</p> <p>En Belgique, en matière de politiques d’emploi, il est rare de trouver des mesures qui aient fait l’objet d’une évaluation qui permette réellement de se prononcer sur l’efficacité du dispositif. Nous en faisions déjà le constat dans le numéro 40 de Regards économiques publié en avril 2016. Face à l’ampleur des fonds publics investis dans ce domaine, il est pourtant essentiel d’évaluer le fonctionnement et les effets (bénéfiques ou nuisibles) des mesures mises en oeuvre.</p> <p>Dans ce numéro de Regards économiques, William Parienté présente la méthode de l’évaluation aléatoire et son apport, les conditions de sa mise en œuvre ainsi que son application à différents domaines de l’économie et des politiques publiques. Il discute également de certaines limites et présente les stratégies existantes pour les surmonter. Enfin il conclut sur l’intérêt de la méthode pour l’amélioration des politiques publiques et de son apport à la science économique.</p> William Parienté (c) Tous droits réservés 2018 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.03.03 Numéro 123 - mars 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/12583 <p>Le chômage a-t-il atteint en Belgique son niveau le plus bas depuis 1992 ? Si l’on tente de cerner la notion de chômage au sens convenu internationalement, nous montrons que (1) le chômage est plus élevé aujourd’hui qu’au début des années 90 et (2) que la récente amélioration est toute relative et bien modeste. Non, on est encore très loin de pouvoir crier victoire sur le front du chômage.<br> <br>Le rapport annuel 2015 de l’ONEM recense 570.902 «chômeurs» en moyenne en 2015. En 2014, ce même groupe représentait 633.361 personnes et en 1992, 705.815 personnes. Par rapport à 2014 la baisse est de 10 %; par rapport à 1992, elle s’élève à 19 %. Comment interpréter ces chiffres ?<br> <br>L’ONEM quantifie ici le nombre de «chômeurs» que l’Office indemnise. C’est une grandeur importante pour cette institution et pour la sécurité sociale. Mais, cette notion n’est pas celle qui nous permet de prendre la mesure de l’importance du chômage. Il y a à cela deux raisons. D’abord, il faut s’entendre sur les mots. Le Bureau International du Travail (BIT) définit un chômeur comme une personne sans emploi, à la recherche d’un emploi et disponible pour occuper un tel emploi. Cette définition internationale ne précise pas si la personne est indemnisée ou non. Par conséquent, pour dénombrer la population en chômage, il faut dépasser la notion de chômage indemnisé. Surtout, lorsque des réformes, comme la limitation dans le temps des allocations d’insertion, modifient les règles d’accès à une indemnité.<br> <br>Ensuite, ce qui compte ce n’est pas tant de dénombrer les chômeurs que de mesurer l’ampleur du risque de chômage. Pour cela, il faut s’intéresser au taux de chômage, qui est le rapport entre la population en chômage et celle qui souhaite travailler, qu’elle soit en emploi ou en chômage. Cette dernière porte le nom de population active. Un aspect important complémentaire est l’hétérogénéité du risque de chômage. Une même évolution moyenne peut recouvrir des évolutions divergentes selon le type de population. Ce numéro de Regards économiques approfondit ces aspects.</p> Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linde (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.03.02 Numéro 122 - mars 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14423 <p>Plus de 70 % des ménages belges sont propriétaires de leur logement. Un chiffre qui situe notre pays dans le peloton de tête du classement européen. La propriété immobilière confère une série d’avantages : elle permet aux personnes de garder un niveau de vie décent pendant leur retraite et elle agit positivement sur le développement urbain et la formation des réseaux sociaux. Pourtant, la propriété immobilière peut entraver l’accès au marché du travail.</p> <p>Les coûts de transaction très élevés associés à l’achat et à la vente d’une habitation ont pour effet de rendre les propriétaires géographiquement moins mobiles que les locataires. En cas de perte d’emploi, les opportunités d’embauche pour les propriétaires seront donc moins nombreuses, ce qui peut entraîner un allongement de la durée d’inoccupation des propriétaires comparativement aux locataires. Stijn Baert, Freddy Heylen et Daan Isebaert, chercheurs à l’Université de Gand, ont précisément tenté de mesurer si le fait d’être propriétaire de son logement a pour effet de ralentir la réinsertion en emploi. Parmi les propriétaires, une distinction a été opérée entre ceux avec ou sans crédit hypothécaire en cours. L’étude se base sur un échantillon d’environ 1.000 citoyens belges dans les années 2000.</p> <p>L’étude révèle que les personnes qui sont entièrement propriétaires restent le plus longtemps inoccupées, au contraire des propriétaires qui présentent des caractéristiques similaires mais qui sont encore en charge d’un emprunt hypothécaire. La durée d’inoccupation des locataires occupe une position intermédiaire. En termes concrets, les propriétaires sans crédit hypothécaire présentent une probabilité de sortir du chômage de 23 % inférieure à celle des locataires et de 39 % inférieure à celle des créanciers hypothécaires.</p> <p>Ce résultat peut s’expliquer de la façon suivante. Les frais de logement sont les plus bas pour les personnes entièrement propriétaires et les plus élevés pour les personnes qui remboursent encore leur prêt hypothécaire. Le revenu disponible après déduction des frais de logement sera dès lors, en moyenne, plus faible pour les détenteurs de prêts hypothécaires. Par ailleurs, ces derniers courent le risque de perdre leur habitation en cas de revenu insuffisant. C’est donc les créanciers hypothécaires qui sont le plus incités financièrement à chercher du travail.</p> <p>Recommandations politiques</p> <p>Les auteurs formulent quelques recommandations de politique économique basées sur les résultats de leur étude :</p> <p>La poursuite de la réduction de la déductibilité fiscale des emprunts hypothécaires (le «bonus-logement»).<br>Une baisse des frais d’acquisition d’un logement conjuguée à un relèvement du précompte immobilier.<br>Une prime au déménagement à une distance supérieure à un certain seuil et sous certaines conditions bien définies.</p> Stijn Baert Freddy Heylen Daan Isebaert (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.03.01 Numéro 121 - janvier 2016 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14433 <p>Bien que la croissance de l’économie belge se soit quelque peu tassée durant la seconde partie de 2015, les perspectives de croissance pour 2016 restent favorables. Après plusieurs mois de faiblesse, la con­fiance des ménages et des entreprises s’est en effet nettement redressée sur la fin de 2015. La déprécia­tion de la monnaie européenne, la baisse des prix du pétrole et la persistance de conditions monétaires très accommodantes devraient également soutenir l’expansion de l’économie belge en 2016. Par ail­leurs, l’économie américaine reste solide et le redressement économique de la zone euro tend à se con­solider. En raison du ralentissement de la croissance économique des pays émergents, la croissance de l’économie belge devrait cependant rester modérée (1,5 %) en 2016. L’évolution future de l’activité économique reste également entourée d’une forte incertitude.</p> Gautier Attanasi Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Sébastien Fontenay Vanessa Lutgen Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2016.01.01 Numéro 120 - novembre 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14443 <p>Plans Marshall &amp; Co</p> <p>Chaque région belge a depuis une décennie mis en place son plan pour promouvoir son développement régional. Le mot d’ordre commun a été de regrouper les activités économiques et de recherche au sein de chaque région pour créer des pôles d’excellence. Pour la Wallonie, le Plan Marshall avait aussi pour ambition la reconversion industrielle et le rattrapage économique de la Wallonie.</p> <p>Le développement des pôles d’excellence</p> <p>Qu’en est-il dix ans plus tard ? Existe-t-il un rattrapage économique de la Wallonie ? La politique régionale wallonne, flamande et bruxelloise basée sur les pôles d’excellence s’est-elle accompagnée d’un développement économique inégal au sein des régions avec des risques de décrochages de certaines zones géographiques ? Qu’en est-il de la distribution des revenus disponibles entre régions et arrondissements ? Ces questions revêtent une importance particulière depuis la sixième réforme de l’Etat qui lie plus étroitement le financement des régions et communautés à leur croissance économique respective. Ces questions sont aussi importantes car elles concernent la cohésion économique et sociale de notre pays et de ses régions.</p> <p>Effets sur la cohésion économique</p> <p>Le résultat central est que les plans de développement économique régionaux ne se sont pas accompagnés d’un accroissement des inégalités entre les régions. Cependant, on assiste à une absence de convergence de la production par habitant entre la Wallonie et la Flandre. La part de chaque région dans le PIB belge reste constante sur la période 2000-2013 : 55 % pour la Flandre, 25 % pour la Wallonie et 20 % pour Bruxelles. En revanche, la production par habitant en Flandre et en Wallonie converge vers la production par habitant de Bruxelles-Capitale, principalement du fait du boom démographique bruxellois.</p> <p>A l’intérieur de chaque région, la distribution de l’activité économique est devenue plus inégale. Dans le top 10 des arrondissements ayant connu la plus forte croissance du PIB par habitant, on retrouve 5 arrondissements wallons (Nivelles, Huy, Tournai, Thuin et Marche-en-Famenne) et 5 arrondissements flamands (Ieper, Eeklo, Oudenaarde, Aalst et Turnhout). Les arrondissements en décrochage, c’est-à-dire ceux dont le PIB initial est faible et qui ont connu un faible taux de croissance sont Virton, Diksmuide, Verviers, Soignies, Maaseik, Arlon, Charleroi, Waremme et Ath.</p> <p>Effets sur la cohésion sociale</p> <p>Les disparités de revenu disponibleble par habitant diminuent entre arrondissements d’une même région. Globalement, nous observons une convergence du revenu disponible par habitant. Selon nos calculs, il faudrait 15 ans pour réduire de moitié les écarts de revenu disponible entre arrondissements d’une même région, et 49 ans pour réduire de moitié les écarts de revenu disponible entre arrondissements de régions différentes. La réduction des disparités de revenu disponible est favorisée par les navetteurs qui se déplacent dans les localités pourvoyeuses d’emplois et par les mouvements résidentiels vers les arrondissements plus riches. Malgré cela, les zones de production ne sont pas accessibles par tous les demandeurs d’emploi et des risques de décrochages sont observés dans les arrondissements de la dorsale wallonne.</p> <p>Recommandations politiques</p> <p>En conclusion, si la Belgique souhaite poursuivre son développement économique au travers des pôles de compétitivité, il faut assurer la cohésion sociale entre régions et arrondissements. Un facteur important de cette cohésion sociale est la mobilité des travailleurs au travers des navettes et la mobilité résidentielle. Il faut faciliter l’accès des travailleurs aux zones pourvoyeuses d’emplois, notamment entre régions. Cela exige la maîtrise du néerlandais chez les francophones. Cela exige la fluidité de nos transports en commun et un marché immobilier plus flexible. Aujourd’hui encore la Belgique reste le pays d’Europe qui taxe le plus lourdement les transactions immobilières, et le récent tax shift n’y a rien changé.</p> <p>Aujourd’hui encore la Belgique reste le pays d’Europe qui taxe le plus lourdement les transactions immobilières, et le récent tax shift n’y a rien changé.</p> <p>&nbsp;</p> Mattéo Godin Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.11.01 Numéro 119 - octobre 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14453 <p>Ces dernières semaines, des milliers de migrants syriens et irakiens ont rejoint l'Europe pour tenter d'y obtenir le statut de réfugié politique. Selon toute vraisemblance, la Belgique pourrait en accueillir entre 25.000 et 30.000 en 2015. Bien que notre politique d'asile n'ait pas pour vocation de renforcer notre compétitivité ou d'améliorer le bien-être des natifs, les discussions autour de cette crise de l'asile sont de nature utilitariste : elles portent sur notre capacité d'absorption et sur les implications économiques pour l'économie belge et ses citoyens. Avec toute la prudence qui s'impose, ce numéro de Regards économiques discute les enjeux de cette crise pour l'économie belge.</p> <p>Premièrement, les demandeurs d’asile sont parfois considérés comme des migrants visant principalement à bénéficier de notre protection sociale. Les faits indiquent qu'il est simpliste et erroné d'assimiler l'exode massif des syriens et irakiens à une migration économique. L'exode actuel est sans commune mesure avec les flux réguliers et avec les données d’intentions migratoires récoltées en régime de croisière; il constitue la seule réponse possible à l'un des conflits internes les plus meurtriers de ces dernières décennies.</p> <p>Deuxièmement, les enquêtes d’opinion révèlent qu’une partie importante de la population perçoit des effets négatifs de l’immigration sur le marché du travail et les finances publiques, mais aussi sur la sécurité nationale ou la cohésion sociale. Ces perceptions ne sont pas confirmées par les études académiques qui montrent qu’à son niveau actuel, l'immigration engendre des effets faibles et souvent positifs. Ceci ne signifie aucunement qu'une augmentation illimitée de l'immigration est économiquement souhaitable ou qu’elle ne génère pas des poches locales de chômage ou des tensions sociales.</p> <p>Troisièmement, l'impact économique de la politique d'asile peut différer de celui de l'immigration traditionnelle à deux égards, le timing et la composition des flux. Sur la question du timing, il est clair que l'évolution du nombre de demandeurs d'asile est caractérisée par des pics temporaires importants. Ces pics peuvent, en théorie, engendrer des coûts d'ajustement important à court terme. Toutefois, les observations du passé (crises de l’asile de 1994 ou de 2000), révèlent plutôt une relation inverse entre la demande d'asile et le taux de chômage. Sur la question de la composition des flux, les données suggèrent que les jeunes adultes syriens et irakiens qui composent les flux de demandeurs d’asile sont susceptibles d’être relativement bien diplômés, ce qui les rend plus facilement assimilables à moyen terme.</p> <p>En bref, des incertitudes pèsent sur l'ampleur des effets de la crise de l'asile sur l'économie belge, mais il y a de fortes raisons de penser que cette crise peut être transformée en opportunité à moyen terme. Tout doit être mis en œuvre pour faciliter l'intégration économique et sociale des demandeurs d'asile et réfugiés. Il en va de notre intérêt commun.</p> Frédéric Docquier Joël Machado (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.10.02 Numéro 118 - octobre 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14463 <p>Dans les jours qui viennent, le gouvernement devra prendre des décisions concernant le ciblage du renforcement de la réduction structurelle des cotisations sociales patronales prévu dans le tax shift. Dans ce numéro de Regards économiques, nous formulons une proposition concrète pour ce ciblage et quantifions ses effets sur l’emploi.</p> <p>Soyons clairs : l’enveloppe budgétaire prévue par le gouvernement (2.335 millions € sur la période 2016 – 2019) ne permettra pas de financer à la fois une réduction généralisée des cotisations patronales (le passage à un taux facial effectif de 25 %) et un renforcement significatif de la réduction structurelle sur les bas salaires. Des choix importants s’imposent donc quant à l’affectation de cette enveloppe budgétaire. Considérant que la création d’emplois est la priorité, le ciblage sur les bas salaires s’impose. Une autre forme de ciblage aurait en effet un impact nul ou très limité sur l’emploi.</p> <p>Nous formulons une proposition à l’horizon 2016 qui s’inscrit dans l’enveloppe prévue par le gouvernement fédéral pour cette année (1.280 millions €). Selon notre proposition, prenant le taux de cotisation de 32,4 % comme taux facial, la réduction structurelle des cotisations patronales prendrait la forme suivante :</p> <p>Suppression totale des cotisations patronales pour tout niveau de salaire égal au revenu minimum moyen garanti en Belgique (1.559 € bruts/mois à 21 ans). A ce niveau, la réduction de cotisations patronales représente plus de 500 €/mois.<br>Entre le revenu minimum et 1,5 fois le revenu minimum (2.339 €/mois), la réduction de cotisations patronales diminue de manière linéaire. Pour un niveau de salaire égal à 1,5 fois le revenu minimum (2.339 €), elle atteint 154 €/mois, soit le montant de la réduction forfaitaire de cotisations patronales qui est en vigueur actuellement.<br>La réduction forfaitaire de 154 €/mois reste appliquée jusqu’au seuil «haut salaire» actuel de 4.467 €/mois. A ce niveau, le taux de cotisations patronales s’élève à 29 %.<br>Au-delà de 4.467€/mois, le taux de cotisations patronales qui prévaut est de 29 %.<br>Notre proposition amènerait le taux effectif moyen de charges patronales de 26 % à 23 %, si l'on prend 32,4 % comme taux facial de référence.</p> <p>Le renforcement de la réduction de cotisations patronales sous 2.339 € devrait créer ou sauvegarder à terme entre 28.000 et 47.000 emplois sous ce seuil de salaire.</p> <p>Notre étude n’a pas abordé l’importante question du financement d’une réduction renforcée des cotisations patronales sur les travailleurs à bas salaires. Avec le ciblage que nous proposons, l’effet des réductions de cotisations sociales patronales sur l’emploi est maximal. Plus les retombées sur l’emploi sont favorables, moins la question du financement alternatif de la sécurité sociale est aiguë.</p> <p>Compte tenu des effets limités sur l’emploi d’une réduction de charges patronales sur les salaires moyens et élevés, une proposition qui amènerait le taux effectif de cotisations patronales à 25 % engendrerait un besoin de financement alternatif de la sécurité sociale nettement supérieur.</p> Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.10.01 Focus 17 - juillet 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16343 <p class="p2">En 1930, John Maynard Keynes écrivait : «Nos petits-enfants n’auront pas assez de travail. Ils vont devoir se répartir au maximum le travail disponible. Instaurer des semaines de 15 heures avec postes de trois heures par jour permettra de résoudre le problème. Travailler trois heures par jour sera amplement suffisant».</p> Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.07.07.01 Numéro 117 - juillet 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14483 <p>Fragile en début d’année, la conjoncture économique de la Belgique s’est renforcée progressivement au cours du 1er semestre. Cette tendance devrait se poursuivre à l’avenir. La dépréciation de la monnaie européenne, la baisse du prix du pétrole, le maintien d’une politique monétaire très accommodante par la BCE, l’amélioration des perspectives économiques de la zone euro et un regain d’optimisme des ménages et des entreprises sont autant de facteurs qui devraient contribuer à relever le niveau de la croissance économique sur la période de projection. Encore modeste en 2015, à seulement 1,2 %, la croissance du PIB belge en volume devrait s’élever à 1,9 % en 2016.</p> Gautier Attanasi Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Sébastien Fontenay Vanessa Lutgen Joël Machado Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.07.01 Numéro 116 - juin 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14493 <p>L’intention de ce numéro de Regards économiques est d’explorer le principe d’une taxe portant exclusivement sur la terre. Comme son nom l’indique, la taxe terrienne porte sur la terre proprement dite, et non sur les fruits que l’homme peut en tirer grâce à son travail (par exemple les récoltes de l’agriculteur), ni sur les bâtiments éventuellement construits dessus.</p> <p>A travers la taxe terrienne, c’est l’occupation privative du sol qui est visée. La terre présente en effet la particularité de ne pas être produite par l’activité économique, mais d’être une ressource naturelle «fournie gratuitement» par la nature. En conséquence, son appropriation privée pose le problème de légitimité suivant : de quel droit un individu peut-il s’approprier une parcelle de terre qu’il n’a pas produite et ce faisant, d’en monopoliser les services?</p> <p>Les services offerts par la propriété terrienne sont multiples et variés : il peut s’agir par exemple de la beauté du site, de la fertilité du sol ou d’avantages offerts en termes de proximité de services publics locaux (écoles, hôpital,...). En monopolisant ces services, le propriétaire exclut d’autres personnes de la possibilité d’en jouir, ce qui peut justifier qu’une contrepartie soit exigée par la collectivité, contrepartie qui peut prendre la forme d’une taxe terrienne.</p> <p>En principe, toutes les terres, urbaines, agricoles ou autres, sont susceptibles de faire partie de la base de la taxe. Celle-ci peut être calculée en fonction de critères différents. L’article envisage trois cas, selon que la taxe porte sur la surface, la valeur ou le revenu de la terre (ce qu’on appelle la rente terrienne). Ces trois formes de taxe ne sont bien sûr pas équivalentes, notamment en termes d’équité ou au niveau des informations nécessaires pour les appliquer.</p> <p>La taxe terrienne est à la fois une idée ancienne et toujours d’actualité. Elle est appliquée à des degrés divers ou fait l’objet d’études dans différents pays. Elle a eu dans le passé des partisans illustres, à l’exemple d’Adam Smith. Elle bénéficie encore aujourd’hui du soutien de plusieurs «prix Nobel d’économie». Plusieurs arguments sont en effet avancés en sa faveur par ses défenseurs.</p> <p>Le premier est qu’elle porte sur un facteur immobile et donc non éludable. Un deuxième argument est qu’elle pourrait constituer un instrument de politique foncière, en particulier pour lutter contre la spéculation et les pratiques de rétention de terre (une réalité présente en Wallonie). Elle pourrait aussi constituer un mécanisme de compensation financière (au moins partiel) des propriétaires en cas d'installation d'une «nuisance» dans leur voisinage (par exemple une éolienne), ce qui serait susceptible d'atténuer des attitudes du type «pas chez moi !». Un autre argument en faveur de la taxe terrienne, tout particulièrement en milieu urbain, est qu’elle inciterait le propriétaire d’une parcelle à tenir compte des coûts de congestion qu'il crée dans son environnement.</p> <p>L’intérêt passé et présent relatif à la taxe terrienne s’explique aussi par les questions et enjeux autour d’une telle taxe. Son application pose dès le départ le problème fondamental de son but et de son «ambition». A titre d’exemple, doit-elle concerner tout le territoire d’un pays ou seulement certaines zones en fonction de leurs affectations ? Doit-elle être conçue de façon isolée, ou dans le cadre d’une vaste réforme de la fiscalité (le fameux tax-shift) ? A quel niveau doit-t-elle être fixée ? L’application d’une taxe terrienne peut avoir un caractère limité et local, ou au contraire être beaucoup plus ambitieuse et globale. Les enjeux financiers, notamment pour les pouvoirs publics, seront évidemment très différents. Enfin, comme tout instrument fiscal, l’application d’une taxe terrienne pose la question de ses impacts sur les activités économiques, en particulier sur la viabilité des exploitations agricoles.</p> <p>Vu l’ampleur du sujet, il était impossible d’étudier tous les aspects de la taxe terrienne dans le cadre de cette étude. Aussi se termine-t-elle par une invitation à une étude beaucoup plus approfondie et nécessairement multidisciplinaire à son propos.</p> Marc Germain (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.06.01 Focus 16 - mars 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16363 <p class="p2">La semaine dernière, la <span class="s2"><em>presse </em></span>faisait écho du projet de la SNCB d'introduire des tarifs plus élevés pour les voyages effectués à l'heure de pointe. Concrètement, celui qui prendrait le train dans les tranches 6h-9h et 15h-18h paierait un supplément. La SNCB motive son projet par le fait que le prix actuel est un des plus faible d'Europe. La proposition a -comme on s'en doute- reçu un accueil glacial de la part des usagers du rail.</p> Axel Gautier (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.03.15.01 Numéro 115 - janvier 2015 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14523 <p>Bien que la situation économique belge se soit quelque peu améliorée depuis notre analyse conjoncturelle d’il y a 3 mois, elle demeure fragile. La confiance des ménages et des entreprises reste faible, les créations d’emplois sont limitées et le chômage est toujours élevé. La reprise de l’économie mondiale est par ailleurs plus lente que prévue. L’expansion de l’économie belge devrait dès lors être à nouveau modeste en 2015. Nous avons ainsi à nouveau revu à la baisse notre prévision de croissance du PIB belge pour 2015, à 1,3 %.</p> Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Sébastien Fontenay Vanessa Lutgen Joël Machado Alexandre Ounnas (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2015.01.01 Focus 15 - décembre 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16373 <p class="p2">Il y a peu, la presse s'est faite l'écho d'une étude réalisée pour la Commission européenne sur le coût de la production d'électricité par différentes technologies (voir le <span class="s2"><em>communiqué de presse de la Commission</em></span>; l'étude est accessible <span class="s2"><em>ici</em></span>). Cette étude comparait la production par le nucléaire, le gaz, le charbon, l'éolien terrestre, l'éolien en mer et le solaire. Elle présentait le coût de production en tant que tel (le coût privé), le coût externe (le coût pour la collectivité lié à la pollution), et le coût des subventions publiques.</p> Thierry Bréchet (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.12.18.01 Focus 14 - novembre 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16383 <p class="p2">Cela fait quelques jours que l'on parle en France d'une "taxe rose". Selon l'<span class="s2"><em>enquête d'un collectif</em></span>, les femmes paieraient plus cher que les hommes pour une série de produits; le plus souvent, ces produits sont largement identiques si ce n'est qu'ils diffèrent par la couleur de leur emballage, le rose identifiant les produits destinés aux femmes. Le collectif cible particulièrement l'enseigne Monoprix, en pointant notamment des <span class="s2"><em>rasoirs jetables </em></span>dont le prix à l'unité est de 0,36 € pour les femmes (1,80 € le sachet de 5) et de 0,17 € pour les hommes (1,72 € le sachet de 10). Une pétition rassemblant déjà quelque 20.000 signatures a amené Monoprix à <span class="s2"><em>répondre </em></span>à ces accusations de «marketing sexiste» (appelé aussi «genré») : «Les références [de rasoirs jetables] pour les hommes présentent des volumes de vente largement supérieurs aux modèles pour femmes, permettant ainsi un prix d'achat inférieur. De plus, la composition du modèle femme induit un surcoût de fabrication.» De son côté, le gouvernement français (via son ministre de l'économie et sa secrétaire d'Etat aux droits des femmes) a annoncé avoir lancé une enquête sur le sujet.</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.11.15.01 Focus 13 - octobre 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16393 <p class="p2">Tout comme les pays scandinaves et l'Autriche, la Belgique connait un taux de syndicalisation assez élevé. Un peu plus de 50 % des salariés belges sont membres d'un syndicat (<span class="s2"><em>http://www.uva-aias.net/208</em></span>). Par ailleurs, le niveau de syndicalisation est plus élevé parmi les salariés jeunes et âgés que parmi ceux d'un âge intermédiaire (<span class="s2"><em>Van Rie et al., 2011</em></span>). Plus important encore, le taux de couverture, à savoir la fraction des salariés dont les conditions d'emploi sont régies par une convention collective de travail, est de l'ordre de 90 % en Belgique (<span class="s2"><em>http://www.uva-aias.net/208</em></span>). Enfin, dans notre pays, les syndicats gardent un rôle important dans l'octroi des allocations de chômage (<span class="s2"><em>Van Rie et al., 2011</em></span>). De ce fait, les syndicats constituent un acteur incontournable sur le marché du travail belge.</p> Stijn Baert Eddy Omey (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.10.24.01 Numéro 114 - septembre 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14563 <p>Imposer des «services à la communauté» en contrepartie de l'octroi d'indemnités de chômage est une idée évoquée par certains partis autour de la table de négociation du gouvernement fédéral. Le journal Le Soir, notamment, y consacrait une double page dans son édition imprimée du 21 août dernier. Que penser de cette idée ? Au terme d'une analyse de ses conséquences, il est recommandé de l'abandonner.</p> <p>Ce type de dispositif est connu internationalement sous le nom de workfare. Il se conçoit comme un travail obligatoire à temps partiel non souhaité par les chômeurs, qui permet avant tout à l'assurance-chômage de détecter les chômeurs volontaires. Le refus de participer au workfare serait en effet interprété comme un manque de disponibilité à l'égard du marché du travail et sanctionné. Il est possible que la situation des chômeurs involontaires, soit ceux qui cherchent de l'emploi et sont disponibles pour travailler, s'améliore. Pour cela, il faut que les économies dégagées en excluant de l'indemnisation les chômeurs volontaires soient utilisées pour relever le niveau des indemnités de chômage.</p> <p>Toutefois, les services publics de l'emploi ont déjà d'autres instruments pour constater le chômage volontaire. Les chômeurs belges sont soumis à des exigences croissantes en termes d'effort de recherche d'emploi et d'acceptation d'un emploi jugé «convenable». Le contrôle de cet effort et l'envoi individualisé d'offres d'emploi s'inscrivent dans la logique d'une assurance-chômage. L'introduction du workfare présente en revanche une rupture puisqu'il ne s'agit pas d'offrir un emploi convenable mais une occupation dans des «services à la communauté».</p> <p>S'il s'adresse à des personnes qui ont perdu les habitudes d'une vie professionnelle, le workfare pourrait aider à les retrouver et donc à se réinsérer à terme sur le marché du travail. Les services publics de l'emploi ont à nouveau déjà d'autres outils pour cela, comme les formations professionnelles par exemple.</p> <p>Si les «services à la communauté» améliorent les conditions d'existence du reste de la société, cette contribution peut avoir une valeur supérieure à l'usage du temps correspondant par les chômeurs en l'absence de workfare. Cependant, plus le workfare comportera une contribution à la production de biens et de services, plus grand est le risque qu'il se substitue à de l'emploi standard. Un programme de workfare nécessite en outre tout une organisation, un encadrement et un contrôle des personnes en workfare. Tout ceci absorbe des ressources.</p> <p>On pourrait avancer que certaines personnes sans emploi se sentiraient valorisées si elles pouvaient offrir une contrepartie à leur indemnité. Si tel est le cas, la réponse est de rendre cela davantage possible que ce ne l'est pour le moment, pas, nous semble-t-il, de l'imposer.</p> <p>Enfin, s'il est vrai que la société belge a maintenu dans l'assurance-chômage des personnes qui n'ont plus toutes les caractéristiques du chômeur telles que définies par le Bureau International du Travail, la responsabilité collective de cette réalité est généralement énorme comparée à la responsabilité individuelle. La réponse à ce problème extrêmement délicat ne se trouve pas dans l'imposition d'une «occupation», fût-elle un «service à la communauté».</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.09.01 Numéro 113 - juillet 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14573 <p>Malgré un léger essoufflement de la croissance économique mondiale en début d’année, l’activité mondiale devrait continuer à se raffermir sur la période de projection. En Belgique, l’activité économique continue également de se redresser. Cette évolution devrait se poursuivre à l’avenir, à un rythme qui devrait progressivement s’accentuer. Tant la demande étrangère que la demande intérieure devraient contribuer à cette progression. Encore faibles en début d’année, les créations d’emplois devraient devenir plus significatives à l’avenir et le chômage devrait progressivement commencer à reculer.</p> Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Vanessa Lutgen Joël Machado Catherine Smith (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.07.01 Numéro 112 - avril 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14583 <p>Les efforts que les chômeurs font pour retrouver un emploi sont-ils régulièrement évalués par l'ONEM ? Les évaluations négatives de l'effort de recherche d'emploi y pleuvent-elles ? Le premier entretien d'évaluation se solde-t-il par une évaluation négative dans près de la moitié des cas ? Y a-t-il de plus en plus de sanctions, à l'encontre des chômeurs, dans le cadre de la procédure de contrôle de l'ONEM. Les chômeurs cherchent-ils trop peu activement de l'emploi en Belgique ? A en croire les titres récents dans les médias, toutes ces questions ont une réponse positive. Nous montrons qu'à y regarder de plus près, ces conclusions sont incorrectes. Sur base d'une analyse rigoureuse des statistiques de l'ONEM de 2004 à 2013, nous dégageons les cinq conclusions suivantes :</p> <p>&nbsp;</p> <p>Un : parmi les chômeurs qui prennent part à un 1er entretien à l'ONEM, 48 %, soit effectivement «près de la moitié», reçoivent une évaluation négative de leurs efforts de recherche d'emploi. Mais si l'on rapporte le nombre de chômeurs qui ont une évaluation négative au 1er entretien au nombre de chômeurs qui ont été un jour avertis de leur entrée dans la procédure de contrôle par l'ONEM (au moins 8 mois avant le 1er entretien), seul 1 chômeur sur 4 avertis voit finalement ses efforts de recherche jugés insuffisants lors d'un 1er entretien, pour 7 sur 100 lors d'un 2ème entretien, et seulement 3 pour 200 lors d'un 3ème entretien ! L'étalement de la procédure de contrôle sur de nombreux mois, durant lesquels nombre de chômeurs avertis quittent le chômage indemnisé pour un emploi, une formation ou d'autres destinations non visées par la procédure de contrôle, explique que les évaluations négatives ne «pleuvent» pas parmi les chômeurs avertis.</p> <p>Deux : Quant à dire que les chômeurs sont «régulièrement évalués par l'ONEM», soulignons qu'à peine 2 % du total des chômeurs indemnisés participent chaque mois à un entretien d'évaluation de l'effort de recherche d'emploi à l'ONEM.</p> <p>Trois : 16 % des chômeurs indemnisés et contrôlés par l'ONEM lors d'un 1er entretien d'évaluation subissent une sanction (temporaire ou non), faute d'avoir pu démontrer des efforts de recherche d'emploi suffisants lors d'un 2ème ou 3ème entretien d'évaluation. Par contre, aucun élément ne permet d'affirmer qu'il y a de plus en plus de sanctions dans le cadre de la procédure de contrôle de l'ONEM. Depuis 2008, le nombre annuel d'exclusions pour motif de recherche d'emploi insuffisante est stabilisé sous les 3.000 unités annuelles.</p> <p>Quatre : Sur base des statistiques de l'ONEM, il est mission impossible de conclure que «un chômeur sur deux ne cherche pas activement de l'emploi» en Belgique. La seule chose que ces statistiques nous enseignent est que, parmi les chômeurs avertis qui prennent part à un entretien d'évaluation de l'effort de recherche à l'ONEM, un peu moins de la moitié reçoivent une évaluation négative en raison d'une recherche d'emploi jugée insuffisante par un facilitateur de l'ONEM. Il faudrait donc réécrire l'affirmation ainsi : «Un peu moins d'un chômeur sur deux, averti et contrôlé par l'ONEM, voit ses efforts de recherche jugés insuffisants.»</p> <p>Cinq : Par contre, s'il s'agit de mettre en perspective le nombre de chômeurs évalués négativement par l'ONEM par rapport à l'ensemble des chômeurs indemnisés en Belgique, nous affirmons qu'en 2013 : «par mois, à peine 1 chômeur indemnisé sur 100 voyait ses efforts de recherche jugés insuffisants par l'ONEM». On est donc très loin des «1 chômeur sur 2».</p> Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.04.01 Numéro 111 - mars 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14593 <p>A l'instar de la population dans son ensemble, la force de travail belge vieillit. Cette tendance devrait se renforcer du fait des politiques visant à augmenter le taux d'emploi au-delà de 50 ans. Mais les entreprises localisées en Belgique sont-elles disposées à employer plus de travailleurs âgés ? En l'état, probablement que non. La structure par âge du personnel des entreprises situées en Belgique se révèle être un déterminant important de leurs profits. L'étude que nous avons menée sur des données individuelles d'entreprises révèle qu'une augmentation de 10 points de pourcentage de la part des travailleurs de 50-64 ans dans les entreprises se traduit par une baisse de 1,27 % des profits mesurés par le ratio productivité-coût salarial. La raison est que la baisse de productivité parmi les travailleurs âgés n'est pas compensée par une baisse correspondante du coût du travail. Il s'agit là d'un obstacle au relèvement du taux d'emploi des aînés, qui appelle des mesures visant à combattre le déclin de la productivité avec l'âge et/ou à mieux aligner le coût salarial sur la productivité.</p> <p>Une offre de travail accrue des personnes plus âgées appelle logiquement une demande à la hausse des employeurs pour recruter des seniors. Les stratégies actuelles, privilégiant l'accroissement de l'offre de travail âgé (suppression des préretraites, accroissement de la durée de cotisation etc.), induisent le risque qu'une partie importante des seniors confrontés à des barrières à l'emploi et n'ayant plus droit à une (pré)retraite, viennent gonfler les rangs des chômeurs ou invalides de longue durée. Progresser intelligemment sur la question de l'allongement des carrières requiert de rassembler les conditions microéconomiques nécessaires à la restauration d'un vrai marché du travail pour les plus de 50 ans. Pour ce groupe en particulier, il s'agit de stimuler l'offre mais aussi la demande de travail, sans oublier les dispositifs assurant une bonne intermédiation entre les deux. Concrètement, cela implique la mise en place d'un véritable «Pacte de l'Age» comprenant au moins cinq ingrédients :</p> <p>Un : développer la formation continue sur la tranche 40-50 ans, de manière à contrer le risque de baisse de productivité et de déqualification lié à l'âge et ainsi préserver l'employabilité. La formation continue est aujourd'hui en bonne partie l'apanage des moins de 40 ans.<br>Deux : assurer une meilleure ergonomie au travail. Des améliorations réfléchies de l'environnement de travail peuvent faire la différence. Récemment, BMW a fait l'expérience d'assigner à l'une de ses chaînes d'assemblage exclusivement du personnel de plus de 50 ans, à l'image de la situation attendue à partir de 2030 compte tenu du vieillissement. Au début, «la chaîne de montage des retraités» a été moins productive. Mais BMW est parvenu à compenser le handicap, graduellement, via l'introduction de pas moins de 70 changements dans l'ergonomie des postes de travail (nouvelles chaises, chaussures à semelles compensées, loupes, tables réglables, etc.).<br>Trois : éviter une trop forte (et trop mécanique) progression des salaires en fonction de l'ancienneté, laquelle contribue à découpler salaire et productivité au-delà d'un certain âge, ce qui incite les entreprises à interrompre les carrières avant l'âge légal de la retraite, particulièrement lors de récessions ou restructurations importantes.<br>Quatre : à condition que les partenaires sociaux s'engagent sur les points un, deux et trois, baisser de façon sélective mais significative le coût-employeur du travail âgé sans diminution du salaire poche, par une réduction accrue des cotisations sociales.<br>Cinq : développer une véritable intermédiation entre l'offre et la demande de travail âgé. Un régime de dispense de recherche d'emploi signifie, de facto, l'absence d'intervention des services publics de l'emploi en faveur de beaucoup de chômeurs âgés. Or la reprise d'emploi passé 50 ans est plus difficile et nécessite un effort particulier de la part de ces services. Il y a donc lieu de les muscler.</p> Vincent Vandenberghe (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.03.01 Focus 12 - février 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16403 <p class="p2">Afin de redynamiser la zone du Canal, caractérisée par un taux de chômage élevé et un faible revenu de ses résidents, le gouvernement bruxellois a décidé d'offrir <span class="s2"><em>des incitants financiers aux entreprises venant s'y installer </em></span>: extension des aides à l'investissement (la Région bruxelloise pouvant prendre en charge jusqu'à 35 % du coût de ces investissements), aides à l'embauche (avec des subventions pouvant aller jusqu'à 30 % du salaire brut) et, enfin, exemption partielle de la taxe sur les surfaces de bureau (taxe communale pesant sur les entreprises industrielles, commerciales et agricoles). Pour bénéficier de ces aides, les entreprises doivent toutefois respecter une «clause d'embauche locale» : 30 % de leur personnel doit résider dans la zone d'économie urbaine stimulée (ZEUS), qui couvrira plusieurs quartiers le long du Canal, d'Anderlecht à Schaerbeek.</p> Florian Mayneris (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.02.25.01 Numéro 110 - février 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15233 <p>En quelques semaines seulement, l'UCL a vu près de 20.000 personnes s'inscrire à un de ses cours, intitulé Paradigms of Compter Programming; 15.000 autres se sont inscrites au cours International Human Rights et quelques milliers à deux autres cours. Ces inscriptions, ainsi que d'autres qui ne cessent d'arriver de jour en jour, proviennent de 170 pays différents. Vous aurez compris qu'une telle audience, venant d'horizons parfois très lointains, ne peut pas être accueillie sur un des campus de l'UCL; c'est donc à distance, via le site Internet&nbsp;<a href="https://www.edx.org/school/louvainx/allcourses">LouvainX</a>, que ces cours sont organisés. Vous imaginez également que si l'accès à ces cours n'était pas gratuit, il y aurait sans doute moins d'inscriptions. Il s'agit donc de «cours en ligne ouverts et massifs», mieux connus sous l'acronyme anglais MOOCs (qui se prononce 'Moûks' et qui signifie «Massive Open Online Courses»).</p> <p>L'UCL a rejoint, comme beaucoup d'universités de par le monde, un mouvement qui est parti des Etats-Unis et qui fait beaucoup parler de lui pour le moment. De nouvelles méthodes pour dispenser l'enseignement supérieur à l'aide d'Internet sont testées à large échelle. Au centre de ce mouvement se retrouvent un certain nombre de plateformes Internet qui offrent une large palette de cours, développés en partenariat avec des universités ou directement par leurs propres forces. Les plateformes les plus connues sont&nbsp;<a href="https://www.coursera.org/">Coursera&nbsp;</a>(qui cumule actuellement 21 millions d'inscriptions à près de 600 cours),&nbsp;<a href="https://www.edx.org/">edX</a>&nbsp;(consortium auquel participe l'UCL qui cumule près de 2,4 millions d'inscriptions) et&nbsp;<a href="https://www.udacity.com/">Udacity</a>&nbsp;(1,6 millions d'inscriptions).</p> <p>On assiste donc, depuis quelques mois, à une vague d'investissements sans précédent dans le domaine de l'enseignement universitaire à distance. Les médias se sont vite emparés du phénomène et un large débat s'est engagé. Par ce numéro de Regards Economiques, nous désirons contribuer à ce débat en offrant une analyse économique du phénomène des plateformes MOOCs.</p> <p>Notre analyse se centre sur deux questions. D'une part, nous nous interrogeons sur la rentabilité des plateformes qui organisent cette nouvelle forme d'enseignement; pour ce faire, nous envisageons différents modèles d'affaires. Selon nous, le modèle qui est susceptible de s'imposer à moyen terme est celui du partenariat entre plateformes MOOCs et universités, un modèle qui suppose que les MOOCs soient vus comme des compléments plutôt que comme des substituts à l'enseignement traditionnel.</p> <p>D'autre part, nous cherchons à dégager des pistes d'action pour la politique publique en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les pouvoirs publics doivent agir en tant que courroie de transmission d'information et d'aide financière. Cela peut avoir lieu via le développement d'un fond scientifique destiné aux recherches analysant les innovations pédagogiques et par la création d'une institution dont l'objectif premier est de s'assurer une dissémination la plus large possible des bonnes pratiques pédagogiques. Plus globalement, une revalorisation de l'enseignement (par rapport à la recherche) semble indispensable, par exemple en mettant en place un système encourageant les établissements d'enseignement supérieur à adopter de nouvelles méthodes pédagogiques, comme celles inspirées du développement des MOOCs.</p> Paul Belleflamme Julien Jacqmin (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.02.01 Numéro 109 - janvier 2014 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15223 <p>La reprise économique mondiale se poursuit et les indicateurs récents suggèrent qu'elle continuera à se renforcer en 2014. Nous prévoyons dès lors que le commerce international et la demande étrangère soutiendront l'activité économique en Belgique en 2014. Les conditions de la demande intérieure demeurent encore fragiles mais elles devraient progressivement s'améliorer en 2014 et une dynamique de croissance plus autonome devrait graduellement se mettre en place. Durant cette année de consolidation de la reprise, la croissance du PIB atteindrait 1,4 %. L'emploi devrait recommencer à augmenter, mais trop faiblement pour stopper la hausse du chômage.</p> Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Vanessa Lutgen Joël Machado Catherine Smith (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2014.01.01 Numéro 108 - décembre 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15213 <p>En Belgique, le chômage des jeunes est structurellement plus élevé que dans de nombreux autres pays européens et touche particulièrement les jeunes peu qualifiés. Ceci est non seulement vrai pour la Wallonie et Bruxelles, mais aussi pour la Flandre. Cet article vise à identifier les causes de ce chômage élevé et à proposer quelques remèdes clés. Nous passons en revue les dimensions suivantes : la protection de l'emploi, y compris le salaire minimum, le système d'enseignement, le système d'allocations de chômage et les politiques d'insertion en emploi.</p> <p><strong><em>Salaire minimum trop élevé</em></strong></p> <p>Le salaire minimum en Belgique est un des plus élevé parmi les pays de l'OCDE. Plusieurs études scientifiques ont établi qu'un salaire minimum élevé a un impact très préjudiciable sur l'emploi des jeunes à faible qualification. La raison en est simple : comme la productivité de ces jeunes ne couvre pas leur coût, il n'est pas rentable pour un employeur d'embaucher ces jeunes.</p> <p>Pour remédier à ce problème, jusqu'à récemment, un taux de réduction était d'application sur le salaire minimum des travailleurs plus jeunes que 21 ans. Toutefois, les partenaires sociaux ont décidé de graduellement abolir ce taux de réduction. Ceci est une erreur. Par ailleurs, il faut aussi envisager des mesures qui réduisent le coût d'embauche de ces jeunes. Plutôt que de baisser le salaire minimum davantage, nous préconisons un renforcement de la réduction structurelle du coût du travail des travailleurs à bas salaire. Cette réduction supplémentaire peut être financée en supprimant la majorité des aides ciblées au recrutement.</p> <p><strong><em>Eliminer le redoublement et le cloisonnement entre l'école et le travail, postposer l'orientation</em></strong></p> <p>Les résultats de l'enquête PISA viennent de confirmer cette semaine que les résultats scolaires en Flandre sont parmi les meilleurs de l'Europe, mais en déclin et parmi les plus inégaux au monde. Les résultats en Fédération Wallonie-Bruxelles demeurent médiocres. Par ailleurs, une part beaucoup plus faible que dans d'autre pays européens combinent en Belgique les études et le travail.</p> <p>Le redoublement est toujours utilisé comme instrument de remédiation, même si la plupart des études scientifiques indiquent que le redoublement aggrave sensiblement les résultats scolaires. Bien que la recherche scientifique ne soit pas concluante concernant le niveau de réussite moyen, elle a établi que l'orientation précoce en Belgique a des effets négatifs sur les résultats des élèves issus de familles défavorisées. Enfin, des études ont montré que la transition de l'école au travail est fortement facilitée par un système d'apprentissage en alternance qui garantit une formation de haute qualité basée sur le travail. Ce système est trop peu développé en Belgique.</p> <p>En Flandre, la réforme de l'enseignement récemment proposée va dans la bonne direction, mais l'opposition du NVA a fortement réduit les chances de son adoption. En Fédération Wallonie-Bruxelles, peu de réformes de l'enseignement obligatoire ont été engagées, à part l'annonce d'une réforme structurelle dans le «Plan Horizon 2022».</p> <p><strong><em>Octroyer une allocation de chômage plus rapidement et cibler davantage les politiques d'insertion en emploi</em></strong></p> <p>Le gouvernement fédéral a récemment allongé de 9 à 12 mois la période d'attente («période d'insertion») avant que les jeunes qui sortent de l'école et qui sont à la recherche d'un emploi aient droit à une indemnité de chômage. Par ailleurs, il a décidé de renforcer le contrôle de la recherche d'emploi de ces jeunes. Il est peu probable que ces mesures amélioreront l'insertion des jeunes peu qualifiés. Si l'on veut vraiment réaliser l'insertion professionnelle de ces jeunes, il faut attribuer plus rapidement aux jeunes qui se retrouvent au chômage après leurs études une allocation de chômage modeste couplée à un suivi beaucoup plus étroit qu'actuellement de leurs actions d'insertion. Afin de limiter les coûts, il importe de fortement cibler l'accompagnement de jeunes demandeurs d'emploi sur les moins qualifiés d'entre eux et de baser le contrôle de leurs activités de recherche d'emploi sur des preuves écrites à renvoyer régulièrement par courrier (électronique), au lieu de les évaluer dans des entretiens.</p> Bart Cockx (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.12.01 Numéro 107 - novembre 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15203 <p>Il existe en Belgique un débat animé et récurrent à propos du mécanisme d'indexation quasi automatique des salaires. D'un côté, les défenseurs de celui-ci y voient un dispositif essentiel de préservation du pouvoir d'achat des travailleurs en imposant un ajustement régulier et quasiment automatique des salaires à l'évolution du coût de la vie. D'un autre côté, les opposants à l'indexation estiment qu'elle induit une croissance des coûts salariaux plus rapide en Belgique que dans les pays voisins qui sont ses principaux partenaires commerciaux et qu'elle entraîne de ce fait une dégradation de la compétitivité des entreprises belges.</p> <p>Bien que l'hypothèse selon laquelle l'indexation nuit à la compétitivité soit souvent évoquée, que ce soit par les acteurs politiques, les responsables patronaux, les médias et certains économistes professionnels, cette hypothèse nécessite d'être examinée de façon rigoureuse et non partisane afin que le débat puisse reposer sur un argumentaire solide.</p> <p>D'une part, théoriquement, considérer que l'indexation engendre inévitablement des pertes de compétitivité ne va pas nécessairement de soi. L'indexation ne constitue en effet qu'un mécanisme parmi d'autres visant à adapter les salaires à l'évolution du coût de la vie. La particularité de l'indexation est de rendre cette adaptation (quasiment) automatique alors que dans les pays où un tel mécanisme n'existe pas, cette adaptation se fait généralement dans le cadre de négociations salariales dont la fréquence est plus ou moins élevée selon les pays. Dès lors, à moins de considérer que la préservation du pouvoir d'achat n'est pas une préoccupation majeure des travailleurs dans les pays qui sont les principaux concurrents de la Belgique, il paraît peu vraisemblable que l'indexation soit un facteur systématique de détérioration de la compétitivité sur le&nbsp;<strong>long terme</strong>. Etant donné son caractère automatique, l'indexation risque en revanche de pénaliser la compétitivité à&nbsp;<strong>court terme</strong>&nbsp;mais l'ampleur et la persistance de l'impact dépendent de la vitesse à laquelle les salaires sont ajustés dans les pays concurrents.</p> <p>D'autre part, il n'existe pas à notre connaissance d'études ayant démontré formellement que l'indexation des salaires en Belgique a contribué à la dégradation passée de la compétitivité des entreprises belges. Il existe bien des études qui examinent l'impact de l'indexation sur la formation des prix et des salaires en Belgique mais l'impact sur la compétitivité n'est cependant pas directement étudié. C'est dès lors cet aspect précis que nous examinons dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>.</p> <p>Pour déterminer empiriquement si l'indexation des salaires a nui&nbsp;<em>effectivement</em>&nbsp;à la compétitivité de la Belgique, la méthodologie que nous avons adoptée consiste à examiner (à l'aide de méthodes statistiques) si les hausses passées des prix du pétrole ont eu systématiquement un impact négatif sur la compétitivité belge. Le raisonnement sous-jacent est simple. Dans la mesure où une hausse des prix du pétrole (pour autant qu'elle persiste quelque temps) induit inévitablement une hausse du niveau général des prix à la consommation, de par le fait de l'indexation, les salaires augmentent également à la suite du choc pétrolier. Si l'ajustement des salaires s'avère être effectivement plus rapide en Belgique qu'à l'étranger, la compétitivité belge devrait se détériorer, du moins à court terme.</p> <p>Les résultats de notre analyse tendent à indiquer que l'indexation salariale n'est pas un facteur déterminant de l'évolution à&nbsp;<strong>long terme</strong>&nbsp;de la compétitivité des entreprises belges, confirmant ainsi notre point de vue théorique. En revanche, nos résultats indiquent que la compétitivité belge se détériore à&nbsp;<strong>court terme</strong>&nbsp;en cas de hausse des prix du pétrole et que cet impact persiste suffisamment longtemps pour entraîner des pertes de parts de marché.</p> Vincent Bodart Fatemeh Shadman (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.11.01 Numéro 106 - octobre 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15193 <p>En Wallonie, la collecte des déchets est fréquemment déléguée par les communes à une intercommunale ou à un collecteur privé. Par ailleurs, de plus en plus de communes utilisent des conteneurs à puce. Cet article compare les performances en termes de coûts de ces différentes alternatives.</p> <p>Au mois de septembre, la ville de Liège a décidé de se délester de la gestion des déchets et de la confier à l'intercommunale Intradel en 2015. Le but de la manœuvre est de passer à la collecte par conteneur à puce et ainsi réduire la quantité de déchets produits . A Mont-St-Guibert, on abandonne le système de vignettes à coller sur les sacs pour les sacs payants et, à terme, le bourgmestre souhaite passer au système de poubelles à puce qui permet de peser les déchets . A Bruxelles, le secrétaire d'état à la propreté souhaite lui aussi faire évoluer les collectes et remplacer les sacs par des conteneurs.</p> <p>En Wallonie, les communes sont responsables de la collecte et du traitement des déchets. Celles-ci ont plusieurs possibilités pour l'organisation de ce service, que ce soit le mode de collecte, les sacs payants et les conteneurs à puce étant les solutions les plus fréquentes ou le type de collecteur, régie communale, collecteur privé ou intercommunale.</p> <p>Dans cet article de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous comparons les performances en termes de coûts de ces différentes alternatives. Nous montrons que l'utilisation de conteneurs à puce pour la collecte des déchets ménagers résiduels (OMB) permet de diminuer considérablement la quantité d'OMB produite par habitant, sans pour autant augmenter la quantité d'autres déchets ménagers, ce qui irait dans le sens d'objectifs environnementaux. De plus, cela se fait sans augmentation du coût par habitant. Nous montrons également que la collecte des OMB en régie publique entraine un coût total de la gestion</p> <p>des déchets comparable à celui qui est observé dans les communes dont la délégation des OMB est confiée à un collecteur privé. Par contre, le recours à une formule hybride, la délégation à une intercommunale qui elle-même délègue la collecte à une entreprise privée, est en moyenne plus coûteuse que les autres alternatives.</p> Axel Gautier Sophie Reginster (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.10.01 Focus 11 - juillet 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16413 <p class="p2">Le marché du travail wallon a présenté quelques signes encourageants au cours des années 2000, tant sur le plan de la création d'emplois (souvent soutenus par des aides publiques) que du chômage. La Wallonie connaît néanmoins depuis plus de trois décennies un chômage très élevé, souvent de longue durée, en particulier pour certains groupes (les jeunes peu scolarisés par exemple) et certaines sous-régions. Une telle expérience marque profondément. Des politiques fédérales de soutien financier à l'emploi vont prochainement être transférées à la Région wallonne. Qu'en faire ? Le marché du travail wallon connaît simultanément un problème de rareté d'offres d'emploi (même si cette insuffisance est souvent exagérée<span class="s2">1</span>) et des difficultés de rencontres entre offre et demande d'emploi. Confrontés à un manque important d'évaluations rigoureuses des politiques menées, nous préconisons les orientations suivantes en ce qui concerne les politiques d'emploi</p> Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.07.13.01 Numéro 105 - juillet 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15183 <p>En Belgique, comme dans la plupart des pays voisins, le climat conjoncturel demeure trop déprimé pour espérer un raffermissement significatif de l'activité économique durant la seconde partie de 2013. L'activité devrait en revanche s'accélérer l'an prochain. Comme la reprise économique tend à se consolider aux Etats-Unis et que les perspectives de croissance des pays émergents restent favorables, l'environnement international serait mieux orienté l'an prochain et les exportations belges retrouveraient de l'élan. Une dynamique de croissance plus autonome basée sur la demande intérieure devrait ensuite progressivement s'enclencher, notamment si la situation du marché du travail s'améliore et la confiance des principaux acteurs économiques se rétablit. Malgré ces évolutions plus positives, la croissance belge serait limitée à 1,3 % en 2014.</p> Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Vanessa Lutgen Joël Machado Catherine Smith (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.07.01 Numéro 104 - juin 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14943 <p>Récemment,&nbsp;<a href="http://www.rtbf.be/info/societe/detail_logement-un-proprietaire-sur-six-n-accepte-pas-les-noms-etrangers?id=8023340">une étude menée par des sociologues de l'Université de Gand</a>&nbsp;révélait que des candidats locataires ayant un nom à consonance étrangère, ou s'exprimant avec un accent étranger, avait plus de mal à trouver un logement à Anvers et à Gand. De telles discriminations existent-elles aussi sur le marché de l'emploi ? C'est ce que ce numéro de&nbsp;<em>Regards Economiques</em>&nbsp;cherche à établir. Plus précisément, l'étude présentée dans ce numéro vise à déterminer si les employeurs flamands traitent de manière égale les candidatures à l'emploi des jeunes diplômés aux noms à consonance turque et à consonance flamande.<br><br>Pour ce faire, les chercheurs ont répondu à des offres d'emploi réelles en envoyant des candidatures fictives dont la seule différence majeure était le nom du candidat (à consonance soit flamande soit turque, les Turcs représentant la plus importante minorité ethnique à Gand et la seconde à Anvers, les deux villes auxquelles les candidats fictifs étaient domiciliés).<br><br>Il ressort de cette étude qu'une inégalité de traitement existe sur le marché du travail en Flandre. Les jeunes diplômés aux noms à consonance turque ont moins de chance d'être invités à un entretien d'embauche que les jeunes diplômés aux noms à consonance flamande : en moyenne, ils doivent envoyer 44 % de candidatures en plus s'il souhaite recevoir le même nombre de réponses positives. Ceci est particulièrement vrai s'ils sont peu qualifiés et candidats à des postes pour lesquels il n'existe pas de pénurie de main-d'œuvre. En revanche, la discrimination disparaît dans les secteurs où il y a pénurie de main d'œuvre.<br><br>Une telle discrimination est non seulement inacceptable d'un point de vue éthique, mais elle a également d'importantes répercussions sur le plan économique. En raison des énormes défis posés par le vieillissement de la population, il est important de pouvoir compter sur tous les groupes de la population. En outre, ce type d'exclusion en début de carrière peut avoir des conséquences à long terme.<br><br>Comment remédier à ce problème ? Plusieurs politiques sont proposées : (1) des campagnes de sensibilisation; (2) le recours à un système de candidatures anonymes; (3) faire respecter la loi par le contrôle plus systématique de la discrimination et par l'imposition de sanctions en cas de détection; (4) l'instauration de quotas de recrutement en faveur des personnes issues de l'immigration. Comme l'expliquent les auteurs de l'étude, aucune de ces politiques n'est exempte d'effets pervers. Il convient donc de les doser et de les combiner au mieux pour réduire la discrimination de façon effective sur le marché de l'emploi.</p> Stijn Baert Bart Cockx Niels Gheyle Cora Vandamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.06.01 Focus 10 - juin 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16423 <p class="p2">Cela fait quelques jours que l'on commente en tous sens l'annonce par Walibi de la création d'un "Speedy Pass" permettant, pour un prix de 35 €, de couper les files d'attente. En particulier, Philippe Courard (Secrétaire d'Etat aux Familles) et Bruno Vanobbergen (Commissaire flamand aux droits de la jeunesse) ont dénoncé <span class="s2"><em>une politique tarifaire faisant la différence entre enfants riches et pauvres</em></span>. L'objet de ce focus est d'éclairer le débat en expliquant quelques principes économiques sous-jacents.</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.06.13.01 Focus 9 - mai 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16433 <p class="p2">Vous avez certainement déjà entendu parler de "Games of Thrones". C'est la série télé la plus populaire du moment. Ses deux premières saisons ont fait un carton et HBO (chaine américaine à péage, productrice de la série) diffuse pour l'instant la saison 3. Ce sont quelque 4,5 millions d'abonnés qui suivent la série. Mais, au total, l'audience est bien plus large car il convient de compter aussi plusieurs millions (le chiffre exact est difficile à estimer) de téléspectateurs «illégitimes». En effet, le dernier épisode diffusé par HBO le 31 mars <span class="s2"><em>a été téléchargé plus d'un million de fois en l'espace de 24 heures</em></span>.</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.05.07.01 Focus 8 (nl) - avril 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16453 <p class="p2">Het Grondwettelijk Hof stelt in zijn arrest van juli 2011 dat het onderscheid tussen arbeiders en bedienden in de bepaling van opzegtermijnen ongrondwettelijk is en dat men dit onderscheid ten laatste tegen 8 juli 2013 dient op te heffen. De urgentie om een compromis te vinden mag de fundamentele uitdagingen waarvoor we staan niet uit het oog doen verliezen: hoe kunnen we best de behoefte aan meer flexibiliteit voor de werkgevers verzoenen met die aan zekerheid voor werknemers?</p> Bart Cockx Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.04.18.01 Focus 8 (fr) - avril 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16443 <p class="p2">La cour constitutionnelle a déclaré que la distinction établie en matière de délais de préavis entre employés et ouvriers est inconstitutionnelle et qu'elle doit disparaître le 8 juillet 2013 au plus tard. La recherche dans l'urgence d'un compromis ne doit pas faire perdre de vue les défis fondamentaux : comment concilier au mieux le besoin de flexibilité accrue pour les entreprises et celui de sécurité pour les travailleurs ?</p> Bart Cockx Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.04.18.02 Numéro 103 - mars 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14933 <p>A une époque où les&nbsp;<span class="habillage-droite">restructurations</span>&nbsp;et les licenciements collectifs sont omniprésents, les perspectives en cas de perte d'emploi apparaissent extrêmement sombres. Pour objectiver cette perception, ce numéro de&nbsp;<em>Regards</em>&nbsp;<em>économiques</em>&nbsp;quantifie le nombre global de demandeurs d'emploi wallons par offre d'emploi en 2012. On entend souvent dire qu'il y aurait globalement une opportunité d'emploi pour environ 40 demandeurs d'emploi sur le territoire wallon. Nous expliquons en quoi le mode de calcul sur lequel repose cet ordre de grandeur est critiquable et nous proposons une mesure améliorée du ratio moyen entre demandeurs d'emploi et emplois vacants en Wallonie. Selon notre calcul, il y avait, en 2012, de l'ordre de 5 demandeurs d'emploi wallons par opportunité d'emploi diffusée par le Forem. Ce nombre baisse davantage si l'on tient compte des offres d'emploi non publiées au Forem, des postes vacants intérimaires ou des offres transmises par les autres Régions ou d'autres partenaires du Forem. Nous concluons qu'il y a bien un manque relatif d'offres d'emploi par rapport au nombre de chômeurs en Wallonie, mais on est loin de l'ampleur habituellement rapportée. Soulignons toutefois que diviser un nombre total de demandeurs d'emploi par une mesure globale des emplois vacants n'apporte aucun éclairage sur les facteurs qui freinent la rencontre entre les demandeurs d'emploi et ces offres.</p> <p>"Le problème de la Wallonie, c'est le manque d'offres d'emploi", entend-on dire souvent. Pour étayer cette affirmation, d'aucuns s'appuient sur des statistiques renseignant le nombre de demandeurs d'emploi par offre d'emploi vacante. A titre d'exemple, le SPF Travail, Emploi et Concertation Sociale rapporte (voir&nbsp;<a href="http://www.emploi.belgique.be/moduledefault.aspx?id=21166#AutoAncher7,%20tableau%20IDH03">http://www.emploi.belgique.be/moduledefault.aspx?id=21166#AutoAncher7, tableau IDH03</a>) qu'en 2012, il y avait plus de 40 demandeurs d'emploi par opportunité d'emploi en Wallonie. Pour établir ce ratio, le SPF met en rapport, d'une part, le nombre de demandeurs d'emploi inoccupés wallons recensés par le Forem au 30 juin 2012 et, d'autre part, le nombre d'emplois vacants que ce même organisme recense (hors emplois intérimaires) et qui sont en suspens (c'est-à-dire non satisfaits) au 30 juin 2012. Ce mode de calcul est critiquable à plus d'un titre :</p> <ol> <li>Que nous apprend ce rapport qui divise un&nbsp;<em>stock</em>&nbsp;de chômeurs au 30 juin et un&nbsp;<em>stock</em>&nbsp;d'offres d'emploi en attente d'être satisfaites au même moment ? L'inverse de ce rapport, à savoir 1 divisé par 40, soit 2,5 %, nous renseigne la probabilité&nbsp;<em>instantanée</em>&nbsp;moyenne qu'un chômeur wallon trouve un emploi s'il n'y avait aucun frein à l'appariement. Les demandeurs d'emploi présents dans le stock le 30 juin 2012 avaient donc au mieux 2,5 % de chances de s'apparier le lundi 2 juillet 2012 avec un emploi vacant disponible dans le stock. Ce pourcentage est faible, mais il est normal que les chances de trouver une opportunité d'emploi soient d'autant plus petites que la durée pendant laquelle on est susceptible de trouver un emploi est courte (l'instant qui suit). Si on prend un horizon de temps plus long (comme celui d'une année), de nouvelles offres d'embauche apparaissent, celles qui étaient disponibles à la fin de mois de juin sont progressivement pourvues. Par ailleurs, des personnes entrent en chômage, renforçant la concurrence pour les emplois disponibles, tandis que d'autres quittent le chômage, atténuant cette même concurrence. En tenant compte de ces&nbsp;<em>flux</em>&nbsp;et en utilisant&nbsp;<em>les mêmes concepts</em>&nbsp;de chômage et d'emploi vacant que ceux du SPF, nous obtenons&nbsp;<em>un ratio de 5 demandeurs d'emploi wallons par opportunité d'emploi en 2012, soit 8 fois moins que celui rapporté par le SPF</em>.</li> <li>Le nombre de postes vacants pertinents pour les demandeurs d'emploi wallons se distingue du nombre d'offres d'emploi recensées par le Forem. Cette affirmation renvoie notamment au fait que le taux d'utilisation du Forem comme canal de recrutement par les employeurs wallons serait de l'ordre de 50 %.&nbsp;<em>Si on inclut une correction des opportunités d'embauche en Wallonie pour celles non diffusées par le Forem</em>, il y avait, en 2012, de l'ordre de&nbsp;<em>3 demandeurs d'emploi wallons par opportunité d'emploi sur le territoire wallon</em>. Ce nombre augmente si on restreint les offres aux seuls contrats à durée indéterminée. Ce nombre baisse si l'on tient compte des offres d'emploi intérimaires ou encore des offres transmises par les autres Régions dans le cadre de l'accord sur l'échange systématique des offres d'emploi entre les organismes publics régionaux de l'emploi et d'autres partenaires.</li> </ol> <p>Ce regard sur la situation globale du marché du travail wallon en 2012 n'a naturellement pas valeur de prédiction pour 2013, qui devrait être, selon plusieurs sources, plus défavorable sur le plan des créations d'emploi et du chômage. Selon le Forem (<em>Marché de l'Emplo</em>i, Février 2013, p. 5), en janvier 2013, «le nombre d'opportunités d'emploi diffusé par le Forem est en recul sur base annuelle : - 19,1 % par rapport à janvier 2012. Cette baisse ne concerne pas celles bénéficiant d'aides publiques (+ 2,8 %)». En janvier 2013, le nombre de demandeurs d'emploi inoccupés wallons était quant à lui supérieur de 1 % par rapport à janvier 2012.</p> Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.03.02 Numéro 102 - mars 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14923 <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;montre qu'il existe en Belgique une inégalité d'inflation entre les ménages de niveaux de revenu et d'âges différents. Ainsi, nous montrons que l'inflation est la plus élevée pour les ménages à faible revenu et pour les ménages âgés, ce qui suggère que notre système d'indexation protège moins bien les ménages les plus vulnérables. Nous trouvons également que, sur la période étudiée (2001-2011), les inégalités d'inflation ont augmenté, principalement en raison de la forte hausse des prix de l'énergie entre 2004 et 2008. Un mécanisme de protection comme les chèques mazout semble donc tout à fait justifié.</p> <p>Dans cette étude, nous tentons de calculer l'inflation par groupe de ménages en distinguant les ménages selon leur revenu et selon leur âge. Pour mesurer l'inflation au plus juste, il ne s'agit pas seulement de suivre les prix et leurs évolutions, mais aussi les tendances en matière de consommation des différents groupes de ménage. Dans la mesure où les profils de consommation changent avec le revenu et avec l'âge, on doit s'attendre à ce que l'inflation soit différente pour chaque catégorie de ménage.</p> <p>Notre analyse porte sur la période 2001-2011. Les ménages sont regroupés, d'une part, selon dix catégories de revenu pour mesurer l'inflation selon le revenu et, d'autre part, par catégorie d'âge pour mesurer l'inflation selon l'âge. Dans le premier cas, nous montrons que l'inflation était décroissante avec le revenu. Les ménages de la 1re catégorie de revenu (les plus pauvres) ont une inflation totale sur la période 2001-2011 qui est proche de 32 % alors que l'inflation totale supportée par les ménages de la 10e catégorie (les plus riches) sur la même période est de 26 %. Dans le second cas, pour ce qui concerne l'âge, nous montrons que l'inflation est d'abord décroissante avec l'âge pour ensuite remonter avec l'âge à partir de 55 ans. L'inflation supportée entre 2001 et 2011 par les ménages de 70 ans et plus atteint 32 % contre une inflation de 25 % pour les ménages entre 25-34 ans.</p> <p>Nous analysons ensuite la contribution de chaque groupe de produits à ces écarts d'inflation entre les différentes catégories de ménage. Pour les écarts selon le revenu, les dépenses liées au logement sont la principale raison d'un surcroît d'inflation pour les bas revenus. Pour les écarts selon l'âge, les dépenses d'alimentation sont la principale source du surcroît d'inflation pour les ménages plus âgés (et non les dépenses de santé contrairement à ce que l'on aurait pu penser).</p> <p>Nous comparons aussi l'inflation des ménages à la croissance de l'indice santé qui est utilisé pour l'indexation des salaires, des traitements et des allocations sociales. Nous montrons que sur la période 2001-2011, l'indexation (mesurée par l'indice santé) est de 24 % ce qui signifie une perte de pouvoir d'achat potentielle de 9 % en dix ans pour les ménages les plus pauvres et les ménages de 70 ans et plus. Notre système d'indexation semble donc moins bien protéger les ménages les plus vulnérables.</p> <p>Enfin, nos résultats tendent à montrer que les fortes hausses des prix de l'énergie entre 2004 et 2008, mais aussi plus récemment depuis 2010, ont contribué à creuser les inégalités d'inflation. Notre analyse suggère donc qu'il est extrêmement judicieux de mettre en place des systèmes tels que «les chèques mazout» pour protéger le pouvoir d'achat des plus vulnérables contre les hausses des prix de l'énergie.</p> Vincent Bodart Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.03.01 Focus 7 - février 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16463 <p class="p2">Quel est le mécanisme proposé par le ministre wallon de l'énergie Jean-Marc Nollet ? La gratuité des 500 premiers KWh financée par une hausse du prix du KWh au delà de 500 KWh : celui qui consomme peu d'électricité est donc avantagé par rapport à celui qui en consomme beaucoup. Une mesure que l'on pourrait qualifier de «sociale» si l'on considère que les démunis consomment moins que les nantis. Une mesure que l'on pourrait qualifier d'«écologique» si l'on considère qu'elle va encourager les économies d'énergie.</p> Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.02.20.01 Focus 6 - février 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16473 <p class="p2">Il existe une sorte de consensus implicite entre économistes, politiciens et membres de la société civile pour trouver légitime que l'Etat intervienne dans la répartition du bien-être au sein de la société, et tout particulièrement pour en diminuer la pauvreté. Les opinions divergent fortement, par contre, lorsqu'il s'agit de définir la manière d'intervenir. Un des principaux dilemmes concerne le choix à faire entre contrôler les prix, en les fixant temporairement ou en modifiant les taux de TVA, ou contrôler les revenus, en modifiant le système de transferts. Par exemple, dans le cas d'une augmentation des prix de l'énergie, l'Etat doit-il subsidier le prix de l'énergie auquel font face les plus pauvres ou doit-il compenser l'augmentation des prix de l'énergie par un ajustement des transferts (pensions, revenus minimaux, allocations de chômage) ?</p> François Maniquet (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.02.13.01 Focus 5 - février 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16483 <p class="p2">Dans un <span class="s2"><em>focus du 19 décembre 2012</em></span>, j'examinais les effets potentiels de la nouvelle loi Télécom sur la concurrence dans le secteur et sur les prix pour les consommateurs. En développant la notion de «coûts de changement», j'expliquais qu'il faut s'attendre à des effets contrastés pour la nouvelle loi Télécom. En effet, en facilitant le changement d'opérateurs, la loi intensifie la concurrence ex post (c'est-à-dire pour les consommateurs qui ont déjà fait le choix d'un opérateur) mais elle réduit aussi, inévitablement, la concurrence ex ante (c'est-à-dire pour les consommateurs qui n'ont pas encore choisi un opérateur).</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.02.01.01 Numéro 101 - janvier 2013 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14913 <p>A la lueur des développements économiques les plus récents, la conjoncture économique belge suscite à nouveau de fortes inquiétudes. L'activité en volume a en effet stagné au 3ème trimestre 2012 après avoir fortement reculé au 2ème trimestre, l'emploi a de nouveau diminué au 3ème trimestre, pour la 3ème fois consécutive, le chômage continue à augmenter, le climat des affaires demeure affaibli et la confiance des ménages a sombré à un niveau proche de celui auquel elle était tombée lors de la crise économique et financière de 2008-2009. Au plan international, la conjoncture économique demeure fortement déprimée dans la zone euro, la croissance reste modeste aux Etats-Unis et elle est moins soutenue que par le passé dans les pays émergents. Dans ce contexte globalement morose, il est probable que la croissance économique en Belgique aura à nouveau reculé au dernier trimestre 2012 et qu'elle restera faible durant la première moitié de 2013. Dans notre analyse d'octobre dernier, nous prévoyions une reprise progressive de l'activité en 2013 en comptant sur un rétablissement progressif de la confiance des ménages et des entreprises. Nous confirmons cette prédiction mais nous estimons cependant à présent que la reprise débutera plus tard que ce que nous pressentions il y a 3 mois. C'est la raison pour laquelle notre prévision de croissance pour 2013 a été ramenée à 0,3 % alors que nous l'avions fixée à 0,8 % il y a 3 mois.</p> Rytis Bagdziunas Vincent Bodart Vanessa Lutgen Joël Machado Catherine Smith (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2013.01.01 Focus 4 - décembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16493 <p class="p2">Depuis le 1er octobre dernier, une nouvelle loi «Télécom» transpose dans le droit belge <span class="s2"><em>une série de directives européennes </em></span>visant à mieux protéger les consommateurs sur le marché des télécommunications. Une des mesures phares de cette loi est la possibilité qui est désormais donnée aux consommateurs de changer d'opérateur (téléphonie fixe ou mobile, Internet et télévision) sans frais après seulement six mois de contrat. Une autre mesure consiste à faciliter la comparaison entre les offres tarifaires des différents opérateurs (ainsi, pour ce qui est de l'Internet, les opérateurs doivent désormais afficher la vitesse de connexion réelle et non plus maximale comme auparavant).</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.12.19.01 Numéro 100 - décembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14903 <p style="font-weight: 400;">Nous publions le 100ème numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;en ce 12/12/12, jour de fin du monde pour certains, jour marquant l'anniversaire d'une&nbsp;belle&nbsp;aventure entamée voici déjà 10 ans pour d'autres ! En effet, c'est en 2002, à l'initiative de l'IRES, que la revue des économistes de l'UCL a vu le jour avec pour objectif de publier 6 à 8 numéros par an. Avec une moyenne de 10 numéros chaque année, nous sommes bien au-delà de nos espérances ! De quelques centaines d'abonnés en 2002, on est passé en 2012 à plus de 6.000 abonnés qui sont informés de la sortie d'un nouveau numéro.&nbsp;<em>Regards économiques</em>, c'est aussi 111 auteurs différents qui ont tenté de montrer, dans un style qui se veut délibérément pédagogique et non technique, la diversité des regards que les économistes peuvent porter sur des questions socio-économiques importantes. Enfin, les numéros de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;ont suscité l'intérêt des journalistes puisqu'on compte près de 300 articles dans les principaux organes de presse belges.</p> <p style="font-weight: 400;">10 ans de contenus riches... mais pourtant gratuits, voilà ce qui a inspiré Paul Belleflamme (UCL) et Xavier Wauthy (FUSL), les auteurs du numéro anniversaire de&nbsp;<em>Regards économiques</em>. Dans leur article intitulé «Economie des contenus numériques : bientôt la fin du gratuit ?», ils nous livrent leur réflexion sur les questions que soulève à long terme la gratuité dans le monde numérique. Face à des contenus surabondants parce que gratuits, ils préconisent toute initiative permettant aux utilisateurs «saturés» de contenus de trier et/ou de prioritiser l'information, quitte à rendre ces services payants.</p> <p style="font-weight: 400;">On vous rassure d'emblée :&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;reste gratuit et renforce en sus son offre de services grâce à ce tout nouveau site web spécialement conçu pour faciliter l'accès aux articles de la revue.</p> <p style="font-weight: 400;">Et cerise sur le gâteau, le site web s'enrichit d'un nouveau type d'articles, le «focus», qui donne, avec un regard vif mais toujours aussi rigoureux, un point de vue concis sur des événements de l'actualité. A l'occasion de la sortie du nouveau site web de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous publions, sur ce site, trois premiers focus.</p> <h2><strong>Economie des contenus numériques : bientôt la fin du gratuit&nbsp; ?</strong></h2> <p style="font-weight: 400;">Cela fait plusieurs années que la presse écrite traverse des temps difficiles. Ainsi, le groupe Rossel vient d'annoncer<a href="http://www.rtbf.be/info/medias/detail_economies-au-groupe-rossel-le-soir-devra-se-passer-de-3-millions?id=7879734">&nbsp;un plan d'économies à hauteur de 10 millions d'euros</a>. Même si les licenciements secs devraient être évités, le personnel sera inévitablement réduit (on parle, notamment, d'une réduction de 34 équivalents temps plein au Soir). En cause, essentiellement, la réduction des revenus publicitaires due au ralentissement de l'activité économique.</p> <p style="font-weight: 400;">La presse écrite doit également faire face aux changements dans les habitudes de consommation de l'information qu'entraîne l'usage de l'internet mobile et des réseaux sociaux. Ainsi,&nbsp;<a href="http://stateofthemedia.org/2012/overview-4/">une étude récente du Pew Research Center&nbsp;</a>(think-tank américain) menée aux Etats-Unis montre que de 2010 à 2011, près de deux fois plus d'utilisateurs ont obtenu de l'information via un appareil mobile et près de trois fois plus via les réseaux sociaux; ces chiffres sont encore plus élevés pour la population jeune. C'est sans doute ce qui a motivé le magazine d'actualité hebdomadaire&nbsp;<a href="http://geeko.lesoir.be/2012/10/19/newsweek-abandonne-le-papier-pour-le-tout-numerique/">Newsweek à abandonner son édition papier</a>&nbsp;(vieille de 80 ans) au profit d'un format entièrement numérique.</p> <p style="font-weight: 400;">Mais les défis à relever dans un monde digital où les contenus sont dématérialisés sont au moins aussi importants que dans un monde analogique où ils sont couchés sur papier. Et ceci est vrai pour la presse comme pour tout autre producteur de contenu. Aujourd'hui, n'importe quel contenu se résume en effet à une suite de 0 et de 1, que l'on peut transmettre de manière indistincte sur le réseau à destination de n'importe quel utilisateur doté d'un réceptacle quasi universel. La diffusion de l'information a donc changé radicalement de nature : elle n'est plus incarnée dans un support (un livre, un journal, etc.) mais transmise comme un flux à destination d'un support d'interprétation (une tablette numérique, par exemple). Une conséquence de cette évolution est que la consommation de contenus a peu à peu été perçue comme gratuite par nombres d'utilisateurs.</p> <p style="font-weight: 400;">L'objectif du centième numéro de&nbsp;<em>Regards Economiques</em>&nbsp;est de revisiter les questions que pose à long terme la gratuité dans le monde digital. La consommation gratuite des contenus numériques pourrait en effet receler en elle-même les ferments de sa disparition. Dans ce numéro, nous identifions et discutons trois problèmes majeurs :</p> <ul style="font-weight: 400;"> <li><em>L'extinction de certains contenus</em>. Faute de trouver les moyens de couvrir les coûts de production, certains contenus pourraient ne plus être produits et, en disparaissant, menacer la «media-diversité».</li> <li><em>La saturation de notre attention</em>. Il faut de plus en plus de temps et d'énergie pour identifier, parmi des contenus surabondants parce que gratuits, ceux qui nous sont les plus pertinents et pour en disposer au moment opportun. Traiter individuellement le flot d'information pourrait représenter un coût à terme prohibitif.</li> <li><em>Des embouteillages informationnels</em>. Confrontées à une explosion des flux numériques, les capacités de transmission pourraient être engorgées, ré-instaurant de facto une forme de rareté dans l'accessibilité des contenus, ou de certains d'entre eux.</li> </ul> <p style="font-weight: 400;">Le développement d'offres de contenus légales, et payantes soit pour l'utilisateur (Deezer) ou pour la plateforme qui diffuse (YouTube) offre des perspectives de solution pour le premier problème. La où la diffusion de l'information est devenue non coûteuse, des modèles d'affaires commencent à se développer autour de la monétisation d'une consommation triée, partagée, temporalisée en fonction des besoins de chaque utilisateur (par exemple,&nbsp;<a href="http://appadvice.com/appnn/2011/04/os-lion-reading-list-poach-users-instapaper">Apple a introduit une fonction «A lire plus tard» dans la dernière version de son navigateur Safar</a>i).&nbsp;Enfin, la gestion des embouteillages informationnels renvoie évidemment à la neutralité supposée du net et à sa pérennité.</p> Paul Belleflamme Xavier Wauthy (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.12.01 Focus 3 - décembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16503 <p class="p2">L'Agence Internationale de l'Energie (AIE) vient de publier son rapport annuel. Celui-ci présente ses perspectives du système énergétique mondial à l'horizon 2035 (il est disponible en français sur le site de l'Agence : <span class="s2"><em>http://www.iea.org/publications/worldenergyoutlook</em></span>). Le but de ces projections n'est pas de prévoir ce que sera le futur mais d'explorer ce qu'il pourrait être (sous différents scénarios), d'identifier les défis à venir et d'ainsi pousser les décideurs (publics et privés) à réagir à ces signaux afin d'éviter les problèmes annoncés.</p> Thierry Bréchet (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.12.11.03 Focus 2 - décembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16513 <p class="p2">A l'instar de beaucoup de pays européens, nous vivons une crise budgétaire sans précédent avec une perte progressive de contrôle de nos finances publiques sous la forme d'un double effet boule de neige.</p> Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.12.11.02 Focus 1 - décembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16523 <p class="p2">Face à l'unanimité entourant les effets microéconomiques de l'éducation, incluant meilleur salaire et meilleure chance d'obtenir un emploi, le monde politique pourrait être tenté de conclure qu'il suffit d'accroître l'investissement éducatif pour générer de la croissance. Or, ce n'est apparemment pas si simple. Ceux qui ont analysé de près la corrélation entre croissance du PNB par habitant et niveau d'éducation ont bien de la peine à obtenir des résultats solides et convergents. Le lien entre éducation et croissance est loin d'être automatique. L'éducation ne se décrète pas. D'après <span class="s2"><em>William Easterly</em></span>, pour obtenir un effet sur la croissance, il est essentiel de développer les bons mécanismes incitatifs auprès des acteurs de l'éducation : les élèves, les enseignants, et les parents. C'est seulement sous cette condition qu'une politique d'expansion de l'éducation pourra avoir les effets espérés. Comme exemple de mécanisme incitatif, on peut citer le fait que l'éducation acquise soit effectivement valorisable sur le marché du travail, ou que les écoles soient évaluées pour leur performance par rapport au milieu social dans lequel elles travaillent.</p> David de la Croix (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.12.11.01 Numéro 99 - novembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14843 <p>L'investissement socialement responsable (ISR) a le vent en poupe (avec une part de marché de 10 % en Europe) et cela se comprend. Dans un contexte de suspicion sur la finance et ses excès, et sur la capacité de l'Etat à réguler les marchés pour impulser un mode de développement plus responsable, plus durable et plus solidaire, les citoyens se sont donnés comme mission d'organiser ce développement eux-mêmes. L'investissement socialement responsable offre, à cet égard, une alternative intéressante à l'intervention publique, fondée sur la logique de marché. Les citoyens étant aussi des investisseurs, ils peuvent exprimer leurs valeurs éthiques au travers de leurs choix d'investissements qui ensuite doivent inciter les entreprises à mieux tenir compte des conséquences environnementales et sociales de leurs actions dans le long terme.</p> <p>Sans vouloir diminuer l'importance de cet argument, ce numéro de Regards économiques vise à donner une série de balises pour transformer les bonnes intentions en actions concrètes et faire de l'ISR un outil de développement durable et responsable sur le long terme. Ces balises sont les suivantes :</p> <ol> <li>Le droit qu'ont les citoyens d'organiser eux-mêmes un mode de développement plus responsable n'a de sens que s'il s'accompagne de la capacité d'exercer effectivement ce développement et d'en assurer le contrôle effectif. Il y a donc un impératif de plus de clarté et de transparence sur la façon précise dans laquelle l'ISR s'incarne sur le terrain et les formes concrètes qu'il épouse.</li> <li>Il n'existe aujourd'hui aucun consensus sur la définition précise de ce qu'est un investissement socialement responsable. On se contente d'approches générales de sélection des investissements ex-ante sur base de critères variables selon l'endroit et le temps. Une approche d'impact ex-post plus centrée sur les bénéficiaires supposés nous semble plus féconde. C'est l'approche par en bas qui manque pour décrire l'impact au quotidien et sur le terrain de l'ISR.</li> <li>Il est illusoire de penser que l'ISR va remplacer l'Etat. En fait l'explosion de l'ISR en France (augmentation par trois du volume en deux ans) est principalement attribuable à l'obligation faite par l'Etat d'inclure au moins un fonds ISR dans les plans de pension. L'Etat a aussi un rôle crucial à jouer pour réguler et vérifier la transparence et la régularité des fonds ISR. L'Etat a enfin la capacité d'influencer le comportement de tous via la fiscalité et de réinvestir l'argent dans des investissements socialement responsables. Donc, si l'ISR responsabilise les citoyens, il ne doit pas pour autant déresponsabiliser l'Etat.</li> <li>La définition d'un investissement socialement responsable et l'évaluation des fonds ISR passe inévitablement par la définition d'une mesure des coûts et bénéfices sociaux de l'investissement. Faire le bien commun ne suffit pas pour être ISR. Encore faut-il le faire du mieux possible. Pour cela, il faut impérativement fixer des valeurs aux dimensions extra-financières des projets, améliorer leur comparabilité, et assurer la cohérence globale des évaluations. On s'assure ainsi que seuls les projets plus performants, au sens du bien commun, seront mis en œuvre.</li> </ol> <p>Les discours généreux et généraux sonnent creux. En revanche la preuve d'un vrai succès exerce une influence profonde et durable. Il est nécessaire de mener une réflexion poussée sur la manière d'organiser l'ISR, d'augmenter sa transparence et de mesurer son impact. C'est à cela que nous devons prêter attention pour que cette bonne intention d'un ISR puisse effectivement se transformer en réalité et produire une dynamique positive et vertueuse de la finance. C'est l'objet de ce numéro de Regards économiques : «Changer la finance !».</p> Christian Gollier Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.11.01 Numéro 98 - septembre 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14853 <p>Depuis la crise des emprunts hypothécaires risqués aux Etats-Unis, plus personne n’ignore l’existence des agences de notation. La population, les responsables politiques et même certains économistes se posent légitimement les questions suivantes&nbsp;: pourquoi les agences de notation ont-elles été créées? Quelles sont leurs particularités&nbsp;? Pourquoi jouent-elles un rôle si prépondérant aujourd’hui&nbsp;? Quelles réformes faudrait-il mettre en œuvre ?</p> <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, intitulé «De l’(in)utilité des agences de notation», est organisé de la manière suivante. Pour bien comprendre le rôle que jouent aujourd’hui les agences de notation, il est essentiel, dans un premier temps, de définir le cadre historique dans lequel elles ont vu le jour. Dans un second temps, nous expliquons que les décisions prises par les autorités de régulation financière aux Etats-Unis, suite à la crise des années 1930, ont renforcé considérablement le rôle que jouent les agences de notation dans le système financier international. Ensuite, nous analysons le mode de rétribution des agences de notation pour en identifier les forces et les faiblesses. Nous montrons également que le club des agences de notation s’est refermé encore un peu plus à partir des années 1970, que le contrôle du risque dans le secteur bancaire s’est progressivement basé sur les notations émises par les agences, que la titrisation a accentué l’importance de ces notations et que la crise des «subprimes» a révélé au grand jour les failles du modèle de rétribution des agences.</p> <p>Enfin, il faut constater que les agences de notation ne sont ni des usurpateurs de pouvoir, ni des facteurs de transparence indispensables. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur l’importance d’introduire des réformes qui conduisent aussi bien à une plus grande diversité qu’à un plus grand conservatisme dans l’octroi des notations. Les réformes actuelles doivent inciter les acteurs économiques à déterminer et utiliser des notations plus conservatrices, que ces notations soient émises par une agence officielle, une institution financière, ou calculée à partir de prix observés sur le marché.</p> <p>Les agences de notation jouent souvent les premiers rôles sur la scène économico-financière. Donnons-leur plutôt un rôle de figurant. Telle est la recommandation centrale de ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>.</p> Mikael Petitjean (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.09.01 Numéro 97 - juillet 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14863 <p>Il y a trois mois, en présentant nos prévisions économiques trimestrielles pour 2012, nous soulignions avec un certain optimisme l’amélioration des conditions conjoncturelles constatée au 1er&nbsp;trimestre tant en Belgique qu’au niveau international. Aujourd’hui, ces améliorations semblent sérieusement remises en question et le processus de reprise économique au niveau mondial semble à nouveau s’enrayer. La croissance américaine apparaît à nouveau fragile, l’activité ralentit dans les pays émergents tandis que les problèmes de la dette souveraine et du secteur bancaire dans la zone euro suscitent à nouveau de vives inquiétudes qui font craindre que l’économie mondiale soit confrontée prochainement à une nouvelle crise de confiance comme celle qui avait éclaté l’an passé plus ou moins à la même époque. Dans ce contexte, même en supposant que les pouvoirs publics parviendront à endiguer la crise financière qui secoue la zone euro, les évolutions économiques attendues sur la période de projection restent modestes. Ainsi, en Belgique, la croissance du PIB serait limitée à 0,4 % en 2012 et 1,2 % en 2013.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Vanessa Lutgen Joël Machado Catherine Smith (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.07.01 Numéro 96 - juin 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14873 <p>Partant du constat que toutes les crises financières se ressemblent (endettement excessif, vente panique d’actifs, etc.), je cherche à déterminer ce qui caractérise la crise financière de 2007. Je passe en revue les étapes du développement de la crise, depuis les premiers signaux d’alerte sur le marché du crédit hypothécaire nord-américain jusqu’à la crise des dettes souveraines de l’Eurozone. Je relève quatre leçons majeures qui, selon moi, devraient être attentivement étudiées par tous ceux qui s’intéressent à la gestion des institutions financières majeures, à la définition de nouvelles règles prudentielles pour les banques et à la conception des politiques budgétaires et monétaires.</p> <p><em>Leçon 1.</em>&nbsp;L’économie globalisée s’appuie sur un secteur financier qui est lui-même globalisé. La santé de l’ensemble des banques au niveau mondial est profondément liée à l’ensemble du système financier. En particulier, les liens entre les banques et ce que l’on peut appeler le système bancaire parallèle (shadow banking sector) sont très nombreux. Par système bancaire parallèle, on entend notamment les compagnies d’assurances, les fonds de pension, les fonds d’investissement, mais aussi les agences de notation. Les acteurs de ce système parallèle canalisent l’épargne et accomplissent l’intermédiation des fonds au profit de projets d’investissement risqués, et ce, partout dans le monde. Même s’il remplit les mêmes fonctions d’intermédiation que le secteur bancaire régulé, le système bancaire parallèle fonctionne, dans son ensemble, sans réglementation systématique : il est en dehors du système de protection des dépôts et n’a pas accès aux facilités de liquidité fournies par la banque centrale qui est le «prêteur en dernier ressort». Depuis le début de la crise, la part du système parallèle a diminué. Elle reste cependant très importante. En 2010, elle était de 16.000 milliards de $ contre 13.000 milliards de $ pour le secteur réglementé.</p> <p><em>Leçon 2.</em>&nbsp;Les techniques de gestion du risque utilisées par les institutions financières assurent une protection effective contre les risques dans des conditions de marché normales, mais ne les prémunissent pas contre des risques extrêmes qui peuvent frapper toutes les institutions financières simultanément. La réaction des institutions à ces évènements extrêmes peut conduire à des ventes d’actifs, ce qui contribue à amplifier les risques.</p> <p><em>Leçon 3.</em>&nbsp;Dans un système financier globalisé, une crise systémique (c’est-à-dire susceptible de provoquer un effondrement global du système financier par le biais d’effets-dominos, de faillites en chaîne, etc.) peut donner lieu à des pertes qui excèdent la capacité fiscale d’un pays. C’est un défi majeur pour une régulation bancaire organisée sur une base nationale.</p> <p><em>Leçon 4.</em>&nbsp;Le risque systémique peut provenir de décisions décentralisées d’investisseurs et d’institutions financières qui cherchent à réduire les risques qui les affectent directement. Ce processus est souvent nourri par des politiques économiques conduisant les agents privés à adopter des stratégies similaires aggravant le risque systémique.</p> Ronald Anderson (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.06.01 Numéro 95 - février 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15173 <p>A l’heure où le budget 2012 domine les agendas politiques, il est prioritaire de ne pas perdre de vue le contexte plus général dans lequel nous vivons. Les projections démographiques les plus récentes indiquent que la population terrestre culminera vraisemblablement vers la fin de ce siècle autour de 10 milliards d’habitants. Cet arrêt dans la croissance de la population s’accompagne d’une modification de sa structure par âge. Dans le scénario moyen de l’ONU, l’âge médian sur terre passe de 29,2 années en 2010 à 41,9 années en 2100. Tandis que pour la Belgique, il passerait de 41,2 à 44 ans&nbsp;</p> <p>En quelques années, la crainte d’une explosion insoutenable de la population mondiale s’est apaisée, et a fait place à la crainte de l’hiver démographique, une situation où les sociétés les plus développées en premier, et le monde entier par la suite, seraient composées d’une population vieille, incapable de subvenir à ses besoins, et ayant perdu tout dynamisme.</p> <p>La plupart des théories économiques prédisent que l’effet à long terme de la baisse de la population est globalement positif; il n’en reste pas moins vrai qu’elle peut générer une transition délicate, et qu’une action politique peut s’avérer bénéfique. Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, David de la Croix pose la question de savoir s’il y a lieu de mener une politique nataliste pour faire face à cette transition.</p> <p>Il n’est pas aisé de mesurer l’effet des politiques natalistes acceptables telles que les allocations familiales, les crédits d’impôts, etc… sur la natalité, mais les études disponibles montrent que ceux-ci sont plutôt faibles. Ceci ne doit pas remettre en cause ces politiques, qui permettent de redistribuer des ressources au profit de ceux qui ont des enfants. En outre, même un effet démographique faible peut avoir des conséquences importantes à long terme, parce ce que la démographie est cumulative par nature, et le faible effet initial croît exponentiellement au cours du temps. Mais si la question qui nous préoccupe est de faire face au vieillissement de la première moitié du 21ème siècle, renforcer ces incitants aurait un effet trop faible à cet horizon, et viendrait donc trop tard. En outre, toute politique nataliste risque d’engendrer un effet secondaire : diminuer l’investissement dans l’éducation et la santé des enfants. Une des contributions de l’étude de David de la Croix est en effet de souligner que plus le nombre d’enfants est grand, moindre seront les ressources disponibles pour chaque enfant.</p> <p>Pour faire face à la période de vieillissement accéléré dans les quarante années qui viennent, il existe une stratégie indirecte. Comme mentionné plus haut, natalité et éducation sont les deux faces d’une même pièce, de par la contrainte budgétaire qui les lie. Soutenir l’éducation est facilité par une natalité en baisse.</p> <p>Sachant que l’éducation ne se décide pas par décret, David de la Croix pense qu’il est important de développer les incitants personnels à l’éducation. Cet objectif sera atteint en renforçant certains principes connus depuis longtemps, tels que l’égalité des chances et la mobilité internationale. L’égalité des chances implique en effet la liberté de circulation.</p> <p>Outre favoriser la mobilité des travailleurs qualifiés, permettre la libre circulation des moins qualifiés permet de rajeunir la population du pays d’accueil tout en engendrant des gains d’efficacité au niveau mondial, plus importants que la libéralisation du commerce et des mouvements de capitaux.</p> <p>Ces propositions ne sont ni nouvelles ni originales. Elles deviennent néanmoins incontournables. La baisse de la natalité et le vieillissement de la population exigent d’améliorer les systèmes éducatifs et les marchés du travail mondiaux.</p> David de la Croix (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.02.01 Numéro 94 - janvier 2012 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/14893 <p>Les hésitations de la reprise économique mondiale, l’aggravation de la crise de la dette souveraine en Europe, les risques d’une nouvelle crise financière et les difficultés budgétaires de nombreux pays avancés ont fortement entamé la confiance des agents économiques de par le monde durant la seconde moitié de 2011. Du fait de ce climat d’incertitudes et d’inquiétudes, les perspectives économiques pour 2012 se sont fortement assombries. De surcroît, la croissance économique en 2012 sera affaiblie par les programmes d’austérité budgétaire mis en place simultanément dans de nombreux pays avancés, notamment en Europe. L’économie belge n’échappe pas à ces différents problèmes et faiblesses et elle devrait être en légère récession en 2012. Face à l’étendue de la crise de confiance et l’ampleur de l’ajustement budgétaire prévu dans l’accord de gouvernement, nous avons en effet fortement revu à la baisse notre prévision de croissance du PIB belge pour 2012, qui s’établit à présent à - 0,3 % contre 1,5 % dans notre étude publiée en octobre.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Guy Legros Vanessa Lutgen Joël Machado Catherine Smith (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2012.01.01 Numéro 93 - décembre 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15023 <p>Depuis quelques années, il est admis qu’il y a lieu de s’inquiéter pour l’avenir de l’État providence. Des menaces croissantes pèsent en effet sur son fonctionnement. Elles ont pour noms vieillissement, concurrence fiscale, changements familiaux et segmentation du marché du travail. Pour toutes ces raisons, les États providences européens ont besoin de réformes, réformes qui permettraient une meilleure adéquation entre leurs structures et la réalité socio-économique actuelle, très différente de celle qui prévalait après la seconde guerre mondiale, lorsque les grands programmes de protection sociale ont été créés.</p> <p>Avant de procéder à toute réforme, il est nécessaire de se rappeler quels sont les objectifs de la protection sociale. En effet, pour juger de sa performance, il importe de savoir comment ces objectifs ont été atteints. Ces objectifs sont essentiellement de deux ordres&nbsp;: assurer une bonne protection contre les grands risques de la vie (le chômage, la maladie, l’invalidité, l’absence de qualification) et réduire au mieux les inégalités sociales et la pauvreté.</p> <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous proposons une mesure et un classement de la performance de la protection sociale des 27 pays membres de l’UE ainsi que des régions belges. On retrouve les suspects habituels dans le peloton de tête, à savoir les Pays Nordiques et les Pays-Bas. Parmi les derniers entrants, la Tchéquie et la Slovénie se comportent également très bien.</p> <p>Malgré les différences de performances observées entre les pays, une analyse de l’évolution dans le temps montre que les pays à la traine tendent à rattraper leur retard par rapport aux Etat les plus performants, ce qui semble indiquer l’absence de dumping social.</p> <p>Quant à la Belgique, elle se retrouve au milieu du classement des 27 pays. Ce n’est guère glorieux surtout par rapport à la réputation que notre pays pouvait avoir il y a deux décennies. Ce qui est intéressant, c’est de distinguer les deux principales régions belges. La Flandre se retrouve tout en haut du classement alors que la Wallonie est classée parmi les derniers.</p> Mathieu Lefebvre Sergio Perelman Pierre Pestieau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.12.01 Numéro 92 - novembre 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15033 <p>L’année 2011 aura été marquée par une vague de changements sans précédents dans le monde arabe : qui aurait pu croire il y a encore quelques mois à l’effondrement de régimes aussi férocement verrouillés que ceux de MM. Ben Ali ou Moubarak ? Souvent présentés comme modèles de développement dans le monde arabe, soutenus à bras-le-corps par l’Occident car longtemps considérés comme des remparts sûrs contre l’islamisme, ces régimes n’ont en fait servi qu’à maintenir le statu quo : privilèges économiques exorbitants pour les nomenklaturas et écrasement des moindres velléités réformatrices tendant à déverrouiller les systèmes dominants. Mais ce statu quo pouvait-il résister longtemps à la pression démographique et à la forte demande politico-sociale induite alors que ces mêmes pays avaient formellement opté pour l’ouverture économique et n’avaient cessé d’entreprendre des réformes dans ce sens, stimulant encore plus les demandes politiques et sociales locales ? La contagion qui a suivi les révolutions tunisienne et égyptienne, phénomène d’une importance géostratégique similaire à la vague de révolutions qui a touché l’Europe de l’Est communiste à la suite de la chute du Mur de Berlin, interpelle également à plus d’un titre.</p> <p>Dans ce numéro de Regards économiques, nous analysons les ressorts des révolutions arabes et les perspectives de réformes de fond dans le monde arabe. Nous mettons en évidence que (i) au-delà de la forte hétérogénéité des réalités socio-économiques nationales dans le monde arabe, il y a bien (ii) une logique institutionnelle commune qui est à l’origine des révoltes récentes, celle de coalitions dominantes se perpétuant au pouvoir pour contrôler les rentes issues de la libéralisation et/ou de l’exploitation de ressources naturelles. En étudiant plus spécifiquement le cas algérien, nous argumentons que (iii) si le statu quo a été momentanément maintenu dans ce pays grâce à la mise en œuvre de mesures d’urgence pour satisfaire les demandes sociales exprimées en puisant dans la rente pétrolière, le consensus social atteint ne peut être un équilibre stable. Nous développons ces trois points ci-dessous.</p> <p>Nous notons en premier lieu que ce qui est maintenant dénommé le Printemps arabe recouvre en fait une multitude de réalités économiques, sociales et même religieuses nationales. C’est donc un Printemps multiple et complexe qui ne peut s’interpréter de façon univoque. Notre analyse part de l’observation que le Printemps arabe a été déclenché dans deux pays, la Tunisie et l’Egypte, qui sont parmi ceux qui ont le plus réformé formellement leur économie selon les standards libéraux du Doing Business pilotés par la Banque Mondiale. Ce sont en effet deux pays qui se distinguent par une adhésion totale aux critères de l’économie libérale et à une ouverture presque sans restriction aux capitaux étrangers. L’Egypte a ainsi été classée en 2008/2009 dans le top 10 des pays réformateurs dans le monde dans le classement de Doing Business tandis que la Tunisie figure en 2011 à la 55ème place sur un total de 183 pays.<br>Ce que les classements de Doing Business ne peuvent et n’ont pas vocation à refléter c’est que ces réformes économiques se sont de fait accompagnées par un renforcement du cronysme et une allocation généreuse des ressources au profit des coalitions dominantes. Que ce soit le Parti Démocratique National en Egypte ou le Rassemblement Constitutionnel Démocratique en Tunisie, ces partis historiques au pouvoir étaient vus par les citoyens de ces pays comme le chemin nécessaire et incontournable pour démarrer et/ou développer des entreprises économiques dans quelque secteur que ce soit. Dans ces deux cas, il y a donc eu un rythme soutenu de réformes ouvrant clairement le jeu économique, du moins formellement, sans que le système politique n’ait connu une ouverture de même amplitude. C’est cette logique de coalitions dominantes se perpétuant au pouvoir pour contrôler les rentes issues de la libéralisation et/ou de l’exploitation de ressources naturelles qui nous semble commune à tous les pays qui ont été touchés à des degrés divers par le Printemps arabe, au-delà de la grande hétérogénéité socio-économique qui caractérise le monde arabe que nous mettrons en exergue. Nous arguons que si cette logique institutionnelle de contrôle des rentes par des coalitions dominantes est commune à ces pays, il est somme toute logique que le mouvement de révolte ait démarré dans les pays les plus ouverts économiquement, qui sont, par ailleurs, parmi ceux qui ont les secteurs éducatifs les plus performants dans la région.<br>Le cas algérien, économie rentière par excellence, relativement épargnée par la contagion, est un cas particulier intéressant, notamment par comparaison à la Tunisie. Nous arguons que si le statu quo a été momentanément maintenu dans ce pays grâce à la mise en œuvre de mesures d’urgence pour satisfaire les demandes sociales exprimées en puisant dans la rente pétrolière, le consensus social atteint ne peut être un équilibre stable. L’ouverture à la compétition aussi bien économique que politique semble être la seule voie viable pour que cette économie rentière improductive se dépasse à terme. Cette double exigence d’ouverture nous semble être cruciale pour l’avenir du monde arabe. Cette ouverture doit évidemment aller de pair avec la garantie des libertés individuelles et collectives, ce qui permettra à terme l’émergence d’une société civile authentique, seule à même d’asseoir véritablement la démocratie dans le monde arabe.</p> Raouf Boucekkine Rafik Bouklia-Hassane (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.11.01 Numéro 91 - octobre 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15043 <p>Le gouvernement wallon cherche à stimuler l’innovation et la compétitivité des entreprises wallonnes grâce à la politique des pôles de compétitivité prévue par le Plan Marshall et son prolongement, le Plan Marshall2.Vert. Grâce à des subventions accordées pour des projets de R&amp;D impliquant à la fois des entreprises et des laboratoires de recherche, les pouvoirs publics cherchent à stimuler la recherche collaborative et à favoriser de la sorte les échanges et fertilisations croisées entre les différents agents régionaux de l’innovation.</p> <p>La Wallonie emboîte ainsi le pas à de nombreux autres pays et régions. Les politiques de clusters sont en effet présentées aujourd’hui comme l’instrument incontournable du développement local et de la compétitivité des états. Pourtant, leur analyse révèle une très grande diversité qui laisse parfois douter de leur cohérence. L’évaluation des Systèmes Productifs Locaux (SPL) et des Pôles de compétitivité français illustre bien cette hétérogénéité. Alors que les SPL ont soutenu des entreprises appartenant à des secteurs et des régions en relatif déclin, les pôles de compétitivité regroupent au contraire les champions industriels français. En termes d’impact, la politique des SPL ne semble pas avoir stimulé la productivité, l’emploi ou les exportations des entreprises aidées. S’il est trop tôt pour dire quoi que ce soit des pôles de compétitivité, des travaux sur les clusters de biotechnologie allemands montrent en revanche un impact positif des aides publiques sur l’innovation des entreprises soutenues.</p> <p>Le corollaire de ceci est qu’il est difficile d’avoir un discours normatif sur les politiques de clusters. Les politiques de clusters ne sont pas bonnes ou mauvaises en soi. Il y a en revanche des initiatives qui marchent et d’autres pas. L’évaluation permet d’identifier les succès et les échecs, mais fournit aussi un éclairage sur le dispositif lui-même de la politique, utile à son évolution et à son amélioration.</p> Florian Mayneris (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.10.02 Numéro 90 - octobre 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15053 <p>C’est la question que se sont posée les évaluateurs de l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique) lorsque le Gouvernement wallon leur a confié la mission d’évaluer le Plan Marshall2.Vert (PM2.Vert). Si la question «comment évaluer ?» met au-devant de la scène les problèmes de nature méthodologique, elle ne peut être dissociée de la question plus fondamentale : «qu’évaluer ?» C’est donc à la recherche des effets du PM2.Vert et de leur mesure qu’a été consacrée la préparation de l’évaluation de ce plan décrite dans ce numéro de Regards économiques.</p> <p>La première question à laquelle nous avons tenté de répondre est la suivante : quelle est la stratégie poursuivie par le Gouvernement au travers du PM2.Vert ? L’explicitation de cette stratégie, qui consiste à clarifier et hiérarchiser les objectifs du Plan, est nécessaire pour construire un référentiel d’évaluation auquel les résultats observés seront comparés. La modélisation du PM2.Vert comme une chaîne de moyens et d’effets attendus met en évidence les différences de niveaux et de portée de ces effets.</p> <p>Les effets du PM2.Vert seront observés en suivant l’évolution d’indicateurs de résultats. La construction de ces indicateurs pose plusieurs problèmes : adéquation entre l’indicateur et l’objectif qu’il représente, disponibilité de données adéquates, mesure de l’effet net de la politique. La précision des résultats observés est liée à la précision de la définition du champ d’évaluation. En raison de sa complexité, le PM2.Vert sera évalué par parties : treize évaluations thématiques seront réalisées par l’IWEPS au cours des deux prochaines années. Ces évaluations se focaliseront sur la façon dont les acteurs s’approprient les mesures qui leur sont destinées et sur les effets observables à leur niveau. Les résultats de ces évaluations partielles nourriront l’évaluation globale du Plan attendue en fin de législature.</p> Martine Lefèvre Virginie Louis Mathieu Mosty Béatrice Van Haeperen (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.10.01 Numéro 89 - juillet 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15063 <p>L’économie belge a progressé à un rythme particulièrement soutenu au 1er trimestre. En dépit d’une incertitude élevée, suscitée notamment par la remontée des prix pétroliers et la crise de la dette souveraine dans la zone euro, les perspectives économiques pour le reste de l’année en cours et pour 2012 demeurent positives. La croissance du volume du PIB sur l’ensemble de l’année 2011 devrait atteindre 2,6 %. En 2012, la croissance du PIB resterait supérieure au rythme potentiel, en affichant 2,4 %.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Guy Legros Vanessa Lutgen Joël Machado Vincent Scourneau Catherine Smith Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.07.01 Numéro 88 - juin 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15073 <p>Ce numéro de Regards économiques étudie les conséquences pour l’Europe d’une émergence économique de la Chine. Les résultats suggèrent que la croissance chinoise réduit la consommation en Europe à court/moyen terme, mais l’augmente à plus long terme. De plus, les effets sur la consommation sont différents pour les travailleurs et les retraités.</p> Luca Marchiori (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.06.01 Numéro 87 - avril 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15083 <p>En Wallonie (les chiffres sont peu ou prou les mêmes pour la Belgique), 80 % du transport de personnes et de marchandises se fait par la route et 97 % de l’énergie utilisée pour le transport routier provient du pétrole. Le pétrole est aussi largement utilisé pour le chauffage des habitations. Il constitue également un intrant dans de nombreux procédés industriels, par exemple les plastiques. En fait, la quasi-totalité des biens et services que nous utilisons requièrent du pétrole à un stade ou l'autre de leur fabrication. Face à l'épuisement annoncé du pétrole, va-t-on se retrouver paralysés ? Au-delà des tensions actuelles sur le marché pétrolier, ce numéro de Regards économiques analyse, d'une part, la vulnérabilité des communes wallonnes à un choc pétrolier qui serait pérenne, d'autre part, la manière dont des mesures d'aménagement du territoire permettraient de faire face, sur le long terme, à la raréfaction du pétrole. A cette fin il est nécessaire de jouer de manière complémentaire sur la mobilité des individus, sur la manière dont ils bougent et sur la localisation des emplois et des lieux de résidence.</p> <p>Une analyse en deux temps est menée. Tout d'abord une analyse de temps court, c’est-à-dire un horizon de temps où les choses restent "plus ou moins comme maintenant" (disons, 2025) : pas de révolution technologique, pas de révolution comportementale et, surtout, pas de modifications majeures dans l’organisation spatiale de la Wallonie. Nous évaluons la vulnérabilité des communes wallonnes à un doublement du prix du baril (part des dépenses pour les déplacements domicile - travail et pour le chauffage dans le revenu médian). Ensuite, une analyse de temps long est menée. A cet horizon (disons, 2050) maints changements drastiques sont imaginables. Notre objet est de nous concentrer sur le potentiel offert par les mesures d'aménagement du territoire : comment localiser les emplois ou les populations ? Quelles sont les implications sur la mobilité et, partant, sur la consommation de pétrole ? Quelle est la contribution des solutions technologiques par rapport aux mesures liées à l’aménagement du territoire ? Cette analyse est réalisée sur base de scénarios prospectifs en termes de mobilité (déplacements et modes de transport) et de localisation des emplois et des populations entre les communes wallonnes. Des scénarios concernant l'agriculture ont également été étudiés. Enfin, la dernière partie de l'article est consacrée à des recommandations de politique économique et d'aménagement du territoire.</p> <p>En quelques mots, les principaux résultats de l'étude sont les suivants. Sur le temps court, les communes rurales sont plus vulnérables à un choc pétrolier que les villes. Sur le temps long, bouger moins est plus efficace pour réduire la dépendance au pétrole que bouger mieux. En termes de recommandations de politique économique, favoriser une réduction des déplacements domicile - travail est essentiel, ce qui peut passer par des mesures parafiscales adéquates et une réorganisation de l'espace en pôles urbains raisonnés. En ce qui concerne l'agriculture, le mode d'alimentation est fondamental pour libérer de l'espace.</p> Cédric Bazet-Simoni Thierry Bréchet Pierre Obsomer Fiorella Quadu Véronique Rousseaux (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.04.01 Numéro 86 - mars 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15093 <p>Le but de ce numéro de Regards économiques est d’analyser les risques qui continuent à menacer la zone euro, de présenter des solutions possibles pour les écarter, et d’éclairer ainsi les enjeux du sommet de la zone euro qui aura lieu le 11 mars à Bruxelles.</p> <p>La crise de la zone euro n’a pas été causée par des déficits budgétaires excessifs. Les pays membres se sont attachés à respecter le Pacte de stabilité et de croissance, et cela n’a pas empêché la crise d’éclater. En réalité, la discipline budgétaire et la stabilité des prix ne suffisent pas pour garantir la pérennité de la zone euro. Celle-ci peut être menacée par des déséquilibres macroéconomiques et financiers, qui peuvent entraîner des difficultés de financement pour les pays concernés et créer ainsi les conditions d’une crise.</p> <p>Partant de ce constat, un groupe de travail présidé par le Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a proposé des mesures pour renforcer les fondations de la zone euro, en particulier un nouveau mécanisme de surveillance macroéconomique et un mécanisme de soutien financier aux pays en difficulté. Ces mesures sont utiles mais elles ne permettront pas d’écarter définitivement le risque d’éclatement de la zone euro.</p> <p>A court terme, la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne pourraient avoir des difficultés à garder le cap de l’austérité. Pour réduire ce risque, les pays créanciers, l’Allemagne en tête, devraient renforcer le dispositif mis en place pour défendre la zone euro. Il faudrait notamment augmenter les ressources financières disponibles pour aider les pays en difficulté, réduire les taux d’intérêt demandés sur les prêts accordés à ces pays, encourager la restructuration des banques les plus fragiles et accepter de réduire le service de la dette des pays les plus endettés.</p> <p>La crise a également confirmé que la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale au sens où les avantages lié à l’euro sont faibles par rapport au coût que représente l’abandon d’une politique monétaire propre et d’un taux de change flexible. Ce coût est d’autant plus élevé que la flexibilité des salaires et la mobilité du travail restent insuffisantes au sein de la zone euro et qu’il n’existe pas de budget central permettant de soulager les pays en difficulté. Dans ces conditions, les pays membres ne disposent que de la politique budgétaire comme instrument de stabilisation macroéconomique. La zone euro souffre également d’un déficit d’intégration politique dans la mesure où les priorités des pays membres sont dictées avant tout par le résultat des élections nationales. Cette situation rend la zone euro vulnérable à un blocage politique qui empêcherait de réagir rapidement à une situation de crise.</p> <p>La solution ultime pour résoudre ces problèmes serait de doter la zone euro d’un gouvernement central et d’un budget fédéral. A défaut de pouvoir progresser dans cette direction, les pays de la zone euro devraient accepter la proposition franco-allemande d’adopter un «pacte de compétitivité» afin de crédibiliser les engagements pris en matière de discipline budgétaire et macroéconomique. En se ralliant à cette proposition, le Conseil des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la zone euro agirait en véritable gouvernement économique de la zone euro, prouvant sa capacité de prendre des décisions s’imposant à tous les pays membres. Un pacte édulcoré qui n’aboutirait pas à des réformes au niveau national et un alignement des performances macroéconomiques, ne serait pas plus efficace que la Stratégie de Lisbonne, et ne permettrait pas de réduire le risque d’éclatement de la zone euro à moyen terme.</p> <p>La crise de la zone euro constitue un avertissement. Il y aura d’autres crises à gérer à l’avenir. Les pays membres auraient tort de commettre une deuxième fois l’erreur de négliger la critique que l’avenir de la zone euro ne sera pas assuré définitivement tant qu’elle ne sera pas devenue une zone monétaire optimale.</p> <p>&nbsp;</p> Bernard Delbeque (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.03.01 Numéro 85 (nl) - février 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15103 <p>Op initiatief van de federale overheid heeft het Belgische stelsel van werkloosheidsverze-kering sinds 2004 belangrijke veranderingen ondergaan. Het principe van de toekenning van uitkeringen voor onbepaalde duur werd versterkt door de afschaffing van het zogenaamde ‘artikel 80’, dat de uitkeringsduur enkel voor samenwonende werklozen beperkte. Gelijktijdig is de opvolgingsprocedure voor de Activering van het Zoekgedrag naar Werk (kortweg "opvolging ") stapsgewijs ingevoerd. Deze procedure voorziet dat een consulent van de RVA ("facilitator") tijdens periodieke individuele gesprekken de zoekinspanningen van de werklozen evalueert. Door deze nieuwe procedure lopen alle werklozen die onvoldoende zoeken, het risico op een al dan niet tijdelijk verlaging of schorsing van de werkloosheidsuitkering. Laat ons nog verduidelijken dat de "opvolging" stapsgewijs werd ingevoerd: vanaf juli 2004 betrof de regeling enkel de min dertigjarigen, vanaf juli 2005 de min veertigjarigen en vanaf juli 2006 de min vijftigjarigen.</p> <p>Dit nieuwe plan blijft omstreden: Voor de enen wordt "op werklozen gejaagd", voor de anderen is het plan een essentieel bestanddeel van elk beleid dat de werkloosheid bestrijdt. Vinden werklozen nu sneller een baan met dat opvolgingsplan ? Zo ja, geldt dat voor alle gewesten en voor alle werklozen, en gaat dat niet ten koste van de kwaliteit van de tewerkstelling ?</p> <p>Op initiatief van de federale regering zijn er sedert 2004 in België belangrijke hervormingen in de werkloosheidsverzekering doorgevoerd. De Activering door de RVA van het Zoekgedrag naar Werk (kortweg "opvolging") is hier een essentieel onderdeel van. Ons onderzoek richt zich in hoofdzaak op dit onderdeel van de hervorming. De "opvolging" werd stapsgewijs ingevoerd : vanaf juli 2004 betrof de regeling enkel de min dertigjarigen, vanaf juli 2005 de min veertigjarigen en vanaf juli 2006 de min vijftigjarigen. Ze verving geleidelijk het oude zogenaamde ‘artikel 80’, dat de uitkeringsduur voor samenwonende werklozen beperkte. Op die manier geldt in de Belgische werkloosheidsverzekering meer dan ooit het principe van de toekenning van uitkeringen voor onbepaalde duur</p> <p>Wat is de “opvolging”?</p> <p>De "verwittiging" is een essentieel onderdeel van de "opvolging". Deze wordt ongeveer 8 maanden voor het eerste evaluatiegesprek aan de werklozen verzonden om hen op de hoogte te brengen van hun verplichtingen en van het verloop van de procedure. Werklozen jonger dan 25 jaar ontvangen deze brief na een uitkeringsperiode van minstens 7 maanden en de anderen na 13 maanden.</p> <p>Indien de zoekinspanningen in het eerste evaluatiegesprek onvoldoende worden geacht, wordt de werkloze nog niet gesanctioneerd, maar wel een actieplan opgesteld. Ongeveer vier maanden later heeft een tweede gesprek plaats. Bij een negatieve evaluatie van de zoekinspanningen volgt een tijdelijke sanctie (vermindering of schorsing van de uitkering) en wordt een tweede actieplan opgesteld. Indien de zoekinspanningen een derde maal onvoldoende zijn, volgt de definitieve uitsluiting van het recht op uitkeringen. De wetgeving voorziet in beroepsprocedures.</p> <p>De evaluatie van de “opvolging”</p> <p>De kern van ons onderzoek evalueert de "opvolging" voor 25 tot 29 jaar oude uitkeringsgerechtigde werklozen die in 2004 "verwittigd" werden en waarvoor we het arbeidsmarktverleden tot eind 2006 reconstrueerden. Onze resultaten tonen aan dat de “opvolging” de overgang naar werk significant verhoogt. Dit gebeurt zelfs vooraleer er evaluatiegesprekken plaatsvinden of sancties worden opgelegd : 92 % van het effect is reeds zichtbaar vooraleer de betrokken personen worden gesanctioneerd. Dit komt omdat werklozen de controle anticiperen. Zij verhogen hun zoekinspanningen om een (negatieve) evaluatie en de gevolgen hiervan te vermijden.</p> <p>In Vlaanderen is het effect groter dan in Wallonië en Brussel. De controle van het zoeken is dus vooral effectief daar waar er voldoende openstaande betrekkingen beschikbaar zijn. In dat geval is de controle doeltreffender voor laag - dan voor hooggeschoolden. Wanneer er weinig vacatures zijn, lijkt de controle echter vooral de tewerkstelling van hooggeschoolden te bevorderen. Werklozen die omwille van de "opvolging" werk vinden, verdienen minder dan anderen die uitstromen uit de werkloosheid, maar niet veel minder. Door de snellere tewerkstelling blijft het inkomen van de persoon in kwestie er netto op vooruitgaan. Voor de overheid levert de "opvolging" een matig financieel voordeel op. Gemiddeld is dit voordeel per werkloze niettemin groter dan het verwachte inkomensverlies voor de werkloze. Voor de berekening hiervan houden we rekening met het verschil in uitgaven aan sociale uitkeringen en inkomsten uit belastingen en sociale bijdragen.</p> <p>We mogen deze conclusies niet veralgemenen naar andere leeftijdsgroepen waarvoor de opvolgingsprocedure pas later in werking trad.</p> <p>Zelfs indien deze conclusies ook zouden opgaan voor de volledige doelgroep van de "opvolging" (de min vijftigjarigen), blijft deze maatregel in zijn huidige vorm slechts een beperkt onderdeel van het werkgelegenheidsbeleid. In 2009, op kruissnelheid van de maatregel, ontving maandelijks 2,5 % van de uitkeringsgerechtigde werklozen een "verwittiging" van de RVA. Op basis van deze cijfers is het evident dat de opvolging van werklozen niet het wondermiddel is dat zou verklaren waarom de werkloosheid tussen 2004 en 2008 zo significant gedaald is, zoals beweerd werd door de RVA en de minister van Werk in haar evaluatie van de hervorming. Onze analyse toont aan dat de daling van de werkloosheid tussen 2004 en 2008 hoofdzakelijk volgt uit de verbetering van de conjunctuur in deze periode. De "opvolging" heeft op individueel niveau bijgedragen tot tewerkstelling van werklozen, maar gezien het relatief gering aantal werklozen waarop de "opvolging" in haar huidige vorm van toepassing is en vermits de maatregel gespreid is over vele maanden (waardoor velen ook zonder de "opvolging" de werkloosheid zouden verlaten) mag men de macro-economische impact van deze maatregel niet overdrijven.</p> <p>De evolutie van het aantal sancties binnen en buiten het kader van de “opvolging”</p> <p>Nog steeds voor de volledige doelgroep, hebben we aangetoond dat de sancties in het kader van de "opvolging" een groeiend maar beperkt aandeel vertegenwoordigen van het totaal aantal sancties. In 2009 veroorzaakte de "opvolging" iets minder uitsluitingen dan "artikel 80", de maatregel die door de "opvolging" is vervangen, maar die enkel toeliet de uitkeringen voor samenwonenden stop te zetten. Dit kan niet verhullen dat in de tweede helft van het voorgaand decennium het globale aantal sancties (inclusief deze die niets met de "opvolging" te maken hebben) sterk gestegen is, zowel in België als in alle Gewesten afzonderlijk (vooral in Wallonië). De verbeterde overdracht van informatie tussen de gewestelijke arbeidsdiensten (VDAB, FOREM en ACTIRIS) en de RVA (tengevolge van het samenwerkingsakkoord van 2004) en de toename in de koppeling van informatie van de diverse instellingen van de Sociale Zekerheid verklaren deze evoluties in belangrijke mate. In 2009 bedroeg het aantal transmissies per uitkeringsgerechtigde werkloze maandelijks 0,8 % in Brussel, 1,1 % in Vlaanderen en 1,5 % in Wallonië.</p> <p>Conclusie en beleidsaanbevelingen</p> <p>Samengevat stellen we dat de "opvolging" van de zoekinspanningen en de controle van de beschikbaarheid van werklozen noodzakelijk is en een essentieel tegenwicht vormt voor het recht op uitkeringen voor onbepaalde duur, een specifiek kenmerk van de Belgische werkloosheidsverzekering. Een hervorming van de "opvolging" is echter nodig. Enerzijds dient het eerste evaluatiegesprek na een kortere werkloosheidsduur plaats te vinden. Dit maakt de werkloze sneller bewust van zijn verplichtingen en laat toe om de voordelen van het systeem op een grotere groep werklozen te laten doorwerken. Anderzijds is volgens ons een verdere objectivering van de evaluatieprocedure nodig.</p> <p>&nbsp;</p> Bart Cockx Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.02.02 Numéro 85 (fr) - février 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15113 <p>À l’initiative du gouvernement fédéral, on a assisté depuis 2004 à des changements majeurs dans le cadre de l’assurance-chômage en Belgique. Le principe d’octroi d’allocations d’assurance à durée illimitée a en soi été renforcé par l’abolition progressive de l’article 80, qui limitait uniquement la durée de l’indemnisation des chômeurs cohabitants. Parallèlement, s’est mis en place le dispositif d’Activation du Comportement de Recherche d’emploi (ACR), qui consiste à convoquer les chômeurs indemnisés pour des entretiens individuels périodiques durant lesquels un facilitateur de l’ONEM évalue leurs activités de recherche d’emploi. L’introduction de l’ACR implique que toutes les catégories de chômeurs courent un risque de réduction ou de suspension, temporaire ou non, des allocations de chômage en raison d’une intensité de recherche insuffisante. Précisons que la procédure d’ACR a été introduite en étapes, par catégorie d’âge : à partir de juillet 2004, les moins de 30 ans étaient concernés par la procédure, à partir de juillet 2005, les moins de 40 ans, et à partir de juillet 2006, les moins de 50 ans.</p> <p>Ce nouveau plan reste controversé : «chasse aux chômeurs» pour les uns, ingrédient essentiel de toute politique de réduction du chômage pour les autres. Le plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs favorise-t-il un retour plus rapide à l’emploi ? Et si oui, dans toutes les régions, pour tous les types de demandeurs d’emploi, au détriment de la qualité des emplois acceptés ?</p> <p>Les étapes de l’ACR<br>Un élément essentiel de l’ACR est l’envoi d’une lettre d’avertissement environ 8 mois avant le premier entretien en vue d’informer le chômeur indemnisé de ses obligations et du déroulement de la procédure de contrôle. L’envoi de cette lettre s’effectue après une durée d’inoccupation mesurée de manière spécifique et variable selon l’âge (7 mois sous l’âge de 25 ans, 13 mois au-delà).</p> <p>Si les efforts de recherche d’emploi sont jugés insuffisants lors du premier entretien d’évaluation, le chômeur n’est pas encore sanctionné mais un plan d’action est mis en place. Environ quatre mois plus tard, un deuxième entretien a lieu. Une évaluation négative des efforts de recherche entraîne alors une sanction temporaire (réduction ou suspension des allocations de chômage) et la mise en place d’un second plan d’action. Si les efforts de recherche sont jugés une troisième fois insuffisants, une exclusion du droit aux allocations de chômage s’applique. Des procédures de recours sont prévues par la législation.</p> <p>L’évaluation de l’ACR<br>L’essentiel de notre évaluation porte sur la population des chômeurs indemnisés âgés de 25 à 30 ans qui ont reçu une lettre d’avertissement de l’ONEM en 2004 dans le cadre de la procédure d’ACR et dont nous avons reconstitué le parcours sur le marché du travail jusque fin 2006. Nos résultats montrent que l’ACR accélère de manière significative leur transition du chômage vers l’emploi et ceci même bien avant que des entretiens d’évaluation ont lieu ou des sanctions sont imposées : 92 % de l’effet se réalise avant que les personnes concernées ne soient sanctionnées. Ceci se comprend par un effet d’anticipation. Les chômeurs accroissent leurs efforts de recherche afin d’éviter une évaluation (négative) et ses conséquences.</p> <p>L’effet est plus fort en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles. Le contrôle de la recherche se montre donc surtout efficace là où les offres d’emplois sont abondantes. Dans ce cas, le contrôle s’avère même plus efficace pour un chômeur peu qualifié que qualifié. Sans perdre toute son efficacité, le contrôle semble cependant favoriser davantage l’embauche des travailleurs qualifiés là où les offres d’emploi sont plus rares. Pour les chômeurs qui retrouvent un emploi, le salaire obtenu est en moyenne plus faible en raison de l’ACR, mais la baisse est modeste. L’effet du relèvement de revenu engendré par l’accès plus rapide à l’emploi domine cette baisse de salaire. Pour les comptes de l’Etat, la mise en place de l’ACR engendre un gain modeste. Ce gain est en moyenne plus élevé que la baisse des perspectives de revenus du chômeur qui entre dans l’ACR. Pour aboutir à cette conclusion, nous prenons en compte le payement des allocations d’assurance et de revenu d’insertion diminuées des recettes fiscales et des cotisations sociales.</p> <p>Cet ensemble de conclusions ne peut être imprudemment extrapolé aux autres tranches d’âge concernées ultérieurement par l’ACR.</p> <p>Même sous l’hypothèse que nos conclusions qualitatives s’étendent à l’ensemble de la population actuellement visée par l’ACR (les moins de cinquante ans), elle n’est qu’une composante de la politique de lutte contre le chômage, qui, à elle seule et dans sa forme actuelle, ne pourrait avoir qu’un impact limité sur le chômage total au niveau du pays. En rythme de croisière, en 2009, quand toutes les classes d’âge en dessous de 50 ans sont concernées, par mois 2,5 % du stock de chômeurs complets indemnisés recevait l’avertissement de l’ACR. Vu cette faible proportion, il est évident que l’ACR n’est pas la panacée qui expliquerait la baisse significative du chômage total entre 2004 et 2008. L’analyse que nous avons menée sur le rôle possible de l’ACR dans l’évolution du chômage global montre que la baisse du chômage entre 2004 et 2008 vient principalement de l’amélioration de la conjoncture dans la période concernée. L’ACR y a contribué, mais vu le nombre relativement faible de chômeurs concernés et l’étalement de la politique sur de nombreux mois (durant lesquels nombre d’entre eux quitteraient le chômage même en l’absence de politique de contrôle), son rôle macroéconomique ne peut pas être exagéré.</p> <p>L’évolution du nombre de sanctions dans le cadre et en dehors de l’ACR<br>Au niveau global encore, nous avons montré que les sanctions dans le cadre de l’ACR représentent une part croissante mais limitée du total de celles-ci. En 2009, l’ACR engendre un peu moins d’exclusions que l’article 80, qu’elle a progressivement remplacé et qui déterminait la fin de droit pour les seul(e)s cohabitant(e)s. Ceci ne peut occulter le constat que le niveau global des sanctions (tous motifs confondus) a beaucoup augmenté en Belgique et dans ses Régions (principalement en Wallonie) au cours de la seconde moitié de la décennie passée. L’augmentation des transferts d’information des organismes régionaux (FOREM, VDAB, ACTIRIS) vers l’ONEM (suite à l’accord de coopération de 2004) et le développement du croisement des informations disponibles dans les divers fichiers de la Sécurité Sociale sont des facteurs d’explication importants de ces évolutions. En 2009, le nombre de transmissions par demandeur d’emploi inoccupé indemnisé représentait une fréquence mensuelle de 0,8 % à Bruxelles, 1,1 % en Flandre et 1,5 % en Wallonie en 2009. En 2003, elles s’élevaient seulement à 0,4 % à Bruxelles, 0,3 % en Flandre et 0,02 % en Wallonie.</p> <p>Conclusion et recommandations politiques<br>En résumé, nous estimons que l’ACR et le contrôle de la disponibilité des chômeurs sont une contrepartie nécessaire d’une spécificité belge, à savoir le principe d’une indemnisation des chômeurs pour une durée illimitée dans le cadre de l’assurance-chômage. Mais, la procédure d’ACR doit être réformée. Il faut d’une part commencer le premier entretien d’évaluation plus tôt dans l’épisode de chômage pour que le chômeur soit conscient plus tôt de ses obligations et pour que les avantages du système puissent se faire sentir sur une population plus large. D’autre part, il nous paraît nécessaire de renforcer encore l’objectivité de la procédure d’évaluation.</p> Bart Cockx Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.02.01 Numéro 84 - janvier 2011 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15133 <p>Les conditions conjoncturelles se sont nettement améliorées en Belgique durant la seconde partie de 2010. Dans l’industrie et les services, l’activité s’est raffermie et les entrepreneurs estiment à l’heure actuelle que le climat des affaires est redevenu très favorable. De leur côté, grâce à une forte augmentation de l’emploi, les ménages ont retrouvé un niveau de confiance égal à celui qui prévalait avant le déclenchement de la crise économique et financière. Dans ces conditions, le ralentissement de la croissance économique constaté depuis la mi-2010 devrait être passager et nous estimons que la Belgique retrouvera en 2011 des rythmes de croissance économique plus soutenus. Nous avons ainsi revu à la hausse notre prévision de croissance du PIB belge pour 2011. Elle est à présent fixée à 2,4 %, contre 1,9 % dans notre édition d’octobre dernier.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Guy Legros Vincent Scourneau Catherine Smith Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2011.01.01 Numéro 83 - décembre 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15313 <p>Au début du mois d’octobre 2010, l’entreprise&nbsp;<em>Apple</em>&nbsp;a été condamnée par la justice américaine à payer pas moins de 625,5 millions de dollars à la petite société&nbsp;<em>Mirror Worlds</em>, LLC pour avoir enfreint trois de ses brevets. Le géant informatique a d’ores et déjà contesté la décision. Ce récent litige ramène sur le devant de la scène les&nbsp;<em>patent trolls</em>, aussi appelés chasseurs de brevets, dont l’activité principale consiste à acquérir et/ou détenir des brevets qu’ils n’ont pas l’intention d’exploiter industriellement mais qu’ils cherchent à monnayer par le biais – de menaces – d’actions en contrefaçon.&nbsp;<em>Mirror Worlds</em>serait-il un troll&nbsp;?</p> <p>Qu’en est-il exactement&nbsp;? Qui sont ces&nbsp;<em>patent trolls&nbsp;</em>? En quoi leur activité est-elle néfaste ou bénéfique&nbsp;? C’est à ces quelques questions que ce numéro de&nbsp;<em>Regards Economiques</em>&nbsp;se propose de répondre.</p> <p>Ces questions sont liées au développement de ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de la connaissance. Celle-ci se caractérise essentiellement par la part croissante occupée par les actifs immatériels, constitués principalement d’idées, d’inventions, de savoirs et de connaissances. Dans de telles économies où l’innovation est devenue le moteur du changement et de la croissance, il est évident qu’assurer la production et la circulation de la connaissance est d’une importance capitale. Cependant, l’organisation de ces deux activités est particulièrement difficile à mettre en œuvre et les mécanismes qui existent aujourd’hui, dont le brevet est un exemple, ne vont pas sans poser leurs propres problèmes.</p> <p>Malgré ses vertus évidentes, le brevet solutionne le problème d’appropriabilité inhérent au caractère non excluable de la connaissance de manière imparfaite et génère également son lot d’effets pervers&nbsp;: hold-up et<em>patent trolling</em>&nbsp;en sont deux exemples. Aujourd’hui, de nombreuses innovations, surtout dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, sont dites cumulatives : elles sont basées sur – ou directement liées à – d’autres innovations. Le risque est ainsi accru pour les innovateurs de contrefaire un brevet sans s’en apercevoir. Ensuite, la nécessité de passer par une première innovation pour en créer une seconde place le premier innovateur dans une position de négociation très forte; celui-ci est en effet en mesure d’exiger le paiement de royalties très élevées au contrefacteur qui se trouve prisonnier des investissements technologiques qu’il a faits. C’est ce qu’on appelle, en termes économiques, un problème de hold-up.</p> <p>Le hold-up est l’activité de base des&nbsp;<em>patent trolls&nbsp;</em>: ces entités acquièrent et/ou détiennent des brevets qu’elles n’ont pas l’intention d’exploiter industriellement mais qu’elles cherchent à monnayer par le biais – de menaces – d’actions en contrefaçon. Leur activité, parfaitement légale, pose question car elle entrave la circulation de la connaissance protégée par le brevet. L’environnement, politique, juridique et économique joue un rôle capital dans l’existence et le développement des trolls et explique pourquoi ceux-ci sont plus actifs outre-Atlantique&nbsp;: l’élargissement du champ de brevetabilité, un Office des brevets laxiste et des frais de justice élevés sont autant de facteurs qui favorisent la pratique du<em>&nbsp;patent trolling</em>.</p> <p>Pour les victimes des trolls, de nombreuses solutions existent déjà aujourd’hui et l’on peut s’en réjouir&nbsp;: tant des initiatives privées, pour repérer et combattre les trolls, que des mouvements jurisprudentiels tentent de contenir et prévenir l’invasion. Il reste qu’une vision à long terme est nécessaire et ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;évoque un certain nombre de solutions normatives. Nous plaidons principalement pour le développement d’un marché des brevets plus efficaces. Si les trolls peuvent agir aujourd’hui, c’est en effet parce que le marché des brevets est imparfait. En créant les conditions d’un marché efficace sur lequel les prix reflètent au mieux la valeur intrinsèque d’un brevet, l’on parviendrait à rendre la pratique du<em>&nbsp;trolling</em>moins profitable et, partant, à modérer son impact. Les inventeurs auraient, face à eux, une série d’acheteurs potentiels et feraient face à des coûts de transaction réduits. De plus, s’il était plus facile et moins coûteux pour les entreprises productrices de rechercher et d’identifier les brevets potentiellement litigieux – de supporter des coûts de recherche réduits –, les trolls perdraient un autre de leurs atouts&nbsp;: il deviendrait plus difficile pour eux de se cacher et d’attendre patiemment avant d’intenter une action contre le contrefacteur. Liquidité et transparence accrues sont donc les armes les plus puissantes pour mener le combat contre les trolls.</p> Paul Belleflamme Laurent Slits (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.12.01 Numéro 82 - novembre 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15323 <p>En Belgique, sur la période 1991-2009, la croissance totale du niveau général des prix à la consommation fut de 43&nbsp;% et celle des coûts salariaux par unité produite de 42&nbsp;%. Sur cette même période, les données pour la zone euro indiquent une progression des prix à la consommation de 49&nbsp;% et une progression des coûts salariaux par unité produite de 44&nbsp;%.</p> <p>Ces quelques chiffres livrent au moins deux constats&nbsp;:</p> <p>° Tant en Belgique que dans la zone euro, la croissance totale des prix à la consommation et celle des coûts salariaux furent assez similaires sur la période considérée;</p> <p>° La croissance totale du coût salarial a été quasiment identique en Belgique et dans la zone euro alors que la croissance totale des prix à la consommation fut plus faible en Belgique que dans la zone euro.</p> <p>Sur base de ces constats, nous nous intéressons, dans ce numéro de<em>&nbsp;Regards économiques</em>, aux déterminants macroéconomiques de l’évolution des coûts salariaux et des prix en Belgique. Nous tentons notamment de mieux comprendre comment les coûts salariaux et les prix évoluent l’un par rapport à l’autre. Nous examinons également si les caractéristiques de la relation causale existant entre les prix et les coûts salariaux sont les mêmes en Belgique que dans l’ensemble de la zone euro.</p> <p>Notre étude confirme que, en Belgique, les évolutions à long terme des prix et des coûts salariaux sont très étroitement liées. D’après notre analyse, cela tient au fait que, à long terme, l’évolution des coûts salariaux tend à suivre l’évolution des prix. Nous obtenons notamment comme résultat qu’une hausse permanente du niveau général des prix à la consommation de 10&nbsp;% entraîne, en Belgique, une augmentation&nbsp;<em>permanente</em>des coûts salariaux par unité produite de 9&nbsp;%.</p> <p>D’après notre analyse, il existe également une relation de causalité des coûts salariaux vers les prix. Il s’agit ici d’un lien entre la&nbsp;<em>croissance</em>&nbsp;des coûts salariaux et la&nbsp;<em>croissance</em>&nbsp;des prix (l’inflation), selon lequel une hausse temporaire de la croissance des coûts salariaux entraîne un relèvement du rythme d’inflation. L’impact sur l’inflation est néanmoins peu important et intervient longtemps après le choc sur les coûts salariaux.</p> <p>Nos résultats pour la zone euro révèlent que les caractéristiques de la relation prix-coûts salariaux dans la zone euro sont très similaires à celles pour la Belgique. Cependant, d’un point de vue quantitatif, nous relevons que l’ajustement des coûts salariaux à l’évolution des prix est plus fort en Belgique que dans la zone euro. Nos résultats montrent en effet que&nbsp;:</p> <ul> <li>l’impact à long terme d’une hausse permanente des prix sur le coût salarial est plus grand en Belgique que dans la zone euro;</li> <li>et que l’ajustement des coûts salariaux à une hausse permanente des prix est deux fois plus rapide en Belgique que dans la zone euro.</li> </ul> <p>Notre analyse ne nous permet pas de déterminer quels sont les facteurs qui expliquent ces différences quantitatives relevées dans la relation prix-coût salarial entre la Belgique et la zone euro. Toutefois, dans la mesure où il y a tout lieu de considérer qu’il s’agit de facteurs structurels, le mécanisme d’indexation des salaires qui est unique à la Belgique constitue un facteur potentiel d’explication.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Vincent Scourneau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.11.01 Numéro 81 - juillet 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15333 <p>Les développements économiques récents confirment la reprise de l’économie mondiale et le redressement de l’économie belge. Malgré les turbulences financières des derniers mois, l’évolution attendue de la situation économique sur la période de projection reste favorable. Les risques sont néanmoins élevés. En 2010, le PIB belge devrait croître de 1,3 %. Sa croissance devrait se relever à nouveau en 2011, pour atteindre 2,0 %.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Hélène Latzer Guy Legros Vincent Scourneau Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.07.01 Numéro 80 - juin 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15343 <p>La Belgique est souvent déclinée en deux voire trois chiffres : Flandres – (Bruxelles) – Wallonie et devient ainsi une réalité tridimensionnelle largement répandue par les média ou le politique. Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques&nbsp;</em>vise à montrer que l’opposition Nord-Sud n’est pas aussi simple et immédiate : chaque région possède un territoire au sein duquel se déploient les activités qui y sont entreprises, qu’elles soient de nature sociale, économique ou culturelle. En analysant plus finement les disparités à l’intérieur de chaque territoire, on aboutit à une lecture plus subtile du territoire belge. En mobilisant différentes cartes, la première partie de cet article offre une image simple, mais suggestive, de la structure géographique de l’économie belge. La deuxième partie a pour objectif de présenter les éléments théoriques pouvant expliquer l’image qui se dégage de nos cartes. Dans la dernière partie, nous quittons le terrain purement scientifique pour proposer quelques pistes de réflexion portant sur le futur de la Belgique.</p> <p>Bien que très liminaire, notre analyse suffit pour mettre en lumière quelques faits qui diffèrent sensiblement du cliché Nord/Sud auquel on nous a habitué. Dans une large mesure, l’économie belge peut être décrite comme une structure spatiale monocentrique dont Bruxelles est le centre, mais dont les arrondissements voisins sont probablement les premiers bénéficiaires. Dès lors, il ne semble pas exagérer de dire que Flandre et Wallonie retirent de nombreux avantages de l’existence de Bruxelles, et ce quelle que soit la définition spatiale que l’on donne de cette dernière. Cette simple constatation n’est pas anodine car les forces d’agglomération discutées dans la seconde section sont souvent les mêmes qui sont à la source de la croissance économique. En revanche, elle va à l’encontre d’un sentiment largement partagé des deux côtés de la frontière linguistique, qui veut que Bruxelles soit un poids pour le reste du pays. Ce sentiment surprend toujours les observateurs étrangers tant la chose leur paraît banale que Bruxelles est un atout pour le pays.</p> <p>Cela dit, il devrait quand même être possible de convaincre les uns et les autres qu’une meilleure gouvernance du Grand Bruxelles va dans l’intérêt de tous. Une fragmentation politique et économique plus poussée nous ferait rentrer dans un jeu à somme négative dans lequel il n’y aurait que des perdants, quand bien même certains perdraient peut être moins que d’autres. L’enjeu est important, mais il faut reconnaître que la solution ne va pas de soi. Identifier de nouvelles formes de coopération entre entités fédérées permettant de relancer la croissance économique est indispensable pour le futur de l’économie la plus globalisée du monde qu’est la Belgique.</p> Jacques-François Thisse Isabelle Thomas (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.06.01 Numéro 79 - mai 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15363 <p>A la fin du mois de mars 2010, Michel Daerden, Ministre des Pensions au gouvernement fédéral, présentait son livre vert sur les pensions. Selon un communiqué de presse de Belga (25/03/2010), lors de cette présentation, «Michel Daerden a invoqué notamment les<em>&nbsp;bonus pension</em>&nbsp;pour inciter les gens à travailler plus longtemps. Ce système existe déjà et certains disent qu'il a échoué. Le ministre estime quant à lui qu'on manque de données statistiques précises pour juger de son impact».</p> <p><em>Regards économiques</em>&nbsp;a saisi la balle du Ministre au bond pour publier, dans sa dernière livraison, les résultats d’une étude de Marjan Maes qui démontrent, sur base d’une analyse statistique objective et rigoureuse, que le «bonus de pension» est une réforme inefficace en matière de soutenabilité financière, et relativement peu efficace en termes de relèvement de l’âge de retraite et de réduction des inégalités. La raison principale est qu’un grand nombre de travailleurs vont bénéficier du bonus sans pour autant travailler davantage, et/ou vont même partir plus tôt en retraite.</p> <p>Afin de relever le taux d’emploi des travailleurs âgés, le gouvernement belge a approuvé fin 2005 une loi baptisée «Pacte de Solidarité entre Générations». Parmi les mesures mises en œuvre, le «bonus de pensio » consiste en une augmentation forfaitaire et permanente du montant de la pension légale pour les travailleurs salariés qui décident de reporter leur départ à la retraite. Le bonus a finalement été fixé à 624€ pour toute année d’activité professionnelle au-delà de 62 ans (ou au-delà d’une 44<sup>e</sup>&nbsp;année de carrière). Lors des négociations précédant le Pacte de Solidarité, il était question de fixer le montant du bonus à 300€ pour toute année de travail au-delà de 60 ans. C’est ce scénario initial que Marjan Maes a analysé dans son étude. Plutôt que de pénaliser la retraite anticipée, le gouvernement a donc choisi de récompenser les années de travail supplémentaires.</p> <p>L’objectif de l’étude de Marjan Maes est d’évaluer les effets du «bonus de pension» sur l’âge de départ à la retraite, sur le budget des pensions et sur les inégalités au sein de la population âgée. Son second objectif est de comparer cette mesure à deux autres politiques non retenues par le gouvernement et visant à pénaliser les départs anticipés en retraite. Un premier scénario alternatif, qualifié de «<em>malus proportionnel</em>», consiste à pénaliser (respectivement, augmenter) la pension légale de 5&nbsp;% par année de retraite anticipée avant 65 ans (respectivement, reportée après 65 ans) dans l’intervalle 60-70 ans. Les pénalisations ou gratifications sont donc proportionnelles au niveau de la pension légale. En d’autres termes, la pension prise à l’âge de 60 (respectivement 70) ans est 25&nbsp;% plus basse (respectivement élevée) que si elle avait été prise à l’âge légal de 65 ans. Le second scénario alternatif, qualifié de «<em>malus forfaitaire</em>», consiste à ajuster la pension légale d’un montant forfaitaire pour chaque année d’écart entre l’âge de départ en retraite et 65 ans. Les pénalisations ou gratifications sont indépendantes du revenu. Elles pénalisent donc davantage les individus à bas revenu que les individus à revenu élevé. Afin de rendre ce scénario comparable avec le précédent, les montants forfaitaires ont été choisis de manière à induire le même impact budgétaire pour le gouvernement&nbsp;: on les calcule, pour chaque âge de retraite possible, comme la différence&nbsp;<em>moyenne</em>&nbsp;entre les prestations de pension en l’absence de réforme et sous le malus proportionnel.</p> <p>Les résultats de Marjan Maes sont révélateurs. Le «bonus de pension» n’augmente l’âge de départ à la retraite que de 0,3 année alors que des réformes de type «malus» augmentent l’âge de départ à la retraite de 1,1 années. Par ailleurs, alors que cette mesure a été adoptée pour améliorer la soutenabilité budgétaire du régime des pensions, le «bonus de pension» a pour conséquence de creuser le budget des pensions. Les recettes fiscales supplémentaires générées par un bonus (sous forme de cotisations de sécurité sociale accrues et grâce à des périodes de retraite plus courtes) sont inférieures au montant global de bonus de pension à verser aux pensionnés pendant toute la période de leur retraite. Au contraire, les politiques de malus génèrent les effets budgétaires escomptés.</p> <p><em>Quelle est l’intuition de ces résultats&nbsp;</em>? Les trois réformes génèrent des incitants à reporter le départ à la retraite pour un grand nombre de travailleurs âgés. Cependant, un autre effet financier est à l’œuvre qui, dans le cas du bonus, pousse les travailleurs à partir plus tôt. En effet, sans bonus, il était optimal pour certains individus de travailler au-delà de 60 ans. Comme il est impossible de discriminer entre ces individus et ceux choisissant de se retirer anticipativement, ces individus reçoivent un cadeau inespéré. L’introduction du bonus augmente le montant attendu de leur pension légale et crée un «effet de richesse» qui les pousse à consommer à se retirer plus tôt du marché du travail. En résumé, bien qu'un bonus par année de travail additionnelle incite à travailler plus longtemps, cet effet est contrebalancé par un effet-richesse qui, lui, avance l'âge de la retraite. Cet effet de richesse est important et avéré&nbsp;: il explique pourquoi l’introduction d’un bonus dans le régime des fonctionnaires publics en 2001 n’a pas généré la moindre augmentation de l’âge de la retraite, mais a creusé le déficit du gouvernement. A contrario, les réformes visant à pénaliser les retraites anticipées induisent un effet de richesse négatif qui contribue à retarder les départs à la pension. Par conséquent, les effets du<em>&nbsp;bonus de pension</em>&nbsp;sur l’âge de départ à la retraite et sur le budget sont moins favorables que ceux des pénalisations ou malus.</p> <p>Comme le bonus consiste en un montant forfaitaire, le gouvernement a également mis en avant les effets redistributifs potentiels de sa politique. Pourtant, en matière d’inégalités, le bonus de pension contribue à augmenter les écarts de revenus entre les bénéficiaires d’une pension légale et les bénéficiaires de la GRAPA (Garantie de Revenu Aux Personnes Agées), étant donné que la GRAPA, en tant que système d’assistance, n’est pas affectée par les réformes de pension. Les résultats de Marjan Maes démontrent que ce sont les réformes pénalisant la retraite anticipée qui réduisent le plus les inégalités des revenus parmi les pensionnés.</p> Marjan Maes (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.05.01 Numéro 78 - mars 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15393 <p>La récente crise financière et économique a mis en exergue les lacunes des modèles utilisés par les banques centrales et les institutions financières commerciales. Cet article met en lumière les défaillances de ces modèles et propose quelques pistes, basées sur la littérature récente, pouvant déboucher sur une meilleure représentation du monde macro-monétaire et financier.</p> Serge Wibaut (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.03.01 Numéro 77 - février 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15403 <p>L’enseignement en Belgique est un des plus inégalitaire au monde. La réussite scolaire est fortement dépendante de l’origine sociale des élèves. Le «décret inscriptions» en Communauté française et le GOK en Communauté flamande agitent l’opinion publique, mais passent sous silence le fait que les élèves de famille modeste sont avant tout victimes des réorientations en cascade.</p> <p>Dans ce numéro de<em>&nbsp;Regards économiques</em>, nous cherchons notamment à comprendre pourquoi, dans les deux Communautés linguistiques, les résultats scolaires sont aussi dépendants de l’origine sociale des élèves. En fait presque 60 % des écarts de résultats sont liés à l’origine sociale des élèves. D’où le titre de ce communiqué de presse, «la réussite en héritage». Notre recherche s’appuie sur les données de l’enquête PISA 2006 avec un échantillon de 4.125 élèves dans 269 écoles flamandes et 2.211 élèves dans 176 écoles francophones. Cette recherche a révélé que c’est la sélection entre écoles et filières qui contribue à faire de notre enseignement un des plus inégalitaire au monde. Au moment où les discussions sur l’égalité des chances se concentrent presque exclusivement sur les modes d’organisation des inscriptions et le financement différencié, il nous a semblé utile de revenir sur ces résultats.</p> <h2>La fracture sociale par les filières</h2> <p>Notre analyse révèle que les systèmes scolaires flamands et francophones sont très mauvais en matière d’égalité des chances. Des deux côtés de la frontière linguistique, les niveaux de ségrégation sociale sont les plus élevés d’Europe et la mobilité sociale (ou ascenseur social) est en panne. La ségrégation se fait à la fois entre filières et entre établissements scolaires. La Communauté française a le taux de ségrégation sociale le plus élevé au monde derrière la Hongrie et le Mexique. En fait il faudrait déplacer plus de 40&nbsp;% des élèves de familles modestes pour obtenir une véritable mixité sociale. La moitié des élèves se trouve reléguée dans des filières techniques ou professionnelles dont les performances sont nettement inférieures à la filière générale.</p> <p>Un enfant de famille modeste a presque quatre fois plus de risque de se trouver dans l’enseignement professionnel qu’un enfant socialement favorisé. Ce risque est le même dans les deux Communautés linguistiques. En Communauté française, plus de la moitié des enfants de famille modeste sont en retard scolaire contre moins d’un quart en Flandre. Mais si on double moins souvent dans l’école flamande c’est parce que les enfants de famille modeste sont réorientés plus tôt (dès l’âge de 12 ans) dans les filières techniques et professionnelles (contre 14 ans dans les écoles francophones). Face à cette séparation entre filières, fortement déterminée par l’origine sociale des élèves, les inscriptions et les choix entre réseau libre et officiel semblent avoir une importance secondaire.</p> <h2>Ségrégation sociale ou scolaire&nbsp;?</h2> <p>Comment expliquer que les élèves dans la filière professionnelle ou technique ont des compétences et connaissances aussi médiocres en lecture, mathématique et science&nbsp;? Faut-il y voir un glissement des curriculums qui ferait que ces élèves sont moins confrontés à ces matières de base&nbsp;? Plus grave, c’est que l’on retrouve trois à quatre fois plus d’enfants de familles modestes dans ces filières de relégation. Sont-ils à ce point si mal préparés par leur famille à assimiler un langage pédagogique&nbsp;? Comment expliquer cela dans la mesure où la réussite scolaire ne peut bien sûr pas s’expliquer par simple héritage génétique&nbsp;? Comment ne pas y voir une certaine forme de relégation, où les enfants socialement défavorisés sont relégués en seconde division et les enfants socialement favorisés jouent en première division.</p> <h2>Qui est responsable&nbsp;?</h2> <p>Il faut bien reconnaître une certaine hypocrisie dans l’art 21 du décret mission selon lequel «<em>A l'issue des huit premières années de la scolarité obligatoire, les élèves sont orientés vers la forme d'enseignement la mieux adaptée à leurs aspirations et à leurs capacités</em>». On sait le caractère largement irréversible de l'orientation en cascade du général au technique et enfin au professionnel. Dans l'enseignement secondaire, la fin de la 2e commune est certainement un des moments-charnières les plus importants&nbsp;: là se joue de manière déterminant le destin scolaire (et par conséquent professionnel et social) de l'élève. Certains diront que «Nous devons permettre aux jeunes qui le souhaitent de s’orienter vers les filières professionnelles plus courtes. Ces filières sont indispensables au développement des compétences techniques et professionnelles». Fait du hasard ou non&nbsp;? Ce sont toujours des enfants de familles défavorisées dont les "goûts" sont tournés vers les filières très courtes. Plus le tri est effectué tôt, plus les jeunes issus de ces familles ont tendance à choisir des orientations courtes ou moins valorisées, en intériorisant probablement leur échec annoncé dans les filières plus réputées. Un processus inégalitaire, d’ailleurs souvent validé (quand il n’est pas renforcé) par les décisions d’orientation prises par les conseils de classe.</p> <h2>Faut-il supprimer les filières&nbsp;?</h2> <p>Dans les pays nordiques (Danemark, Finlande, Suède, Norvège et Islande) il n’y a pas d’orientation précoce et en fait les filières n’existent tout simplement pas. Le redoublement est rare et il n’y a pas de sélection sur base des compétences, ce qui n’empêche évidemment pas une pédagogie par groupes différenciés au sein des classes. La Finlande a supprimé les filières entre 1972-1977 avec un effet jugé très favorable sur la mobilité sociale selon des recherches récentes.</p> <p>Réduire les inégalités sociales dans notre enseignement, et en même temps redresser significativement les performances n’est pas quelque chose de facile. Ce que les pays nordiques nous enseignent, c’est qu’il est possible de mieux intégrer les filières entre elles, et en même temps améliorer la performance de chacun de nos élèves.</p> Jean Hindriks Marijn Verschelde (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.02.01 Numéro 76 - janvier 2010 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15413 <p>Les indicateurs économiques indiquant une reprise économique plus vive que prévu il y a quelques mois, notre prévision de croissance de l’économie belge en 2010 a été révisée en hausse, à 1,5 %, contre 0,7 % dans notre projection d’octobre. Le raffermissement attendu de l’activité économique ne sera cependant pas suffisamment fort à court terme pour empêcher que la situation du marché du travail continue à se détériorer en 2010.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Hélène Latzer Guy Legros Vincent Scourneau Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2010.01.01 Numéro 75 - décembre 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15423 <p>On le sait depuis toujours, le Produit intérieur brut (PIB) n’est pas un indicateur de bien-être ou de qualité de vie. C’est un agrégat monétaire qui évalue l’activité annuelle d’une nation sur des bases essentiellement marchandes. Toutefois, pendant des décennies,&nbsp;<em>croissance du PIB et progrès des sociétés&nbsp;</em>ont été largement assimilés, comme si la première était une condition nécessaire et suffisante à la réalisation du deuxième. Cette liaison est aujourd’hui amplement remise en cause.</p> <p>De nombreux travaux ont mis en évidence un décrochage de la qualité de la vie en regard d’une croissance continue du PIB&nbsp;: stagnation des indicateurs subjectifs de satisfaction de vie; dégradation des indicateurs objectifs de santé sociale et de bien-être économique; et surtout, sonnette d’alarme des indicateurs environnementaux. Récemment, des initiatives de grande envergure (Forum mondiaux de l’OCDE) ou très médiatisées (Commission Stiglitz) ont explicitement posé la question d’un «Au-delà du PIB»&nbsp;: si cet indicateur, utilisé comme moteur des politiques économiques, nous égare, n’y a-t-il pas urgence à en changer&nbsp;? Comme le résume joliment Paul Krugman, quel intérêt d’avoir de la croissance s’il n’y a plus de planète&nbsp;? Alors, comment réconcilier&nbsp;<em>ce qui compte&nbsp;</em>(la préservation de la nature et nos valeurs humaines) et&nbsp;<em>ce que l’on compte</em>&nbsp;(les indicateurs à l’aide desquels on gouverne)&nbsp;?</p> <p>Les débats actuels sur ce sujet mettent en évidence trois impératifs&nbsp;:</p> <ol> <li>Mesurer des&nbsp;<em>résultats&nbsp;</em>plutôt qu’une production évaluée moné : les taux d’alphabétisation importent plus que les dépenses d’éducation sans prise en compte de leur efficacité; il n’y a pas lieu de valoriser deux fois des activités qui&nbsp;<em>de facto&nbsp;</em>se compensent (polluer et assainir, détruire et reconstruire, se rendre malade et se guérir). C’est une question de bon sens.</li> <li>Prendre en compte les&nbsp;<em>patrimoines</em>, dans leur diversité&nbsp;: on ne peut plus se contenter de valoriser les flux d’activité et de revenus (ce que fait le PIB) en ignorant les ponctions sur les stocks de richesse. La question se pose aujourd’hui avec acuité pour les ressources naturelles. Elle mérite d’être élargie à toutes les formes de richesse que nous avons reçues et : patrimoines culturels, sites et monuments, savoir accumulé. Il en va de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.</li> <li>Intégrer des questions de<em>&nbsp;répartition&nbsp;</em>: la croissance d’un revenu global peut être très inégalitaire. Un PIB par tête en hausse n’empêche pas certains revenus de baisser, ce qui crée dans la population le sentiment d’être trompé par les chiffres. Nos systèmes statistiques devraient aussi évaluer d’autres formes d’inégalité : accès à l’eau, à l’éducation; impact du réchauffement climatique. Equité et représentation démocratique sont ici en jeu.</li> </ol> <p>Remplacer le PIB est un exercice complexe et digne du plus grand intérêt. La complexité n’est pas tant d’ordre statistique&nbsp;: de nombreux indicateurs alternatifs ont été pensés, sous-pesés, calculés, publiés. On peut en faire l’inventaire. La complexité de l’exercice provient surtout du bousculement implicite des valeurs sur lesquelles une ou deux générations se sont construites. Chaque indicateur recèle une vision singulière du progrès. La question sous-jacente au choix de l’un d’entre eux n’est pas anodine&nbsp;:&nbsp;dans quel monde voulons-nous vivre&nbsp;? Pour cette raison, elle ne peut être confiée aux seuls experts mais relève du débat démocratique. Elle est passionnante, car elle nous donne l’occasion de repenser et de ré-affirmer nos finalités.</p> <p>On aurait tort d’y voir une question réservée à quelques idéalistes, sous prétexte que la croissance du PIB est indispensable à la création d’emploi, à la survie des entreprises et à la santé des finances publiques. Les temps où toute croissance de l’activité et des revenus était bonne sont révolus. S’y accrocher est un combat d’arrière-garde. Aujourd’hui, l’urgence n’est plus d’élargir le gâteau mais de le cuisiner sans dégâts, d’améliorer sa qualité nutritive et de mieux le partager.</p> Isabelle Cassiers Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.12.01 Numéro 74 - octobre 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15433 <p>Succès oblige, le Tax Shelter est devenu en quelques années la starlette du cinéma belge. Depuis 2004, grâce au Tax Shelter, les sociétés belges peuvent investir dans le cinéma, en échange d’une exonération fiscale. C’est avant tout un incitant fiscal dont l’objectif est de financer et de consolider l’industrie audiovisuelle en Belgique.</p> <p>Pourtant le marché du Tax Shelter lui-même est peu connu. Très vite, le Tax Shelter est devenu un produit financier qui a permis de doubler le nombre de films produits en Belgique. Un marché s’est constitué, mais le retrait de la banque ING cet été constitue une nouvelle étape. De nombreuses incertitudes pèsent sur l’avenir du Tax Shelter. C’est pourquoi il est utile, pour comprendre et anticiper les évolutions du marché du Tax Shelter, de dresser une cartographie de ce marché. Quels sont les acteurs en présence&nbsp;? Que proposent-ils aux investisseurs&nbsp;?</p> <p>L’analyse des différents produits Tax Shelter proposés nous a conduits à construire une cartographie autour de deux critères&nbsp;: flexibilité et transparence. Nous constatons effectivement que le système Tax Shelter est la croisée de deux voies. D’un côté, le Tax Shelter prend la forme d’un produit financier figé et peu transparent, prêt à consommer; de l’autre, le Tax Shelter est ciselé sur-mesure en fonction des besoins de l’investisseur et du producteur.</p> <p>Mais n’oublions pas que le Tax Shelter est exclusivement alimenté par les bénéfices des sociétés qui, par ces temps difficiles, se contractent. La tension concurrentielle entre les deux composantes du marché Tax Shelter devrait probablement s’intensifier dans les mois à venir. D’autant que le retrait d’ING laisse un vide, tant pour les producteurs indépendants qui vont devoir s’organiser rapidement pour conserver leur part de Tax Shelter, que pour les intermédiaires et BNP-Fortis qui vont tenter de séduire les investisseurs délaissés dans un contexte plus difficile.</p> <p>Ceci étant, l’industrie du cinéma vit et se développe en Belgique grâce au Tax Shelter. Des entreprises, qu’elles soient des grandes entreprises du BEL20 ou des petites PME familiales, investissent dans le cinéma en Belgique, et en tirent une satisfaction et un intérêt financier. Alors doit-on trancher entre les deux voies présentées dans notre panorama du marché Tax Shelter&nbsp;? Le Tax Shelter doit-il son succès uniquement au fait qu’il soit devenu un produit financier attractif et innovant&nbsp;? L’objectif de soutenir une production belge indépendante doit-il être délaissé au profit de projets cinématographiques européens de grande envergure, au casting télégénique&nbsp;? Le marché ne va-t-il pas se réguler de lui-même&nbsp;? Ou faut-il simplifier le système afin que l’investissement en Tax Shelter revienne intégralement au bénéfice de la création et de la production&nbsp;? Notre analyse aidera tout un chacun à se faire son opinion.</p> Giorgio A. Tesolin Mélanie Zylberberg (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.10.01 Numéro 73 - septembre 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15443 <p>La crise financière et économique en cours menace notamment l’emploi. Le licenciement d’un travailleur ou l’absence de renouvellement de son contrat temporaire engendrent des coûts privés (pour le travailleur et l’employeur concernés). Au-delà, la société dans son ensemble supporte également des coûts&nbsp;: coût de l’assurance-chômage et des politiques actives de réinsertion, pertes de recettes fiscales et de cotisations sociales. Faut-il en conclure qu’il faut protéger à tout prix les travailleurs contre les licenciements&nbsp;?</p> <p>Les entreprises, elles, se plaignent d’un manque de flexibilité. Pour elles, la mondialisation croissante de l’économie, les pressions concurrentielles accrues et les rapides changements technologiques et organisationnels rendent une flexibilité accrue nécessaire. Sans cela, les entreprises considèrent que leur capacité à créer ou sauvegarder l’emploi est gravement menacée. Parmi les formes de flexibilité attendues, il y a une plus grande mobilité des travailleurs entre entreprises et entre le chômage et l’emploi.</p> <p>Protéger davantage ou moins les travailleurs est cependant un faux dilemme. Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;est bâti autour d’une double nécessité&nbsp;: celle d’une flexibilité et celle d’une assurance des travailleurs face aux chocs sur le marché du travail. Le mot flexicurité est à la mode depuis quelques années, sans qu’il y ait unanimité sur le modèle institutionnel correspondant.</p> <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;ne tente pas d’importer un modèle de flexicurité venu d’ailleurs. Il part d’un ensemble de principes enracinés dans la littérature économique, puis il mesure le décalage entre nos règles et institutions et celles qui sont souhaitables. Enfin, il jette les bases d'une réglementation renouvelée en matière de protection de l'emploi et d'assurance-chômage. Ce faisant, il tente de proposer une stratégie plus durable et cohérente que les diverses mesures temporaires que le gouvernement fédéral a prises récemment pour atténuer la hausse du chômage et encadrer les licenciements. Par ailleurs, il essaye de faire progresser la réflexion sur le «statut unique» des employés et ouvriers, qui divise les partenaires sociaux depuis des années.</p> <p>Le système actuel en cas de licenciement présente à nos yeux deux défauts majeurs. Tout d’abord,&nbsp;<del cite="mailto:Matrice%20UCL" datetime="2009-09-24T11:49"></del>l’indemnité du travailleur licencié ne varie pas en fonction du temps nécessaire à la réinsertion professionnelle de la personne licenciée. Une meilleure couverture du risque de chômage exigerait qu’un fonds collecte les contributions de licenciement et finance d’une part une assurance-chômage et d’autre part des politiques efficaces de soutien à la réinsertion. Ensuite, la dispersion de la réglementation des licenciements selon les statuts (ouvrier-employé, etc.) n’a guère de justification. Nous plaidons donc pour une réglementation unique pour tous les types de contrats.</p> <p>Le financement de l’assurance-chômage repose sur le prélèvement de cotisations sociales<del cite="mailto:Matrice%20UCL" datetime="2009-09-24T11:49">&nbsp;</del>lorsque le travailleur est en emploi. Ceci ne responsabilise pas les employeurs dans leurs décisions de licenciement. Il vaudrait mieux prélever une contribution sociale lors du licenciement. Le niveau de celle-ci devrait en outre prendre en compte les conséquences de ce licenciement pour la collectivité. Ce principe est appliqué aux Etats-Unis depuis les années 1930.</p> <p>Partant de ces constats, nous préconisons une réglementation unique pour tout travailleur (ouvrier ou employé) et tout type de contrat (temporaire ou à durée indéterminée). L’indemnité unique de départ octroyée au travailleur licencié serait réduite par rapport à la moyenne des indemnités octroyées actuellement. En contrepartie, pour offrir une meilleure couverture du risque de chômage, l’employeur qui licencie devrait en outre verser à un fonds une contribution de licenciement&nbsp;proportionnelle aux gains salariaux cumulés depuis l’engagement du travailleur au sein de l’entreprise. La contribution de licenciement serait utilisée non seulement pour financer un supplément aux allocations de chômage actuelles, mais également pour financer des politiques actives utiles à la réinsertion. Si le travailleur licencié est volontairement réembauché dans une autre entreprise, par exemple suite à une procédure d’outplacement, le licenciement n’impose plus de coûts à la collectivité. Par conséquent, la contribution de licenciement n’est plus due. Seule l’indemnité de départ l’est.</p> <p>Enfin, nous préconisons de généraliser le système actuel d’allocations de chômage temporaires des ouvriers, mais uniquement dans la mesure où l’on introduit une responsabilisation des employeurs tenant compte de l'historique de leur recours passé à ce système. Une telle formule existe déjà dans le secteur de la construction.</p> Bart Cockx Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.09.02 Numéro 72 - septembre 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15453 <p>L’accord gouvernemental du 19 juillet 2009 a défini les critères permettant la régularisation des demandeurs d’asile en Belgique (engagement dans une procédure juridique déraisonnablement longue, situation humanitaire urgente, prise en compte de la faculté d’intégration sociale et économique). Certaines prévisions font état d’environ 25.000 demandes qui devront être introduites entre le 15 septembre et le 15 décembre de cette année. La lenteur des décisions politiques traduit la difficulté de trancher dans cet épineux dossier des régularisations, une difficulté qui trouve partiellement son origine dans la méconnaissance de ses conséquences économiques et des préjugés qui en découlent. Que sait-on au juste de ces effets&nbsp;? C’est la question abordée dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>.</p> <p>L’article commence par souligner que le débat sur les régularisations est qualitativement proche du débat général sur l’immigration légale. Bien qu’elle se différencie de la politique d’immigration légale et non sélective, une politique de régularisation ou d’amnistie engendre des coûts et des bénéfices de même nature, mais d’ampleur moindre, dans la mesure où les sans papiers participent déjà au marché du travail et bénéficient déjà de certaines prestations sociales. En outre, quand on considère une période de temps plus longue, les débats sur l’immigration légale et la régularisation se rejoignent : toute régularisation entraîne une migration connexe via le regroupement familial et les effets de réseaux.</p> <p>Les effets de l’immigration et de la régularisation de travailleurs illégaux ont été davantage étudiés aux Etats-Unis qu’en Europe. Cette limite et la piètre connaissance des caractéristiques des populations séjournant illégalement sur le territoire belge rendent difficile une évaluation précise des effets de l’immigration et d’une régularisation sur la population résidente et sur l’économie belge. Les études internationales pointent toutefois en direction d’effets quantitativement faibles de l’immigration légale en matière d’emploi, de finances publiques et de salaire.</p> <p>Les études qui ont analysé ensemble ces trois différents effets concluent que l’effet favorable sur les finances publiques domine l’effet négatif sur l’emploi et les salaires de sorte que toutes les générations et toutes les catégories de natifs ont modestement bénéficié de l’afflux migratoire (aux Etats-Unis et en France). Notre analyse démontre que les effets d’une régularisation sont de même nature mais d’ampleur moindre. Dans l’état actuel des connaissances, il est raisonnable de penser que la régularisation en Belgique n’entraînera que des effets mineurs sur le revenu net des travailleurs natifs.</p> <p>Le seul véritable groupe à risque est celui des natifs les moins qualifiés. Ce sont eux qui pourraient subir des conséquences négatives sur le marché du travail, du moins dans un premier temps. Néanmoins, dans le cas où les sans papiers ont un taux d’emploi illégal important, ces conséquences sont vraisemblablement minimes, même à court terme. En outre, les effets éventuellement négatifs doivent aller en s’amenuisant au fur et à mesure que le temps passe et que les nouveaux arrivés se lancent dans des activités productives. Une manière d’accélérer cette transition est de promouvoir à bon escient la flexibilité du marché du travail et la mobilité des travailleurs.</p> <p>Dans ce contexte, nombre d’opinions apparaissent guidées par des arguments essentiellement idéologiques et des clichés peu robustes, voire profondément inexacts. Le cliché selon lequel les sans papiers vont prendre le travail des natifs ne résiste pas aux études existantes. Celui qui voit dans l’immigré une sangsue vidant les caisses de la sécurité sociale est manifestement erroné; l’immigration a une contribution plutôt positive aux finances publiques, et cela d’autant plus que le flux migratoire permet de rajeunir en permanence la population.</p> David de la Croix Frédéric Docquier Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.09.01 Numéro 71 - juillet 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15513 <p>La récession s’est aggravée en début d’année. Le climat économique étant toujours fortement déprimé, les perspectives économiques 2009-2010 sont pessimistes. Certains signes d’amélioration apparus récemment laissent néanmoins penser que le creux de la récession a été atteint au 1er&nbsp;trimestre 2009. La récession&nbsp;devrait perdre en intensité au second semestre 2009 et l’activité économique devrait recommencer à progresser début 2010. L’amélioration attendue n’empêchera pas une forte dégradation du marché du travail sur la période de projection.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Hélène Latzer Guy Legros Vincent Scourneau Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.07.01 Numéro 70 - mai 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15523 <p>La question traitée dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;est celle-ci : comment, concrètement, assigner tel élève à telle école, étant donné que 1) les parents souhaitent pouvoir inscrire leurs enfants dans les écoles qui leur semblent les meilleures pour leurs enfants, 2) le pouvoir public a un objectif de mixité sociale dans les classes, et 3) les écoles ont des spécificités, des objectifs propres, qu'il convient d'essayer de respecter.</p> <p>Même s'il est évident que les objectifs des parents, du pouvoir public et des écoles peuvent entrer en conflit, nous proposons dans cet article deux solutions concrètes au problème du choix d'école. Ces solutions concrètes, bien connues de la littérature et appliquées dans quelques pays, sont justifiées par des valeurs éthiques. Les deux solutions sont basées sur des procédures centralisées. Chaque procédure exige que chaque famille remette un classement ordonné des différentes écoles dans lesquelles elle souhaite voir son enfant admis. La liberté de choix des parents est donc au cœur de ces solutions, de sorte que le vote d’un nouveau décret rend possible (et même souhaitable) l'application d'une de ces deux procédures. Chaque procédure, en outre, exige que des ordres de priorités d'élèves soient établis au niveau de chaque école. C'est à ce niveau que doit se matérialiser le compromis entre la volonté politique de mixité sociale et les objectifs pédagogiques des écoles.</p> <p>Si les ordres de priorité d’élèves ne visent pas la mixité sociale, alors les priorités classiques liées notamment à la présence de frères ou sœurs dans l'école doivent être complétées par un système de loterie. Si, au contraire, ceux-ci visent une certaine mixité sociale dans les classes, alors il convient d'énoncer des principes clairs, et de les faire connaître. Il faut se rendre compte qu'en fonction des préférences des familles, de tels ordres de priorités destinés à bouleverser l'équilibre actuel des populations scolaires peuvent avoir des conséquences considérables sur ces populations, et donc sur l'effort pédagogique des enseignants, qui devront s'adapter à un public nouveau. Cela justifie d'une part que les écoles soient associées à l'élaboration de ces ordres de priorités, et d'autre part que le changement se fasse lentement et dans la douceur. Trop de réformes dans notre système scolaire se sont heurtées à des difficultés liées d'une façon ou d'une autre au manque de concertation du corps enseignant et des directeurs d'école. Pourquoi même ne pas penser à une période d'expérimentation, où l'une ou l'autre sous-région servirait de région test, ce qui permettrait d'évaluer les réformes avant de, peut-être, les généraliser à l'ensemble de la Communauté ?</p> François Maniquet (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.05.01 Numéro 69 - avril 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15533 <p>Concernant plus de 100.000 travailleurs, près de 800.000 familles et plus de 2.000 entreprises, le dispositif titre-service est au cœur de l’agenda politique compte tenu de l’importance du budget public mobilisé qui s’élève à plus d’un milliard d’euros pour 2009. Ce dispositif témoigne d’une évolution profonde des modes de régulation publique dans le champ des services aux personnes désormais ouvert à une mise en concurrence de prestataires très diversifiés. Ainsi des organisations aussi diverses que des ASBL, des entreprises d’insertion, des agences d’intérim, des PME ou des CPAS opèrent aujourd’hui au sein de ce dispositif. Ce numéro présente les résultats d’une recherche financée par Service public fédéral de la politique scientifique et réalisée par l’équipe économie sociale du CERISIS/CIRTES (UCL) et du centre d’économie sociale (ULg). Cette recherche porte sur la qualité de l’emploi et de l’organisation du service dans ce champ d’activité et ce de manière comparative entre les différents types d’opérateurs.</p> <p>Une des spécificités centrales du système titre-service est d’imposer une triangulation de la relation de service, en plaçant cette dernière sous l’égide d’une entreprise agréée. L’étude montre que la qualité d’emploi et de l’organisation du service est surtout garantie par une «triangulation» de la relation de service, c’est-à-dire un réel investissement de l’entreprise dans l’accompagnement du travailleur et de l’usager. Si certains prestataires, tels que les organisations d’aide au domicile (ASBL ou organisations publiques agréées par les régions) et les organisations d’économie sociale ou publiques, poursuivant une mission d’insertion, encadrent davantage leurs travailleurs et leurs utilisateurs, d’autres développent dans les faits, un mode de prestation «mandataire», dans lequel l’entreprise est avant tout chargée des formalités administratives mais où elle n’assure que peu d’encadrement de la relation de service tissée entre l’utilisateur et le travailleur. L’enjeu ici est de savoir dans quelles circonstances et dans quelle mesure une telle évolution est acceptable (voire souhaitable&nbsp;?) pour les différentes parties prenantes, y compris bien sûr pour les travailleurs. Au sein des entreprises à but lucratif, il convient de différencier assez nettement les sociétés de travail intérimaire des autres sociétés commerciales, généralement des PME. Les sociétés d’intérim semblent privilégier leur capacité d’adaptation aux desiderata de leurs utilisateurs et la minimisation des coûts, au détriment de la qualité des emplois qu’elles rendent aussi flexibles que possible. Cette volonté de maximiser productivité et rentabilité semble être moins prégnante dans le chef des autres opérateurs privés à but lucratif hors intérim.</p> <p>Du point de vue financier, il faut souligner que si les prestataires bénéficient tous de la subvention titre-service, une diversité apparaît quant aux sources complémentaires de financement public (aides à l’emploi, subsides régionaux). Une analyse de la viabilité financière des différents types d’opérateurs titre-service s’avère particulièrement complexe compte tenu de cette diversité, des commissions paritaires compétentes et des performances différenciées en matière de qualité d’emploi et d’organisation de service. Il ressort des simulations qu’un travailleur équivalent temps plein (ETP) d’ancienneté nulle et sans aide à l’emploi dégage une marge positive (parfois faiblement) chez la plupart des prestataires. Avec aide à l’emploi (toujours sans ancienneté), un ETP est (très) rentable chez l’ensemble des prestataires, en particulier chez ceux qui cumulent diverses sources de financement. Par contre, après quatre ans d’ancienneté, la marge dégagée par un ETP est négative chez la quasi-totalité des prestataires compte tenu des effets liés à l’accroissement de l’ancienneté des travailleurs et à la dégressivité tant des aides à l’emploi que de certaines subventions régionales. Par conséquent, seuls les prestataires dont le taux d’activité (le rapport entre les heures de ménage prestées au domicile des utilisateurs – et donc subsidiées – et le total des heures payées au travailleur) est (très) élevé parviennent à maintenir une marge positive. Il va de soi que la rentabilité «globale» d’une organisation dépendra du nombre de travailleurs avec et sans aide à l’emploi ainsi que de l’ancienneté de l’ensemble du personnel.</p> <h2>Différents enjeux doivent être pointés d’un point de vue de politique économique</h2> <ul> <li>Même si la régulation du quasi-marché lié au titre-service a considérablement évolué, il est primordial que les pouvoirs publics s’assurent de la conformité des prestataires aux exigences de l’agrément qui leur est octroyé et qu’ils consolident la régulation du système par exemple par l’imposition de formation et d’un contrat à durée indéterminée après 6 mois. En effet, l’importance très considérable du financement public dans ce quasi-marché justifie qu’il soit nettement subordonné à la réalisation des objectifs définis par le dispositif, en particulier la création d’emplois de qualité et durables.</li> <li>Des risques de confusion entre des métiers pourtant distincts&nbsp;: l’étude montre que certaines organisations titre-service permettent la prestation de services qui relèvent des missions propres aux aides familiales. Les pouvoirs publics doivent donc être vigilants quant aux risques de confusion des métiers, d’autant plus que l’information est loin d’être claire pour les usagers.</li> <li>La plupart des aides à l’emploi sont dégressives sur deux à quatre ans alors que les coûts salariaux des entreprises augmentent du simple fait de l’ancienneté croissante du personnel et des sauts d’index. On peut ainsi douter de l’efficacité économique d’aides qui rendent confortable le lancement d’une entreprise titre-service tout en créant des incitants à la rotation des travailleurs;</li> <li>L’augmentation du prix et l’accessibilité du service&nbsp;: il serait utile de procéder à une étude de marché pour voir dans quelle mesure une marge de manœuvre existe encore. Si les augmentations antérieures de prix ne semblent pas avoir affecté le volume total des titres-services échangés, certains utilisateurs plus fragilisés ont sans doute été évincés. Pour maintenir leur accès au service, il faut peut-être réfléchir à des mécanismes complémentaires. En effet, il n’est pas nécessairement efficace d’associer deux objectifs (créer de l’emploi et rendre accessible le service à tous) à un même instrument. D’autres instruments complémentaires pourraient être envisagés telles qu’une intervention des employeurs à l’instar de ce qui se pratique en France pour le «chèque emploi service universel» (Cesu). Comme pour les chèques-repas, il s’agirait alors d’un élément de politique salariale. Des CPAS, par exemple, pourraient acheter des titres-services pour des usagers plus vulnérables.</li> </ul> Arnaud Henry Jacques Defourny Stéphane Nassaut Marthe Nyssens (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.04.02 Numéro 68 - avril 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15543 <p>Depuis la déclaration commune des ministres régionaux Marcourt et Vandenbroucke, le débat sur la régionalisation (ou décentralisation) des politiques du marché du travail n'a guère progressé. On peut même parler d'enlisement. Or, le choix du bon niveau d’intervention publique importe si l'on se soucie de l'efficacité de cette intervention.</p> <p>On peut rechercher la centralisation ou, à l'opposé, la décentralisation par principe ou par idéologie. Ce n'est pas acceptable si la recherche d'<em>efficacité</em>est l'objectif. Il y a en revanche des arguments pertinents en faveur de la centralisation et d'autres en défaveur de celle-ci. Ces arguments sont de nature économique si tant est que le qualificatif "économique" est bien compris: la répartition&nbsp;<em>efficace</em>&nbsp;des interventions publiques est celle qui garantit le niveau de bien-être le plus élevé possible tenant compte des ressources collectives disponibles. Ce bien-être grandit d'une part si, à ressources collectives données, on rencontre mieux les attentes et besoins des citoyens (leurs "préférences"). Dans le contexte du marché du travail, cela se traduit notamment par moins de pauvreté et de chômage involontaire et une meilleure assurance face aux risques. D'autre part, dans certains cas, le choix du bon niveau d'intervention agit directement sur les ressources collectives requises. Epargner des ressources permet de les affecter ailleurs et l'on sait à quel point les besoins sont nombreux !</p> <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;identifie donc une liste d'arguments et les illustre à l'aide d'exemples. Pour chaque type d'intervention publique, une démarche rationnelle consisterait à évaluer la portée précise de chacun de ces arguments pour ou contre la décentralisation, pour ensuite établir un bilan de synthèse et décider. Cette démarche est difficile, mais possible et nécessaire.</p> <p>De manière très succincte, la décentralisation, qui peut prendre diverses formes, permet une meilleure prise en compte des spécificités locales en matière d'attentes et de besoins. En outre, l'intervention publique requiert la collecte d'information (par exemple sur la disponibilité des chômeurs à l’égard du marché du travail). Fréquemment, le coût de cette collecte est plus limité ou la qualité de l'information est meilleure lorsque l'intervention se situe à un niveau décentralisé. La décentralisation a aussi ses inconvénients. Lorsque, et c'est fréquent, les décisions prises par une région affectent le bien-être d'une autre (à titre d’exemple, la diffusion d’une offre d’emploi par un organisme régional de placement peut favoriser l’appariement entre ce poste vacant et un demandeur d’emploi d’une autre région), on a besoin au minimum d'une coordination, voire d'une centralisation. Par ailleurs, il arrive que l'on épargne des ressources en menant une intervention à un niveau géographique plus large (grâce à des "économies d'échelle"). De plus, tant que les facteurs responsables du chômage sont essentiellement des chocs aléatoires (conjoncture, innovations technologiques, etc.), une assurance-chômage nationale est mieux à même de diversifier les risques qu’une assurance organisée au niveau régional. Enfin, des cadres législatifs et réglementaires hétérogènes compliquent la mobilité géographique inter-régionale et la gestion des entreprises implantées sur plus d'une région.</p> <p>Ce numéro de<em>&nbsp;Regards économiques</em>&nbsp;applique enfin ces principes à la délicate question du contrôle des chômeurs. À quel niveau placer cette intervention publique compte tenu du rôle joué d'un côté par la sécurité sociale fédérale au niveau de l'assurance du risque de chômage et d'un autre côté par les régions en matières de politiques actives et de placement des chômeurs ? L'article n'a pas l'ambition de trancher le débat. En revanche, il cerne avec précision les considérations à mettre en balance.</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.04.01 Numéro 67 - mars 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15553 <p>La Politique Scientifique Fédérale a récemment financé (2004-2006) un projet de recherche nommé ATLAS qui a pour but principal l’exploitation des données issues du dernier «recensement» de 2001. A l’heure de la sortie des monographies et atlas, il nous semble important d’insister sur le fait qu’il s’agit des&nbsp;<em>dernières images géo-statistiques&nbsp;</em>complètes de la Belgique. En effet, à l’instar de bien des pays voisins, le recensement exhaustif de la population et des logements sera remplacé en 2011 par d’autres modes de collectes des données&nbsp;: enquêtes, micro-recensements et bases de données administratives. Si ces autres bases de données pourront à terme remplacer certaines statistiques produites par les recensements, de nombreuses réalités statistiques et surtout spatiales seront définitivement perdues et – surtout – ignorées. L’objectif de ce numéro de<em>&nbsp;Regards économiques&nbsp;</em>n’est pas d’en faire un tour exhaustif, mais bien d’illustrer sur base d’un certain nombre d’exemples l’importance du recensement tant pour le scientifique que pour le décideur. Les exemples sont issus des domaines de recherche des trois signataires de cet article, en particulier ceux de l’économie géographique, du transport et de la santé.</p> <p>A titre d’illustration, voici deux exemples de réalités statistiques où le recensement procure des résultats incomparables dans tous les sens du terme&nbsp;:</p> <ol> <li>En 2001, le recensement inclut pour la première fois des questions à propos de la santé subjective des habitants, des affections chroniques, des limitations fonctionnelles de longue durée, ainsi que sur le problème des aidants naturels (c’est-à-dire des personnes prestant des soins ou des services à titre bénévole pour des malades ou personnes dépendantes). Grâce à ces données récoltées à un niveau de désagrégation spatial très fin, le recensement a permis des analyses&nbsp;<em>contextuelles</em>&nbsp;de la santé, c’est-à-dire d’étudier des facteurs environnementaux (telle la pollution) ou macro-sociétaux (tels le capital social ou la mixité sociale) qui, au-delà, des caractéristiques des individus, peuvent affecter l’état de santé des individus. Certes de nombreuses études contextuelles sont réalisées avec des données d’enquête (échantillon, sondage), mais leur conception ne permet pas vraiment d’appréhender les effets contextuels car le plan d’échantillonnage de ces enquêtes n’est pas conçu au départ pour une analyse spatiale. Le recensement est ici indispensable.</li> <li>Avec la disparition du recensement, on ne disposera plus d’information exhaustive sur les navettes (leur longueur, les modes de transport utilisés, etc.). Les «enquêtes de mobilité» peuvent compléter de façon très intéressante les recensements, mais elles ne les remplaceront jamais. En supprimant le recensement, on se prive définitivement en matière de déplacements d’une vision spatiale complète des différences locales. Or, nous savons que la situation est bien plus complexe qu’une simple «opposition Flandre-Wallonie»&nbsp;: certaines communes flamandes ont un profil statistique proche de communes wallonnes, et inversement&nbsp;! La réalité statistique belge se décline en plus de «3 moyennes régionales»; les disparités observées à l’échelle méso-géographique (communes) peuvent aussi être nuancées à l’échelle micro-géographique (quartiers et secteurs statistiques)&nbsp;: telle est la richesse de l’analyse géographique multi-échelle, qui n’est possible qu’avec des données telles que celles issues d’un recensement. La suppression programmée du recensement décennal va ainsi nous priver d’un outil d’observation et de décision capital, en tous cas en matière de navettes (aucune autre banque de donnée ne peut remplacer le recensement), mais également dans d’autres domaines tels les logements ou la satisfaction des ménages.</li> </ol> Vincent Lorant Isabelle Thomas Ann Verhetsel (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.03.01 Numéro 66 - février 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15583 <p>La gestion du bruit autour de l'aéroport est un vrai problème politique depuis plusieurs années. C'est aussi un vrai problème économique. En 2005, le Service de Médiation pour l’Aéroport de Bruxelles-National, a enregistré 223.000 plaintes. Les autorités en charge de cette question ont eu beaucoup de difficulté à gérer ces conflits et peinent à trouver des solutions efficaces. D'un autre côté, l’aéroport a clôturé l’année 2005 sur un bénéfice de 160 millions d’euros avec un chiffre d’affaires de 324 millions d’euros. L'aéroport fournit de l'emploi à quelque 20.000 personnes.</p> <p>Pour contribuer au débat, nous avons réalisé une étude permettant d'évaluer de manière objective l'ampleur de la nuisance sonore telle qu’elle est perçue par les riverains. Le principe de cette méthode consiste à quantifier la valeur attachée à la nuisance sonore par l’observation du comportement des ménages lors de l'achat des maisons. On suppose que les individus vont consentir à l’achat d’une maison soumise à la nuisance à condition que son prix soit plus faible qu’une maison comparable en tous points (superficie, nombre de pièces, proximité à des facilités, etc.), mais située dans une zone sans nuisance. En observant les prix des transactions immobilières, on peut donc attribuer une valeur monétaire à la nuisance telle qu'elle est perçue par les individus. En cela, cette méthode fournit une évaluation objective de la nuisance subjective.</p> <p>Nous répondons ainsi à trois questions. Le coût de cette nuisance sonore pour les riverains de l’aéroport est-il si important que cela ? Comment ce coût est-il réparti entre les différentes zones de bruit ? Que représente le coût des nuisances par rapport aux bénéfices que l’aéroport apporte à la collectivité ? Les réponses sont les suivantes&nbsp;:</p> <ul> <li>L'ampleur de la nuisance s'avère faible. Chaque décibel supplémentaire se traduit en moyenne par une réduction de 0,9&nbsp;% du prix des maisons. Sur base de ce résultat, on évalue que le dommage social total associé au bruit s'élevait à 10 millions d'euros en 2005.</li> <li>Le coût des nuisances sonores pour les riverains de l’aéroport semble donc beaucoup plus faible que les avantages que l’aéroport procure à la collectivité.</li> <li>Le coût des nuisances sonores est cependant très inégalement reparti entre les individus: la zone 70-75 dB(A), la plus bruyante, engendre un coût trois fois supérieur à celui de la zone 60-65 dB(A), et six fois supérieure à celle de la zone 55-60 dB(A), la moins bruyante. Le paradoxe est que, compte tenu du nombre de personnes exposées, la zone la plus bruyante ne représente que 0,4&nbsp;% du dommage global tandis que la zone la moins exposée représente 72&nbsp;% de ce dommage.</li> </ul> Thierry Bréchet Alexis Gérard Giordano Mion (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.02.01 Numéro 65 - janvier 2009 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15593 <p>En raison de l’aggravation de la crise financière, du recul de l’activité économique dans de nombreux pays avancés, et d’une dégradation particulièrement sévère des anticipations des ménages et des entreprises, les perspectives macroéconomiques pour la Belgique se sont fortement détériorées au cours des derniers mois. Par rapport à notre projection d’octobre 2008, le taux de croissance annuel moyen du PIB belge prévu pour 2009 a été très fortement révisé en baisse. Il s’établit à - 0,9 %, par rapport à la prévision d’une croissance positive de 0,8 % en octobre dernier.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Hélène Latzer Guy Legros Vincent Scourneau Géraldine Thiry (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2009.01.01 Numéro 64 - décembre 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15603 <p>Dans ce numéro de<em>&nbsp;Regards économiques</em>, nous montrons comment la crise des prêts hypothécaires (crise des subprimes) aux Etats-Unis a ébranlé l’ensemble du système financier international.</p> <p>L’octroi des créances à des ménages à faible revenu s’est déroulé dans un paysage fortement modifié depuis la fin des années 80. Le secteur financier devenu fortement endetté, encouragé en cela par des taux d’intérêt bas, un immense accroissement de liquidités sur les marchés et une réglementation parfois trop laxiste, s’est en outre souvent appuyé sur des montage financiers complexes, que ce soit via des produits dérivés ou des opérations de titrisation, pour améliorer sa rentabilité.</p> <p>L’introduction de techniques mathématiques sophistiquées pour mesurer leurs risques a probablement aussi donné aux financiers un faux sentiment de sécurité, diminuant en cela l’aversion au risque.</p> <p>Enfin, de nouveaux acteurs, les hedge funds, agissant en-dehors de toute réglementation, ont eu tendance à spéculer fortement sur les marchés au cours des 20 dernières années exacerbant toute tendance fondamentale sur les marchés financiers.</p> <p>La crise des subprimes démarre dans le courant de l’année 2006 et se déroule tout au long de l’année 2007 pour atteindre son paroxysme à l’automne 2008 où de nombreuses banques tombent en faillite ou doivent faire appel à leur Etat respectif pour renflouer leurs fonds propres.</p> <p>Différentes leçons peuvent être tirées de cette crise (qui n’a pas encore connu son épilogue)&nbsp;:</p> <ol> <li>il faut revoir la réglementation bancaire que ce soit sur le niveau d’endettement des banques (que l’on doit limiter) ou sur leurs ratios de liquidité. Trop de banques n’ont pas suivi des règles de gestion bilantaire élémentaires et de simple bon sens&nbsp;: il faut donc les limiter dans les excès qu’elles peuvent commettre;</li> <li>au-delà d’une meilleure coordination internationale entre les contrôleurs prudentiels des institutions financières, la manière de travailler de ceux-ci doit être revue. Ils se sont trop souvent tenus très éloignés de la réalité du terrain ou laissés apaiser par les discours lénifiant de certains banquiers;</li> <li>il faut absolument mettre en place un contrôle des hedges funds et, à tout le moins, vis-à-vis de ceux suffisamment grands que pour faire courir un risque systémique au monde financier;</li> <li>la composition des conseils d’administration de certaines banques a trop souvent été inadéquate&nbsp;: ne faudrait-il pas imposer des spécialistes de la gestion des risques sur ces conseils&nbsp;?;</li> <li>certaines règles comptables doivent être revues, en particulier celles qui concernent l’évaluation des instruments s’échangeant sur des marchés très peu liquides. Ces règles sont actuellement trop rigides et poussent les banques à afficher des pertes qui ne se matérialiseront peut-être pas;</li> <li>il faut revoir la législation en matière de conglomérats financiers&nbsp;: le rapprochement de banques de détail, de banques d’affaires, d’assurance et de gestionnaire d’actifs au sein d’une même enseigne ne sert pas au mieux les intérêts des clients et peut faire courir des risques similaires à ceux que le monde a couru pendant la crise des années 30;</li> <li>les agences de rating (ou agences de notation), qui portent une lourde part de responsabilité dans la crise actuelle, doivent devenir plus transparentes dans leurs méthodes de travail et leur système de rémunération devrait être réexaminé.</li> </ol> Serge Wibaut (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.12.01 Numéro 63 - novembre 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15613 <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous montrons que les différences de prix observées entre 215 vins de Bordeaux cotés dans un guide réputé dépendent davantage de l'appellation, de la réputation du producteur, du classement de 1855 que des différences en qualité ou en rareté. Même en tenant compte de tous ces effets, certains vins sont offerts sur le marché, du moins temporairement, à des prix anormalement élevés ou très agréablement bon marché.</p> Vincent Scourneau Daniel Weiserbs (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.11.01 Numéro 62 - octobre 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15623 <p>En 2001, le gouvernement Verhoofstad II a décidé une importante réforme de l’impôt des personnes physique (IPP) dans le but de réduire de façon permanente la charge de l’impôt qui pèse sur les ménages en Belgique. Cette réforme vient en complément de plusieurs mesures de réduction de l’IPP prises au cours des années antérieures. La mise en place de la réforme s’est étalée entre 2002 et 2007, avec un effet important sur la charge de l’impôt supportée par les ménages en 2006.</p> <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous avons tenté de déterminer l’impact que la réforme fiscale de 2002, combinée aux mesures de réduction de l’IPP prises au cours des années antérieures, a pu avoir sur le total des dépenses de consommation des ménages belges (que l’on dénomme plus simplement la «<em>consommation privée</em>»). Pour ce faire, l’approche que nous avons suivie a consisté à construire un modèle de la consommation privée, à estimer ce modèle à l’aide de méthodes économétriques classiques et à utiliser ensuite les estimations obtenues pour déterminer quelle aurait été l’évolution des dépenses de consommation des ménages belges après 2002 dans le cadre d’un scénario contrefactuel où l’on suppose que le taux de pression fiscale est inchangé après 2002. Dans la mesure où la baisse du taux d’imposition des ménages n’apparaît véritablement qu’à partir de 2006, nous avons concentré notre estimation de l’impact de la réforme fiscale sur la période 2006-2007.</p> <p>Selon notre analyse, il y a de fortes chances que l’effet combiné des différentes mesures de réduction de la pression fiscale des ménages sur la consommation des ménages fut positif. Nos estimations suggèrent en effet que ces mesures ont eu pour conséquence de relever de 2,8 points de pourcentage le taux de croissance de la consommation privée sur la totalité de la période 2006-2007. En montants absolus, ces résultats correspondent à une hausse de la consommation privée de 5,5 milliards d’€ sur la période 2006-2007. Nos estimations montrent également que l’essentiel de l’impact a lieu en 2006, soit l’année au cours de laquelle la pression fiscale a sensiblement baissé en Belgique&nbsp;; le taux de croissance de la consommation est en revanche très peu modifié en 2007. La réforme fiscale a donc eu un impact de très courte durée sur le niveau de la&nbsp;<em>croissance</em>&nbsp;économique.</p> <p>L’ampleur de l’impact mentionné ci-dessus doit être considérée avec une certaine réserve. Ayant été déterminé en simulant un modèle économétrique, il est inévitablement entouré d’une marge d’erreur. En considérant par exemple une marge d’erreur de 10&nbsp;%, nous montrons que l’effet estimé de la réforme fiscale est compris dans un intervalle de confiance dont la limite supérieure correspond à un relèvement induit de la consommation privée de 13,5 milliards d’€ sur la période 2006-2007 et dont la limite inférieure correspond à un&nbsp;<em>abaissement</em>&nbsp;induit de la consommation privée de 2,2 milliards d’€ sur la même période. Nous devons donc admettre que, d’un point de vue statistique, notre estimation de l’effet de la réforme fiscale est assez peu précis. Il se peut ainsi que, d’un côté, l’impact de la réforme fiscale ait été plus grand que le chiffre de 5,5 milliards d’€. D’un autre côté, on ne peut pas exclure la possibilité que la réforme fiscale a entraîné une diminution, plutôt qu’une hausse, de la consommation des ménages, même si cette éventualité est très peu probable d’après nos estimations statistiques. Comme implication de politique économique, nous en concluons qu’il est erroné de croire qu’une réforme fiscale en Belgique a&nbsp;<em>nécessairement</em>&nbsp;un impact favorable sur l’activité économique, ce qui est d’ailleurs conforme aux enseignements de la théorie économique sur le sujet.</p> <p>En marge des résultats concernant l’impact de la réforme fiscale, notre étude a montré que, à l’instar de ce qui a déjà été mis en évidence pour d’autres pays européens, les variations de l’emploi ont un impact plus important sur la consommation privée que les variations du salaire. Ce résultat suggère que, par rapport à un objectif de stimulation de la croissance économique, les politiques économiques visant à soutenir la création d’emplois sont probablement plus indiquées que celles visant à soutenir le pouvoir d’achat.</p> Vincent Bodart Thomas Lambert Philippe Ledent Vincent Scourneau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.10.01 Numéro 61 - juillet 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15633 <p>Depuis près d’un an maintenant, l’économie belge est secouée par des vents contraires. Malgré cela, elle a fait preuve jusqu’à présent d’une assez bonne résilience eu égard aux chocs encaissés. Ceci fut encore confirmé au premier trimestre de 2008. Gare cependant aux excès d’optimisme ! Les évolutions récentes de l’environnement économique mondial et des indicateurs prospectifs de l’économie belge attestent davantage qu’il y a trois mois la perspective d’un ralentissement de l’économie en 2008 et en première partie de 2009.</p> Vincent Bodart Jean-François Carpantier Anne Defourny Hélène Latzer Philippe Ledent Guy Legros Vincent Scourneau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.07.01 Numéro 60 - juin 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15643 <p>En 2011, le marché postal sera entièrement libéralisé. Le service universel sera-t-il maintenu&nbsp;? Comment sera-t-il financé&nbsp;? Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous abordons la question du financement du service universel postal dans un environnement concurrentiel.</p> <p>Dans le secteur postal, l’Etat impose de nombreuses obligations de service universel (SU). Celles-ci se définissent selon trois axes&nbsp;:</p> <p>1. le périmètre du SU&nbsp;: les produits concernés par le service universel sont le courrier de moins de 2kg et les colis de moins de 10 kg.</p> <p>2. la qualité du service&nbsp;: elle se mesure par différents paramètres&nbsp;: la fréquence des collectes, la fréquence de la distribution, l’accessibilité des points de collecte et de contact et les délais d’acheminement.</p> <p>3. les contraintes en termes de prix&nbsp;: les prix de certains produits sont régulés; certains produits sont soumis à l’obligation de tarif uniforme.</p> <p>Longtemps le secteur postal s’est organisé sous forme de monopoles nationaux. Dans ce cas, le service universel est autofinancé aux moyens de subsides croisés&nbsp;: les produits et les services rentables financent les pertes de ceux qui ne le sont pas (la distribution journalière dans les zones rurales par exemple). Avec l’ouverture du marché à la concurrence, ce mode du financement du service universel est menacé.</p> <p>Les nouveaux opérateurs postaux ne sont en effet pas tenus aux mêmes obligations et peuvent se concentrer uniquement sur les segments les plus rentables du marché. Ainsi en Suède, où le marché est libéralisé depuis 1993, le principal opérateur postal alternatif ne distribue que certains types de courrier (le courrier industriel envoyé en nombre et pré-trié par l’expéditeur) sur une partie du territoire (40&nbsp;% des adresses, dans les régions urbanisées principalement) et ce 2 à 3 jours par semaine. Pour le courrier égrené (la lettre) et pour la distribution de courrier dans les régions rurales, la poste suédoise reste en situation de quasi-monopole. Avec l’arrivée de concurrents sur certains segments du marché disparaît une partie des profits qui auparavant finançait le service universel. C’est le phénomène d’écrémage du marché&nbsp;: les concurrents ne servent que les segments les plus attractifs (la crème), laissant les segments les moins attractifs ou déficitaires à l’opérateur en charge du service universel qui ne peut pas les abandonner. Face à ce phénomène, la poste suédoise a augmenté le prix de la lettre tandis que le prix des produits pour lesquels il y a de la concurrence a diminué.</p> <p>Le financement du service universel dans un environnement concurrentiel doit donc être repensé. La Commission européenne a prévu plusieurs mécanismes de financement; les Etats Membres doivent maintenant choisir la solution la plus appropriée à leur marché. En Belgique, cette question revêt une importance cruciale. En effet, le marché semble particulièrement attractif pour les opérateurs concurrents en raison d’un volume élevé de courrier par habitant et de l’importance du courrier industriel. On peut donc s’attendre à une concurrence intense sur certains segments du marché et ce au bénéfice des consommateurs. Par ailleurs, les contraintes de service universel sont relativement importantes. Comme nous l’expliquons dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, la conjonction de ces deux facteurs peut s’avérer problématique. Sans doute plus que dans d’autres pays, le choix et la mise en place d’un mécanisme qui assurera le financement du service universel vont revêtir une importance capitale. Plusieurs options sont envisagées et feront l’objet de débats dans les mois et les années à venir. La re-définition des obligations de SU et notamment les contraintes en termes de prix et de tarification font partie intégrante de ce débat sur l’avenir du SU. Idéalement, le mécanisme mis en place doit assurer le financement du SU tout en ayant un impact limité sur le niveau de concurrence. Si ce n’est pas possible, il faudra faire un arbitrage entre ces deux dimensions, sous l’œil&nbsp;attentif de la Commission européenne qui sera particulièrement attentive à ce que les options choisies ne limitent pas (trop) la concurrence sur le marché.</p> Axel Gautier (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.06.01 Numéro 59 - mai 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15653 <p>"Yahoo refuse l'offre de rachat de Microsoft !" L'encre des gros titres commentant cette décision est à peine sèche que le géant de Redmond pourrait, selon la rumeur, jeter son dévolu sur Facebook, deuxième réseau social numérique sur base du nombre d'utilisateurs actifs. En octobre 2007, Microsoft avait d'ailleurs déjà pris une participation dans Facebook à hauteur d'un quart de milliard de dollars.</p> <p>Mais comment le géant du logiciel, à qui l'on doit des produits aussi peu festifs que Windows, ou la suite logicielle Office, en est-il arrivé à considérer sérieusement le rachat de ce qui ressemble à un innocent gadget d'étudiant, une déclinaison Internet du rituel "Yearbook" cher aux étudiants américains&nbsp;? Comment ces produits de loisirs purs, proposant gratuitement à leurs utilisateurs des services parfaitement inutiles tels que l'envoi d'un baiser virtuel à un "ami" ou la participation à un concours de "vampires" (?), peuvent-ils atteindre de telles valorisations boursières&nbsp;?</p> <p>Tout simplement parce qu'ils sont les stars du Web 2.0, ce terme désormais consacré par lequel on caractérise les sites où les utilisateurs peuvent interagir à la fois avec les contenus qui y sont déposés et entre eux. Le dernier numéro de&nbsp;<em>Regards Economiques&nbsp;</em>s'efforce de démonter la mécanique économique qui se cache derrière l'apparente gratuité qui est généralement concédée aux usagers. Car, si la gratuité d'usage se transforme en une valorisation financière significative, c'est forcément que cette gratuité a une contrepartie payante.</p> <p>Le déploiement du Web 2.0 démarre là où l'industrie culturelle traditionnelle marque le pas. La numérisation des produits de contenus tels que musique, son, vidéo et information écrite met en effet à mal le modèle d'affaire dans lequel les Majors vendaient CD, DVD et autres supports dont le contrôle est aujourd’hui rendu plus difficile par leur caractère immatériel. Les sites commerciaux du Web 2.0 tirent parti de cette évolution en exploitant la possibilité de diffuser une très large gamme de contenus, directement "uploadés" par les utilisateurs. Ils se positionnent en plate-forme d'échanges où les contenus sont partagés entre utilisateurs. Les exemples les plus frappants étant à coup sûr YouTube ou MySpace. La présence de contenus très nombreux et très diversifiés constituent un puissant attrait pour les utilisateurs potentiels, qui s'affilient en nombre et apportent à leur tour de nouveaux contenus. Cette spirale vertueuse génère une audience colossale qui constitue le premier pilier du modèle d'affaire du Web 2.0.</p> <p>Le second pilier est le fait que ces contenus très diversifiés auxquels je peux accéder, ces utilisateurs très hétérogènes avec lesquels je peux interagir ne sont vraiment intéressants que s'ils sont proposés en fonction des mes propres goûts, de mes centres d'intérêt. Il faut donc organiser, trier, l'information brute. Ce à quoi s'emploient les plates-formes web, Google et ses moteurs de recherche en tête. Chaque utilisateur a donc un intérêt direct à révéler ses caractéristiques propres pour réaliser des interactions fructueuses. Ce faisant, il "offre" à la plate-forme la possibilité de construire une gigantesque base de données d'utilisateurs.</p> <p>Il reste alors à la plate-forme à vendre l'accès à cette audience à des annonceurs publicitaires pour lesquels la capacité à toucher un large public, finement ciblé sur des goûts, des centres d'intérêt est particulièrement attrayante. La gratuité promise aux utilisateurs vise donc à assurer une forte participation et une révélation d'information maximale. Ce qui revient à assurer pour la base de données la plus grande valeur ajoutée possible, tant par la taille que par le ciblage des utilisateurs, et donc à s'assurer une disponibilité à payer maximale de la part des annonceurs. Google excelle évidemment dans ce domaine.</p> <p>Ce modèle d'affaire où le brassage de contenus organisé par des plates-formes web est instrumentalisé pour attirer des ressources publicitaires pose de nombreuses questions à l'autorité publique. D'une part parce que nombre de ces contenus, protégés par le droit d'auteur, circulent de manière illicite. Comment permettre le développement du Web 2.0 tout en assurant la rémunération légitime des titulaires de droit&nbsp;? D'autre part, parce que les mécanismes qui président au développement de ces plates-formes génèrent une tendance naturelle à la concentration. Les récentes offres de rachat émanant de Microsoft, Google et autres le confirment. Comment garantir un degré suffisant de concurrence dans cette industrie&nbsp;? Faut-il contenir l'expansion tentaculaire de Google dont l'ubiquité a de quoi inquiéter&nbsp;? Autant de questions ouvertes.</p> Xavier Wauthy (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.05.01 Numéro 58 - mars 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15663 <p>La problématique des créations d’emplois est au cœur des préoccupations des partenaires sociaux et des gouvernements, mais interpelle également les économistes. C’est la raison pour laquelle nous nous intéressons dans ce numéro de<em>&nbsp;Regards économiques</em>&nbsp;aux créations d’emplois qui sont intervenues au cours des dernières années, et plus particulièrement durant la dernière législature gouvernementale.</p> <p>Une analyse rapide de l’évolution de l’emploi entre 2003 et 2007 montre que les créations d’emplois furent relativement paresseuses entre 2003 et 2005, mais qu’elles se sont fortement accélérées au cours des deux années qui suivirent, qui est une période au cours de laquelle l’économie belge a bénéficié d’une forte accélération conjoncturelle, comme d’autres pays européens par ailleurs. L’existence d’une relation étroite entre le rythme de croissance de l’activité économique et celui de l’emploi n’a rien d’étonnant, cette relation étant largement documentée dans la littérature économique (théorique et appliquée). La croissance économique n’est bien évidemment pas l’unique variable qui détermine l’évolution de l’emploi. Le coût salarial est notamment un autre déterminant important, ce qui explique l’accent mis en Belgique depuis plusieurs années sur les politiques d’allègements de cotisations patronales et les efforts de modération salariale pour encourager la création d’emplois. Dans ce contexte, l’objectif de ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;est d’étudier de plus près le rôle de l’activité économique et des salaires dans la détermination de l’emploi en Belgique.</p> <p>Concernant l’impact de la croissance économique sur l’emploi, nos résultats sont sans équivoques&nbsp;: d’une part, un taux de croissance annuel de la croissance économique de près de 1&nbsp;% est nécessaire au maintien de l’emploi dans notre pays. D’autre part, un choc permanent sur l’activité économique a bel et bien un impact positif sur la croissance de l’emploi en Belgique, l’impact final sur l’emploi étant du même ordre de grandeur que le choc initial sur l’activité (en prenant en considération les effets de retour de l’emploi sur l’activité économique). Nous montrons également, en prenant la période 2003-2007 comme période de référence pour nos simulations, qu’en augmentant le rythme trimestriel de croissance de l’activité économique de 0,5&nbsp;% à 0,7&nbsp;% sur une période de 4 ans, toutes choses restant égales par ailleurs, les créations nettes d’emplois augmentent de plus de 50&nbsp;% au total sur l’ensemble de la période : de 62.000 pour un niveau de croissance trimestriel moyen de 0,5&nbsp;%, elles augmentent à 96.000 lorsque la croissance trimestrielle moyenne passe à 0,7&nbsp;%.</p> <p>Les effets de l’évolution du coût salarial sur les créations nettes d’emplois vont dans le sens contraire. Une accélération du coût salarial moyen par personne occupée a un effet négatif sur les créations d’emplois, même si celui-ci est de moindre ampleur que l’effet d’une accélération de l’activité. Il est important de préciser que faute de données suffisamment précises, il ne nous a pas été possible de différencier les effets des négociations salariales, des mesures gouvernementales visant les charges patronales ou du développement du travail à temps partiel sur l’évolution du coût salarial moyen par personne occupée. Ceci constitue certainement une limite importante à notre travail.</p> <p>Au début de la législature précédente, le gouvernement avait annoncé un objectif de créations de 200.000 emplois sur l’ensemble de la législature. Dans les faits, l’emploi a effectivement augmenté de 200.000 unités entre 2003 et 2007. Un objectif du même type vient d’être annoncé par le nouveau gouvernement de Yves Leterme. Un enseignement important de notre analyse est qu’une partie importante des créations d’emplois est déterminée par l’évolution de l’environnement économique général, indépendamment de toute action gouvernementale. Ceci a au moins deux implications du point de vue de l’évaluation de la politique économique. D’<em>une part</em>, la simple comparaison entre le nombre d’emplois effectivement créés au cours d’une législature et un objectif chiffré annoncé en début de législature ne permet nullement de juger de l’efficacité de l’action gouvernementale en matière de créations d’emplois s’il n’est pas tenu compte de l’évolution conjoncturelle durant la législature. D’<em>autre part</em>, un même objectif chiffré peut,&nbsp;<em>ex post</em>, s’avérer très ambitieux dans le cas d’une conjoncture défavorable mais être au contraire très facile à atteindre en cas de haute conjoncture. En ce qui concerne l’objectif de 200.000 emplois fixé par le gouvernement précédent, le chiffre paraissait ambitieux étant donné qu’un tel résultat sur 4 ans n’avait été atteint que deux fois depuis le début des années 80. Ex post, il s’avère cependant que si l’objectif a été atteint, c’est en partie grâce à la forte accélération conjoncturelle que l’économie belge a connue en 2006 suite à une amélioration de la conjoncture économique dans la zone euro.</p> Vincent Bodart Philippe Ledent Fatemeh Shadman (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.03.01 Numéro 57 - janvier 2008 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15673 <p>Dans notre étude conjoncturelle d’octobre 2007, nous évoquions une détérioration des perspectives économiques pour 2008 en raison de l’apparition de plusieurs facteurs de freinage au niveau belge et international. Depuis octobre, les conditions économiques se sont encore un peu détériorées, ce qui nous amène à revoir une nouvelle fois à la baisse notre prévision de croissance pour 2008 à 1,7 %. Les risques d'une croissance plus faible se sont par ailleurs nettement accrus.</p> Vincent Bodart Anne Defourny Hélène Latzer Philippe Ledent Guy Legros Vincent Scourneau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2008.01.01 Numéro 56 - novembre 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15683 <p>L'OCDE a récemment publié un rapport relatif à la situation des jeunes sur le marché du travail en Belgique. Le chômage élevé des jeunes est un phénomène persistant qui appelle un diagnostic et, sans doute, un renouvellement des politiques suivies jusqu'ici. L'OCDE présente un certain nombre de recommandations. Sans a priori idéologique vis-à-vis de cette organisation, que penser de ses recommandations ?</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.11.01 Numéro 55 - septembre 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15693 <p>Dans ce numéro de Regards économiques, nous étudions comment la qualité de l’éducation publique est affectée par la présence d’écoles privées fréquentées par les classes sociales supérieures. La nature du système politique qui décide du financement public est cruciale à cet égard. Un vaste secteur éducatif privé peut être bénéfique lorsque le système politique est sensible aux besoins des familles fréquentant les écoles publiques, mais s’avère désastreux dans les sociétés non-démocratiques.</p> David de la Croix Matthias Doepke (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.09.02 Numéro 54 - septembre 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15703 <p>L'intégration européenne engendre une mobilité asymétrique des étudiants, à l’image du cas emblématique de ces nombreux étudiants français inscrits dans l’enseignement supérieur paramédical en Communauté française. Cette mobilité ébranle le modèle actuel de financement public de l’enseignement supérieur en Communauté française et ailleurs en Europe.</p> <p>Si la présence de quelques étudiants en provenance de l’étranger est sans conséquences et comporte peu d’enjeux, leur afflux génère des stratégies protectionnistes, tels que des quotas. Compréhensibles du point de vue des responsables locaux, c’est-à-dire nationaux, régionaux ou communautaires, ces stratégies ne sont pas pour autant optimales. Elles peuvent conduire à une réduction de la mobilité intra-européenne et des bénéfices que l’on en attend. Ces réponses protectionnistes entravent aussi la constitution de pôles européens de l’enseignement supérieur, recrutant au-delà des frontières régionales et nationales. L'afflux d'étudiants étrangers chez nous suggère que l'ensemble Wallonie-Bruxelles dispose peut-être d’un&nbsp;<em>avantage comparatif</em>&nbsp;au niveau des industries de la connaissance, pouvant conduire à la création de nombreux emplois de qualité. Toute séduisante qu’elle soit, cette perspective reste totalement illusoire dans un système de quotas&nbsp;!</p> <p>Des alternatives aux quotas, plus efficaces et plus équitables, existent cependant. Elles n’impliquent ni le recours à un financement par l’impôt européen ni à une augmentation de la contribution privée au coût des études. Plus simplement, il s’agit de réorienter les budgets publics actuellement consacrés à l’enseignement supérieur&nbsp;: plutôt que de financer les&nbsp;<em>institutions</em>&nbsp;d’enseignement supérieur situées sur leur territoire, les pouvoirs publics devraient financer les frais d’études de&nbsp;<em>leurs ressortissants&nbsp;</em>via des&nbsp;<em>chèques-études</em>. Ces chèques pourraient être utilisés dans toute institution d’enseignement reconnue par la Communauté française située ou non sur son territoire. En dehors de son territoire, il pourrait s’agir d’institutions reconnues par les juridictions partenaires ou bénéficiant de labels internationaux bien établis. L’apparition de droits d’inscription proportionnels au coût réel des études serait automatiquement compensée par la réception d’un chèque d’un montant équivalent, émis par les pouvoirs publics. De façon symétrique les étudiants français, grecs, luxembourgeois… viendraient se former chez nous, mais aux frais de leurs ressources. Ils paieraient un prix en lien avec le coût réel des études et bénéficieraient éventuellement d’un chèque de leur gouvernement qui, en même temps qu’il les financerait, en tout ou en partie, signalerait la qualité de ces études en Belgique francophone.</p> Marcel Gérard Vincent Vandenberghe (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.09.01 Numéro 53 - juillet 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15713 <p>D’après les indicateurs conjoncturels récents, l’état actuel de l’économie belge demeure bien orienté. Les perspectives économiques pour les 18 prochains mois sont positives, avec une croissance que nous prévoyons à 2,8 % en 2007 et 2,5 % en 2008.</p> Vincent Bodart Anne Defourny Hélène Latzer Philippe Ledent Guy Legros Vincent Scourneau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.07.01 Numéro 52 - juin 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15723 <p>Après avoir été celui de la guerre, l’argent est devenu le nerf des négociations institutionnelles. En Belgique, il a été l’aiguillon des amendements successifs aux règles de partage des compétences et de financement apportés depuis l’adoption de la Loi spéciale de financement des entités fédérées en janvier 1989. La prochaine réforme institutionnelle, qui portera sur les thèmes de l’heure, tels l’organisation du marché du travail, l’arrondissement Bruxelles-Halle-Vilvorde et les normes de bruit, devra aussi revoir le financement de la Région de Bruxelles-Capitale, perçu aujourd’hui comme structurellement insuffisant. L’anticipation des difficultés budgétaires de la Région bruxelloise pourra être à la fois une raison pour accepter une nouvelle discussion institutionnelle et une source de compensations potentielles pour faciliter celle-ci. Derrière l’aridité du sujet et la modicité relative des sommes en jeu, les finances publiques bruxelloises sont donc de première importance dans le contexte politique actuel et donc pour&nbsp;<em>l’avenir du fédéralisme belge</em>.</p> <p>Le financement actuel de la Région de Bruxelles-Capitale peut être vu comme<em>insuffisant</em>&nbsp;en regard des besoins de la ville et de ses communes, notamment en matière d’intégration sociale, de formation, de rénovation urbaine et de transports en commun. Il peut aussi être vu comme insuffisant en regard des potentialités qu’un financement plus large permettrait d’exploiter pour tirer pleinement parti de la force d’attraction des villes dans un monde où la globalisation et le progrès technologique accentuent le rôle économique des villes. Octroyer plus de moyens à la Région bruxelloise servirait donc les causes sociale et environnementale et les intérêts financiers bien compris des autres Régions.</p> <p>Par ailleurs, les mécanismes de financement de la Région de Bruxelles-Capitale sont aussi parfois considérés comme<em>&nbsp;injustes</em>. En effet, la ventilation entre Régions de la part qui leur est attribuée des recettes de l’IPP se base sur le lieu de résidence et non sur le lieu de génération de la base taxable. Bruxelles souffre également de divers manques à gagner importants&nbsp;(immunisation en matière de taxe immobilière des bâtiments des institutions internationales, fédérales et communautaires et non-assujettissement des fonctionnaires internationaux actifs à Bruxelles). De plus, Bruxelles doit faire face à des surcoûts associés au statut de grande ville, de capitale et d'Etat-Région, très imparfaitement compensés par les mécanismes correctifs actuels. Dès lors, il semble légitime que le financement de Bruxelles et ses communes soit revu ou, à tout le moins, que les mécanismes correctifs soient significativement intensifiés.</p> <p>Toutefois, une révision en profondeur du mode de financement de la Région de Bruxelles-Capitale exigerait d’opérer un rééquilibrage dans les moyens de financement transférés aux Régions en faveur de Bruxelles. Outre la perte de moyens budgétaires pour les deux autres Régions, l’opposition à un meilleur financement de Bruxelles sera aussi politique puisque ce dernier accroîtrait structurellement l’autonomie de la troisième Région. Avec des finances étriquées, il est difficile pour Bruxelles de donner une image de Région bien gérée et de&nbsp;<em>résister à un donnant-donnant</em>, où des concessions politiques doivent être octroyées en échange de ballons d’oxygène budgétaires.</p> <p>En lieu et place d’un refinancement structurel au prix institutionnel potentiellement élevé, il faut envisager une alternative combinant une&nbsp;<em>amélioration des mécanismes particuliers actuels</em>&nbsp;de financement (accord Beliris, mainmorte, intervention de solidarité nationale, échevins flamands, politique des grandes villes) et une&nbsp;<em>meilleure gestion&nbsp;</em>de la Région, caractérisée notamment par des communes, une administration régionale et des institutions parapubliques à l’efficacité contestée. En matière de recettes, il faut également revoir les impôts régionaux et communaux pour en améliorer tant l’efficacité que l’équité (réduction des additionnels IPP, actualisation des revenus cadastraux, ajustement du précompte immobilier, portabilité des droits d'enregistrement, stimulants environnementaux, …).</p> <p>La Région de Bruxelles-Capitale est, dans une mesure significative,<em>&nbsp;maîtresse de sa propre destinée</em>. Même si elle reçoit des moyens structurellement inférieurs à ceux auxquels elle pourrait prétendre, la Région dispose de suffisamment de marge de manœuvre pour ne pas être condamnée à payer un refinancement structurel au prix d’une réforme institutionnelle qui entamerait l’autonomie de la troisième Région, ce qui desservirait non seulement ses habitants mais aussi rongerait la pierre angulaire du fédéralisme belge qu’est la Région de Bruxelles-Capitale.</p> Etienne de Callataÿ (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.06.01 Numéro 51 - mai 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15733 <p>La résistance aux réformes des retraites provient en partie d'une incompréhension des mécanismes économiques sousjacents à la problématique. Ces réformes touchent aux paramètres clés du système de retraite : taux de cotisation, montant des prestations et âge de départ à la retraite. Nous montrons qu’accroître le taux d’activité des travailleurs âgés n’aura pas d’effet négatif sur l’emploi des autres catégories de travailleurs. En outre, nous défendons l’idée qu’il est important de maintenir un revenu de remplacement décent et lié à l’évolution du coût de la vie et de garantir un minimum de subsistance à toute personne n’ayant pu contribuer suffisamment.</p> David de la Croix Pierre Pestieau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.05.01 Numéro 50 - avril 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15743 <p><em>Regards économiques</em>&nbsp;a aujourd’hui 5 ans et 50 numéros ! Le comité de rédaction de la&nbsp;revue a décidé de fêter l’évènement en rassemblant, pour ce 50ème numéro, 5 articles dans lesquels des économistes de l’UCL livrent leur réflexion par rapport à un certain nombre d’enjeux économiques qu’ils estiment importants pour les années à venir et qui, de ce fait, attendent le prochain gouvernement fédéral. Cette initiative s’inscrit tout à fait dans le projet de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, qui vise à impliquer davantage les économistes dans le&nbsp;débat public en posant leur regard sur des questions concrètes de politique économique et sociale.</p> <p>Les 5 articles rassemblés dans ce numéro “anniversaire” de&nbsp;Regards économiques&nbsp;constituent&nbsp;le fruit de cette réflexion. Le premier article, préparé par Vincent Bodart, s’intitule “<em>Une politique budgétaire ambitieuse pour affronter le choc démographique</em>”. Il plaide&nbsp;pour un renforcement significatif de la situation des finances publiques belges durant la prochaine législature. Il estime en effet qu’il est urgent, dans le but de pouvoir faire face au coût budgétaire du vieillissement, de relever le surplus primaire, lequel a fortement diminué sous le gouvernement sortant. Dans le deuxième article, Bruno Van der Linden se penche sur la “&nbsp;<em>Politique d’emploi : quelques enjeux fédéraux majeurs</em>”. Il montre, notamment,&nbsp;qu’il existe des alternatives à la régionalisation des politiques d’emploi, qui combinent mieux l’objectif d’assurer les travailleurs contre le risque de chômage et la nécessité de responsabiliser les régions. La troisième article, préparé par Marie-Catherine Vermer, Stéphane Nassaut et Marthe Nyssens, s’intitule “<em>Le titre-service, un état de la situatio</em><em>n</em>”.&nbsp;Alors que les titres-services semblent être un “succès” en termes de création d’emplois et de réduction du travail au noir, les auteurs interpellent les pouvoirs publics sur des enjeux importants comme ceux de l’évaluation du coût budgétaire net du système titre-service, de la pérennité financière et de la qualité des emplois créés. Le quatrième article, préparé par Thierry Bréchet, s’intéresse aux questions environnementales. Dans “<em>L’environnement</em>&nbsp;dans tous ses états”, l’auteur montre, d’après une analyse de différents indicateurs environnementaux,&nbsp;que la situation en Belgique est contrastée : alors que certains indicateurs sont au vert, d’autres sont au rouge. Jusqu’où alors poursuivre les évolutions positives et comment s’attaquer aux tendances négatives ? Enfin, dans le dernier article, qui porte sur le “<em>Fédéralisme belge : la chimère des transferts et la fragmentation de la nation</em>”, Jean&nbsp;Hindriks développe une série de raisons pour ne pas régionaliser trop vite davantage de compétences, en&nbsp;relativisant notamment le poids démesuré accordé aux transferts Nord-Sud dans le débat politique&nbsp;en Belgique.</p> <p>Nous sommes bien conscients que d’autres enjeux économiques que ceux abordés dans les articles qui viennent d’être présentés attendent le prochain gouvernement. Notre souci n’était pas d’être exhaustif ! Outre la difficulté de la tâche, notre ambition était plutôt d’apporter un point de vue sur des questions en lien avec nos préoccupations de recherche.</p> <p>Qu’il soit bien clair pour le lecteur que la démarche qui anime la réflexion des différents auteurs est de nature uniquement académique, sans prise de position partisane en faveur d’un programme politique en particulier. Nous pensons que les problématiques discutées ici devraient interpeller tous les décideurs politiques, quelle que soit leur couleur. Les points de vue présentés dans chacune des contributions n’engage toutefois que leurs auteurs.</p> Vincent Bodart Thierry Bréchet Jean Hindriks Stéphane Nassaut Marthe Nyssens Bruno Van der Linden Marie-Catherine Vermer (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.04.01 Numéro 49 - janvier 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15753 <p>La mise en place du nouveau&nbsp;<em>plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs&nbsp;</em>en juillet 2004 fut l’objet de controverse. Ce plan a été abondamment débattu lors de son introduction par le ministre Vandenbroucke. Les syndicats considèrent qu’il introduit une "chasse aux chômeurs" dans un contexte où les emplois vacants sont trop peu nombreux. L'opposition au programme a surtout été vigoureuse en Wallonie et à Bruxelles, des régions où le taux de chômage est le double de celui de la Flandre. A l'opposé, les organisations patronales considèrent que ce plan est un ingrédient essentiel de toute politique de réduction du chômage. Ils observent que leurs postes vacants ne sont pas pourvus en dépit de taux de chômage importants. Ils affirment dès lors que certains chômeurs ne désirent pas occuper un emploi et que donc une forme de contrainte est nécessaire. Nous avons voulu examiner cette problématique de manière objective afin que le débat puisse s'appuyer sur un argumentaire solide.</p> <p>Dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous présentons les résultats d’une recherche que nous avons menée afin d’évaluer l’impact du nouveau plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs, dans sa phase de lancement, sur l’insertion en emploi de chômeurs indemnisés âgés de 25 à 29 ans.</p> <h2>Quels sont les ingrédients principaux du plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs&nbsp;?</h2> <p>Le plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs a introduit des changements simultanés majeurs dans le cadre du système d’assurance-chômage et de l’accompagnement des chômeurs en Belgique. Ils sont de trois types&nbsp;:</p> <ul> <li>Avant la réforme de 2004, l'article 80 de la réglementation de l'assurance-chômage imposait, sous certaines conditions, une fin de droit à l’indemnité aux chômeurs cohabitants de longue durée. Le gouvernement fédéral a choisi de remplacer cet article par un nouveau système plus équitable qui puisse en même temps assurer la viabilité d’un système d’assurance-chômage à durée illimitée. L’ONEM est autorisé non seulement à contrôler la disponibilité des chômeurs indemnisés à l’égard du marché du travail, mais aussi à contrôler lui-même l’intensité de l’effort de recherche d’emploi. Il s’agit de<em>&nbsp;la procédure d’Activation du Comportement de Recherche d’emploi</em>&nbsp;(ACR) qui consiste en des entretiens individuels périodiques durant lesquels un facilitateur évalue les activités de recherche d’emploi des chômeurs indemnisés. Un élément essentiel de cette procédure est l’envoi d’une lettre d’avertissement environ 8 mois avant le 1<sup>er</sup>&nbsp;entretien en vue d’informer le chômeur indemnisé de ses obligations et de la procédure d’ACR.</li> <li>Le contrôle de la disponibilité des chômeurs indemnisés à l’égard du marché du travail a été accentué à travers un échange de données (relatives aux refus d’emploi, de participation à des politiques régionales, etc.) beaucoup plus systématique entre les services publics de l’emploi (VDAB, FOREM, ORBEM) et l’ONEM.</li> <li>Les services publics de l’emploi ont renforcé l’accompagnement de tous les chômeurs (de courte et de longue durée) par une série de politiques actives : entretiens individuels de diagnostic, parcours d’insertion, aides à la recherche d’emploi, formations, etc.</li> </ul> <h2>Quel est l’objet de notre étude&nbsp;?</h2> <p>Puisqu’un certain recul est indispensable à l’évaluation, nous avons évalué les effets du plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs dans sa phase de lancement et, dès lors, pour le public qui le premier est entré la procédure d’activation du comportement de recherche d’emploi : les Chômeurs Complets Indemnisés inscrits obligatoirement comme Demandeurs d’Emploi (CCI-DE), qui sont âgés de 25 à 29 ans et qui ont reçu la lettre d’avertissement de l’ONEM entre juillet et octobre 2004 car ils viennent d’atteindre leur 13<sup>ème</sup>&nbsp;mois de chômage (qui est la durée seuil de chômage à laquelle l’ONEM avertit les chômeurs indemnisés de la procédure d’ACR).</p> <p>Nous avons évalué les effets du plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs sur la reprise d’emploi de ces chômeurs. Pour cela, nous comparons le taux de sortie du chômage vers l’emploi</p> <ul> <li>de CCI-DE âgés entre 25 et 29 ans (notre «groupe cible» décrit ci-dessus) et</li> <li>de chômeurs&nbsp;<em>semblables</em>&nbsp;mais qui n’ont pas été avertis en raison d’un âge légèrement supérieur à 30 ans (notre «groupe de contrôle»).</li> </ul> <p>La méthode d’évaluation que nous exploitons dans cette étude ne permet pas d’évaluer les effets du plan au-delà de 10 mois après l’avertissement. En effet, les chômeurs d’un âge légèrement supérieur à 30 ans sont concernés par la procédure d’ACR dès le 1<sup>er&nbsp;</sup>juillet 2005 et sont donc susceptibles de recevoir eux aussi un avertissement de l’ONEM à partir de cette date.</p> <p>Hormis en fin de période d’analyse, les jeunes de moins de 30 ans n’ont pas&nbsp;<em>encore</em>&nbsp;participé au premier entretien à l’ONEM.<em>&nbsp;La lettre d’avertissement est donc la seule composante de la procédure d’ACR dont nous pouvons évaluer les effets</em>. Seul le FOREM a choisi d’offrir un accompagnement spécifique aux chômeurs avertis par l’ONEM. Pour la Région wallonne, nous évaluons alors l’effet combiné de la lettre d’avertissement et d’actions d’accompagnement. Le fait qu’on ne puisse pas évaluer l’effet de mesures d’accompagnement à l’ORBEM ou au VDAB ne signifie pas que ces deux services de l’emploi n’offrent aucun accompagnement pour les jeunes chômeurs. Cette impossibilité découle simplement du fait qu’une offre d’accompagnement&nbsp;<em>spécifique</em>&nbsp;n’a&nbsp;<em>pas</em>&nbsp;été mise en place pour les chômeurs de moins de 30 ans&nbsp;<em>avertis par l’ONEM</em>.</p> <p>La littérature internationale montre que l’envoi d’une lettre d’avertissement fait partie intégrante des politiques d’accompagnement et de suivi des chômeurs, et que des changements, parfois importants, de comportement en matière de recherche d’emploi peuvent découler de l’annonce d’un programme obligatoire du type de l’ACR belge. Ce programme pourrait donc accélérer l’insertion en emploi dès le moment où le chômeur est averti de la nouvelle procédure de suivi.&nbsp;<em>Le faible nombre de chômeurs ayant participé à un entretien durant notre période d’analyse ne signifie donc pas que notre évaluation porte sur une partie secondaire du nouveau dispositif instauré en Belgique</em>.</p> <h2>Quels sont les résultats principaux qui se dégagent de notre étude&nbsp;?</h2> <p><em>1.En Flandre et en Wallonie, le plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs a un effet positif clair sur la sortie du chômage vers l’emploi pour certains groupes seulement. Il s’agit</em>:</p> <ul> <li><em>des chômeurs très éduqués</em>. Ainsi un CCI-DE de moins de 30 ans qui est<em>&nbsp;diplômé de l’enseignement supérieur</em>&nbsp;et qui réside en Wallonie (resp. Flandre) avait-il 40 % (resp. 43 %) de chances d’avoir trouvé un emploi cinq mois après l’avertissement de l’ONEM; en l’absence du plan cette probabilité n’aurait été que de 29 % (resp. 32 %). L’augmentation relative de la probabilité d’emploi est donc substantielle : au bout de cinq mois, le plan d’accompagnement et de suivi a permis de relever la probabilité d’emploi de 38 % (resp. 35 %).</li> </ul> <p><em>et en Wallonie seulement</em>,</p> <ul> <li>des chômeurs qui ont connu une expérience récente d’emploi</li> <li>des chômeurs qui résident dans une sous-région où le chômage est plus faible</li> <li>des femmes</li> </ul> <p>Pour les autres groupes de chômeurs (peu diplômés, n’ayant pas connu d’expérience de travail récente, résidant dans des sous-régions où le chômage est élevé, hommes), les effets du PAS sont<em>&nbsp;faibles et souvent proches de zéro</em>.</p> <p>2. Par le supplément de démarches de recherche d’emploi, le risque de sanction, etc. associés à l’ARC,&nbsp;<em>les entretiens d’évaluation annoncés dans la lettre d’avertissement sont donc perçus comme contraignants par le chômeur indemnisé et l’incitent à intensifier sa recherche d’emploi ou à modifier son attitude face aux offres d’emploi avant la survenance du 1<sup>er</sup>&nbsp;entretien</em>. Toutefois, l’accentuation de l’effort de recherche induite par la lettre ne s’avère clairement efficace que pour certains groupes, en particulier ceux dont le profil est plus favorable à l’embauche.</p> <p>3.&nbsp;<em>En Wallonie, l’effet mesuré combine celui de la lettre et d’actions spécifiques d’accompagnement du FOREM</em>. Alors qu’il est généralement plus difficile de trouver un emploi en Région wallonne, la similitude de l’effet du plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs en Wallonie et en Flandre s’explique sans doute par ce soutien spécifique du FOREM.</p> <p>4.&nbsp;<em>Le PAS a notamment pour effet de stimuler la sortie du chômage vers des emplois à temps partiel faiblement rémunérés en Flandre, où il n’y a pas eu d’accompagnement individualisé spécifique à la réception de l’avertissement</em>. Un tel phénomène n’est pas observé pour les chômeurs wallons qui ont bénéficié d’un tel accompagnement. La menace de contrôle et de sanctions,&nbsp;<em>sans accompagnement spécifique du service public de l’emploi, pourrait</em>&nbsp;ainsi inciter des chômeurs à abaisser leurs exigences à l’embauche.</p> <p>5. Contrairement aux deux autres Régions,&nbsp;<em>le PAS n’a pas pour effet de stimuler la reprise d’emploi des jeunes chômeurs indemnisés résidant à Bruxelles</em>.</p> <h2>Quelles sont nos recommandations d’actions à prendre pour rendre plus efficace le suivi et l’accompagnement des chômeurs en Belgique&nbsp;?</h2> <p>Soulignons d’abord que, pour nous, un contrôle du comportement des chômeurs indemnisés n’est pas une mesure à préconiser pour elle-même mais pour rendre le système d’assurance-chômage plus juste et efficace (cf. ci-dessous). Par ailleurs, un système de contrôle ne peut favoriser l’insertion en emploi que s’il s’accompagne d’autres actions régionales (aides à la recherche d’emploi, formations, etc.) ou fédérales (stimulation de l’offre d’emplois via des réductions ciblées du coût de travail, etc.).</p> <h3>1.&nbsp;&nbsp; Un système de contrôle du comportement des chômeurs indemnisés&nbsp;permet de rendre le système d’assurance-chômage plus juste et efficace</h3> <p>La durée d’indemnisation dépend de nombreux facteurs sur lesquels un chômeur particulier n’a guère d’emprise. Mais,&nbsp;<em>cette durée dépend aussi de ses choix en matière d’effort de recherche d’emploi et d’acceptation d’offres d’emploi</em>. En effectuant ces choix, le chômeur n’a pas de raison de prendre en compte le coût des indemnités pour la collectivité. Aussi son effort de recherche est-il spontanément inférieur au niveau désirable du point de vue collectif. De même, ses exigences face aux offres sont-elles spontanément trop élevées. Il est donc souhaitable d’exercer un contrôle du comportement des chômeurs. En agissant de la sorte, on incite les chômeurs, qui sont capables de trouver un emploi par leurs propres moyens, à quitter le chômage plus rapidement. Ainsi, on libère des ressources financières pour renforcer la protection sociale de ceux qui n’ont pas cette capacité. Autrement dit,&nbsp;<em>le contrôle des chômeurs ne trouve son sens qu’au service d’une meilleure protection sociale du chômeur</em>. Nous énonçons ci-dessous des conditions nécessaires pour qu’il en soit ainsi.</p> <h3>2.&nbsp;&nbsp; Le contrôle doit porter sur des actions vérifiables, comme les refus d’emploi convenable</h3> <p>Selon nous, il faut&nbsp;<em>supprimer la vérification de preuves écrites de démarches de recherche d’emploi dans la procédure d’ACR de l’ONEM</em>. L’évaluation de dispositifs similaires dans d’autres pays nous enseigne que des entretiens brefs et axés de facto sur le contrôle administratif d’indicateurs de démarches&nbsp;<em>vérifiables</em>&nbsp;de recherche d’emploi se révèlent généralement peu efficaces à réinsérer les chômeurs dans l’emploi. Ces indicateurs (candidatures écrites à des offres d’emplois, etc.) n’informent en effet qu’incomplètement de l’activité de recherche. Le risque d’erreur de jugement par le facilitateur est en outre notable. L’incitation à collationner des preuves de démarches formelles peut enfin détourner les demandeurs d’emploi de canaux de recherche informels (recours à des relations, etc.), le cas échéant plus efficaces en termes de remise à l’emploi. Le contrôle effectué par les facilitateurs de l’ONEM devrait donc plutôt se concentrer sur des actions vérifiables, comme le refus d’une offre d’emploi&nbsp;<em>convenable</em>.</p> <h3>3.&nbsp;&nbsp; Pour que le contrôle du refus d’offres d’emploi convenable soit un instrument efficace d’activation du comportement de recherche, plusieurs conditions doivent être remplies&nbsp;:</h3> <ol> <li> <ol> <li>une définition<em>&nbsp;précise</em>&nbsp;de la notion d’emploi convenable, c’est-à-dire l’emploi que le chômeur ne peut pas refuser. Le sens de la notion d’emploi convenable est explicité dans la législation du chômage. Il n’est pas possible de la codifier en prenant en compte tous les cas de figure possibles. Il n’empêche qu’une définition aussi précise que possible s’impose sous peine d’arbitraire et/ou de procédures juridiques longues et coûteuses;</li> <li>une transmission&nbsp;<em>régulière</em>&nbsp;et<em>&nbsp;individualisée</em>&nbsp;d’offres d’emploi par les services publics de l’emploi régionaux&nbsp;(dès l’inscription comme demandeur d’emploi);</li> <li>une transmission&nbsp;<em>efficace</em>&nbsp;des données relatives aux comportements d’acceptation et de refus d’emploi par les services publics de l’emploi régionaux à destination de l’ONEM;</li> <li><em>informer</em>&nbsp;le chômeur, dès le début de sa période d’indemnisation, des règles. Comme le montre cette étude, un avertissement peut en effet avoir un impact positif sur les sorties du chômage vers l’emploi si le système de contrôle est crédible.</li> </ol> </li> </ol> <h3>4.&nbsp;&nbsp; Un système de contrôle ne peut se concevoir qu’après une certaine durée d’indemnisation et que pour les chômeurs jugés autonomes dans leur recherche d’emploi</h3> <p>Le contrôle du refus d’offres d’emploi convenable ne devrait intervenir qu’après&nbsp;<em>un entretien individuel d’orientation</em>&nbsp;avec un conseiller du service public de l’emploi régional.<em>&nbsp;Il faut toutefois éviter d’intervenir trop tôt dans l’épisode de chômage – avant 6 mois de chômage - car on risque alors de gaspiller des ressources collectives en ne laissant pas le temps à ceux qui le peuvent de sortir seuls du chômage</em>. Selon le profil et les besoins du chômeur, l’entretien individuel pourrait déboucher soit sur une recommandation de recherche d’emploi autonome, soit sur la participation à programme d’accompagnement spécifique. La procédure de contrôle ne s’appliquerait qu’aux chômeurs indemnisés jugés autonomes dans leur recherche d’emploi. Les autres deviendraient concernés par la procédure de contrôle au terme de leur programme d’accompagnement.</p> Bart Cockx Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.01.02 Numéro 48 - janvier 2007 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15773 <p>Après les cas de Renault Vilvorde en 1997 et Ford Genk en 2003, la Belgique est à nouveau secouée par une annonce de licenciements collectifs dans le secteur automobile. La décision de licencier envi­ron 4.000 travailleurs de Volkswagen Forest a suscité une vive réaction au sein de la classe politique. A l’opposé, les marchés financiers ont salué positivement le plan de restructuration de l’entreprise allemande. S’agit-il de licenciements boursiers&nbsp;? Dans ce numéro de Regards économiques, notre objectif est d’essayer de comprendre les logiques en présence.</p> <p>Après un bref rappel des événements qui ont conditionné l’évolution du titre Volkswagen en 2006, nous nous interrogeons sur la lecture à adopter devant la décision de licenciement prise par le groupe.</p> <p>Nous remettons tout d’abord en cause l’expression «licenciements boursiers» fort médiatisée en France après l’affaire Michelin en 1999 et qui suppose une logique financière opposée à la logique économique. Il importe en effet de bien comprendre que le raisonnement économique qui permet de justifier la réaction positive ou négative des investisseurs à l’annonce de licenciements est celui qui prévaut pour toute décision d’investissement ou de désinvestissement. Il s’agit avant tout de détermi­ner si ces licenciements sont associés à des flux financiers futurs positifs ou, en d’autres termes peut-être choquants, s’ils sont des investissements à Valeur Actuelle Nette -VAN- positive, et donc créa­teurs de valeur.</p> <p>Si, d’après les études récentes, de manière générale, c’est-à-dire en moyenne, les annonces de licen­ciements ont un effet<em>&nbsp;négatif</em>&nbsp;sur la valeur de marché (donc le cours boursier pour les entreprises cotées en bourse) des entreprises qui licencient (remettant en cause l’idée de licenciements boursiers), cela n’exclut nullement bien entendu l’existence d’observations qui vont dans le sens opposé comme ici pour VW. Mais rien ne permet pour autant de parler de licenciements boursiers car il convient d’examiner de plus près la situation de l’entreprise. Cet examen révèle qu’il serait mal venu de quali­fier de ‘boursiers’ les licenciements annoncés par VW, qui peine à rétablir la santé qui était la sienne il y a cinq ans.</p> <p>Après avoir expliqué une autre idée reçue (ou véhiculée) qui associe licenciements et opérations de fusions et d’acquisitions, nous passons en revue les principaux facteurs économiques et politiques qui ont modifié l’environnement des constructeurs automobiles européens&nbsp;: ouverture de grands pays au potentiel considérable, intégration européenne rapide de nouveaux membres, déplacement de la demande, critères sociaux minima insuffisamment harmonisés, concurrence accrue, nécessité d’adaptation de nos économies.</p> <p>En conclusion, nous plaidons pour une attitude politique courageuse et constructive, capable d’accompagner au mieux le mouvement et de donner des impulsions novatrices de développement, en tenant un langage clair sur les causes et les conséquences des mutations économiques que nous traversons.</p> Nihat Aktas Eric de Bodt Giorgio A. Tesolin (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2007.01.01 Numéro 47 - décembre 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15793 <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques&nbsp;</em>soutient que la législation de la protection de l’emploi en France obère les performances économiques tout en contribuant au développement des inégalités sociales. Ce pays se caractérise par des niveaux de protection de l'emploi très différents selon les types de contrats (Contrat à Durée Déterminée -CDD- et Contrat à Durée Indéterminée -CDI). En résulte une segmentation forte du marché du travail entre travailleurs «bien» protégés et «mal» protégés, sans que l'effet net sur l'emploi soit favorable. La solution envisagée par le gouvernement français d’introduire de nouveaux contrats de travail, le Contrat Nouvelles Embauches et le Contrat Première Embauche, ne vont pas dans le bon sens. Une réforme plus ambitieuse, construite autour d’un contrat de travail unique à droits progressifs, permettrait par contre de gommer certaines déficiences actuelles. Une réforme de ce type mériterait certainement d’être réfléchie en Belgique, où il existe de nettes différences de protection de l’emploi entre catégories de travailleurs (ouvriers et employés) et de contrats (CDD et CDI).</p> <p>Aux yeux de nombreux économistes, une législation contraignant fortement les décisions des entreprises en matière d’embauche et de licenciement constitue une explication potentiellement importante aux dysfonctionnements du marché du travail. L’appareil réglementaire français n’est, par exemple, pas en mesure de remplir correctement le rôle de protection des individus auquel il est destiné. Un clivage des situations sur le marché du travail se dessine depuis plusieurs années, certaines populations se voyant nettement protégées, d’autres étant exposées continuellement aux aléas conjoncturels. En outre, la détérioration de la situation des populations les plus fragiles réduit leur incitation à participer au marché du travail, ce qui contribue à la dégradation des performances économiques. Malgré des législations de la protection de l’emploi (LPE) quelque peu différentes, les systèmes français et belge sont caractérisés par des degrés de protection de l’emploi globalement élevés et subissent des dysfonctionnements de leurs marchés du travail analogues (cf. OCDE, 2004). Aussi, bien que notre analyse soit centrée sur la France, les réflexions avancées dans cette étude ont une portée générale et ont vocation à contribuer aux débats afférents à la nécessité et à la manière de réformer la LPE de pays caractérisés par un degré de protection de l’emploi élevé et des performances du marché du travail médiocres.</p> <p>En août 2005, le gouvernement français a cherché à répondre à la nécessité de réformer la LPE en introduisant le<em>&nbsp;Contrat Nouvelles Embauches&nbsp;</em>(CNE). Ce contrat, réservé aux petites entreprises, est régi par une réglementation à maints égards plus souple que les contrats de travail existants. Avec le&nbsp;<em>Contrat Première Embauche&nbsp;</em>(CPE), le gouvernement a cherché à étendre le CNE aux entreprises de plus de 20 salariés pour les jeunes de moins de 26 ans. Toutefois, cet accroissement de la flexibilité du marché du travail a suscité la crainte d’une détérioration des conditions de vie de la frange de la population concernée. Confronté aux importantes manifestations du mois de mars 2006, le gouvernement a alors dû renoncer à une mesure qui avait dans son esprit fait ses preuves en termes de création d’emplois. Selon le gouvernement, les 440.000 CNE signés entre août 2005 et mars 2006 (DARES, 2006), soit une embauche sur dix réalisée par les petites entreprises, témoignaient de l’efficacité de ce type de réforme. La présente étude montre pourtant que ces mesures ne constituent pas des moyens efficaces pour développer l’emploi et pour favoriser la justice sociale. Les mesures proposées semblent en effet trop timorées pour avoir des effets durables sur l’emploi. D’une part, les créations nettes d’emplois sont nettement plus faibles que le nombre de nouveaux contrats signés car une certaine substitution entre les nouveaux contrats et les contrats existants est inévitable. D’autre part, les nouveaux contrats ayant une durée limitée à deux ans, les entreprises seront incitées à les détruire avant de retomber dans le régime globalement plus protecteur des contrats actuels. En outre, ces réformes risquent d’accentuer la précarité ambiante des populations les plus fragiles. Les mécanismes sous-jacents étant présentés, notre analyse esquisse les modalités d’une réforme de la LPE alternative au CNE et faisant l’objet d’un relatif consensus (du moins dans ses grandes lignes) parmi les économistes&nbsp;:&nbsp;<em>le Contrat Unique à droits Progressifs&nbsp;</em>(CUP). Cette solution met en avant la nécessité d’accomplir un remaniement profond du système actuel, en particulier en cassant la dualité de protection engendrée par la coexistence de contrats dont le système de protection est différent.</p> Alexis Parmentier (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.12.01 Numéro 46 - novembre 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15803 <p>Selon les résultats d’une étude présentée il y a plusieurs mois par le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (CRIOC) et l’Observatoire du crédit et de l’endettement (OCE), le pouvoir d’achat des fonctionnaires a, au cours des dix dernières années, diminué de 2,28&nbsp;%, celui des salariés de 2,08&nbsp;% et celui des ménages défavorisés comptant deux adultes et deux enfants de 3,2&nbsp;%. Durant cette même décennie, les prix ont progressé de 19&nbsp;%. «La plupart des biens alimentaires et de consommation courante ont connu une augmentation de prix supérieure à la moyenne», indiquent le CRIOC et l’Observatoire. Par exemple, le prix des pommes de terre a augmenté de 76&nbsp;%, celui du poisson de 29&nbsp;%, les fruits frais de 26&nbsp;%, le pain de 24&nbsp;% et la viande de 19&nbsp;%. Entre 1995 et 2005, pour un chef de ménage bénéficiant d’une allocation de chômage, le prix du mazout a augmenté huit fois plus vite que son revenu. Selon le CRIOC et l’OCE, depuis plusieurs années, la liaison des salaires à l’index (l’indice des prix à la consommation) ne serait plus un rempart contre la flambée des prix. La principale conclusion de l’étude est que l’inflation au cours des dernières années a provoqué des pertes de pouvoir d’achat, lesquelles ont été les plus fortes pour les individus ou les ménages avec peu de revenu.</p> <p>En Belgique, comme dans de nombreux pays, l’indice général des prix à la consommation est l’outil «officiel» qui sert à mesurer l’évolution du coût de la vie. Une critique souvent adressée à l’encontre de ce type d’indice, qui est en fait celle du CRIOC et l’OCE, est de considérer que cet indice ne rend pas compte correctement de l’évolution du coût de la vie supporté réellement par chaque individu ou chaque ménage, dans la mesure où cet indice est calculé pour un ménage représentatif. Ainsi, comme le suggèrent le CRIOC et l’OCE, il créerait notamment un biais dans la mesure de l’inflation des plus pauvres par rapport à celle des plus riches. De fait, l’indice général des prix à la consommation est construit de façon telle qu’il reflète davantage l’évolution du coût de la vie des plus riches que celle des plus pauvres. C’est pourquoi, dans la littérature économique, on qualifie cet indice de «plutocratique».</p> <p>Dans les numéros 45 et 46 de<em>&nbsp;Regards Economiques</em>, nous montrons toutefois que la critique qui vient d’être mentionnée se révèle, dans les faits, excessive.</p> <p>Nous&nbsp;montrons dans<em>&nbsp;Regards économiques</em>&nbsp;46 que l’évolution du coût de la vie a été relativement similaire pour les différentes classes de revenu sur la période 1998-2005, et ceci alors que l’on observe effectivement des différences sensibles dans la composition de la consommation en fonction du niveau de revenu. Durant cette période, le coût de la vie, mesuré par l’indice général des prix, a ainsi augmenté de 14,6&nbsp;% pour les ménages à faible revenu et il a augmenté de 13,8&nbsp;% pour les ménages à plus haut revenu. L’indexation des salaires sur un indice&nbsp;<em>général</em>&nbsp;des prix à la consommation n’aurait donc pas été préjudiciable au maintien du pouvoir d’achat des ménages à faible revenu. Ce résultat, qui est en profond désaccord avec l’étude publiée à grand bruit par le CRIOC, s’explique de la façon suivante. D’une part, il est dû au fait que le prix de nombreux produits, qui représentent une proportion importante des biens et services achetés par les ménages, augmente à des rythmes de croissance assez proches. A titre d’exemple, de 2004 à 2005, le prix de la moitié des 78 produits retenus pour notre analyse a augmenté à un taux compris entre 1&nbsp;% et 3&nbsp;%. D’autre part, il s’explique par des «effets de compensation»: par exemple, en 2005, les faibles revenus ont surtout souffert de l’impact de la hausse des charges d’habitation (loyers, chauffage, ..) tandis que les hauts revenus ont souffert de la hausse du prix des biens culturels et de loisirs.</p> Vincent Bodart Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.11.02 Numéro 45 - novembre 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15813 <p>Selon les résultats d’une étude présentée il y a plusieurs mois par le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (CRIOC) et l’Observatoire du crédit et de l’endettement (OCE), le pouvoir d’achat des fonctionnaires a, au cours des dix dernières années, diminué de 2,28&nbsp;%, celui des salariés de 2,08&nbsp;% et celui des ménages défavorisés comptant deux adultes et deux enfants de 3,2&nbsp;%. Durant cette même décennie, les prix ont progressé de 19&nbsp;%. «La plupart des biens alimentaires et de consommation courante ont connu une augmentation de prix supérieure à la moyenne», indiquent le CRIOC et l’Observatoire. Par exemple, le prix des pommes de terre a augmenté de 76&nbsp;%, celui du poisson de 29&nbsp;%, les fruits frais de 26&nbsp;%, le pain de 24&nbsp;% et la viande de 19&nbsp;%. Entre 1995 et 2005, pour un chef de ménage bénéficiant d’une allocation de chômage, le prix du mazout a augmenté huit fois plus vite que son revenu. Selon le CRIOC et l’OCE, depuis plusieurs années, la liaison des salaires à l’index (l’indice des prix à la consommation) ne serait plus un rempart contre la flambée des prix. La principale conclusion de l’étude est que l’inflation au cours des dernières années a provoqué des pertes de pouvoir d’achat, lesquelles ont été les plus fortes pour les individus ou les ménages avec peu de revenu.</p> <p>En Belgique, comme dans de nombreux pays, l’indice général des prix à la consommation est l’outil «officiel» qui sert à mesurer l’évolution du coût de la vie. Une critique souvent adressée à l’encontre de ce type d’indice, qui est en fait celle du CRIOC et l’OCE, est de considérer que cet indice ne rend pas compte correctement de l’évolution du coût de la vie supporté réellement par chaque individu ou chaque ménage, dans la mesure où cet indice est calculé pour un ménage représentatif. Ainsi, comme le suggèrent le CRIOC et l’OCE, il créerait notamment un biais dans la mesure de l’inflation des plus pauvres par rapport à celle des plus riches. De fait, l’indice général des prix à la consommation est construit de façon telle qu’il reflète davantage l’évolution du coût de la vie des plus riches que celle des plus pauvres. C’est pourquoi, dans la littérature économique, on qualifie cet indice de «plutocratique».</p> <p>Dans les numéros 45 et 46 de&nbsp;<em>Regards Economiques</em>, nous montrons toutefois que la critique qui vient d’être mentionnée se révèle, dans les faits, excessive.</p> <p>Nous montrons dans&nbsp;<em>Regards économiques&nbsp;</em>46 que l’évolution du coût de la vie a été relativement similaire pour les différentes classes de revenu sur la période 1998-2005, et ceci alors que l’on observe effectivement des différences sensibles dans la composition de la consommation en fonction du niveau de revenu. Durant cette période, le coût de la vie, mesuré par l’indice&nbsp;<em>général</em>&nbsp;des prix, a ainsi augmenté de 14,6&nbsp;% pour les ménages à faible revenu et il a augmenté de 13,8&nbsp;% pour les ménages à plus haut revenu. L’indexation des salaires sur un indice général des prix à la consommation n’aurait donc pas été préjudiciable au maintien du pouvoir d’achat des ménages à faible revenu. Ce résultat, qui est en profond désaccord avec l’étude publiée à grand bruit par le CRIOC, s’explique de la façon suivante. D’une part, il est dû au fait que le prix de nombreux produits, qui représentent une proportion importante des biens et services achetés par les ménages, augmente à des rythmes de croissance assez proches. A titre d’exemple, de 2004 à 2005, le prix de la moitié des 78 produits retenus pour notre analyse a augmenté à un taux compris entre 1&nbsp;% et 3&nbsp;%. D’autre part, il s’explique par des «effets de compensation»: par exemple, en 2005, les faibles revenus ont surtout souffert de l’impact de la hausse des charges d’habitation (loyers, chauffage, ..) tandis que les hauts revenus ont souffert de la hausse du prix des biens culturels et de loisirs.</p> Vincent Bodart Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.11.01 Numéro 44 - octobre 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15823 <p>Nonante-huit pays pratiquent des politiques actives dans le but d’augmenter le nombre de femmes élues dans les assemblées législatives. De ces pays, deux seulement ont adopté des lois imposant la parité au niveau des candidats (c’est-à-dire un nombre égal d’hommes et de femmes sur les listes à tout niveau de pouvoir), la&nbsp;<em>France</em>&nbsp;et la&nbsp;<em>Belgique</em>.</p> <p><em>En France</em>, le pourcentage de femmes élues à l’Assemblée nationale n’a augmenté, suite à la loi sur la parité que de 10,7&nbsp;% à 12,1&nbsp;%, laissant la France dans le dernier tiers des pays où les femmes sont le moins bien représentées. Nous expliquons, dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, qu’il ne faut pas s’étonner de cet échec apparent de la parité en France. En effet, si la parité avait engendré une diminu­tion du nombre d’hommes élus, cela aurait signifié que ceux-là mêmes qui ont voté la loi avaient scié la branche sur laquelle ils étaient assis. Quel calcul ont-ils donc fait pour accepter de voter cette loi ?</p> <p>Le système électoral français pour les législatives est un système majoritaire à deux tours où un seul candidat est élu par district. Dans la très grande majorité des districts, le résultat des urnes n'est décisif qu'au deuxième tour, qui oppose généralement un candidat de gauche à un candidat de droite. La parité augmente donc la probabilité pour un élu sortant de se retrouver au deuxième tour de l'élection dans son district contre une femme. Or, si l’électorat français, préfère, en moyenne, voter pour des hommes, cela augmente la probabilité pour un élu sortant d'être réélu.</p> <p>Mais peut-on effectivement montrer que l’électorat français, préfère, en moyenne, voter pour des hommes&nbsp;? Une étude statistique a mis en évidence un tel biais, qui équivaut à un accroissement de l’ordre de 22 % de chance de l’emporter au second tour si l’on se présente contre une femme plutôt que contre un homme. L’expérience française laisse donc à penser qu’une loi sur la parité a d’autant plus de chance d’être votée (par des élus sortants masculins) qu’elle n’aura que peu d’impact sur le nombre de femmes élues.</p> <p>La parité appliquée en&nbsp;<em>Belgique</em>&nbsp;au niveau fédéral en 2003 a eu pour effet chez nous d’augmenter le pourcentage de femmes élues au Parlement à 34,7 %, ce qui place la Belgique au 11ème rang des pays où les femmes sont les plus présentes en politique.<em>&nbsp;En quoi l’expérience belge est-elle différente de l’expérience française&nbsp;? Verrons-nous une même augmentation du pourcentage des femmes élues aux élections communales et provinciales&nbsp;</em>? Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;propose quelques élé­ments de réponse à ces questions, à la lumière de la nouvelle économie politique, étudiant les proces­sus politiques sous l’angle des comportements stratégiques des différents acteurs.</p> <h2>En quoi l’expérience belge est-elle différente de l’expérience française&nbsp;?</h2> <p>La Belgique a échappé au paradoxe français. Pourtant, très peu de députés masculins (voire aucun d’entre eux) ont perdu leur siège en raison de la parité. Cela s’explique par deux raisons. D’abord, l’instauration du quota s’est fait graduellement, depuis 1994, pour atteindre 50&nbsp;% par étapes. Ensuite, d’autres modifications de la loi électorale ont été introduites au courant de la même période, qui ont protégé le siège des élus sortants. Les deux éléments principaux sont l’introduction d’un seuil minimal de 5&nbsp;% des votes à atteindre pour accéder à la représentation (ce qui limite le nombre de partis obtenant des sièges et donc augmente le nombre de sièges pour ces partis), et la diminution du rôle des votes en case de tête (ou, pour le dire autrement, l’augmentation du rôle des votes de préférence, ce qui augmente la garantie, pour les élus sor­tants, d’être réélus, indépendamment de la place qu’ils occupent sur la liste). En conclusion, l’augmentation du nombre de femmes élues au Parlement s’est faite non pas au détriment des élus sortants (masculins) mais au détriment de nouveaux candidats potentiels (masculins).</p> <h2>Verrons-nous une augmentation du pourcentage des femmes élues aux élections communales et provinciales&nbsp;?</h2> <p>L’augmentation du pourcentage de femmes élues au Parlement belge semble donc avoir reflété une volonté de l’électorat, volonté qui devrait également s’exprimer lors des élections commu­nales et provinciales du 8 octobre. Par contre, on peut également déceler dans le système poli­tique belge d’autres forces qui devraient limiter l’augmentation du pourcentage des fem­mes. Les deux principales forces sont celles-ci. D’abord, la possibilité offerte à l’électeur d’exprimer un vote préférentiel pour un ou plusieurs candidats au sein de la liste qu’il soutient crée une concurrence entre candidats de la même liste, ce qui n’incite pas les candidats masculins à recruter les femmes qui ont la plus grande chance d’être élue. Ensuite, l’avantage des élus sor­tants, (un avantage en termes de voix obtenues, dû à la notoriété personnelle, que l’on observe dans toutes les démocraties), est particulièrement fort en Belgique où les carrières politiques sont longues et où la pratique des permanences sociales tend à fidéliser l’électorat local. Ces élus sor­tants étant en grande majorité des hommes, cette inertie dans les résultats électoraux joue en défaveur des candidates.</p> <p>En conclusion, le système électoral crée les conditions pour une plus grande représentation des fem­mes dans les assemblées élues, et ce sera effectivement le cas si l’on croit le souhait de l’électeur exprimé lors des dernières élections législatives. Mais cette augmentation laissera malgré tout le pour­centage de femmes élues encore loin de le barre des 50&nbsp;%.</p> François Maniquet (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.10.01 Numéro 43 - septembre 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15833 <p><em>Contexte.</em>&nbsp;Au cours des derniers mois, de plus en plus de personnes (politiciens, journalistes et syndicalistes par exemple) se sont émus des politiques d’immigration sélectives mises en place dans plusieurs pays industrialisés. En France, ce type de politique est notamment préconisé par Nicolas Sarkozy (politique d’immigration choisie). L’indignation suscitée par ces politiques tient au fait que l'exode des cerveaux est souvent perçu comme un facteur d'accroissement des inégalités entre pays riches et pauvres. Il convient toutefois de souligner que, dans certains cas, ces politiques sont simplement un moyen de faire face à l’exode de cerveaux, souvent très qualifiés, dans les pays industrialisés eux-mêmes. Ce problème se rencontre de manière sévère au Canada, au Royaume Uni et dans plusieurs pays de l'Union européenne. En règle générale, l'exode des cerveaux pose problème sur le plan économique car il engendre une réduction du niveau de capital humain moyen des travailleurs dans les pays sources. Le capital humain (mesuré souvent par la proportion de diplômés au sein de la population active ou par le nombre moyen d’années d’étude des travailleurs) étant considéré comme un facteur majeur d’innovation et/ou d’adoption technologique, l'émigration des talents constitue un frein potentiel à la croissance et à la compétitivité.</p> <p>Dans le numéro 43 de&nbsp;<em>Regards économiques</em>, nous mesurons l’ampleur du problème au niveau européen en dressant un bilan synthétique de la position de l’UE15 (Union européenne à 15 membres) dans ses échanges mondiaux de main-d’œuvre qualifiée. Nous discutons ensuite les enjeux de politique économique.</p> <p><em>Mesurer les pertes européennes</em>. Malgré l’importance croissante qu’on lui reconnaît, peu d’études ont jusqu’à présent permis de cerner avec précision l’ampleur du phénomène de la fuite des cerveaux. S’appuyant sur une nouvelle base de données construite en partenariat avec la Banque Mondiale (Docquier et Marfouk, 2006), nous montrons qu’au total, la perte nette de l’UE15 s’élevait à 150.100 diplômes supérieurs en 2000, soit 0,1&nbsp;% de la population de UE15 âgée 25 et plus. Ce bilan contraste avec l’important gain net observé dans les grandes nations d’immigration (5,4&nbsp;% pour les Etats-Unis, 10,7&nbsp;% pour le Canada et 11,3&nbsp;% pour l'Australie). Dans ce processus, quelques pays européens sortent gagnants, tels la Suède, le Luxembourg, la France ou la Belgique. Les principaux perdants nets sont l'Irlande, la Grèce, le Portugal, le Royaume Uni et l’Italie.</p> <p>Ces chiffres appellent deux commentaires&nbsp;:</p> <ul> <li>Qualitativement, ce bilan européen faiblement déficitaire peut être considéré comme minimaliste. L’UE15 compense ses pertes vis-à-vis des autres nations industrialisées par des entrées en provenance de pays moins avancés (notamment les pays africains). Or, les études empiriques internationales récentes montrent que cette substitution n’est pas neutre&nbsp;: en moyenne (et sauf professions particulières), le niveau de compétence associé aux diplômes acquis dans les pays moins avancés est inférieur à celui des natifs.</li> <li>Enfin, si l’on restreint l’analyse au niveau des qualifications très élevées, génératrices d’innovation et de croissance (ex&nbsp;: les diplômés en sciences et technologies), le déficit européen devient béant. A long terme, cette émigration hautement qualifiée met en péril les performances européennes en matière de recherche et développement et risque de menacer la position européenne sur l’échiquier économique mondial.</li> </ul> <p><em>Quelle politique économique</em>&nbsp;? De manière générale, deux grands axes de politique économique sont envisageables pour atténuer ce déficit.</p> <p>Le premier consiste à sélectionner davantage les immigrants. Certains pays tels que l'Allemagne et l'Italie (politiques de<em>&nbsp;green cards</em>) et, plus récemment, la France (politique&nbsp;<em>d'immigration choisie</em>) s'engagent progressivement sur cette voie. Ceci revient à "faire payer" le déficit structurel européen par des nations plus pauvres, déjà victimes d’un lourd déficit de qualification. De plus, cette politique n’offre aucune garantie de réussite tant il est difficile d’infléchir les choix naturels de destination des migrants qualifiés, sensibles aux facteurs institutionnels, aux primes de qualification, à la langue et à la présence de réseaux de compatriotes installés.</p> <p>Le second axe consiste à définir une politique de recherche plus ambitieuse (notamment dans le secteur de la recherche fondamentale), offrant un environnement incitatif, des salaires et des perspectives de carrière intéressantes aux chercheurs. C’est d’ailleurs l’axe qu’a défendu Jack Lang dans une récente interview sur France Télévision.</p> <p>Loin de vouloir minimiser l'apport de travailleurs qualifiés sur les économies d'accueil, cette deuxième voie peut s'avérer plus efficace (absence de coût d'assimilation des migrants, information parfaite sur la valeur des diplômes, meilleure allocation des ressources humaines de la nation). Très vraisemblablement, elle s'avère plus équitable et plus en accord avec la politique générale de coopération et de développement : en minimisant les ponctions de capital humain sur les pays plus pauvres, elle évite un accroissement des inégalités entre nations.</p> Frédéric Docquier Abdeslam Marfouk (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.09.01 Numéro 42 - juin 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15843 <p>Les enquêtes menées par la Commission européenne en 2001 montrent que la Flandre est bien plus multilingue que la Wallonie, ce qui est sans doute un fait bien connu, mais la différence est considérable. Alors que 59 % et 53 % des Flamands connaissent le français ou l’anglais respectivement, seulement 19 % et 17 % des Wallons connaissent le néerlandais ou l’anglais. Dans une Europe de plus en plus multilingue, 57 % des Wallons déclarent connaître le français uniquement. On dira que cela va mieux du côté des jeunes. A peine&nbsp;! Si 12 % des Flamands de moins de 40 ans se déclarent unilingues, ce pourcentage s’élève à 51 % dans la même classe d’âge en Wallonie. Le syndrome d’H ‑ du nom de ce personnage qui a signé le contrat Francorchamps sans très bien le comprendre parce qu’il ne connaissait pas l’anglais ‑ est plus répandu que ce qu’on pouvait croire, et on est en droit de se demander s’il est compatible avec les déclarations de faire de la Wallonie une technopole. Comment exporte-t-on si on ne parle pas la langue des pays importateurs, ou tout au moins l’anglais qui devient, et ce pas nécessairement pour de bonnes raisons ou des raisons que l’on aime, la langue internationale. Mais il n’y a pas que l’anglais. Nous vivons, que nous le voulions ou non, dans un pays bilingue et nombreux sont ceux qui insistent sur la solidarité entre régions. Si le Sud veut vraiment que le Nord reste solidaire, la moindre chose est de connaître sa langue, même si c’est de façon imparfaite, même si le français est une langue plus internationale que le néerlandais et que la logique économique induit naturellement plus de Flamands à apprendre le français que des francophones à connaître le néerlandais.</p> <p>Il faut reconnaître que ces questions ont été ouvertement posées dans le Plan Marshall. Les mesures que celui-ci préconise vont certes dans la bonne direction, mais sont sans doute très insuffisantes pour combler le retard dans un monde qui bouge très vite.</p> Victor Ginsburgh Shlomo Weber (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.06.02 Numéro 41 - juin 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15853 <p>Dans le but d’encourager la création d’emplois et d’attirer les investissements étrangers en Wallonie, le Plan Marshal comprend plusieurs mesures fiscales importantes pour les entreprises. Ces mesures visent à "alléger la taxation communale, provinciale et fluviale".</p> <p>Ces mesures fiscales ne nous paraissent pas être les plus appropriées pour atteindre les objectifs visés en matière de créations d’emplois et d’attraction des investissements étrangers. L’impact économique potentiel des leviers fiscaux dont dispose la région wallonne est en effet limité. Bien que les taxes locales supportées par les entreprises ont fortement augmenté les années passées, celles-ci ne représentent néanmoins qu’une petite partie du montant total de taxes que les entreprises paient. La plus grande partie vient de l’impôt sur les profits des sociétés ("corporate tax rate"), qui est une taxe fédérale. Bien que cette taxe ne soit pas directement modifiable par les régions, nous estimons néanmoins qu’elle est le seul levier fiscal susceptible de relancer l’activité et de doper l’emploi de façon significative en Wallonie. L’impact économique positif d’une diminution importante du taux de l’impôt des sociétés devrait ainsi surpasser celui des mesures fiscales prévues dans le Plan Marshal.</p> <p>Malgré la réforme de la taxation des sociétés opérée en Belgique fin 2002, qui a vu le taux d’impôt des sociétés diminuer de 40,17&nbsp;% à 33,99&nbsp;%, le taux d’imposition des sociétés pratiqué en Belgique demeure un des plus élevés au niveau européen (UE-25). Une étude récente de l’OCDE montre ainsi que la Belgique se situe à la 6<sup>ème</sup>&nbsp;place des pays européens qui ont le taux de taxation des sociétés le plus élevé. Pour tenter de corriger ce handicap concurrentiel, le gouvernement Verhofstadt II a mis en place en 2005 une mesure de déduction des intérêts notionnels, qui donne aux entreprises la possibilité de réduire le montant de la base fiscale imposable à l’impôt des sociétés. Le gouvernement fédéral espère que cette mesure augmentera l’attrait de la Belgique pour les investisseurs étrangers, en dépit du taux d’impôt élevé sur les profits. A ce moment, il est encore trop tôt pour pouvoir évaluer le succès de cette mesure.</p> <p>L’étude que j’ai préparée pour le colloque ADEL examine l’impact d’une nouvelle baisse de l’impôt des sociétés sur les flux d’investissements directs étrangers et sur l’emploi en Belgique. L’exercice a été effectué en diminuant le taux d’impôt des sociétés à 25&nbsp;%, qui est le taux moyen dans l’UE-25. La méthodologie utilisée pour mesurer cet impact est inspirée d’une étude américaine qui a été réalisée il y a quelques années. Pour effectuer cet exercice, j’utilise une base de données de plusieurs milliers de grandes firmes belges et de leurs "filiales" dans d’autres pays de l’UE-25. Grâce à cette base de données, il m’est permis d’analyser quel est l'effet sur les investissements des entreprises belges des taxes dans les pays hôtes. Les estimations les plus prudentes montrent qu’en abaissant le taux d’imposition des sociétés à 25&nbsp;%, environ 125.000 emplois nouveaux devraient être créés en Belgique, dont 20.000 en Wallonie et 28.750 à Bruxelles.</p> Hylke Vandenbussche (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.06.01 Numéro 40 - avril 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15873 <p>Ce numéro de Regards économiques se concentre sur divers aspects du "plan Marshall" (ci-dessous "le plan") qui ont un lien direct avec le marché du travail en Wallonie. Il les situe par rapport à son fonctionnement, par rapport à certaines politiques fédérales et à la problématique salariale en Belgique et dans ses régions.</p> <h2>Face aux difficultés à pourvoir certains types d'emplois vacants en Wallonie et au manque simultané d'opportunités d'emploi, quels sont les remèdes ? Où le plan peut-il agir ?</h2> <p>“Le problème de la Wallonie, c'est le manque d'offres d'emploi”, entend-on dire souvent. D'un autre côté, depuis quelques années, est apparue la problématique des postes vacants difficiles à pourvoir (ou des "fonctions critiques"). Bien que la coexistence de ces deux problèmes n'ait rien de surprenant, on a de bonnes raisons de se soucier simultanément de chacun d'eux. Divers mécanismes sont à prendre en compte. Le “plan” agit sur certains d'entre eux mais doit être complété par des outils fédéraux.</p> <ol> <li>Le plan devrait par divers canaux stimuler à terme le nombre de postes vacants créés (renforcement de l'innovation, stimulation de la création d'activités et création de “pôles de compétitivité”). Il est trop tôt cependant pour en juger. L'essentiel dépendra de la capacité de nos institutions publiques et privées à mettre ces actions en œuvre avec efficacité.</li> <li>Dans ses domaines de compétence, le "plan" prévoit des mesures qui devraient favoriser la conciliation entre vie familiale et professionnelle (renforcement des capacités d'accueil de jeunes enfants et d'aide «aux personnes dépendantes» par le recrutement de près de 2000 emplois subventionnés dans le secteur non marchand). Ceci devrait faciliter l'acceptation d'une offre d'emploi.</li> <li>Le FOREM et des organismes privés cherchent à faciliter la rencontre entre demandeurs d'emplois et postes vacants. Le plan prévoit un renforcement des moyens du FOREM à cet égard mais uniquement en faveur des stagiaires en formation au sein du FOREM lui-même. Cette restriction est difficile à justifier.</li> <li>Comme les difficultés de recrutement tiennent aussi à un déficit de compétence, le "plan" prévoit un renforcement de l'effort de formation, en particulier pour les fonctions identifiées comme critiques et dans les secteurs liés aux pôles de compétitivité. Cette sélectivité apparaît cohérente. Divers instruments renforcés par le "plan" (le Plan Formation-Insertion, l'apprentissage des langues, l'enseignement en alternance) ne sont pas nouveaux. Ils ont fait parfois l'objet d'évaluations critiques. On attend des décideurs qu'ils prennent la pleine mesure des conclusions essentielles de celles-ci parallèlement à l'octroi de moyens supplémentaires. Le "plan" intègre la création d'un instrument nouveau par la Communauté française: les Centres de Technologies Avancées. Il s'agit de labelliser et de renforcer les moyens d'établissements scolaires spécialisés dans des secteurs porteurs d'emploi. Ces centres s'ajoutent à une autre structure, créée assez récemment par la Région wallonne et dénommée les Centres de compétence. Etant donné la rapidité des évolutions technologiques, l'enjeu est de taille. La sélection des projets et la coordination entre la Région et la Communauté seront ici aussi déterminants.</li> <li>La difficulté à pourvoir des emplois vacants est aussi liée à des facteurs non monétaires nuisibles à la qualité de l'emploi (horaires difficiles, risques d'accident de travail, etc.), au statut social associé ou non à l'emploi et aux images que l'on a de la fonction offerte (voir la récente étude du DULBEA sur ce sujet). Dans le cadre du "plan", le FOREM a récemment mis en place un “plan d'action”qui vise notamment à agir sur certains de ces aspects.</li> </ol> <p>Sans oublier les actions régionales dans le domaine du transport public et du logement, qui ne relèvent pas du "plan", pour promouvoir davantage une meilleure rencontre entre les emplois vacants et les demandeurs d'emploi, la Région wallonne doit en particulier s'appuyer sur les instruments suivants, qui sont essentiellement du ressort de l'Etat fédéral :</p> <ol> <li>On sait que les gains monétaires immédiats en cas de reprise d'emploi se sont accrus dans bien des cas entre 1999 et 2003. Ces gains paraissent toutefois demeurer fort faibles en cas de reprise d'un emploi à bas salaire et à temps partiel. Le gouvernement fédéral s'est engagé à adapter périodiquement les prestations de remplacement de revenus des salariés. Face à cela, pour éviter le développement de désincitants à la reprise d'emploi, toute modification de la (para)fiscalité devrait avoir un double souci : (a) elle devrait atteindre les catégories au bas de l'échelle des revenus du travail d'une manière immédiatement tangible pour celles-ci (via en particulier les cotisations personnelles ou le précompte professionnel); (b) cependant, on ne peut alléger la (para)fiscalité au bas de l'échelle des revenus sans un ajustement dans le même sens pour les revenus plus élevés sous peine de créer des incitations perverses qui réduiraient la base taxable.</li> <li>Il est possible que le plan d'activation du comportement de recherche d'emploi entraîne une augmentation de l'effort de recherche. Les évaluations sont en cours. Pour autant qu'elles stimulent effectivement l'effort de recherche d'emploi, les politiques actives rendant celui-ci plus efficace (conseillers en recherche d'emploi, ateliers de recherche active, stage de mise en situation professionnelle) peuvent stimuler une embauche durable, ainsi que l'a montré une évaluation en France. Le plan d'accompagnement des chômeurs pourrait affecter le comportement de recherche d'emploi par ce canal et pas uniquement par le contrôle qu'il exerce.</li> </ol> <h2>Coûts salariaux et productivité : Faut-il régionaliser la formation des salaires, alléger le coût du travail ?</h2> <p>&nbsp;Le “plan” n'aborde qu'incidemment la problématique du coût du travail. A-t-il tort&nbsp;? En soi, non, car la matière est fédérale. Cette problématique et celle de la productivité sont néanmoins en toile de fond du "plan" et de bien des débats. Nous avons donc estimé utile de consacrer un part de ce numéro à ces aspects.</p> <p>Sur base des récentes statistiques de l'ICN, comparés à la Wallonie, le coût salarial par personne est dans la plupart des secteurs supérieur en Flandre (en moyenne, l'écart est de 8&nbsp;% en 2003) mais la productivité du travail est dans la plupart des secteurs supérieure en Flandre (en moyenne, l'écart est de 14&nbsp;% en 2004). En combinant ces informations pour 2003, on conclut que le coût salarial par unité de valeur ajoutée est en moyenne inférieur de 4,5&nbsp;% en Flandre. Ces moyennes cachent néanmoins une hétérogénéité sectorielle importante.</p> <p>De ce constat, on peut être tenté de conclure qu'il faudrait abandonner la formation des salaires au niveau (interprofessionnel et sectoriel) fédéral au profit d'une négociation à un niveau régional ou local. Ceci devrait conduire à une meilleure prise en compte des conditions locales du marché du travail lors de la négociation salariale. Nous émettons des doutes sur l'efficacité d'une telle approche. Il est bien établi que les salaires réagissent faiblement au niveau du chômage en Belgique. Rien ne permet de penser qu'une forme de régionalisation modifierait l'ampleur de cette saine réaction. Plus fondamentalement, les résultats d'une négociation se jugent par comparaison aux résultats obtenus par d'autres négociations salariales. Si donc on découpe les commissions paritaires nationales en commissions (sous-)régionales, on doit s'attendre à un effet de comparaison très puissant entre les ex-membres de la même commission nationale. Une régionalisation des négociations est alors moins efficace du point de vue de l'emploi qu'une négociation nationale<em>&nbsp;qui prend en compte les spécificités régionales</em>. Ceci est vrai tant pour la Flandre que pour les autres régions.</p> <p>Sans être le seul facteur pertinent (voir notamment le numéro 41 de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;relatif à la fiscalité), le coût du travail est un facteur central pour les régions belges. Outre le ciblage inadéquat des allégements structurels (fédéraux) de cotisations patronales de sécurité sociale, nous rappelons que des subventions temporaires à l'embauche présentent une efficacité du point de vue de l'insertion en emploi pour autant que le ciblage soit adéquat et la durée de subvention courte (un an devrait être un ordre de grandeur). La région wallonne a de longue date privilégié une autre option : les créations directes et/ou la subvention forte et durable d'emplois réservés aux chômeurs. Le "plan" prolonge cette option par le subventionnement de 2000 emplois supplémentaires (voir point b ci-dessus). Les secteurs bénéficiaires – dans une large mesure les secteurs publics et non-marchand – reçoivent ainsi un soutien parfois essentiel. Il nous apparaît que cette dernière motivation domine en pratique. Nous ne voyons donc pas les raisons de réserver ces emplois à des personnes disposant de statuts spécifiques – souvent complexes à définir.</p> <h2>Que faut-il faire et, surtout, ne pas faire en matière d’évaluation des politiques d’emploi&nbsp;?</h2> <p>L'enjeu de l'évaluation est proclamé de plus en plus souvent, en particulier par le "plan". Mais est-on bien conscient de ce que "évaluer" veut dire&nbsp;? Nous sommes convaincus du contraire. Le «nombre de contrats signés», le «nombre de bénéficiaires», le «parcours des bénéficiaires sur le marché du travail» et même une comparaison grossière entre ces parcours et ceux d'un vague groupe de contrôle sont autant d’indicateurs&nbsp;<em>descriptifs&nbsp;</em>intéressants. Ils ne permettent cependant&nbsp;<em>pas</em>&nbsp;de se prononcer sur l’effet du dispositif sur les chances d’insertion des demandeurs d’emploi. Des méthodes plus sophistiquées et plus fiables existent mais elles ne s'improvisent pas. Elles requièrent du temps et un savoir-faire pointu. Nous préconisons donc ceci&nbsp;:</p> <ol> <li>Il y a lieu de penser l’évaluation d’un programme avant même son lancement. Il faudrait interdire le lancement d'une nouvelle politique avant que le processus d'évaluation n'ait été défini et reconnu pertinent par une instance indépendante.</li> <li>L'Institut Wallon de l'Evaluation, de la Prospective et de la Statistique (IWEPS) doit être doté de moyens substantiellement plus importants pour qu'il puisse notamment mener à bien ses missions d'évaluation.</li> </ol> Muriel Dejemeppe Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.04.01 Numéro 39 - mars 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15883 <p>L’objectif de ce numéro spécial de Regards économiques est de mettre en perspective les mouvements de fusions et acquisitions (F&amp;A) qui alimentent l’actualité économique récente. Deux articles y sont consacrés. Le premier article, préparé par Nihat Aktas, Eric de Bodt et&nbsp;Giorgio A. Tesolin, s’intitule "Belle saison pour le marché des fusions et acquisitions…" et est résumé dans la suite de ce communiqué. Afin de mieux comprendre l’engouement actuel pour les F&amp;A, cet article propose des outils conceptuels et une réflexion à partir des dernières recherches scientifiques en la matière. Les auteurs terminent leur réflexion en présentant les forces qui semblent être en jeu dans les F&amp;A en cours de réalisation. Le seconde article, préparé par Etienne de Callataÿ, s’intitule quant à lui "La fièvre contagieuse des fusions et acquisitions". L’objet de cette brève contribution d’un "praticien" de la finance est de compléter celle de N. Aktas, E. de Bodt et G. Tesolin en cherchant à expliquer pourquoi nous assistons aujourd’hui à un net regain des F&amp;A en Europe. Les facteurs explicatifs relèvent de quatre ordres&nbsp;: la situation financière des entreprises, l’environnement économique, les dispositifs légaux et les valorisations de marché.</p> Nihat Aktas Eric de Bodt Etienne de Callataÿ Giorgio A. Tesolin (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.03.02 Numéro 38 - mars 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15893 <p>Le dicton populaire n’a cessé de le dire :&nbsp;<em>l’argent ne fait pas le bonheur</em>. Les enquêtes auprès de la population semblent le confirmer. Malgré une croissance économique continue, la "satisfaction de vie" moyenne des Occidentaux stagne depuis plusieurs décennies (voir les graphiques annexés). En Belgique, alors que le PIB réel par habitant a augmenté de 80&nbsp;% depuis 1973, le niveau de satisfaction de vie moyen a diminué de 8,8&nbsp;%. Pourquoi la croissance économique, tant recherchée, si peu remise en question, ne parvient-elle pas – ou plus – à augmenter le bien-être de l’homme&nbsp;? Celui-ci n’est-il jamais satisfait de ce qu’il possède&nbsp;? Lui en faut-il toujours plus&nbsp;? Ou est-ce la croissance elle-même qui com­porte trop d’effets secondaires négatifs&nbsp;? Qu’en disent les économistes&nbsp;?</p> <p>Une large partie de la littérature économique laisse entendre que la satisfaction de la population croît avec le revenu réel. Dès lors les gouvernements et les grandes institutions peuvent inlassablement pro­clamer, au nom des peuples et de leur bien-être, que la croissance économique est un objectif prioritaire. Toutefois le développement d’un nouveau courant de recherches vient secouer les convictions traditionnelles. Ciblées sur l’explication de la satisfaction de vie, ces études apportent un fondement scientifique à deux constats de bons sens&nbsp;: toute richesse est relative, et la richesse n’est pas tout.</p> <p>Premièrement, la richesse a toujours une valeur relative. Relative par rapport au passé&nbsp;: chaque per­sonne s’habitue à ce qu’elle possède; elle revoit continuellement ses normes matérielles à la hausse et comble ainsi difficilement ses aspirations. Relative aussi par rapport à la richesse des autres&nbsp;: le bien-être que l’individu retire de son propre revenu dépend bien souvent du revenu du voisin; pour que le bien-être s’accroisse, il ne suffirait pas "d’avoir plus", encore faudrait-il "avoir plus que les autres". Ainsi l’ensemble de la population se laisse entraîner dans une course sans fin dont le but est fuyant.</p> <p>Deuxièmement, la richesse n’est pas tout. La stagnation de la satisfaction de vie, malgré la hausse des revenus, peut provenir de nombreux facteurs non-pécuniaires&nbsp;: la montée des inégalités; le chômage; la dégradation des conditions de travail (cadences, précarité); l’augmentation du stress, de l’anxiété et des cas de dépression; l’affaiblissement des liens familiaux et sociaux et du lien entre les citoyens et les institutions ou les mandataires politiques; la dégradation de l’environnement. Certains de ces facteurs sont étrangers à la croissance économique, d’autres au contraire sont générés par le type de croissance que nous avons connu.</p> <p>Les résultats qui ressortent de l’ensemble de ces études comportent deux implications fortes, qui vont de pair. D’une part, ils appellent le développement, au delà des enquêtes, d’indicateurs de bien-être, solides et fiables, susceptibles de compléter ou de corriger la traditionnelle comptabilité nationale, et de casser l’amalgame trop fréquent entre PIB et bien-être. D’autre part, ils révèlent l’urgence d’une réflexion sur la finalité de la croissance et sur son contenu&nbsp;: pourquoi et pour qui voulons nous plus de croissance&nbsp;? Existe-t-il un consensus sur les objectifs poursuivis et est-on bien sûr que notre type de croissance les serve&nbsp;? Tenter de répondre démocratiquement à ces questions pourrait être un premier pas vers une satisfaction de vie accrue.</p> Isabelle Cassiers Catherine Delain (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.03.01 Numéro 37 - février 2006 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15903 <p>Malgré la signature récente d’une convention collective de travail (CCT) précisant le cadre juridique de l’exercice du télétravail, ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;soutient que la régulation du télétravail constitue avant tout un défi pour le management. C’est au sein des entreprises que celui-ci est appelé à être régulé, au-delà d’un cadre juridique plus ou moins contraignant.</p> <p>Depuis une trentaine d’années, le télétravail est parfois l’objet des fantasmes les plus fous&nbsp;: outre les projections dont son développement fait l’objet, il est parfois cité comme panacée à des maux aussi divers que la pollution des villes, la gestion des fins de carrière ou encore récemment la grippe aviaire&nbsp;! Aujourd’hui, il s’impose dans les entreprises comme un mode d’organisation flexible du travail qui semble répondre aux préoccupations du moment en matière de mobilité ou de qualité de vie.</p> <p>Dans un contexte de transformation du travail (sous l’impulsion de la flexibilité, des technologies de l’information et de la communication (TIC), de l’individualisation et de l’accent mis sur les compétences individuelles) et dans un cadre juridique inadapté, le télétravail s’est surtout développé de manière informelle; certaines études estimant même que plus de 78&nbsp;% des télétravailleurs Belges le sont sans avenant au contrat de travail, sans convention locale ou sans accord d’aucun type. C’est donc d’abord son manque de formalisation qui a appelé à une régulation nouvelle.</p> <p>Le cadre réglementaire constitue, certes, un premier niveau de régulation du télétravail. La loi de 1996 relative au travail à domicile, l’accord cadre européen signé en 2002 et transposé en Belgique par une CCT signée en novembre 2005 (et qui devrait entrer en application au plus tard le 1<sup>er</sup>&nbsp;juillet 2006) sont les principaux éléments de cette régulation nécessaire, mais non suffisante. Car, si le télétravail questionne le droit social, il remet surtout en question certaines pratiques de gestion, particulièrement en matière de gestion des ressources humaines. Le véritable enjeu du télétravail, que nous avons nommé «déspacialisation», se situe donc bien dans la gestion de cette distance non seulement physique du travailleur, mais aussi et surtout psychosociologique, liée à l’éloignement d’avec son environnement de travail au sens large (collègues, espaces communs, échanges informels et formels, etc.).</p> <p>Le télétravail questionne, en effet, la règle des trois unités (de lieu, de temps et d’action) qui caractérise traditionnellement l’exercice de toute activité professionnelle et managériale. De ce bouleversement majeur émergent certains enjeux socio-économiques et de gestion, tels que la conciliation entre vie privée et vie professionnelle - lorsque le travail pénètre l’espace et les temps privés -, l’exercice du contrôle managérial, la disponibilité, la productivité, le rôle de la fonction d’encadrement ou encore l’implication des travailleurs. C’est dans ce contexte et à ce niveau que se pose la question de la régulation de l’activité professionnelle, lorsqu’elle se trouve ainsi «déspacialisée».</p> <p>C’est sous la forme d’une régulation conjointe, au sens de J-D Reynaud (1989), que nous imaginons cette régulation de la distance au sein des organisations. C’est-à-dire une régulation qui ne soit pas seulement le fruit du management, mais qui puisse être concertée et investie d’un certain sens collectif, dans le cadre d’arrangements (de conventions) construits par les acteurs locaux, autour des motivations et des modalités de développement du télétravail, mais aussi des pratiques spécifiques de gestion à mettre en place, spécialement en matière de management humain&nbsp;: tactiques de socialisation particulières (réunions hebdomadaires, espaces de dialogue autour de l’expérience de télétravail), transition du rôle de manager-superviseur vers celui de manager-coach (suivi qualitatif du travail effectué en dehors des locaux de l’entreprise, gestion des temps de non-présence dans les bureaux, reconnaissance de la situation de télétravail auprès des collègues, etc.), aménagement du contrat social (confiance, loyauté, transparence au niveau des attentes, des critères d’accès au télétravail), etc.</p> <p>C’est à ce titre que le télétravail, parce qu’il appelle une gestion qui dépasse les frontières traditionnelles de la relation d’emploi, constitue un enjeu pour la fonction ressources humaines elle-même, en questionnant sa légitimité de garant du contrat social. Les enjeux de la régulation du télétravail se situent au sein même des organisations, en grande partie dans les mains du management.</p> Laurent Taskin (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2006.02.01 Numéro 36 - novembre 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15913 <p>Les résistances au projet de<em>&nbsp;contrat de solidarité entre générations</em>&nbsp;révèlent un malaise. Ce malaise semble toucher des questions bien plus vastes que celle des prépensions&nbsp;: n’est-ce pas l’évolution globale des relations entre le citoyen, l’État et l’économie qui inquiète une large fraction de la population&nbsp;? Cette évolution comporte en effet un basculement&nbsp;: on quitte une logique&nbsp;<em>d’État providence</em>, on consolide celle d’un&nbsp;<em>État social actif</em>. Quels sont les causes et les enjeux de telles transformations&nbsp;? Une prise de recul est salutaire.</p> <p>L’État providence, institué après la deuxième guerre mondiale, reposait sur un accord de solidarité sociale, sur un compromis entre travail et capital. Ce compromis, qui portait sur la gestion de la croissance économique et sur le partage de ses fruits, actait la primauté du politique sur l’économique. La concertation sociale, la sécurité sociale, l’extension des biens collectifs et les politiques économiques de soutien de la demande ont contribué, pendant vingt-cinq ans, à nourrir et à stabiliser une croissance vigoureuse et à étendre les mécanismes de solidarité sociale.</p> <p>La crise économique des années 1970 a mis les États-providence sous pression. Les redressements des années 1980 ont été opérés dans un contexte politique et doctrinal en nette rupture par rapport aux compromis sociaux antérieurs et ont conduit à des mutations dans les règles du jeu économique. Depuis les années 1990, la globalisation financière semble devenir la composante dominante d’un nouveau mode de régulation et restreindre le champ d’intervention des pouvoirs publics. Si la notion&nbsp;<em>d’État social actif</em>&nbsp;– inspirée de la&nbsp;<em>troisième voie</em>&nbsp;de Tony Blair - sous-tend les réorientations récentes de la politique sociale belge et européenne, il y a lieu de se demander&nbsp;<em>en quel endroit&nbsp;</em>l’État est actif et quels sont les points où il a renoncé à l’être. En considérant la globalisation financière comme une donnée, en acceptant comme inéluctable ou souhaitable la passivité dans certains registres de la politique économique, en concevant l’activation de la politique sociale comme une mise en conformité des personnes vis-à-vis des exigences du marché, l’État social actif ne contribue-t-il pas à consacrer la primauté de l’économique sur le politique&nbsp;?</p> Isabelle Cassiers (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.11.01 Numéro 35 - octobre 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15923 <p>Quelles sont les communes les mieux gérées de Wallonie&nbsp;? C’est la question à laquelle nous avons essayé de répondre, loin de toute polémique, dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques&nbsp;</em>en livrant un "Palmarès des villes et communes en Wallonie&nbsp;: une approche en termes d’efficacité". C’est la première évaluation de la bonne gouvernance dans le sud du pays. Pour ce faire, nous avons collecté des infor­mations pertinentes sur la bonne exécution des compétences communales, regroupées en cinq familles (services administratifs, voiries et transports, enseignement, services sociaux et médicaux, environne­ment et propreté). Nous avons ensuite mis les performances de chaque commune, en regard avec les recettes ordinaires par habitant dont elle dispose. Nous avons ensuite comparé les communes entre elles, en appliquant la méthode de dominance qui consiste à identifier les communes qui "font mieux avec moins de moyens".</p> <p>Résultat&nbsp;? Celui-ci est illustré en page 3 de Regards économiques (cf. document pdf joint) à travers une cartographie en couleurs des villes et communes wallonnes. Les communes les plus performantes qui caracolent en tête de classement se trouvent en jaune clair. Plus la teinte des entités est foncée, moins la commune est performante. Un certain nombre de communes, surtout dans la région liégeoise (en gris sur la carte), ne sont pas classées, la Direction générale des pouvoirs locaux de la Région wallonne n’ayant fourni aucun budget à leur sujet. Des communes se démarquent nettement des autres en faisant mieux sur les cinq familles d’indicateurs, avec moins de recettes, que beaucoup d’autres communes. Ainsi Flobecq fait mieux que 36 autres communes et Ottignies-Louvain-la-Neuve supplante 26 entités.</p> <p>Il importe de signaler qu’il ne s’agit pas d’un palmarès du bien-être. Il n’y a en effet pas de corrélation entre les revenus moyens d’une commune et sa place dans le classement. Il n’existe pas davantage de rapport entre le nombre d’habitants ou la densité de population et la place d’une commune dans notre classement.</p> <p>Le verdict est-il sans appel pour les entités les plus mal administrées&nbsp;? Disons plutôt que ce palmarès signale aux édiles communaux que, sur un certain nombre de compétences, certes les principales, beau­coup d’autres villes et communes font mieux avec moins de moyens. Cela devrait les encourager à se pencher sur les défaillances et à traquer les dysfonctionnements. Mais il ne faut pas faire dire à ce pal­marès ce qu’il ne mesure pas. Il ne délivre pas un bon ou mauvais bulletin au bourgmestre, car toutes les composantes du travail communal n’ont pu être évaluées.</p> <p>Si une "première", comme l’est ce palmarès, a toujours le mérite d’exister et de faire avancer la réflexion, elle a aussi ses limites. Certaines données manquent cruellement en Wallonie. Outre l’absence de recettes ordinaires pour 14 communes, surtout dans la région liégeoise, les compétences sportives et culturelles des communes n’ont pas pu être prises en considération faute de données fiables sur la qualité de l’infrastructure et la variété de la programmation des salles de sports, des bibliothèques ou autres centres culturels. La Communauté française n’a pas non plus accepté de livrer des informa­tions utiles relatives aux taux d’échecs ou d’absentéisme des élèves.</p> <p>Quoi qu’il en soit, un outil comme ce palmarès, même enrichi au fil du temps, comme nous l’espérons, par de nouvelles données, devra toujours être complété par d’autres démarches de type qualitatif.</p> François Gerard Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.10.02 Numéro 34 - octobre 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15933 <p>En Belgique, il y a à présent une large prise de conscience que le niveau du coût du travail est un déterminant majeur du niveau de l’emploi, en particulier au bas de l’échelle des qualifications. Compte tenu des effets des politiques en place, quelle politique volontariste devraiton développer pour cette population ?</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.10.01 Numéro 33 - septembre 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15943 <p>Les préretraites ont été conçues initialement comme un instrument visant à répondre aux difficultés créées par les destructions d’emploi et la montée du chômage des années 70-80 et à privilégier l’avenir en privilégiant l’emploi des jeunes. L’instrument est-il approprié&nbsp;? S’il ne l’est pas, quelles orientations suivre&nbsp;? Et que penser des propositions gouvernementales dans le document "Vieillissement actif"&nbsp;?</p> <h2>Les faits observés</h2> <p>Quand on regarde les faits au cours des trente dernières années, on constate le recours massif aux retraits du marché du travail (9&nbsp;% de la population active en 2005). Parallèlement, sur la même période, on constate une baisse des taux d’emploi. Les taux de chômage des classes d’âge directement concernées sont relativement bas également. Il n’en est pas de même des autres classes d’âge, qui ne semblent pas avoir bénéficié de ces retraits massifs. Le taux d’emploi des 50-64 a certes augmenté sensiblement en Belgique au cours des dernières années. Mais le redressement est nettement moins rapide qu’aux Pays-Bas par exemple; il reste également trop faible pour ramener l’écart avec la France à la valeur observée au début des années 80.</p> <h2>Diagnostic</h2> <p>Au-delà de l’observation des faits, l’analyse que nous résumons dans ce numéro 33 de&nbsp;<em>Regards économiques</em>conduit à la conclusion que les préretraites n’ont pas soutenu le niveau de l’emploi en Belgique. À moyen et long terme, les coûts de production sont un déterminant central du volume d’activité et de l’emploi. La contraction de la population active entraîne des pressions salariales accrues qui se répercutent sur les prix de vente et sur le volume d’activité, et donc sur l’emploi. Ces effets négatifs sur l’emploi sont renforcés lorsque la réduction de population active implique des dépenses supplémentaires en matière de pensions de retraite et un relèvement des taxes sur le travail.</p> <p>Les destructions d’emplois sont un phénomène permanent dans nos économies, phénomène qui s’accompagne de créations d’emplois, dont on parle sans doute moins. Les destructions d’emplois impliquent un coût&nbsp;<em>privé</em>&nbsp;pour les entreprises comme pour les travailleurs concernés. Les mesures facilitant les retraits de la vie active réduisent les coûts&nbsp;<em>privés</em>&nbsp;en limitant la perte de revenu du travailleur et les coûts de restructuration des entreprises. Elles impliquent simultanément un coût important pour la collectivité en réduisant durablement le nombre d’emplois et en accroissant la charge des transferts et pensions. Ce coût pour la collectivité est à prendre en compte si l’on veut assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale.</p> <p>Les retraits anticipés ne sont pas toujours la conséquence de restructurations. Une fraction non négligeable des retraits anticipés semble refléter un choix délibéré. La taxe implicite sur le revenu du travail des personnes en fin de carrière due au système de (pré-)retraite atteint 55&nbsp;% pour un travailleur de 60-65 ans. Un taux de taxation de 55&nbsp;% signifie qu’en travaillant une année de plus ondiminue la valeur actualisée des revenus de pension futurs d’un montant égal à 55&nbsp;% du dernier salaire. Cette taxe implicite incite à se retirer prématurément du marché du travail.</p> <h2>Orientations de politique économique</h2> <p>Ce diagnostic remet en cause l’idée selon laquelle maintenir les travailleurs âgés en emploi constitue une menace pour l’emploi des "plus jeunes". Dans ce contexte et compte tenu de l’évolution démographique et de la diminution des taux de mortalité, la fin des facilités de retraits de vie active se justifie, si pas pour tous, en tout cas pour beaucoup. Certes, pas d’un coup car l’adaptation des mentalités comme celle de la législation et des conventions ne peuvent s’effectuer instantanément.</p> <h3>Comment s’y prendre&nbsp;? Quelques balises</h3> <h4>(i)&nbsp;&nbsp; Mettre fin aux distorsions qui pénalisent la poursuite de la vie active</h4> <h5>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; -&nbsp; Retraites anticipées</h5> <p>Pour les travailleurs d’au moins 60 ans dont la carrière est jugée complète du point de vue du calcul des retraites, la décision d’anticiper ou non le passage à la retraite ne doit pas entraîner de changement dans la valeur actualisée des revenus de pension futurs. La décision d’anticiper sa retraite doit seulement entraîner une diminution de la valeur annuelle de la pension. Le cumul d’un salaire et d’un revenu de pension doit alors être autorisé. Les mêmes principes s’appliquent aux travailleurs dont la carrière est incomplète, avec pour seule différence la possibilité de continuer d’accumuler des droits à la pension jusqu’à l’âge de 65 ans, selon les règles en vigueur aujourd’hui. Cette approche des retraites anticipées permet d’éliminer la taxation implicite des revenus du travail impliquée par le système actuel.Elle contribue à améliorer le bien-être des plus âgés, à stimuler l’emploi et améliorer l’équilibre des finances publiques.</p> <h5>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; -&nbsp; Destructions d’emploi</h5> <p>En cas de licenciement, nous plaidons pour que la personne reste demandeur d’emploi, quel que soit son âge, et que&nbsp;<em>la période de chômage reste une période assimilée du point de vue du calcul de la retraite</em>. Nous plaidons pour que l’allocation complémentaire négociée lors d’un licenciement ou d’une cessation d’activité anticipée soit traitée comme un salaire du point de vue de la (para)fiscalité et qu’elle soit payée jusqu’à l’âge de la retraite anticipée, y compris lorsqu’il y a reprise d’emploi. Ceci devrait encourager la recherche d’emploi et l’acceptation d’offres d’emploi le cas échéant moins rémunératrices.</p> <h4>(ii)&nbsp; Des politiques basées sur une vision dynamique de l’évolution des carrières</h4> <p>Favoriser, tout au long de la carrière, des comportements qui permettent de soutenir les exigences du marché du travail&nbsp;: formation, possibilité de retrait temporaire pour mieux concilier vie professionnelle et vie privée, attention permanente aux conditions de travail. Le développement de retraits du marché du travail à temps partiel ou de formules de réduction du temps de travail, accompagnés d’une allocation sociale, nous paraissent la meilleure réponse au problème des métiers usants. On ne saurait sous-estimer néanmoins la difficulté d’énoncer des critères objectifs permettant de définir sans ambiguïté les métiers usants, physiquement ou psychologiquement.</p> <h4>(iii)Réduire le coût des travailleurs âgés peu qualifiés</h4> <p>L’objectif est de stimuler en priorité l’emploi des moins qualifiés, groupe dans lequel on observe des retraits d’activité les plus importants et les plus précoces, dès l’âge de 50 ans. Le critère d’âge utilisé seul est un mauvais critère de ciblage des allégements structurels. La variable "âge" a du sens (i) si elle est combinée avec d’autres critères (en particulier le niveau des salaires, comme approximation du niveau de qualification) et (ii) si l’on évite des seuils tranchés, sources d’effets pervers sur le groupe d’âge immédiatement inférieur.</p> <h4>(iv)Une réflexion de fond sur les progressions salariales à l’ancienneté</h4> <p>Les progressions salariales à l’ancienneté ou en fonction de l’âge présentent des avantages et des inconvénients. Ce point mérite une réflexion de fond, qui peut être couplée à la discussion sur le calcul des droits à la pension (vus comme un salaire différé).</p> <h4>(v)&nbsp; Le renforcement de la protection de l’emploi&nbsp;: une fausse solution</h4> <p>L’obligation d’outplacement au-delà d’un seuil d’âge et à charge de l’entreprise, que l’on envisage actuellement, impliquerait une hausse du coût de licenciement des travailleurs "âgés", et donc un frein à leur embauche. Si les prestations de service d’outplacement sont en elles-mêmes efficaces, leur financement gagnerait plutôt à se faire via un fonds interprofessionnel alimenté par des cotisations d’employeurs calculées en fonction de leur pratique historique de licenciement quel que soit l’âge du travailleur.</p> Henri Sneessens Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.09.02 Numéro 32 - septembre 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15953 <p>Pour ne plus faire peser le financement de la sécurité sociale uniquement sur le facteur travail, l’instauration d’une cotisation sociale généralisée (CSG) est souvent proposée. Une alternative, suggérée par la note du gouvernement fédéral sur les fins de carrière, est de rendre la pension plus sensible au nombre d’années travaillées, en introduisant un malus fonction du nombre d’années de préretraite. Cette mesure est sensée réduire le coût lié aux prépensions et ainsi rendre le financement du système plus aisé.</p> <p>Nous avons simulé ces deux options politiques dans un modèle d’équilibre général calculable afin d’en comparer les conséquences non seulement pour la sécurité sociale mais aussi pour la croissance et le bien-être des différentes générations.</p> <p>La CSG revient à introduire un impôt supplémentaire sur tous les revenus (comme des centimes additionnels), c’est-à-dire sur le travail mais également le capital, les allocations familiales, les pensions et les allocations de chômage. Lorsque nous parlons aujourd'hui de la CSG en Belgique, un taux de 1,5&nbsp;% est souvent prononcé. Nous simulerons une CSG de 5&nbsp;% afin de faire ressortir des effets plus significatifs. Rappelons qu’en France le taux actuel de la CSG est de 7,5&nbsp;%.</p> <p>Concernant le malus pension, nous supposons que les travailleurs se retirant anticipativement de la vie professionnelle verraient leur pension diminuer de 4&nbsp;% par année de départ anticipé. Un travailleur qui partirait ainsi à 60 ans verrait donc ses allocations de pension allégées de 5 fois 4&nbsp;%. Dans cette simulation, la pension reste non-cumulable avec un salaire, au contraire de la proposition de Sneessens et Van der Linden.</p> <p>Les simulations nous montrent que ces deux mesures sont à même de retarder l’âge effectif de la retraite d’un an en moyenne, ce qui est modestement bénéfique pour le financement des dépenses de l’Etat. Nous avons néanmoins constaté que la CSG a comme gros désavantage de réduire le capital productif (fuite des capitaux), ce qui n’est pas favorable à la croissance. Le malus pension s'est avéré pour sa part très ciblé sur les individus âgés. Bien que très différentes, ces deux mesures affectent négativement les personnes âgées au bénéfice des plus jeunes et des générations futures.</p> <p>Nous avons confronté ces mesures "classiques" à une politique alternative de notre cru, qui consiste à diminuer de moitié la taxation du travail pesant sur les travailleurs âgés (58-65 ans). Leur taux moyen d’imposition (incluant les cotisations sociales) passe de 48&nbsp;% à 24&nbsp;%. Concrètement, l’abattement pour charges professionnelles pourrait être majoré à partir de 58 ans de manière à obtenir la réduction du taux moyen d’imposition désirée. En agissant de la sorte, on incite les travailleurs à ne pas accepter une sortie prématurée du marché du travail.</p> <p>Dans nos simulations, cette politique s'est révélée être une mesure très bénéfique. L’âge effectif de la retraite augmente de 4 ans en moyenne (passant de 59 ans à 63 ans), ce qui a pour effet d’accroître la base taxable et de réduire les dépenses de prépension. Ces effets sont tels que la mesure s'autofinance complètement. Des effets positifs sur le PNB par habitant ont également pu être dégagés. La diminution de la taxation du travail des travailleurs âgés profite à toutes les générations d'individus actuellement en vie, ainsi qu'aux générations futures.</p> <p>Sachant qu'en ce moment même, le gouvernement fédéral planche sur l'évaluation de mesures afin de refinancer la sécurité sociale, il nous paraît utile de mettre en avant les effets bénéfiques d'une réduction massive de la taxation sur les travailleurs de plus de 58 ans. C’est aussi une alternative intéressante pour accroître le taux d’activité des travailleurs âgés sans requérir un démantèlement du régime des prépensions.</p> David de la Croix Johan Lepers (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.09.01 Numéro 31 - juin 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15963 <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques</em>&nbsp;se penche sur la situation économique et sociale en Wallonie. Il en dresse un large portrait, en souligne les points positifs et négatifs, et ébauche quelques pistes de réflexion sur les mesures propices à donner à l’économie wallonne un nouvel élan.&nbsp;<em>&nbsp;</em></p> <p>Dans ce numéro, nous avons pris l’initiative de nous exprimer sur un sujet qui nous préoccupe&nbsp;: "le malaise économique wallon". Nous avons pour ce faire regroupé l’avis de spécialistes de la question dont la renommée est établie. Ces experts sont issus de différentes universités francophones. Nous leur avons demandé d’offrir aux citoyens un portrait nuancé mais sans concession de la situation wallonne. En "officialisant" la situation économique et sociale de la Wallonie, nous espérons obliger les acteurs sociaux et les partis politiques à "reconnaître" les points faibles de l’économie wallonne. Nous refusons cette stratégie qui consiste à dissimuler la situation réelle pour ne pas saper le moral des troupes. "Cachez ce sein que je ne saurais voir" disait déjà Tartuffe, avant d’ajouter quelques scènes plus loin&nbsp;: "le scandale du monde est ce qui fait l’offense et ce n’est pas pécher que pécher en silence". Ce "nominalisme" ‑&nbsp;on veut bien de la chose mais à condition qu’on ne la nomme pas&nbsp;‑ et ce double langage constituent l’une des manifestations les plus préoccupantes de la difficulté de nos politiciens à assumer la vérité et à sortir de la représentation complaisante qu’ils ont d’eux-mêmes. Fin mai 2005, le gouvernement wallon a enfin explicitement reconnu ce qu’il a appelé "le malaise économique wallon". L’étape suivante est de dresser un constat précis de la nature du malaise, de manière à pouvoir concevoir une stratégie de politique économique adaptée au problème. C’est dans cette perspective que se situe ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques.</em></p> <p>Notre objectif est donc d’apprécier la situation économique et sociale en Wallonie sur base d’éléments objectifs, et de la comparer à la situation en Flandre et en Europe. Nous comprenons le risque qu’une comparaison avec la Flandre peut présenter. Cependant, sans vouloir alimenter les tensions communautaires, nous avons la conviction que cette comparaison entre les deux régions est vraiment utile étant donné que celles-ci partagent un environnement économique et un contexte institutionnel et culturel fort semblables. Cela s’inscrit aussi dans l’esprit de la "Méthode Ouverte de Coordination" de l’Union européenne, visant à créer une émulation entre régions au travers d’une concurrence par comparaison. Cette comparaison est surtout utile pour comprendre les sources éventuelles des dysfonctionnements et les pistes d’amélioration possibles.</p> <p>Ce numéro de&nbsp;<em>Regards économiques&nbsp;</em>comporte quatre contributions, sur les thèmes suivants&nbsp;:</p> <ol> <li>Bruxelles et: une lecture en termes de géographie économique (Jacques-François Thisse)</li> <li>PIB et PRB de la: des diagnostics contrastés (Michel Mignolet et Marie Eve Mulquin)</li> <li>Le portrait social de la Wallonie : responsabilités et gouvernance (Pierre Pestieau)</li> <li>Le marché du travail en: un tableau en clair-obscur (Béatrice Van Haeperen).</li> </ol> <p>Dans la suite de ce communiqué, nous résumons brièvement les éléments principaux de chaque contribution, en regroupant les points positifs&nbsp;et les points négatifs que chacune d’elles donne de la situation économique et sociale en Wallonie.</p> <h2>1.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Les points positifs</h2> <ol> <li>Les dynamiques de croissance entre régions se rapprochent progressivement. L’écart inter-régional de croissance annuelle moyenne diminue entre la Flandre et la : celui-ci ne s’élevait plus qu’à 0,80&nbsp;% de 1975 à 1995, pour se replier encore plus à 0,54&nbsp;% de 1995 à 2003. Le différentiel se réduit davantage si on ne considère que les dernières années, où il se chiffre à 0,37&nbsp;% de 1999 à 2003.</li> <li>Si l’on mesure la croissance régionale sur base du lieu de résidence et non du lieu de production (pour prendre en compte l’activité croissante des wallons à Bruxelles), depuis 1999, la part de la Wallonie dans la production totale belge s’est légèrement redressée.</li> <li>Une analyse par branche de la structure de production ne permet pas de conclure à un manque de dynamisme généralisé de l’industrie en Wallonie. Le retard de croissance en Wallonie est imputable à une sous-représentation des secteurs les plus dynamiques et une moindre performance des secteurs les plus importants.</li> <li>Le Brabant wallon est la province belge qui a connu la croissance la plus forte de 1995 à 2002, avec une évolution de la production sur la période de 8 % au-dessus de la moyenne de l’UE 15 et de presque 10&nbsp;% au-dessus de la moyenne belge. Le Brabant wallon est aussi la seule province wallonne dont le revenu par habitant est supérieur à la moyenne de l’UE 15.</li> <li>L’emploi salarié en Wallonie a augmenté de 9&nbsp;% entre 1992 et 2002. Les croissances les plus fortes sont dans le Brabant wallon (28&nbsp;%), les provinces de Luxembourg (16&nbsp;%) et de Namur (13&nbsp;%), à comparer à une croissance moyenne de l’emploi salarié en Flandre de 13&nbsp;%.</li> <li>Depuis 1997, le rythme de progression de l’emploi privé est comparable dans les deux régions. A partir de 2000, le nombre d’emplois des secteurs à haute et moyenne technologies et des services à haute technologie et à haut niveau de savoir progresse en Wallonie mais régresse en Flandre.</li> <li>La proportion de personnes très qualifiées dans la population wallonne augmente et la proportion de peu qualifiés diminue. Le profil de qualification par catégorie d’âge en Wallonie en 2003 est très proche de la moyenne belge.</li> <li>Les dépenses intra-muros des entreprises en R&amp;D progressent plus rapidement en Wallonie. Entre 2001 et 2002, le taux de croissance était de 11,% en Wallonie contre 3,6&nbsp;% en Flandre.</li> </ol> <h2>2.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Les points négatifs</h2> <ol> <li>Un rapprochement des taux de croissance est insuffisant pour assurer un rattrapage des économies régionales. Etant donné son retard de développement, la Wallonie devrait enregistrer des taux de croissance supérieurs à la Flandre, ce qui est loin d’être le cas. La part de la Wallonie dans la production totale belge continue donc à diminuer, passant de plus de 30 % en 1995 à moins de 25&nbsp;% en 2003.</li> <li>La productivité marginale du capital est plus faible en Wallonie qu’en Flandre, ce qui donne lieu à un taux d’investissement moindre en Wallonie. Sur la période 1995-2001, le rendement brut du capital est de 14,% en Wallonie contre 17,5&nbsp;% en Flandre. Cela pose problème pour l’attractivité relative de la Wallonie pour l’investissement.</li> <li>Le revenu moyen par habitant en Wallonie est 25 % inférieur à celui de la Flandre en 2002 (équivalent à la moyenne de l’UE 15).</li> <li>Les disparités entre provinces wallonnes s’accentuent. Sur la période 1995-2002, le Brabant wallon enregistre une augmentation de 8 % de sa production par rapport à la moyenne de l’UE15 alors que les provinces de Liège, du Hainaut et du Luxembourg enregistrent chacune une baisse supérieure à 6&nbsp;%.</li> <li>En 2003, le taux d’emploi en Wallonie de 55,4 % reste significativement inférieur à celui de la Flandre (62,9&nbsp;%) et celui de l’UE15 (64,2&nbsp;%). La Wallonie est donc encore loin de l’objectif de taux d’emploi de 70&nbsp;%. La structure de l’emploi est aussi fort différente entre régions avec en 2002, 2/3 des emplois dans le secteur privé en Wallonie pour 3/4 des emplois dans le secteur privé en Flandre.</li> <li>Le taux de chômage est resté stable autour de% en Wallonie entre 1995 et 2002 du fait d’une augmentation de la population active égale à l’augmentation de l’emploi. En 2002, le taux de chômage en Flandre est passé en dessous de 5&nbsp;%.</li> <li>Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) en Wallonie est le plus élevé d’Europe avec un taux de 26,5 % en 2002 contre 11,6&nbsp;% en Flandre. Plus alarmant encore, plus de 40&nbsp;% des chômeurs en Wallonie sont des chômeurs de longue durée (&gt;2 ans) contre moins de 20&nbsp;% en Flandre.</li> <li>Le pourcentage de la population de 18-24 ans sans diplôme de l’enseignement secondaire et qui ne suit ni enseignement, ni formation est de% en Wallonie contre 11,7&nbsp;% en Flandre. En outre, selon la dernière enquête PISA, l’enseignement secondaire en Communauté française figure en 31<sup>e</sup>&nbsp;position sur 41 pays contre une 3<sup>e</sup>&nbsp;position pour la Flandre pour un budget équivalent sinon moindre.&nbsp;&nbsp;</li> </ol> <h2>3.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Que faire&nbsp;?</h2> <p>Face à ce constat que pouvons-nous faire&nbsp;? Quelques pistes de réflexion sont présentées dans ce numéro de Regards économiques. Parmi celles-ci, nous relevons la nécessité de cesser la politique de saupoudrage et de concentrer les efforts autour d’une grande métropole urbaine comme Bruxelles en reconnaissant que les échanges se développent de plus en plus entre régions urbaines. La Wallonie se doit de travailler en partenariat stratégique avec Bruxelles dans une perspective économique moderne. La zone d’influence de Bruxelles doit dépasser le Brabant wallon. Il faut aussi chercher à améliorer l’efficacité dans l’utilisation des fonds publics en évitant les doublons et en recourant systématiquement à des études d’efficacité rigoureuses et impartiales. Par exemple, on pourrait explorer ce que coûte l’existence des provinces, des multiples réseaux d’enseignement et des cabinets ministériels. On peut aussi s’interroger sur le grand nombre d’intercommunales et le manque de transparence de leur gestion. Il faut aussi s’attaquer de toute urgence au scandale du chômage des jeunes par une politique de remédiation volontariste. On doit investir massivement dans le système éducatif pour élever le niveau de qualification des jeunes et faciliter la transition enseignement et emploi. Il faut élargir la mission du FOREM au-delà de la diffusion des offres d’emploi pour lui confier la fonction critique de placement et d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Il faut aussi mettre en place des outils d’évaluation des politiques de l’emploi. C’est inadmissible que depuis l’année 2004, la Wallonie est incapable de publier des statistiques sur les offres d’emploi satisfaites et insatisfaites (alors que Bruxelles et la Flandre continuent à publier ces chiffres).</p> <p>Nous poursuivrons notre analyse de la situation wallonne dans un prochain numéro de Regards économiques. Nous attendons aussi des hommes politiques qu’ils reconnaissent cette situation et le traduisent dans leurs actes en poursuivant une politique économique adaptée, cohérente et stable. Il n’y a pas de fatalité. Nous en voulons pour preuve l’expérience danoise qui en 10 ans a réduit son chômage de moitié par un système novateur de "flexicurité" (en partenariat avec les syndicats). Son marché du travail s’est fluidifié avec plus d’un danois sur trois changeant de travail au cours d’une année et un effort substantiel du gouvernement sur la formation, l’orientation et l’accompagnement des chômeurs. Un sondage récent montre que les travailleurs danois ne sont pas plus mécontents avec ce système que les travailleurs belges. L’Angleterre, avec un taux de syndicalisme plus élevé que chez nous, a aussi réussi par son "New Deal" à réduire de moitié le chômage des jeunes. Ces deux pays connaissent aujourd’hui un taux de chômage de 5 %, bien inférieur à la moyenne européenne. Comprendre pourquoi pourrait être fortement utile à la Wallonie.</p> Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.06.02 Numéro 30 - juin 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15973 <p>Dans ce numéro de Regards économiques, nous retraçons l’histoire de la macroéconomie, de son émergence dans la foulée de la Théorie Générale de Keynes à son état présent et mettons en avant la “révolution scientifique” qui s’y est manifestée dans les années 1980.</p> Michel De Vroey Pierre Malgrange (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.06.01 Numéro 29 - avril 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15983 <p>Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les communes, les villes, les régions et les pays sont livrés, à l’instar des entreprises privées, aux affres de la concurrence. La rivalité est d’autant plus forte que la mobilité de la population et des facteurs de production augmente. Cette mobilité est liée à l’intégration croissante des économies. Nous montrons dans ce numéro de&nbsp;<em>Regards Economiques</em>&nbsp;consacré à "La concurrence entre gouvernements&nbsp;: un impératif de bonne gestion publique" que cette concurrence entre gouvernements à tous les niveaux de pouvoir, loin d’être dommageable, pourrait très bien se révéler bénéfique en augmentant la qualité des décisions publiques. L’erreur souvent faite est que cette concurrence est vécue seulement comme&nbsp;<em>menace</em>&nbsp;et aucunement comme&nbsp;<em>stimulant</em>.</p> <p>Une conséquence de l’intégration des économies est la possibilité d’organiser une&nbsp;<em>concurrence</em>&nbsp;par&nbsp;<em>comparaison</em>&nbsp;entre gouvernements. Cette concurrence indirecte n’empêche pas la coordination inter-gouvernementale partout où cela est nécessaire. L'argument de base est que cette concurrence par comparaison entre les gouvernements peut exercer une force disciplinante et limiter la puissance de monopole d'un gouvernement unique. En comparant les performances entre gouvernements voisins, il est plus facile de déceler les bons des mauvais gouvernements tout en contrôlant la qualité des décisions publiques. Il est indéniable que les spécificités régionales peuvent parfois fausser l’appréciation des performances relatives. Cependant l’effet de l’intégration économique est justement d’éliminer progressivement les spécificités régionales et de placer ainsi les gouvernements dans un environnement comparable. Dans ce contexte, la concurrence par comparaison produit en général des sanctions plus nettes, plus tranchées, moins manipulables, tant à l’égard des dirigeants que de l’effort des exécutants, et ces sanctions s’imposent de manière plus indiscutable. Il sera aussi progressivement plus difficile pour les décideurs publics de faire jouer des réseaux d’influence au sein de leur relations pour obtenir un jugement et un traitement plus favorables que leurs performances ne le justifieraient.</p> <p>Une bonne illustration est le rapport PISA 2003 sur la performance comparée de l’enseignement secondaire en lecture, mathématique et sciences parmi 15 pays européens. Ce rapport a provoqué beaucoup de discussions car il épingle la performance curieusement faible de la Communauté française relativement à la Communauté flamande pourtant dotée de moyens similaires. Cette tradition de comparer les performances dans le secteur public est bien établie en Angleterre avec une information facilement disponible sur internet du classement des écoles, universités, hôpitaux, communes etc. Il est probable qu’une telle information va progressivement circuler chez nous du fait de son importance évidente.</p> <p>La logique est simple&nbsp;: en comparant les résultats de leur gouvernement à ceux d’autres gouvernements dans des régions comparables (i.e. faisant face à un environnement économique similaire), les électeurs peuvent accroître le contrôle qu'ils ont sur leurs hommes politiques et déduire la part de performance qui est attribuable à l'environnement économique et celle qui est attribuable à la qualité de leur gouvernement.</p> <p>Un argument analogue s'applique à la&nbsp;<em>concurrence directe&nbsp;</em>entre gouvernements pour attirer les facteurs de production. Souvent perçue comme une menace (cf. les délocalisations), la mobilité croissante des facteurs de production peut aussi agir comme stimulant. La concurrence pour les facteurs de production agit comme un&nbsp;<em>mécanisme d’enchère&nbsp;</em>par lequel les gouvernements les plus performants sortent gagnants et les gouvernements moins performants seront remplacés. Cette concurrence peut forcer le gouvernement à réduire les gaspillages et baisser le prix effectif des biens publics.</p> Jean Hindriks (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.04.01 Numéro 28 - mars 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/15993 <p>Les Nations Unies ont proclamé l’année 2005 "Année Internationale du Microcrédit". A cette occasion, la Plate-forme belge de la microfinance et la Coopération belge au développement (DGCD) organisent les 3 et 4 mars un séminaire de réflexion sur la microfinance. Dans le dernier numéro de Regards économiques, Valérie de Briey, qui est responsable de recherches au Cerisis, membre de la plate-forme belge de microfinance et du GRAP-OSC (CUD-DGCD), dresse un large panorama du rôle et des missions de la microfinance dans les pays en développement. Elle présente également les questions importantes qui seront débattues lors du séminaire des 3 et 4 mars. Ce communiqué résume les principaux points de son étude.</p> <p>De tous temps, de nombreuses activités de taille très réduite (qualifiées habituellement de micro-entreprises) se sont développées dans les pays du Sud, bien souvent partiellement ou totalement en marge des règles législatives et administratives, pour permettre aux populations pauvres de subsister. Celles-ci regroupent des activités aussi diverses que marchands ambulants, petits artisans, kiosques à journaux, taxis, vendeurs de rue, bazars, etc.</p> <p>Parmi les multiples contraintes auxquelles sont confrontées les micro-entreprises, la difficulté d’accès à des sources de financement extérieures représente encore aujourd’hui une entrave principale à leur bon développement. Elles ont en effet besoin d'un capital suffisant pour financer leurs équipements, leurs achats de fournitures, de matières premières, etc. Or, ce capital leur a longtemps fait défaut car les petites sommes demandées par ces micro-entrepreneurs, l’absence de garantir à offrir et bien souvent la nature risquée du projet rebutaient les banques commerciales traditionnelles. C’est pourquoi différents intermédiaires financiers spécialisés dans l’attention à ce type de clientèle ont vu le jour. Ces intermédiaires sont souvent qualifiés d’ «institutions de microfinance» (IMF). Leur rôle consiste à offrir des services financiers de base (épargne, crédit, assurance, transfert de fonds, etc.), aux montants réduits, à des populations pauvres afin de leur donner la possibilité d’investir et de se prémunir en cas de coups durs (conditions climatiques défavorables à la production, dépenses imprévues liées à une maladie ou à la perte de biens, etc.). Par ailleurs, la microfinance favorise également des retombées positives sur la famille en général&nbsp;: amélioration des conditions de vie, valorisation de l’auto-estime, financement de la scolarisation, des soins de santé, etc.).</p> <p>Il a cependant fallu attendre les années quatre-vingt pour que ce secteur soit véritablement reconnu comme générateur de revenus et créateur d’emplois. Depuis lors, il fait l’objet d’une attention toute particulière de la part tant des praticiens du développement, des politiciens que des chercheurs universitaires. Aujourd’hui, la micro-finance fait partie intégrante des politiques de développement des pays pauvres. En 1998 déjà, l’Assemblée Générale des Nations Unies avait proclamé l’année 2005 l’Année Internationale du micro-crédit pour marquer l’importance de cet instrument pour éradiquer la pauvreté. Son objectif à l’époque était de réduire de moitié les populations pauvres qui vivent sous le seuil de pauvreté d’ici 2015 (Objectifs de Développement pour le Millénaire).</p> <p>Depuis les expériences pionnières jusqu’à sa forte médiatisation de nos jours, le champ de la microfinance a fortement évolué. Il existe une pluralité d’institutions de microfinance faisant appel à des statuts juridiques différents (fondations, coopératives d’épargne et de crédit, institutions publiques, sociétés anonymes, etc.) dont les modes de fonctionnement et les objectifs diffèrent fortement. Les IMF sont aujourd’hui largement tributaires d’un discours néo-libéral prônant l’absolutisation du marché et l’adoption d’une démarche commerciale. Pour des institutions telles que Banque Mondiale ou les Nations Unies, il faut en effet parvenir à la construction de «marchés financiers&nbsp;intégrants» afin de mettre en place des systèmes de microfinance pérennes et qui touchent un grand nombre de populations pauvres. Elles préconisent dès lors l’institutionnalisation des programmes de microfinance, autrement dit, la mise en place d’institutions de microfinance rentables, répondant aux lois des marchés financiers concurrentiels et faisant appel à un mode de gouvernance efficace. Pour ces organismes en effet, les institutions à vocation sociale (de type ONG) sont la plupart du temps fragiles, tributaires des subsides en provenance des bailleurs de fonds et disposent d’une capacité limitée à faire face à la demande massive de microcrédits. D’autres personnes au contraire, principalement des acteurs de terrain soucieux de rester au service des plus démunis, s’interrogent sur les dérives potentielles de l’adoption d’une telle démarche et craignent que la poursuite de but de lucre conduise à l’écartement d’une clientèle plus défavorisée afin de satisfaire les critères de rentabilité propres aux marchés financiers. Elles réclament notamment le maintien de subsides.</p> <p>Cette opposition entre ces deux visions de la microfinance constitue ce que Morduch (1998) a qualifié de&nbsp;<em>"microfinance schism".</em>&nbsp;Ce schisme est également marqué par les méthodes d’évaluation auxquelles recourent les partisans de chacune des deux approches (études d’impact, instruments de rating, etc.).</p> <p>Plus qu’antagonistes, ces deux visions de la microfinance sont, selon Valérie de Briey, complémentaires. La pertinence de l’une ou l’autre doit s’évaluer au regard des acteurs en présence, de la cible poursuivie, de la densité de population, de la technologie disponible, du contexte économique, institutionnel, etc. La pérennité d’une IMF ne pourra en effet être atteinte que dans la mesure où l’institution peut opérer à grande échelle et avoir un volume d’activité tel que le point d’équilibre puisse être atteint. Il est donc par exemple nécessaire que la densité de la population soit suffisamment importante pour toucher un grand nombre d’emprunteurs. Par ailleurs, l’IMF doit également disposer d’une technologie appropriée pour évaluer rapidement les demandes de crédit et maintenir à jour l’information commerciale et financière. Sans ces conditions, la productivité des membres internes à l’IMF ne pourra pas être suffisante et la croissance du portefeuille assurée.</p> <p>Par ailleurs, dans le choix de l’approche dans laquelle doit s’inscrire l’IMF, il importe également selon Valérie de Briey de se pencher sur le degré de précarité de la cible visée. Certaines institutions, soucieuses de veiller à la rentabilité de leurs opérations de prêts, excluent en effet de leurs clients, certains secteurs d’activité jugés comme trop risqués (citons en autres les conducteurs de taxi) et mettent des conditions d’accès telles que de nombreux micro-entrepreneurs se trouvent hors des conditions d’accès (comme par exemple l’ancienneté minimale exigée ou le degré de formalisation de la micro-entreprise). Il y a donc place dans certaines zones géographiques pour la coexistence d’IMF différenciées (par exemple des sociétés anonymes adoptant une logique de rentabilité et des ONG adoptant une logique de développement de populations pauvres).</p> <div>Il est donc nécessaire, conclut l’auteur, que les limites du discours dominant orienté sur une approche de marchés soient reconnues et que les bailleurs de fonds adoptent une attitude différenciée selon les intermédiaires financiers considérés, et le contexte économique, social et institutionnel du pays dans lequel ces intermédiaires opèrent. Il faudrait en outre que les bailleurs de fonds adoptent des critères d’évaluation des IMF en cohérence avec la mission poursuivie par l’institution d’appui et ses valeurs fondatrices. Plus qu’antagonistes, les différentes méthodes d’évaluation proposées dans le champ de la microfinance sont, de l’avis de Valérie de Briey, elles aussi complémentaires. Leur utilité dépend tout à la fois de la mission de l’IMF (à vocation sociale ou financière), de la ou des personnes qui évaluent (bailleurs de fonds, membres internes, etc.), de la perspective adoptée (du point de vue des clients, des bailleurs de fonds, de l’institution, etc.) et des moyens dont disposent les évaluateurs. L’important est que les personnes en présence s’accordent sur l’<em>objet</em>&nbsp;de l’évaluation. L’auteur anticipe ainsi sur certaines questions qui seront débattues lors d’un séminaire de réflexion organisé par la plate-forme belge de Microfinance et la DGCD les 3 et 4 mars au Palais d’Egmont à Bruxelles à l’occasion de l’année 2005 proclamée «Année Internationale du Microcrédit» par les Nations Unies.</div> Valérie de Briey (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.03.01 Numéro 27 - janvier 2005 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16003 <p>Le Mécanisme pour un Développement Propre (MPD) autorise les pays industrialisés à remplir, du moins partiellement, les obligations contractées dans le Protocole de Kyoto en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans des pays en développement via des projets d’investissement. Cet instrument vise un double objectif&nbsp;: contribuer au développement durable des pays du Sud (en favorisant les transferts de technologies) et réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau global à un coût économique minimal. L’objet de cet article est de mettre en perspective ces deux contributions et de soulever les difficultés inhérentes à la conjugaison de ce double objectif.</p> <p>La contribution de cet instrument aux politiques climatiques des pays industrialisés est analysée à travers l’exemple de la Belgique. Il est montré que le recours à cet instrument permettrait de diminuer le coût de respect des obligations de réduction d’émissions de gaz à effet de serre tout en diminuant notre&nbsp;<em>dépendance-carbone</em>, c’est-à-dire notre vulnérabilité face aux évolutions futures du marché mondial du carbone. Le recours à des projets MDP permettrait de satisfaire 14&nbsp;% de l’objectif de réduction assigné par le Protocole de Kyoto aux pays industrialisés en 2010. En Belgique, le MDP contribuerait pour 12&nbsp;% à l’effort national. En exploitant tous les mécanismes de flexibilité, le coût macroéconomique de respect du Protocole de Kyoto s’élèverait à 131 M€<sub>1995</sub>&nbsp;par an en Belgique, soit environ 0,06&nbsp;% du Produit Intérieur Brut. Si aucun des ces mécanismes n’était employé, c’est-à-dire si toute la réduction d’émissions était effectuée par des mesures domestiques, ce coût s’élèverait à 850 M€<sub>1995</sub>&nbsp;par an, soit 0,3&nbsp;% du PIB. La contribution du MDP à la politique climatique belge est donc potentiellement importante.</p> <p>Pour que le MDP fasse effectivement d’une pierre deux coups, il faudra s’assurer qu’il contribue durablement au développement des pays du Sud, et pas seulement de ceux qui apparaissent déjà aujourd’hui comme les principaux bénéficiaires potentiels du mécanisme comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Il conviendra d’être également vigilant pour éviter que le MDP n’ouvre la voie à une résurrection des fameux "éléphants blancs" qui ont caractérisé un moment une certaine vision de la coopération au développement. Les projets MDP devront faire la preuve qu’ils contribuent non seulement à éviter des émissions de GES qui se seraient produites en leur absence, mais également qu’ils répondent aux besoins et aspirations prioritaires des populations, tout en préservant le capital social, humain et environnemental sur lequel les générations futures devront bâtir leur propre existence. C’est pourquoi il serait judicieux d’exiger des projets soumis à l’autorité nationale belge qu’ils fassent également l’objet d’une évaluation d’impacts en terme de développement durable.</p> Paul-Marie Boulanger (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2005.01.01 Numéro 26 - décembre 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16013 <p>Comment améliorer la prévision des retournements conjoncturels de l’économie belge ? Nous présentons ici de nouveaux indicateurs qui mesurent le risque de récession. Appliqués au 4ème trimestre 2004, ils n’indiquent aucun risque de récession ou de ralentissement économique sévère. A partir de 2005, ces indicateurs seront publiés régulièrement sur le site Internet de l’IRES.</p> Vincent Bodart Fatemeh Shadman (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.12.01 Numéro 25 - novembre 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16023 <p>En France, en Allemagne et en Belgique, la durée annuelle moyenne de travail par personne en emploi est passée de près de 3000 heures en 1870 à environ 2300 heures en 1938 en Allemagne et en Belgique (1850 heures en France). Après la seconde guerre mondiale, la tendance à la diminution s’est poursuivie. Depuis une vingtaine d’années, la durée de travail hebdomadaire à temps plein, telle que fixée par les conventions collectives, ne baisse que très lentement en Belgique. D’autres phénomènes, dont le développement du temps partiel, expliquent toutefois que la durée annuelle moyenne de travail continue à baisser. En 2003, elle s’élèverait selon l’OCDE à environ 1450 heures/an. Or, voici que depuis quelques mois, les médias font grand cas d’entreprises où la durée hebdomadaire de travail s’allonge sans compensation salariale. Cette inversion de la tendance historique est clairement une rupture, au contenu économique mais aussi symbolique chargé. Que penser de ce retournement, actuellement limité à un petit nombre d’entreprises&nbsp;?</p> <p>En comparaison internationale, la durée hebdomadaire moyenne de travail à temps partiel est plus longue en Belgique. Concernant les travailleurs à temps plein, la durée hebdomadaire moyenne habituelle est en Belgique proche de la moyenne dans la zone EURO. Au niveau sectoriel, si l’on excepte le secteur des hôtels et des restaurants, notre durée hebdomadaire habituelle se situe également à un niveau proche de la moyenne dans la zone EURO. Notre pays ne paraît donc pas se démarquer sensiblement des voisins. La dispersion des durées hebdomadaires habituelles augmente en revanche entre les individus à un rythme qui n’a guère d’égal dans l’OCDE. Au plan régional, entre 1992 et 2002, un écart d’une heure par semaine s’est créé entre les travailleurs flamands et wallons à temps plein, ces derniers ayant une durée habituelle de travail relativement stable.</p> <p>Aucune "loi économique" ne nous dit quel serait le temps de travail idéal. En revanche, des divergences sensibles de coût de production ne peuvent persister pour des produits similaires soumis à la concurrence. Les coûts de production ne s’expliquent évidemment pas que par les coûts et la productivité du travail. Dans les limites de cette étude, nous n’avons toutefois pas abordé d’autres dimensions. Nous avons aussi mené notre réflexion dans les limites du cadre actuel marqué notamment par une concurrence accrue sur les marchés, une forte mobilité du capital et une monnaie unique. La loi de juillet 1996 relative "à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité" se préoccupe de l’évolution de nos coûts salariaux horaires nominaux dans le secteur privé en comparaison avec celle de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la France. Après quelques années d’alignement quasi parfait de notre croissance salariale sur l’évolution moyenne de nos trois voisins, la Belgique a récemment accumulé un écart relatif de 2 points de pourcentage. Si l’on tient compte des écarts existants avant la loi de 1996 et que l’on remonte plus haut dans le temps jusqu’en 1987, le FEB aboutit à un surcroît de coût salarial horaire de 8 points de pourcentage par rapport à la moyenne pondérée de nos trois voisins. Dans l’industrie manufacturière, selon le Bureau of Labor Statistics, nos coûts salariaux horaires sont 6&nbsp;% plus bas qu’en Allemagne mais 5&nbsp;% plus élevés qu’aux Pays-Bas et 32&nbsp;% plus élevés qu’en France. Des coûts salariaux élevés engendrent une série d’ajustements dans les entreprises&nbsp;: disparition d’entreprises privées manquant de rentabilité, recherche de gains de productivité par élimination de main d’œuvre et surtout de main d’œuvre moins qualifiée, etc. La productivité du travailleur belge est, de fait, fort élevée. Il ne nous paraît cependant pas souhaitable d’avoir des performances exceptionnelles en matière de hausses de productivité du travail si cela se réalise au prix de disparitions supplémentaires d’emplois moyennement ou peu qualifiés. La capacité des personnes concernées à saisir les opportunités d’emploi dans d’autres segments de l’économie apparaissent en effet trop limitées.</p> <p>Dans un contexte où les nations européennes et leurs partenaires sociaux sont responsables de l’évolution des coûts salariaux, il est possible d’intervenir sur trois variables&nbsp;: les salaires horaires bruts, les cotisations patronales et la durée du travail. Le niveau élevé des cotisations patronales mais aussi l’importance des allégements de cotisation mis en place sont notoires en Belgique. Le meilleur usage des allégements&nbsp;<em>structurels</em>&nbsp;(c’est-à-dire durables et attribués par travailleur occupé, nouvellement ou non) se situe au niveau des travailleurs à bas salaires. Nous avons déjà argumenté en ce sens. De même, nous avons déjà rappelé la nécessité de la modération des salaires horaires en Belgique et nous avons évoqué les avantages et les limites de la "norme salariale" belge. Dans le cadre de celle-ci, la résorption de notre écart de coût salarial horaire ne pourra être que lente, fort probablement trop lente. De là, l’intérêt d’une réflexion sur le temps de travail.</p> <p>A court terme, considérant le niveau de production comme fixe, une durée de travail plus longue entraînera une diminution du volume d’effectifs souhaité par l’entreprise. Moins les heures ajoutées seront productives (effet de fatigue du travailleur), plus les effets de court terme seront faibles. Au-delà de ces réactions de court terme, l’entreprise peut se réorganiser de telle sorte que la durée d’utilisation du capital suive – là où c’est possible - l’allongement de la durée du travail. La variation du coût salarial sera l’autre déterminant essentiel de l’ajustement à moyen terme des quantités produites et de l’emploi. Notre analyse micro-économique indique que l’allongement de la durée hebdomadaire de travail mais aussi la poursuite de la réduction de celle-ci peuvent être des réponses microéconomiques alternatives face à des phénomènes tels que l’accroissement de la concurrence de pays à bas salaires. Mais dans un cas comme dans l’autre, ce ne sera vrai que<em>&nbsp;si on accompagne ces modifications de durée du travail d’ajustements de nature et d’ampleur appropriés</em>. En cas de hausse de la durée hebdomadaire, le coût salarial hebdomadaire ne peut croître proportionnellement. En cas de baisse de la durée, il ne peut demeurer à son niveau initial. Il faut aussi souligner l’importance de l’ajustement de la durée d’utilisation du capital. Celle-ci ne peut diminuer proportionnellement à la durée du travail. Elle doit croître lorsque cette durée s’allonge. Il faut dès lors vérifier la faisabilité des réorganisations du processus de production qui en découlent. Au-delà, il faut s’interroger sur leur désirabilité du point de vue des travailleurs. La conciliation des vies professionnelle et privée est au cœur du questionnement.</p> Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.11.01 Numéro 24 - septembre 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16033 <p>Depuis plusieurs décennies, le niveau élevé du chômage, en particulier des peu qualifiés, est probablement le problème socio-économique le plus aigu auquel doit faire face la Belgique, mais aussi la plupart des autres pays européens. Pour expliquer ce chômage, un élément qui nous semble important est un coût du travail, surtout pour les peu qualifiés, exagérément élevé.</p> <p>Ainsi, suite notamment à l’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) durant les dernières décennies, la demande de travail qualifié a fortement augmenté, par rapport à la demande de travail peu qualifié, mais les salaires relatifs sont restés inchangés, rendant relativement cher le travail peu qualifié. De plus, du milieu des années 80 jusqu’à la fin des années 90, la fiscalité à charge des employeurs s’est alourdie en Belgique (elle est actuellement presque trois fois plus élevée qu’elle ne l’est aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne) et cela a encore accentué les effets négatifs du progrès technologique sur les peu qualifiés.</p> <p>C’est pourquoi, afin de toucher directement la population en difficulté, nous plaidons pour une baisse des cotisations patronales, ciblée sur les bas salaires, c’est-à-dire sur les salaires perçus par les peu qualifiés. De plus, tant la théorie économique que des études plus fouillées nous enseignent que ce sont les réductions ciblées sur les très bas salaires, et en particulier sur le(s) salaire(s) minimum(s), qui sont les plus efficientes en matière d’emploi et donc, les moins coûteuses. Par exemple, selon nos propres estimations, une réduction des cotisations patronales, de l’ordre de 0,2 % du PIB, ciblée sur le salaire minimum, créerait 60.000 emplois, alors que seulement 10.000 emplois seraient créés avec des réductions, d’un même montant global, distribuées à l’ensemble des salaires. Par ailleurs, la première politique serait ex post autofinancée (plus d’emploi donc plus de revenus provenant de la fiscalité du travail et moins d’allocations chômage à payer), alors que la seconde resterait coûteuse pour l’Etat, même à long terme.</p> <p>Ces dernières années, plusieurs mesures de réductions des cotisations patronales ont déjà été appliquées. Mais la tendance actuelle est plutôt d’élargir les réductions à l’ensemble des salaires. Par exemple, le complément de réduction des cotisations patronales pour les bas salaires est actuellement accessible en deçà d’un salaire brut de 1.770 € par mois, mais ce plafond passera à 1.957 € en 2005. Nous demandons une politique inverse et un reciblage de ces mesures vers les très bas salaires. Pratiquement, le salaire minimum brut légal mensuel est actuellement de 1.186 € et les salaires minimums sectoriels sont en moyenne plus élevés de 25 %. En ciblant les réductions sur les salaires inférieurs à 1.500 €, on toucherait donc en grande partie les travailleurs payés à un des salaires minimums, et les effets sur l’emploi, en particulier celui des moins qualifiés, seraient importants. De même, plutôt que de diluer à plusieurs types de salaires le montant global accordé pour les réductions, nous demandons de diriger l’ensemble des moyens sur les bas salaires.</p> <p>La politique que nous préconisons doit cependant être vue comme une politique de&nbsp;<em>court terme</em>&nbsp;visant à répondre à un problème spécifique qui est le chômage des peu qualifiés. Il ne faut cependant pas occulter qu’il est également nécessaire d’investir dans une politique de&nbsp;<em>long terme</em>, visant à augmenter l’offre de travailleurs qualifiés, c’est-à-dire une politique passant par un effort d’éducation.</p> Olivier Pierrard (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.09.02 Numéro 23 - septembre 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16043 <p>Pour le commun des mortels, le mot "capital" désigne tantôt un compte en banque, tantôt un paquet d'actions Total Fina. Ce sont là diverses formes de capital car de tels actifs génèrent de façon répétée des revenus et d'autres produits utiles. Mais ces formes matérielles de capital ne sont pas les seules. Ainsi que le soulignait Adam Smith dès le 18<sup>ème</sup>&nbsp;siècle, l'éducation constitue un capital à part entière. Aux yeux de l'économiste, l'école - de la maternelle à l'université - constitue donc depuis longtemps une source d'accumulation d'un capital immatériel appelé capital humain. Plus récemment, le terme a fait son entrée dans le discours des politiques. Révolution technologique et globalisation obligent, les uns et les autres s'accordent aujourd'hui pour dire que le capital humain conditionne de plus en plus la bonne ou mauvaise fortune des individus. Par agrégation, c'est toute la question du potentiel de croissance et celle du degré d'équité de nos sociétés qui seraient en jeu. Un tel contexte justifie de tenter de faire le point sur le capital humain en Belgique, sur l'évolution de son niveau et de sa qualité, mais aussi sur le degré d'équité d'accès à cette ressource.</p> <p>Et l'étude minitieuse des statistitiques disponibles débouche sur un premier constat, largement positif. Le niveau de capital humain monte&nbsp;! Si l’on se réfère au nombre moyen d'années d'études, force est de constater les progrès accomplis tout au long du 20<sup>ème</sup>&nbsp;siècle, dans chacune des régions du pays. Ce nombre a pratiquement doublé entre les années 1920 et 2000, passant, selon les régions, de 6,5 ou 7 années à 11,5 ou 13 années.</p> <p>On doit, dans le même temps, souligner les asymétries régionales. De 1920 à 1960, Bruxelles a été la région la plus riche en capital humain. Elle est aujourd'hui la région du pays la plus pauvre, derrière la Wallonie et surtout la Flandre. Alors que Wallonie et Flandre faisaient jeu égal jusqu'au milieu des années 1960, une différence progressive se marque depuis 1970. Le handicap actuel de la Wallonie par rapport à la Flandre correspond à 1,2 année d'études. Le chiffre pour Bruxelles est supérieur à 1,5 année. Nous disposons de quelques indications concernant l'évolution de la qualité du capital humain, mais exclusivement pour le secondaire. La tendance est à l'amélioration des scores relatifs en math en Communauté flamande. Elle est inverse en Communauté française.</p> <p>Enfin, concernant l'importante question de l'équité, la tendance nette à l'égalisation des chances d'accès au diplôme secondaire intervenue en 1960 et 2000 - surtout en Flandre - s'est accompagnée du maintien d'une forte inégalité d'accès au diplôme supérieur. Par rapport à un individu dont la mère n’a pas été au-delà du primaire, celui dont la mère est diplômée du supérieur a, aujourd’hui, jusqu'à 2,5 fois plus chances de décrocher le précieux sésame.</p> <p>Chacun des indicateurs examiné ici traduit une tendance assez nette au décrochage des deux régions francophones par rapport à la Flandre. Les causes ne sont probablement pas à rechercher du côté du financement. Ainsi le décrochage de la Wallonie s’est accentué en bonne partie durant les années 1970 et le début des années 1980; période durant laquelle la dépense éducative (en % du PNB) était au sommet.</p> <p>Les explications paraissent plutôt relever de paramètres institutionnels ou organisationnels ainsi que de choix pédagogiques divergents. La communautarisation de l'enseignement se marque dès 1961, avec l’apparition de deux ministres. Les autres dates clefs sont 1980 (communautarisation partielle) et 1989 (communautarisation complète). Beaucoup d'éléments convergent par ailleurs pour suggérer que les politiques de l’enseignement ont été menées de manière plus cohérente en Flandre. Côté francophone, la plus grande division et confusion parmi les décideurs a contribué à l'avènement d’une gouvernance hybride, où se superposent des éléments antagonistes. Par exemple, celui de la concurrence des écoles et celui de la planification centralisée avec son cortège de statuts, directives et autres décisions à motiver sur le plan administratif. On sait également que les réformes comme le rénové et les pédagogies nouvelles qui les ont inspirées ont beaucoup moins marqué le fonctionnement scolaire en Flandre. Or le bilan de ces pédagogies se révèle plutôt négatif, notamment du fait de leur tendance à accentuer les écarts entre élèves.</p> <p>Epinglons enfin la forte correspondance entre le décrochage francophone en termes de capital humain et celui des performances macroéconomiques, notamment en matière d’emploi. Les travaux de nos collègues de l'UCL montrent que le découplage du niveau de l'emploi par rapport à la Flandre est intervenu dès 1975, soit approximativement au moment où l'écart Wallonie-Flandre s'est creusé sur le plan du capital humain. Il s'agit, en soi, d'une simple corrélation. Faut-il y voir une relation de cause à effet&nbsp;? Et puis dans quel sens opérerait-elle&nbsp;? Du capital humain vers l'emploi, au sens où de moins bonnes performances éducatives compromettraient la capacité de l'économie à créer des emplois. A moins qu'il s'agisse de l'inverse. Ou encore que ces deux phénomènes s'influencent et se déterminent simultanément.</p> Vincent Vandenberghe (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.09.01 Numéro 22 - juin 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16053 <p>La Commission européenne vient, en mars 2004, d’adopter une nouvelle série de réformes pour revitaliser le transport par chemin de fer. Les nouvelles directives (le «troisième paquet ferroviaire») prévoient l’ouverture d’ici 2010 du transport de passagers à la concurrence. Dans ce numéro de Regards économiques, nous analysons au travers de l’expérience de deux pays, l’Allemagne et l’Angleterre, les conséquences probables de la libéralisation du secteur sur le rail belge.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>Ces deux pays ont en effet profondément modifié leur marché ferroviaire depuis 1994, mais les moyens mis en œuvre sont cependant différents. L’Angleterre a choisi une privatisation rapide du rail accompagnée d’un démantèlement de l’opérateur historique British Rail et a confié la gestion de l’infrastructure à Network Rail (ex-Railtrack), une société indépendante des opérations de transport. La privatisation du rail s’est accompagnée de nombreux incidents&nbsp;: accidents (Hatfield), retards, baisse de la qualité du service, faillite de Railtrack. Résultat&nbsp;: le rail britannique est fortement décrié. L’Allemagne a par contre choisi une réforme plus graduelle où l’opérateur historique Die Bahn reste un acteur important malgré l’arrivée de nombreux concurrents privés, et continue de gérer à la fois l’infrastructure (via sa filiale DB Netz) et les opérations de transport. Les autorités régionales (Länders) jouent également un rôle important dans l’organisation du secteur. De manière générale, les performances du rail se sont améliorées depuis 1994.</p> <p>En Belgique, la SNCB va bientôt se transformer en une société holding formée de deux filiales, l’une chargée de la gestion de l’infrastructure (Infrabel), l’autre des opérations de transport (qui gardera le nom SNCB). Cette réforme doit s’accompagner d’une&nbsp;<em>amélioration des performances</em>&nbsp;de la société et d’une&nbsp;<em>réforme structurelle</em>&nbsp;pour mettre en adéquation le rail belge avec le nouveau contexte européen. De plus, la&nbsp;<em>régionalisation</em>&nbsp;du transport ferroviaire sera probablement discutée après les élections du 13 juin, et les décisions prises sur ce point conditionneront les futures performances du secteur.&nbsp;&nbsp;</p> <p>•&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<em>Hausse des performances</em>&nbsp;: en 2003, le résultat opérationnel de la SNCB (EBIT) fut de –&nbsp;110 millions d’euros. Pour rivaliser avec ses concurrents, la société doit absolument améliorer ses performances tant dans le transport de marchandises que celui de passagers. L’avenir de la société dans le marché européen doit passer par une hausse sensible de son résultat opérationnel. La reprise d’une partie de la dette historique de la société par l’Etat (prévue par la directive européenne 91/440/EC) permettra en outre d’améliorer le résultat financier de la SNCB.</p> <p>•&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<em>Réformes structurelles&nbsp;</em>: dans le marché libéralisé, toutes les entreprises ferroviaires auront accès au réseau ferroviaire belge. L’arrivée probable de nouveaux opérateurs doit s’accompagner d’une régulation du secteur et d’une révision du financement des missions de service public.</p> <ol> <li><em>Réguler l’accès à l’infrastructure</em>. Les directives européennes prévoient que le gestionnaire d’infrastructure alloue les sillons (infrastructure requise pour faire circuler un train donné d’un point à un autre à un moment donné) aux différents prestataires de service de manière transparente et non discriminatoire. Il faut donc instaurer un organe de contrôle qui vérifie que les concurrents sont traités de manière équitable. Ce contrôle est particulièrement nécessaire lorsque les opérations de transport et la gestion de l’infrastructure sont gérées au sein d’une même entreprise. En Allemagne, depuis la libéralisation du marché, les entreprises concurrentes se plaignent périodiquement du fait que Die Bahn avantage ses filiales dans le processus d’allocation des sillons. L’absence de régulation est un frein à l’introduction de la concurrence et au développement du marché.</li> <li><em>Le financement du service&nbsp;</em>: dans l’actuel contrat de gestion, l’Etat spécifie l’offre minimale de services et alloue une dotation forfaitaire à la société. Actuellement, les lignes non rentables sont financées grâce à cette dotation de l’Etat et au surplus des lignes rentables. À l’avenir, les concurrents de la SNCB viendront s’installer prioritairement sur les segments rentables du marché, privant la société de revenus auparavant destinés au financement du service public. Le financement des missions de service public doit donc être entièrement revu et adapté à ce nouveau contexte. Deux options sont possibles&nbsp;: soit, pour l’exploitation des lignes non rentables, l’Etat et l’opérateur s’entendent sur un niveau de service et son financement. Au lieu d’une dotation forfaitaire, l’état alloue une dotation spécifique à chaque ligne. Ce système, utilisé en Allemagne pour le transport régional, met fin aux subsides croisés (les lignes non rentables sont financées grâce au surplus des lignes rentables et à la dotation de l’Etat) et facilite l’introduction de la concurrence via la procédure d’appel d’offre. Soit, on constitue un fond destiné au financement du service public; fond alimenté en partie par l’Etat et en partie par les compagnies. Chaque compagnie qui opère une ligne rentable contribue au fond. Chaque compagnie qui opère une ligne non rentable reçoit un subside du fond.</li> </ol> <p>•&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<em>Régionalisation</em>&nbsp;: la séparation de la filiale infrastructure en deux sociétés régionales est techniquement très difficile à mettre en œuvre. De plus, l’Europe ne reconnaît qu’un seul gestionnaire de réseau par pays, notamment pour la délivrance des certificats de sécurité. Cependant, il possible que l’on régionalise en partie le financement de l’infrastructure. La régionalisation, même partielle, du financement du réseau modifiera l’organisation du secteur. Les bailleurs de fonds voudront probablement obtenir le meilleur rendement sur leurs investissements. Un moyen pour y parvenir serait d’augmenter les revenus provenant des redevances d’infrastructure en permettant un plus large accès au réseau des opérateurs concurrents.</p> <p>&nbsp;</p> <p>L’Etat fédéral pourrait également confier aux régions le financement d’une partie des missions de service public. Ceci aurait pour conséquence probable le développement de compagnies ferroviaires régionales. La régionalisation pourrait aussi avoir comme conséquence l’augmentation de la concurrence dans le secteur.</p> Axel Gautier (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.06.01 Numéro 21 - avril 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16063 <p>Dans le cadre du Protocole de Kyoto, la Belgique s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 7,5&nbsp;% par rapport à leur niveau de 1990. Récemment, un accord a été conclu sur la répartition de cet effort entre les trois régions et l’Etat fédéral. Afin de rencontrer leurs obligations, ceux-ci vont plus que probablement recourir aux "marchés internationaux des permis d’émission". La possibilité d’un tel recours fait néanmoins l’objet de réticences auprès de certaines personnes, dont des décideurs politiques. Ces réticences sont dues à deux facteurs&nbsp;: d’une part la complexité de l’instrument "marché de permis d’émission"; d’autre part la possibilité d’objections éthiques à sa mise en œuvre.</p> <p>Ce numéro de Regards économiques vise à expliquer de manière simple le fonctionnement de tels marchés et à montrer qu’il peut tout à fait être justifié d’y recourir.</p> <p>En ce qui concerne le&nbsp;<em>fonctionnement de l’instrument</em>, les questions suivantes sont abordées&nbsp;:</p> <ul> <li><em>Que gagne-t-on à échanger des permis d’émissions&nbsp;?</em>&nbsp;La propriété fondamentale de l’échangeabilité des permis est de diminuer les coûts de réduction des émissions pour l’ensemble des pollueurs, encourageant par là la mise en œuvre de politiques de réduction d’autant plus ambitieuses. Nous l’illustrons par la présentation d’un système existant et considéré comme exemplaire&nbsp;: l’&nbsp;«Acid Rain Program» (Etats-Unis).</li> <li><em>En pratique, dans quel cadre les&nbsp;échanges de permis d’émission de gaz à effet de serre vont-ils se&nbsp;développer ?</em>&nbsp;Nous identifions, présentons et comparons les deux principaux systèmes conduisant à des échanges de permis d’émission de ces gaz&nbsp;: le protocole de Kyoto (2008-2012) et la Directive européenne sur la mise en place d’un système de permis (à partir de janvier 2005).</li> <li><em>Quelle sera l’ampleur des échanges et&nbsp;des gains générés par ces échanges des permis issus du protocole de Kyoto&nbsp;?&nbsp;</em>Plusieurs pays, comme l’Europe des 15, les Etats-Unis et le Japon, devraient avoir largement recours à l’achat de permis (environ 25 % de leur allocation initiale) afin de satisfaire leurs engagements. La vente de ces permis/crédits provient, d’une part, d’autres pays industrialisés (Russie, Ukraine et autres pays de l’Europe de l’Est, qui exportent plus de 30 % des permis qui leur ont été alloués) et, d’autre part, des pays en développement, via le "mécanisme pour un développement propre". Celui-ci autorise des pays industrialisés (engagés à réduire leurs émissions) à remplir une partie de leurs engagements par la mise en œuvre de projets de réduction d’émission dans des pays en développement (pays qui ne sont pas engagés au respect d’un quota d’émission national). L’échangeabilité des permis conduit à une baisse drastique des coûts de la politique de réduction des émissions (de l’ordre de 60 % sous les hypothèses retenues). Toutefois, le retrait des Etats-Unis provoque un bouleversement sur ce marché. Le prix des permis baisse considérablement, au bénéfice notamment de l’Europe dont les coûts du respect de l’engagement au Protocole de Kyoto deviennent alors particulièrement faibles.</li> </ul> <p>Les&nbsp;<em>questions et objections d’ordre éthique</em>&nbsp;portent sur l’échangeabilité des permis et sur l’allocation de ces derniers. Les questions suivantes sont abordées&nbsp;:</p> <ul> <li><em>Quels seraient les arguments éthiques allant à l’encontre de l’échangeabilité de permis d’émission&nbsp;?</em>&nbsp;Trois arguments (objections) sont envisagés : (i) il serait injuste d’exiger de se faire payer (c’est-à-dire de vendre des permis de polluer) pour réduire les émissions; (ii) il serait injuste de payer autrui (c’est-à-dire d’acheter des permis de polluer) pour effectuer les réductions à notre place; (iii) la possibilité d’un prix des permis injustement bas (aux dépens des pays les plus pauvres) serait suffisante pour renoncer à l’échangeabilité. Nous montrons que même si l’échangeabilité peut s’accompagner d’injustices, l’absence d’échangeabilité serait plus injuste encore.</li> <li><em>Comment allouer de manière juste les permis entre Etats&nbsp;?</em>&nbsp;Les deux principaux critères d’allocation des permis sont considérés&nbsp;: le critère de grandfathering (allocation des permis au pro-rata des émissions passées) et le critère d’égalité par tête (allocation des permis au pro-rata du nombre d’habitants). Nous expliquons pourquoi le second est plus juste que le premier, même s’il doit toutefois être amendé. L’égalité par tête du droit d’émettre ne prend en effet pas en compte les différences, entre Etats, de coût de réduction des émissions et de coût des dommages causés par les changements climatiques (les petites îles du pacifique par exemple risquent d’être plus affectées que la Suisse en raison de circonstances purement géographiques).</li> </ul> Axel Gosseries Vincent van Steenberghe (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.04.01 Numéro 20 - mars 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16073 <p>Si l’on se penche sur le détail des engagements pris lors de la conférence pour l’emploi, des 60.000 emplois nouveaux projetés sur quatre ans,&nbsp;25.000 devraient être créés grâce à la réforme des titres-services. Ce dossier a fait l’objet de nombreux débats et a donné naissance à une «seconde génération» de titre-service. Malgré les nombreuses discussions sur ce sujet, notamment entre les différents partenaires de la coalition au pouvoir, certaines questions importantes méritent d’être approfondies, questions qui sont cruciales pour le succès des titres-services. Nous argumentons notamment que les titres-services ne sont pas nécessairement suffisamment attractifs pour les travailleurs et les consommateurs. Nous nous interrogeons ensuite sur les champs d’activités couverts par le titre-service.</p> <h2>Les titres-services sont-ils suffisamment attractifs pour les travailleurs ?</h2> <p>Pas&nbsp;<em>nécessairement pour tous</em>. L’accord qui a été négocié distingue le cas des allocataires sociaux de celui des autres prestataires. Pour ces derniers, ils seront soumis à un régime totalement souple (pas de minimum d’heures à prester, CDD ou CDI) pendant les trois premiers mois et ensuite ils devront passer sous contrat à durée indéterminée sans minimum d’heures à prester. Les allocataires sociaux, s’ils peuvent prester quelques heures pendant les 6 premiers mois, tout en gardant leur statut d’allocataire, devront être engagés après six mois sous contrat à durée indéterminée pour un travail d’au moins un mi-temps. On pense tout spécialement aux personnes actives en ALE qui seront invitées à passer dans le système des titres-services avant la fin de l’année. Dans la mesure où celles-ci sont majoritairement des femmes, le plus souvent cohabitantes ou dans une moindre mesure, chefs d’une famille monoparentale, la question centrale est donc de savoir si les avantages monétaires et non-monétaires - en particulier compte tenu du caractère pénible de la tâche (nettoyage principalement) et de la fragmentation des prestations - seront suffisants pour inciter les demandeurs d’emploi à s’insérer dans le système des titres-services. Pour les chefs de famille monoparentale, la réponse est plus que probablement négative. Pour les cohabitants, les avantages monétaires du titre-service sont plus élevés dans la mesure où l’allocation de chômage est nettement plus basse que celle des chefs de famille. De toute manière, et ce contrairement à la situation actuelle, les travailleurs(ses) ALE devront être disponibles pour entrer sur le marché du travail à partir d’octobre 2004. Ces personnes ne pourront donc pas refuser une offre d’emploi “titre-service” pour autant que cette offre soit jugée “adéquate”.</p> <h2>Les titres-services sont-ils suffisamment attractifs pour les consommateurs ?</h2> <p><em>Cela dépendra de la confiance que les opérateurs pourront développer</em>. Pour que les consommateurs soient intéressés par l’utilisation de titres-services, il ne suffit pas que le prix les rende accessibles, il faut également que les ménages soient convaincus de l’opportunité de déléguer un certain nombre de tâches accomplies auparavant dans la sphère domestique ou informelle. Ainsi, le travail au noir dans le secteur du nettoyage à domicile repose sur une logique de réseau&nbsp;: on engage une personne qui est renseignée comme une «personne de confiance» par un autre usager. En ce qui concerne le titre-service, les entreprises doivent être agréées mais il apparaît que les conditions d’agrément sont très souples et ne reposent pas sur des exigences précises notamment en termes d’encadrement des travailleurs. C’est dans ce cadre que l’on peut souligner l’apport de certains opérateurs d’économie sociale qui ont une longue expérience d’encadrement de travailleurs peu qualifiés. De plus, si le secteur de l’aide à domicile était jusqu’alors réservé au non-marchand caractérisé par une finalité de service à la collectivité et non de profit, l’accès du secteur privé à but lucratif est désormais ouvert. Se pose donc également la question de savoir comment le secteur privé à but lucratif peut développer le capital de confiance nécessaire dans ce champ.</p> <h2>Faut-il limiter les titres-services au champ de l’aide ménagère&nbsp;?</h2> <p><em>Oui dans la mesure où il faut réserver ce type d’instrument dans des domaines dans lesquels la mise en concurrence de différents opérateurs ne pose pas de problème sur le plan de la qualité et de l’équité</em>. Avec la mesure de titre-service, un nouveau type de régulation «quasi-marchande» est en effet introduit dans le champ de l’aide à domicile dans laquelle des prestataires de nature différente - publics, privés lucratifs, et d’économie sociale, du secteur marchand et du secteur non-marchand - sont mis en concurrence dans un champ jusqu’alors réservé aux organisations non-marchandes. Cette seconde génération de titre-service est un instrument qui privilégie, de facto, un objectif de politique économique et de création d’emploi dans le secteur de l’aide ménagère par rapport à un objectif de politique sociale d’aide à des personnes dépendantes. Cette régulation concurrentielle ne pose pas de problèmes déontologiques particuliers dans le cas des services ménagers stricto senso. Elle pourrait être étendue dans des activités comme celle du petit jardinage. En revanche, elle peut occulter un enjeu essentiel comme celui de l’équité. En effet, des services dans un champ comme celui de l’aide aux personnes dépendantes&nbsp;doivent être accessibles en termes de prix pour toute personne qui en a le besoin. Elle pose également la question de la régulation de la qualité. En effet, les services aux personnes - comme l’accueil de l’enfance et l’aide à domicile aux personnes dépendantes - sont composés d’une articulation entre des tâches techniques et du temps relationnel. Ainsi, l’exacerbation de la concurrence peut déboucher sur une baisse de la qualité des services, en l’absence de normes attestant de la fiabilité des prestataires. Si la conférence réserve, comme il nous semble souhaitable, le titre-service à certaines activités comme l’aide ménagère, elle laisse, du même coup, ouverte la question des besoins non satisfaits dans le champ de l’aide à domicile aux personnes dépendantes ou dans l’accueil de l’enfance.</p> Valérie de Briey Andreia Lemaître Vincent Lhuillier Marthe Nyssens Leïla Oulhaj Alexis Platteau (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.03.01 Numéro 19 - février 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16103 <p>Les autorités régionales belges doivent, ces jours-ci, se prononcer sur les différentes options de réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) proposées par l'accord européen de juin dernier. Ce numéro spécial de Regards Economiques se penche sur les effets et les enjeux de cette réforme. Plusieurs questions sont abordées. En quoi consiste cette réforme&nbsp;? Quelles sont ses implications pour l’agriculture belge&nbsp;? Faut-il maintenir des aides aux agriculteurs&nbsp;? A qui profite la PAC actuelle&nbsp;? Comment rendre la PAC plus juste et plus efficace&nbsp;?</p> <h2>En quoi consiste la nouvelle réforme de la PAC ?</h2> <p>En juin dernier, l'Union européenne a décidé de réformer une nouvelle fois le mode de soutien en faveur du secteur agricole. Cette réforme consiste à convertir la plupart des aides actuelles en un seul paiement unique qui sera distribué aux agriculteurs en fonction de l'étendue de leur superficie agricole cultivée, indépendamment du type de culture ou d'élevage qu'ils pratiquent et du volume de production qu'ils mettent sur le marché. C'est le<em>&nbsp;"découplage"</em>complet des aides agricoles vis-à-vis de l'acte de production, un principe de subvention agricole longuement recommandé par les économistes agricoles dont s'est enfin inspirée la Commission européenne en dépit des résistances conservatrices de nombreux Etats membres. C'est donc l'abandon d'un système de soutien inefficace qui, jusqu'à la réforme précédente de 1992, était essentiellement basé sur un système de prix agricoles garantis largement supérieurs aux prix mondiaux, de barrières douanières impénétrables et de subventions aux exportations exorbitantes. Non seulement ce système fut incapable de soutenir le revenu agricole et de diminuer la disparité des revenus entre exploitations et régions, mais il fut responsable d'excédents agricoles colossaux, de dépenses considérables, de pollutions agricoles et de tensions commerciales avec les pays les plus compétitifs. La nouvelle réforme permettra de mieux orienter les choix de production vers les réelles opportunités du marché et de réduire les distorsions des subventions agricoles sur les marchés agricoles tant européens qu'internationaux. En plus du découplage, deux autres principes sont parallèlement mis en oeuvre. Le principe de&nbsp;<em>l'éco-conditionnalité&nbsp;</em>liera à terme la perception du paiement unique au respect de 18 exigences réglementaires dans le domaine de l'environnement, de la sécurité des aliments, de la santé animale et phytosanitaire et du bien-être animal. Le principe de&nbsp;<em>la modulation&nbsp;</em>instaurera une légère discrimination en faveur des petites exploitations en les exemptant d'une baisse prévue de 5 % du paiement unique. Les économies budgétaires réalisées par cette mesure permettront de renforcer le financement des mesures dites de développement rural.</p> <p>L'accord de juin 2003 offre toutefois la possibilité aux Etats membres de maintenir une proportion de paiements directs couplée à la production s'ils craignent la perturbation de marchés agricoles ou l'abandon de certaines productions tout en intégrant la proportion restante des paiements directs dans le paiement unique. Diverses options de découplage partiel leur sont proposées. Les autorités régionales du pays doivent incessamment se prononcer sur ces options.</p> <h2>Quelles sont ses implications pour l’économie belge&nbsp;?</h2> <p>A l’aide de deux modèles économiques de simulation, nous avons tenté d’évaluer les conséquences possibles sur l’agriculture belge des différentes options de découplage des aides telles qu’autorisées par l’accord de juin dernier.</p> <p>Les simulations montrent des substitutions importantes entre les productions agricoles végétales&nbsp;<em>au profit de cultures moins intensives&nbsp;</em>telles que les prairies temporaires, une<em>&nbsp;baisse de la production de viande bovine&nbsp;</em>mais le maintien de la production de lait. Malgré ces ajustements, notamment dans le domaine de l'élevage, les simulations indiquent<em>&nbsp;le maintien et même une légère hausse des revenus nets agricoles</em>&nbsp;dépendant de l'effet des variations de l'offre sur le prix du marché. Ces ajustements ainsi que les hausses du revenu agricole sont de façon générale les plus prononcés pour l'option de découplage complet de toutes les aides. C'est en effet cette option qui procure la plus grande cohérence entre l’allocation des ressources fixes de la région et les opportunités de marché. Une analyse plus fine au niveau des différents types d'exploitation montre toutefois que l'option de découplage complet à l'exception des aides pour le troupeau de vaches allaitantes et l'abatage de bovins est la plus favorable pour les exploitations spécialisées dans ce type d'activités alors que cette option est presque autant favorable pour les autres types d'exploitation que celle du découplage complet. Dans la mesure où, en outre, le contribuable qui finance les aides directes, apprécie le maintien d'un troupeau allaitant à des fins, par exemple, d'aménités paysagères, ou d'une profession d'éleveurs là où elle est la plus concentrée et menacée, c'est-à-dire dans le sud de la Belgique, il semble que l'option de découplage complet de toutes les aides à l'exception de celles réservées à l'élevage allaitant se révèle comme la plus adéquate à la structure du secteur agricole belge parmi toutes les autres options autorisées par l'accord agricole européen de juin dernier.</p> <p>Les résultats de ces simulations ne prennent toutefois pas en compte plusieurs autres défis à l'agriculture belge. Il s'agit notamment (1) du renchérissement possible des terres agricoles en raison de la seule nécessité de mettre en culture de telles terres pour obtenir des subsides importants, (2) de l'évolution des prix agricoles et de leur volatilité sur le marché européen et (3) de la justification à plus long terme des aides importantes consacrées au secteur agricole.</p> <h2>Faut-il maintenir des aides aux agriculteurs&nbsp;? A qui profite la PAC&nbsp;actuelle ?</h2> <p>Pour mettre en perspective les anticipations exposées plus haut et juger si la PAC a bien l’utilité qu’elle devrait avoir, il vaut la peine de se demander ce qui justifie, sur le plan des principes, de subsidier le secteur agricole. Il faut d’abord remarquer que les politiques agricoles des pays du Nord, Europe et USA en tête, ont nuit à la prospérité des agriculteurs du Sud, notamment en leur coupant l’accès aux marchés prospères du Nord.&nbsp;Elles n’ont pas pu soutenir le revenu agricole en Europe et sont responsables de tensions commerciales avec le reste du monde et de dépenses monstrueuses&nbsp;! Même parmi les producteurs européens de biens agricoles, la PAC ne profite vraiment pas aux petites exploitations, dont la production et la superficie sont faibles&nbsp;: elles n’ont reçu et ne recevront que de faibles subsides. Or, la demande d’intrants agricoles (machines, terre, engrais,…) et leurs prix sont globalement plus élevés qu’ils ne le seraient sans subside. La petite exploitation agricole peut en fait se retrouver avec un revenu identique ou inférieur à celui qu’elle aurait si le subside n’existait pas.<em>&nbsp;L’équité ne fournit donc pas de justification à l’existence de subsides agricoles.</em></p> <p>Néanmoins, l’activité agricole ne se limite pas seulement à la production des biens agricoles&nbsp;: la sécurité alimentaire, la qualité de l’environnement et l’entretien des zones rurales sont trois exemples d’aménités qui résultent des activités agricoles. Or, sans régulation, les aménités sont en général offertes en quantités inférieures à ce qui est socialement souhaitable. Il faut donc&nbsp;<em>un subside à l’activité agricole pour atteindre un niveau efficace d’aménités</em>. L’éco-conditionnalité n’est qu’un pas timide en ce sens. On peut déplorer que les modes passés et présents de soutien agricole en Europe ne contribuent pas à la production efficace d’aménités rurales. Au contraire, l’analyse ne nous permet d’identifier, par élimination, que deux types de bénéficiaires effectifs de la PAC, dans n’importe laquelle de ses versions : les grandes exploitations agricoles etles fournisseurs d’intrants agricoles, en particulier les propriétaires fonciers.</p> <h2>Comment rendre la PAC plus juste et plus efficace&nbsp;?</h2> <p>Les contribuables ne souhaitent probablement pas que leurs impôts alimentent la valeur foncière des terres agricoles ou la prospérité des plus grandes exploitations agricoles. Nombre d’agriculteurs, particulièrement ceux que le système actuel laisse en bordure de la pauvreté, pourraient aussi trouver un plus grand intérêt à une réforme, non pas à une libéralisation pure et simple, mais à une réorientation des interventions publiques vers la rétribution des aménités typiques des activités rurales. Une conclusion assez claire émerge donc de la mise en perspective normative des effets du "découplage" qui constitue la réforme de la PAC. Pour des raisons d'équité et d'efficacité,<em>&nbsp;le re-couplage du paiement unique à des fins spécifiques&nbsp;</em>valorisées par le contribuable ou le consommateur qui le finance, est effectivement la seule alternative permettant de justifier à plus long terme des budgets importants réservés au secteur agricole vis-à-vis, notamment, de critiques de plus en plus acerbes à l'égard de tels budgets qu'a bien mises en évidence le rapport Sapir. Cette réorientation est une nécessité qui s'imposera dans l'avenir au fur et à mesure que la justification du paiement unique comme aide aux ajustements structurels perdra sa pertinence.</p> Jeroen Buysse Kamel Elouhichi Bruno Fernagut Frédéric Gaspart Olivier Harmignie Bruno Henry de Frahan Ludwig Lauwers Philippe Polomé Guido Van Huylenbroeck (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.02.01 Numéro 18 - janvier 2004 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16113 <p>L’article 80 impose, sous certaines conditions, une fin de droit à l’indemnité aux chômeurs cohabitants de longue durée. A l’heure où il est question de le supprimer, ce numéro présente les résultats d’une étude qui a évalué l’efficacité de l’article 80 par rapport à son effet sur les chances de retrouver un emploi.</p> Bart Cockx Jean Ries (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2004.01.01 Numéro 17 - décembre 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16123 <p>Il ne se passe pas un jour sans que l'on parle du secteur de la musique et de la période chahutée qu'il traverse pour le moment. Epinglons quelques nouvelles récentes.</p> <p>-&nbsp;Sur son site web, la Recording Industry Association of America (Association américaine de l’industrie du disque) constate une nouvelle baisse de 9&nbsp;% des ventes de disques au 1<sup>er</sup>&nbsp;semestre 2003 et l'attribue en priorité au "partage illégal de fichiers"</p> <p>-&nbsp;Selon Nielsen/Netratings, le nombre d'utilisateurs de KaZaa (qui permet le téléchargement gratuit grâce aux réseaux «peer-to-pee (P2P)») aux Etats-Unis aurait décliné de 41 % entre juin et septembre 2003, passant de 6,5 millions à 3,9 millions par semaine. Cette baisse coïncide avec les poursuites intentées contre les utilisateurs qui mettent en partage des œuvres musicales sur les réseaux P2P.</p> <p>-&nbsp;Grâce notamment à<em>&nbsp;iTunes</em>&nbsp;ou à&nbsp;<em>Napster</em>&nbsp;2.0, les services de ventes de musique en ligne viennent de dépasser les ventes de CD 2 titres (singles) sur le territoire américain.</p> <p>-&nbsp;Le programmeur norvégien qui avait distribué le premier moyen pour "craquer" la technologie de protection contre la copie des DVDs semble avoir trouvé une solution pour contourner la protection anti-copie des morceaux de musique vendus par Apple via&nbsp;<em>iTunes Music Store</em>&nbsp;(qui permet de télécharger des chansons pour un prix unique de $ 0,99).</p> <p>-&nbsp;Selon David Bowie, "le copyright deviendra caduc à force de téléchargements et de remix de remix".</p> <p>Alors que des turbulences similaires agitent les industries du logiciel et du cinéma, il est important de s'interroger sur les conséquences du piratage et des réponses qui y sont apportées, tant du point de vue des producteurs que de celui de la société dans son ensemble. Nous proposons dans cet article une grille d'analyse permettant d'aborder ces questions de manière rigoureuse.</p> <p>Notre analyse peut se résumer en quelques points :</p> <ul> <li>Le piratage risque d'entraîner un déficit de création de biens d'information (livres, logiciels, musique, fichiers vidéo) vu que les créateurs peuvent éprouver des difficultés à tirer des revenus suffisants de leur création.</li> <li>La réponse naturelle à ce problème consiste à protéger le bien pour le rendre "excluable" et permettre ainsi au créateur de se rémunérer par la vente du bien. C'est la justification traditionnelle de l'instauration d'un régime légal de protection de la propriété intellectuelle (droits d'auteur et brevets); c'est aussi la logique qui conduit les producteurs à développer des mesures techniques empêchant la copie (par exemple, des CDs anti-copie).</li> <li>Cette réponse n'est pas univoque dans le sens où renforcer la protection peut engendrer une baisse globale de la demande pour le bien (ainsi, les dispositifs empêchant la copie d'un CD peuvent également empêcher l'écoute du CD sur un ordinateur ou sur un autoradio, ce qui réduit l'attrait du CD pour tous les consommateurs, y compris ceux qui n'ont aucune intention de le copier).</li> <li>Cette réponse n'est pas non plus unique dans la mesure où de nombreux biens d'information n'ont pas besoin d'être vendus pour être créés : des revenus alternatifs peuvent être tirés de la vente de biens complémentaires, dont la demande est accrue grâce à la gratuité du bien d'information en question (ainsi, la gratuité du logiciel&nbsp;<em>Acrobat Reader</em>—grâce auquel vous lisez Regards Economiques—a contribué à faire du format<em>&nbsp;pdf</em>&nbsp;un standard de facto, ce qui motive de nombreux auteurs à acheter le logiciel&nbsp;<em>Acrobat Writer</em>&nbsp;pour produire des documents sous ce format).</li> </ul> <p>A la lumière des deux derniers constats, nous conseillons aux producteurs de biens d'information d'utiliser l'Internet et les technologies digitales pour concurrencer le piratage plutôt que pour le combattre. Ces mêmes technologies qui font de tout consommateur un pirate en puissance offrent également de formidables outils pour ajouter de la valeur aux biens d'information (une valeur difficile à copier et pour laquelle le consommateur est prêt à payer) et pour créer des modes de distribution et de payement originaux.</p> <p>Ainsi, plusieurs projets de distribution payante de musique en ligne ont vu le jour ces dernières années. Après plusieurs tentatives infructueuses (comme celles de&nbsp;<em>Pressplay</em>&nbsp;et de&nbsp;<em>Musicnet</em>), quelques unes des formules proposées aujourd'hui semblent remporter l'adhésion des consommateurs et ont l'espoir de devenir rentables.</p> <ul> <li>Apple semble avoir trouvé la formule gagnante avec<em>&nbsp;iTunes Music Store</em>. Quatre jours après son lancement, la version PC de ce service (réservé à l'origine aux ordinateurs Macintosh) avait été téléchargée par un million d'utilisateurs. Ce qui fait le succès de ce service, ce ne sont pas tant les prix pratiqués (qui ne sont guère inférieurs à ceux du commerce physique de détail) que sa facilité d'utilisation, son intégration avec le lecteur portable de musique digitale&nbsp;<em>iPod</em>&nbsp;et son absence de restrictions quant à l'usage ultérieur que les consommateurs peuvent faire des morceaux téléchargés. Ce dernier point illustre notre argument selon lequel une réduction du degré d'exclusion a un effet positif sur le niveau de la demande pour un bien d'information.</li> <li>Le concurrent le plus sérieux de<em>&nbsp;iTunes</em>&nbsp;dans le monde PC est sans doute le nouveau—et désormais légal—<em>Napster</em>&nbsp;2.0. Ce service combine le modèle de vente de&nbsp;<em>iTunes</em>&nbsp;(même les prix sont identiques) avec le sentiment d'appartenance à une communauté qu'offrait le Napster original. Contre un abonnement de $&nbsp;9,99 par mois, les utilisateurs ont accès à des services additionnels : ils peuvent écouter les sélections d'autres utilisateurs, échanger leurs opinions avec d'autres et télécharger autant de morceaux qu'ils le désirent sur leur PC (mais uniquement sur leur PC). Il est intéressant de constater que c'est la firme de logiciels&nbsp;<em>Roxio</em>&nbsp;qui a relancé&nbsp;<em>Napster</em>. Le fait que les produits phares de cette firme sont des logiciels de gravure de CD et de DVD illustre notre argument à propos des sources de revenus complémentaires.</li> <li>Le service&nbsp;<em>Rhapsody</em>&nbsp;constitue un autre modèle. Il s'agit d'un "jukebox" qui n'offre que très peu de possibilités de téléchargement. Ses atouts résident dans la très large sélection de musique qu'il offre et dans la qualité du son. Moyennant $&nbsp;9,95 par mois, l'utilisateur peut écouter ce qu'il désire dans un catalogue comptant plus de 400 000 morceaux. Et si le morceau recherché ne figure pas dans le catalogue, le service renvoie l'auditeur vers une de ses stations "web-radio". On n'est donc pas très loin d'un service de musique "sur demande" qui permet à l'amateur de musique d'écouter un morceau à l'instant-même où il y pense, où il en entend parler, où un ami le lui recommande. Ecouter un morceau, sans vraiment le posséder toutefois…</li> </ul> <p>&nbsp;Nous ouvrons également la réflexion quant aux aménagements à apporter au régime légal de droit d’auteur pour l'adapter au nouvel environnement technologique.</p> Paul Belleflamme (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.12.01 Numéro 16 - octobre 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16133 <p>Contrairement à ce que certaines personnes pourraient croire, notamment certains Ministres du Gouvernement actuel, l’enjeu principal pour les finances publiques de la Belgique n’est pas d’avoir un équilibre budgétaire à court terme. Le véritable enjeu, c’est la situation des finances publiques à long terme. En effet, au cours des prochaines années, les finances de l’Etat seront mises sévèrement sous pression par le choc démographique lié au vieillissement de la population.</p> <p>L’ampleur de l’impact budgétaire du choc démographique est souvent mesurée par ce que les spécialistes appellent «le coût budgétaire du vieillissement». La mesure de ce coût est un problème éminemment technique, mais elle a des implications importantes sur les choix politiques. Ainsi, il y a un an, le Comité d’Etude sur le Vieillissement (CEV) estimait le coût budgétaire du vieillissement d’ici 2030 à 2,6&nbsp;% du PIB dans le pire des scénarios et concluait que la baisse des charges d’intérêt sur la dette publique serait suffisante pour couvrir ce coût. Il y a quelques mois, son appréciation était nettement moins optimiste&nbsp;: le coût budgétaire était estimé à plus de 4&nbsp;% du PIB, et une stratégie beaucoup plus active était recommandée.</p> <p>Ce revirement soudain dans les estimations et les recommandations du CEV montre combien une stratégie budgétaire, que certains croyaient jadis solide et adaptée, peut apparaître fragile le lendemain, notamment parce que le cadre macroéconomique a soudainement changé. Dans le dernier numéro de Regards Economiques (n°16), nous remettons en cause la stratégie budgétaire actuelle au travers de quatre questions déplaisantes.</p> <ol> <li><em>La constitution du Fonds de vieillissement garantit-elle les droits à la pension ?&nbsp;</em>&nbsp;Alors que le Fonds de vieillissement constitue un élément important de la stratégie du gouvernement pour affronter le choc démographique des années à venir, il ne pourra véritablement remplir la mission pour laquelle il a été créé qu'en cas de réduction accélérée de la dette publique. Ce n'est en effet que dans ce cas que le Fonds de vieillissement pourra compter sur un financement structurel et durable. En outre, sa création n'étaient pas véritablement nécéssaire pour faire face à l'impact budgétaire du vieillissement, car il s'agit simplement d'une manière particulière de réduire la dette publique. Il aurait été plus transparent de se fixer un objectif en termes de dette publique. Au delà de son inutilité de principe, le Fonds de vieillissement peut exercer un effet néfaste sur les décideurs politiques et les citoyens en leur laissant croire que le problème du vieillissement est réglé.</li> <li>&nbsp;<em>La réforme fiscale risque-t-elle de compromettre la situation des finances publiques à long-terme ?&nbsp;</em>La réponse à cette question est moins tranchée et donne lieu à un débat entre ceux qui estiment que la réforme est préjudiciable à la réduction de la dette publique et ceux qui y voient une manière intéressante de relancer la croissance. Pour ces derniers, néanmoins, si la réforme fiscale s’effectue sans une amélioration structurelle des finances publiques, on peut craindre qu’il faille tôt ou tard faire marche arrière, sans quoi les moyens budgétaires disponibles pour couvrir le coût du vieillissement seront insuffisants.</li> <li><em>Peut-on espérer une réduction structurelle du chômage qui atténue le coût budgétaire du vieillissement ?</em>Toutes les estimations officielles du coût du vieillissement se basent sur l’hypothèse que, d’ici 2030, le taux de chômage de l’économie belge aura spontanément diminué de moitié. L’argument évoqué repose sur une diminution de la population active couplée à un maintien du nombre d’emplois disponibles. Cette approche est particulièrement naïve et n’est conforme à aucun des modèles économiques sérieux connus actuellement. Dans le long terme, le taux de chômage dépend des caractéristiques structurelles de l’économie et non de la taille de la population active. Selon nous, rien ne permet donc de penser que le taux de chômage diminuera substantiellement au cours des prochaines années. Au contraire, il se pourrait même qu’il reste pour longtemps à son niveau actuel.</li> <li><em>La croissance économique pourrait-elle rester faible pour longtemps ?</em>&nbsp;Une croissance économique élevée sur le long terme permettrait certainement à la Belgique de supporter plus facilement le coût budgétaire du vieillissement. Les projections officielles extrapolent un taux de croissance autour de 1,75&nbsp;% - 2&nbsp;% par an jusqu’en 2030. Rien n’exclut cependant une scénario «catastrophe» où la croissance resterait molle pour longtemps, disons autour de 1&nbsp;% par an. Le vieillissement de la population pourrait en effet exercer des conséquences négatives sur le dynamisme de notre économie, et sur sa capacité à innover. En outre, d’un point de vue historique, il apparaît que les années de croissance soutenue à 2&nbsp;% sont limitées à des sous-périodes précises, ce qui rend une extrapolation automatique vers 2030 hasardeuse.</li> </ol> <p>Selon nous, en poursuivant la stratégie actuelle, le risque est grand que les moyens budgétaires disponibles pour faire face aux différentes obligations de l’Etat soient insuffisants. Un stratégie plus crédible pour absorber le choc démographique imposera tôt ou tard aux décideurs politiques de choisir entre revoir l’âge de la retraite, baisser le niveau des pensions et augmenter les cotisations sociales – ou tout mélange de ces trois options. Il s’agit bien entendu d’un choix politique difficile. Il serait toutefois dangereux de se cacher derrière des évaluations budgétaires trop favorables ou des artifices comptables pour éviter d’effectuer les choix nécessaires.</p> Vincent Bodart David de la Croix (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.10.02 Numéro 15 - octobre 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16143 <p>Pour répondre aux difficultés structurelles du marché du travail, y a-t-il lieu d'alléger le coût du travail par des réductions de charges sociales ? Si oui, comment et jusqu'où ?</p> Bart Cockx Henri Sneessens Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.10.01 Numéro 14 - septembre 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16153 <p>Les universités sont en crise, avec une baisse du financement par étudiant (hors inflation) proche de 50&nbsp;% et une baisse du taux d’encadrement de plus de 50&nbsp;% depuis 1972. En outre, seulement 12&nbsp;% de la population des 25-64 ans est universitaire et gagne en moyenne 50&nbsp;% en plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire. On peut donc se poser la question de savoir si la gratuité de l’université est encore possible et désirable. Si non, quel mode de financement avec contributions privées faut-il adopter pour préserver à la fois l’accessibilité et la viabilité du système&nbsp;?</p> <p>Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons confronté le point de vue de deux économistes, Jean Hindriks (UCL, CORE) et Vincent Vandenberghe (UCL, IRES), et les objections d’un philoso­phe, Philippe Van Parijs (UCL, Chaire Hoover).</p> <h2>Le point de vue de deux économistes</h2> <p>Un refinancement public des universités est peu probable. Il faut rappeler que 90&nbsp;% du coût d’une formation universitaire est financé par des contribuables qui pour la plupart ne sont jamais allés à l’université et qui pour certains subissent la concurrence des universitaires sur le marché du travail. Même si le besoin d’investir dans le capital humain est économiquement évident, la préférence politi­que s’oriente clairement vers d’autres demandes concurrentes et légitimes que sont les soins de santé et les pensions.</p> <p>Comment pouvons-nous donc assurer la poursuite de l’investissement en capital humain sans recourir à un effort supplémentaire des contribuables&nbsp;? Mais plus important encore, si comme en Belgique, la dotation publique aux universités est fixe, comment échapper à l’inéluctable choix entre excellence pour un petit nombre ou médiocrité pour un grand nombre&nbsp;?</p> <p>Notre argument est qu’il est possible de sortir de cette situation. On peut à la fois poursuivre l’expansion de la population étudiante (formation du capital humain) et assurer le développement de la qualité, sans augmenter la contribution publique. Il faut pour cela combiner une&nbsp;<em>gratuité sélective&nbsp;</em>et un&nbsp;<em>financement</em><em>sélectif</em>&nbsp;<em>basé sur une évaluation des performances.</em></p> <h3>Gratuité sélective et payement différé&nbsp;:</h3> <p>Il s’agirait de relever les droits d’inscription mais en offrant voire en imposant aussitôt que ces mon­tants soient commués en prêt remboursable au terme des études. Le remboursement du prêt serait contingent au revenu, tel un montant X au-delà d’un revenu de Y € par tranche de 1000 € empruntés. Le revenu Y à partir duquel interviendrait le paiement devrait logiquement correspondre au revenu moyen d’un individu n’ayant pas fait d’études supérieures. Quant au montant X, il devrait être fixé de manière à assurer l’équilibre financier du système</p> <p>Ce système est depuis peu en application au Royaume-Uni et diffère fondamentalement d’un impôt sur le revenu. Primo, le remboursement est concentré sur les utilisateurs bénéficiaires de l’enseignement supérieur. En Belgique, 12&nbsp;% de la population des 25-64 ans est universitaire et gagne en moyenne 50&nbsp;% en plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire supérieur. Il faut donc bien faire ici la dis­tinction avec l’enseignement obligatoire où la participation de tous justifie la gratuité et le financement intégral par l’impôt. Secundo, le remboursement est limité dans le temps. Tertio, le remboursement est nominatif et donc indépendant de la décision de s’expatrier. Ce dernier point est important étant donné la mobilité accrue des plus qualifiés, autant au sein de l’Europe que hors Europe.</p> <p>Plutôt que de décourager l’accès à l’université, ce système pourrait bien avoir l’effet contraire puisque des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni qui ont adopté une telle politique ont des taux de par­ticipation nettement plus élevés que le nôtre (respectivement 19&nbsp;% et 20&nbsp;% de la population, compara­tivement au taux belge de 12&nbsp;%). La crainte que l’endettement ne décourage les étudiants défavorisés d’accéder à l’université est aussi contre-dite par une étude américaine récente (NBER) qui montre que la substitution d’un système de prêt au système de bourse n’a pas eu d’effet significatif sur la partici­pation des étudiants pauvres dans les universités américaines.</p> <h3>Financement sélectif et évaluation des performances&nbsp;:</h3> <p>Il ne suffit pas de proposer une solution de refinancement des universités, il faut également chercher à dépenser mieux ces fonds partout où cela est possible. Cette recherche d’efficience a induit, avec des effets surprenants, la mise en place dans certains pays d’une évaluation de la performance, autant au niveau de l’enseignement que de la recherche. Au Royaume-Uni, l’enseignement est évalué par une agence indépendante. Depuis lors, on observe une amélioration continue de la performance générale telle qu’évaluée par l’agence. Par exemple, 60,5&nbsp;% des départements avaient reçu une cote excellente en 1998-2000, comparativement à 33,9&nbsp;% en 1996-98 et 24,8&nbsp;% en 1995-96. Pour la recherche au Royaume-Uni, l’évaluation est faite par un panel d’experts et d’utilisateurs de la recherche, spécifique à chaque discipline. Cela résulte en un système de financement de la recherche qui est très sélectif. En 2002-2003, près de 75&nbsp;% des fonds de recherche ont été alloués à 14&nbsp;% des universités. On note une amélioration significative de la qualité de la recherche. Comparativement à l’évaluation de 1996, en 2001, le pourcentage de départements recevant les cotes les plus élevées a augmenté de 20&nbsp;% à 39&nbsp;%, alors que le pourcentage des départements recevant les cotes les plus basses a diminué de 24&nbsp;% à 6&nbsp;%.</p> <p>Nous pensons que l’évaluation a plus de chance d’être acceptée si elle n’est pas perçue comme un moyen déguisé de couper les ressources. Pour cela, un refinancement des universités au travers de la gratuité sélective est donc un bon moyen de faire accepter l’évaluation des performances et un finan­cement plus sélectif.</p> <h2>Le point de vue du philosophe</h2> <p>Est-il juste que l’Université soit gratuite&nbsp;? D’un côté, bien sûr que oui. En effet, à condition de dispo­ser d’un système d’impôt sur le revenu suffisamment performant, mieux vaut offrir l’université gra­tuitement à tous les ménages, non parce que c’est mieux pour les riches (dont les impôts financent de toutes façons les prestations dont ils bénéficient), mais parce que c’est mieux pour les pauvres (facilité administrative, non-stigmatisation des pauvres et incitation au travail). De l’autre, bien sûr que non, car si ce cadeau est égal pour chacun quant à son coût, il est très inégal dans ses effets. A ceux qui sont déjà avantagés par leurs talents initiaux et ce que leur environnement familial et scolaire en a fait, la société a le culot de dire&nbsp;: «Nous vous donnons en outre un gros cadeau supplémentaire sous la forme d’une formation supérieure gratuite»</p> <p>Peut-on réconcilier ces deux intuitions en apparences contradictoires&nbsp;? Pas trop difficilement. C’est en fait ce que réalise pour l’essentiel le système auquel nous sommes accoutumés : un enseignement supérieur essentiellement gratuit quant à son coût explicite, mais avec une récupération différée non ciblée, sous la forme d’une taxation progressive du revenu des personnes physiques. A cette apologie non déguisée du statu quo, on peut faire au moins quatre objections.</p> <p><em>Objection 1.</em>&nbsp;Le système actuel taxe indifféremment ceux qui doivent leur revenu élevé à des études payées par la collectivité et ceux qui le doivent à d’autres raisons.</p> <p><em>Réponse.</em>&nbsp;C’est inévitablement approximatif, mais nullement améliorable par un meilleur ciblage du financement. Tenter de repérer la part de revenu que chacun doit à ses études supérieures, c’est, du point de vue de la recherche de la justice, faire preuve d’un souci de précision bien mal placé. En effet, le revenu que le marché nous attribue est certes fonction des efforts consentis, mais sur la toile de fond d’un ensemble vaste et complexe de dons, d’opportunités, de chances qui nous ont été attribués de manière très inégale&nbsp;et éthiquement arbitraire.</p> <p><em>Objection 2.</em>&nbsp;En faisant payer aux bénéficiaires le vrai coût de leur formation, on se protège contre de graves gaspillages de ressources dans des formations qui sont loin de valoir ce qu’elles coûtent mais n’en rencontrent pas moins un franc succès du fait de leur gratuité.</p> <p><em>Réponse.</em>&nbsp;Un usage intelligent des ressources rares disponibles exige une régulation de l’offre des formations. Mais la meilleure régulation, dans ce cas, ne passe pas par la vérité des prix et la souverai­neté du consommateur. La gratuité est naturellement combinable avec un numerus clausus explicite ou implicite, global et/ou spécifique à chaque orientation.</p> <p><em>Objection&nbsp;3.</em>&nbsp;Plus les étudiants payeront pour leurs études, plus ils seront à la fois motivés à étudier avec zèle et exigeants à l’égard de leurs enseignants, eux-mêmes désormais soucieux de ne pas perdre la clientèle à la source de leurs revenus.</p> <p><em>Réponse.</em>&nbsp;Dans un système de concurrence implicite comme le nôtre, où la subsidiation de chaque institution dépend fortement de la proportion des étudiants qu’elle parvient à attirer, les enseignants ont la même incitation financière à se préoccuper de la satisfaction de leurs «clients» que si le montant provenant aujourd’hui des subsides avait à être payé par les étudiants. En outre, une soumission trop directe aux exigences de l’étudiant actuel peut handicaper gravement l’efficacité de long terme du système, qui exige à la fois de laisser place à une recherche sans retombée directe sur l’enseignement actuel et d’enseigner aux étudiants ce qu’il est important qu’ils apprennent, plutôt que ce que l’air du temps leur fait souhaiter d’apprendre.</p> <p><em>Objection&nbsp;4.</em>&nbsp;Avec la mobilité transnationale des personnes hautement qualifiées et la décentralisation de la souveraineté fiscale à un niveau sub-national, il sera plus difficile de récupérer par l’impôt l’investissement dont jouissent les titulaires d’emplois hautement qualifiés qui choisissent de s’expatrier.</p> <p><em>Réponse.</em>&nbsp;Face à cette difficulté, le plus efficace est peut-être encore de préserver et développer, parmi les personnes qui ont la chance de pouvoir bénéficier de l’enseignement supérieur de leur pays, un sentiment de gratitude et une attitude de loyauté à l’égard de cette entité collective qui leur a offert ce privilège.</p> Jean Hindriks Vincent Vandenberghe Philippe Van Parijs (c) Tous droits réservés 2019 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.09.01 Numéro 13 - juin 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16163 <p>Afin d'assurer le respect durable de la discipline budgétaire après le passage à l'Union monétaire, les Etats membres de l'Union européenne ont jugé utile d'adopter en juin 1997 le Pacte de stabilité et de croissance dans lequel ils se sont engagés à maintenir leur déficit budgétaire en dessous de 3&nbsp;% du PIB et ont accepté le principe d’être sanctionnés en cas de dépassement de ce plafond.</p> <p>Les difficultés récentes rencontrées par l'Allemagne et la France pour respecter les obligations imposées par le Pacte de stabilité ont amené le Conseil européen en mars dernier à adopter un certain nombre de propositions de la Commission européenne destinées à améliorer l'interprétation et la mise en œuvre du Pacte de stabilité. L'engagement pris par les Etats membres de parvenir à un solde budgétaire "proche de l'équilibre ou en excédent" défini en termes structurels, c’est-à-dire corrigé des variations conjoncturelles et des effets transitoires, constitue l'amélioration principale du Pacte.</p> <p>Dans l'article ci-joint, nous analysons les principaux éléments du Pacte de stabilité et les améliorations récentes qui lui ont été apportées. Nous formulons également des propositions pour renforcer davantage l'efficacité du Pacte de stabilité à court terme ainsi que dans une perspective de long terme.</p> <p>Les principales conclusions de notre article peuvent se résumer ainsi.</p> <ol> <li>Le Pacte de stabilité est indispensable au bon fonctionnement de l'Union monétaire, à la fois dans une perspective de court terme pour permettre au déficit de fluctuer d’un bout à l’autre du cycle conjoncturel, ainsi que dans une perspective de long terme pour permettre aux pays de relever le défi du vieillissement.</li> <li>Les difficultés budgétaires actuelles de l'Allemagne confirment l'importance de ramener les déficits structurels vers une position proche de l'équilibre pour disposer à tout moment d'une marge de sécurité suffisante pour empêcher le déficit effectif de dépasser le plafond de 3&nbsp;% du PIB.</li> <li>La disposition du Pacte de stabilité qui précise qu'un Etat membre ne peut invoquer un ralentissement conjoncturel pour justifier un dépassement du plafond de déficit de 3&nbsp;% du PIB que lorsque celui-ci entraîne une baisse annuelle du PIB réel d'au moins 0,75&nbsp;% est trop restrictive. Il faudrait assouplir cette disposition pour permettre à un pays confronté à un ralentissement conjoncturel persistant de dépasser le plafond de déficit de 3&nbsp;% du PIB pour autant que son solde budgétaire structurel reste proche de l'équilibre, que son taux d'inflation est inférieur à celui dans la zone euro, et que son taux d'endettement – s'il est supérieur à 60&nbsp;% du PIB – continue à diminuer à un rythme satisfaisant.</li> <li>Les architectes du Pacte de stabilité ont fait preuve d'une grande clairvoyance en proposant d'instituer l'objectif d'une position budgétaire "proche de l'équilibre ou en excédent". La réalisation de cet objectif est en effet indispensable pour permettre aux pays européens de pouvoir absorber le coût budgétaire du vieillissement démographique par la réduction des charges d'intérêt de la dette publique. Cette analyse nous amène à formuler deux recommandations qui ont un caractère contre intuitif&nbsp;:</li> </ol> <ul> <li>Premièrement, les pays faiblement endettés devraient adopter des objectifs de solde budgétaire plus ambitieux que les pays lourdement endettés. En fait, les pays faiblement endettés devraient s'efforcer de dégager des surplus budgétaires structurels d'ici la fin de&nbsp;la décennie car c'est la seule façon pour ces pays d'atteindre un niveau&nbsp;de surplus primaire suffisant pour enclencher une baisse prolongée de leur taux d'endettement.</li> <li>Deuxièmement, si un pays fortement&nbsp;endetté atteint l'équilibre budgétaire trop tôt et décide de ne pas&nbsp;dégager de surplus budgétaire, il risque de se retrouver à la veille du&nbsp;choc démographique avec un niveau de surplus primaire insuffisant pour financer le choc démographique. Pour éviter ce risque, il y a lieu que ces&nbsp;pays mettent de côté une partie plus ou moins importante des marges&nbsp;budgétaires dégagées par la baisse des charges d'intérêt dans un fonds de vieillissement.</li> </ul> <p>5. Le Pacte de stabilité continuera à être utile bien au-delà de 2010. C'est en effet à partir de cette date que le vieillissement de la population commencera à exercer des pressions considérables sur les budgets et les systèmes de protection sociale en Europe. Le Pacte de stabilité jouera alors un rôle essentiel de garde-fou contre les dérapages budgétaires. Ce n'est que lorsque les pays européens commenceront à voir la fin du tunnel dans lequel le choc démographique va les entraîner qu'ils pourront revendiquer un assouplissement des règles du Pacte de stabilité.</p> <p>Appliquées à la Belgique, les conclusions de notre analyse nous conduisent à proposer aux négociateurs gouvernementaux de fonder la politique budgétaire du prochain gouvernement belge sur les deux objectifs suivants :</p> <ol> <li><em>Le maintien de l'équilibre budgétaire défini en termes structurels.&nbsp;</em>Compte tenu de la faiblesse de la croissance attendue pour cette année-ci, cet objectif permet d'accepter l'apparition d'un déficit budgétaire en 2003. Il implique également de mettre à profit tout redressement de la conjoncture pour éliminer le déficit et dégager des surplus budgétaires à moyen terme (2005-2007) si la croissance économique renoue avec des taux supérieurs à la croissance potentielle de l'économie belge.</li> <li><em>Le renforcement des montants investis dans le Fonds de vieillissement</em>. Etant donné que le maintien de l'équilibre budgétaire structurel permet de profiter de la baisse spontanée des charges d'intérêt de la dette publique pour financer des initiatives nouvelles, la Belgique risque de se retrouver à la fin de la décennie avec un surplus primaire insuffisant pour pouvoir financer le choc démographique sans augmenter les impôts et/ou le déficit. Par conséquent, les négociateurs gouvernementaux devraient prévoir d’utiliser une partie des moyens dégagés par la baisse des charges d'intérêt et d'éventuelles ventes d'actifs pour alimenter le Fonds de vieillissement de manière appropriée. Pour établir clairement que les objectifs budgétaires retenus sont suffisamment ambitieux, il serait utile de calculer les besoins du Fonds de vieillissement sur base d'une projection réaliste de l'évolution des finances publiques à long terme.</li> </ol> Bernard Delbeque (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.06.02 Numéro 12 - juin 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16173 <p>A propos de la valeur de la vie humaine dans les décisions économiques.</p> Jacques Drèze (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.06.01 Numéro 11 - mai 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16183 <p>L’abstention est un sujet de débat omniprésent dans la plupart des démocraties et ce pour deux raisons. Une de ces raisons est son importance croissante. Dans de nombreux pays démocratiques, un pourcentage croissant de la population décide de ne pas voter, suscitant de nombreux débats scientifiques, politiques et médiatiques. Même en Belgique, où le vote est obligatoire, nous sommes loin des 100&nbsp;% de participation. En 1995, 9&nbsp;% de la population avec droit de vote s’est abstenue, alors qu’en 1977 ils n’étaient que 5&nbsp;%. Le cadre légal permettant de faire respecter la loi du vote obligatoire n’est en effet pas très strict. Entre 1987 et 1990, parmi les 500.000 personnes s’étant abstenues, seules 153 d’entre elles ont été jugées, et 138 condamnées à une amende symbolique. L’autre raison est beaucoup plus inquiétante&nbsp;: les citoyens qui décident de ne pas voter sont très souvent les plus défavorisés (moins riches, moins éduqués, ouvriers). Cette inégalité est loin d’être négligeable. Pour un ensemble de sept pays européens et le Canada, l’écart entre la participation des citoyens les plus éduqués et de leurs concitoyens moins diplômés a été estimé à 10 points de pourcent; en Suisse, pour les referenda menés entre 1981 et 1991, on a estimé l’écart à 25 points de pourcent; aux Etats-Unis, pour l’élection de 1972, il était de 40 points de pourcent.</p> <p>Est-ce problématique&nbsp;? Le politologue Arend Lijphart affirme que la sous-représentation des plus défavorisés est l’équivalent fonctionnel des règles de vote censitaire existantes dans beaucoup de démocraties à la fin du dix-neuvième siècle, ce qui est intolérable. Cette position n’est cependant pas consensuelle. John Stuart Mill, par exemple, était de l’avis que les moins éduqués ne devraient pas voter parce qu’ils sont incapables de juger quelles sont les politiques favorables au bien-être de la communauté. Les données ne confirment cependant pas cette affirmation, mais elles montrent clairement que les pays ayant plus d’abstention sont ceux où la distribution du revenu est la plus inégale. Cela confirme la crainte de Lijphart de sous-représentation des opinions politiques des moins favorisés. Cette crainte est aussi renforcée par le fait qu’une diminution de l’abstention bénéficie principalement aux partis de gauche. Un phénomène de ce type peut partiellement expliquer les positions des différents partis sur le vote obligatoire en Belgique. En effet, selon les politologues belges Johan Ackaert et Lieven De Winter, son abolition&nbsp;<em>peut gonfler ou diminuer fortement les résultats électoraux de certains partis.</em></p> <p>Quels sont alors les facteurs qui influencent l’abstention&nbsp;? Le vote obligatoire a un impact déterminant sur le taux d’abstention. Dans une enquête menée en Belgique en 1991, 27&nbsp;% des répondants affirment qu’ils ne voteraient plus jamais aux élections parlementaires si la loi sur le vote obligatoire était abolie. Pour l’élection du Parlement européen, on a estimé que le vote obligatoire diminuait l’abstention d’environ 20 à 23 points de pourcent. Par ailleurs, l’abstention varie selon le type d’élection (nationale, locale, européenne), le système électoral (proportionnel ou majoritaire), le jour de la semaine où ont lieu les élections (week-end ou jour ouvrable), l’existence ou pas d’un processus préalable d’inscription en tant qu’électeur (plus d’abstention dans les pays où c’est le cas), le nombre d’élections annuelles (l’abstention augmente lorsqu’il y en a beaucoup), le résultat espéré (moins d’abstention lorsqu’un résultat plus serré est attendu).</p> <p>La décision de voter ou de s’abstenir intéresse les économistes depuis que Downs a publié "An Economic Theory of Democracy" en 1957. L’auteur y décrit le comportement de l’électeur en tant qu’individu rationnel, qui évalue le bénéfice et le coût de voter. Le bénéfice correspond au gain de voir son parti préféré gagner l’élection, pondéré par la probabilité que son propre vote soit déterminant pour un tel résultat. Avec des millions d’électeurs, le vote d’un individu a un impact très faible sur le résultat, rendant presque nul le bénéfice de voter. Les coûts associés à l’acte de voter incluent le déplacement, le temps d’attente au bureau de vote et la récolte d’information préalable. L’électeur rationnel devrait donc s’abstenir. Downs conclut que si les citoyens votent malgré tout, c’est parce qu’ils attachent de la valeur au système démocratique et qu’ils veulent éviter son effondrement. C’est ce qu’il appelle la "valeur de long terme" de la démocratie.</p> <p>Ces éléments nous permettent d’interpréter les faits empiriques. Voter un jour ouvrable et le fait de devoir s’inscrire sont des coûts, qui font augmenter l’abstention. Le bénéfice de l’élection de son parti préféré est supérieur lorsque l’enjeu de l’élection est plus grand, ce qui explique la moindre abstention aux élections nationales par rapport aux européennes. Un résultat espéré très serré augmente l’impact du vote individuel sur le résultat des élections, ce qui fait diminuer l’abstention. Si on pense au coût d’obtention de l’information nécessaire à la décision de voter, la plus forte participation des plus diplômés devient claire&nbsp;: ce sont eux qui ont le plus de facilités à obtenir et interpréter cette information.</p> <p>Downs a aussi mis l’accent sur le paradoxe fondamental du vote. Si aucun individu ne vote parce qu’il ne peut influencer le résultat, chaque citoyen peut décider de voter et ainsi élire son parti préféré, puisque tous ses concitoyens se sont abstenus. Mais si tous parviennent à la même conclusion, ils votent donc tous et chaque vote individuel perd sa valeur. Ce raisonnement fait appel à deux aspects fondamentaux de l’acte de voter. D’un côté la compétition, qui pousse les gens à voter&nbsp;: les sympathisants d’un parti veulent voter pour que l’autre parti ne gagne pas. D’un autre le phénomène du "tire-au-flanc", qui amène les gens à s’abstenir&nbsp;: les sympathisants d’un même parti ont tendance à reporter l’un sur l’autre la responsabilité de voter, car cela leur évite le coût du vote tout en gardant le bénéfice de voir son parti élu.</p> <p>Le message des approches économiques face au problème de l’abstention est que son existence n’est pas étonnante, bien au contraire. Cependant, dans le souci d’augmenter la participation, on peut éliminer certains aspects institutionnels qui rendent l’acte de voter coûteux. De nombreuses études empiriques ont démontré l’importance des aspects institutionnels,&nbsp;et la théorie nous permet de comprendre pourquoi des tels facteurs influencent la décision de voter.</p> <p>Parmi les différentes mesures que l’on peut mettre en place pour faire baisser l’abstention, la plus effective mais aussi la plus controversée est sans doute le vote obligatoire, qui permet à la fois de faire descendre l’abstention à des niveaux très faibles et d’éliminer le biais social. La Belgique a le système le plus ancien et le mieux établi de vote obligatoire. Ce n’est cependant pas le seul pays à l’avoir adopté.</p> <p>L’introduction du vote obligatoire n’est cependant pas exempte de critiques. La plus importante concerne la liberté de choix. Les défenseurs du vote obligatoire tels que Arend Lijphart affirment que le droit de ne pas voter reste intact (par un vote blanc ou nul), c’est l’obligation de se déplacer jusqu’au bureau de vote qui est en cause. En outre, tout dépend de l’échelle des valeurs&nbsp;: si l’on préfère la liberté individuelle à l’égalité de représentation et d’opportunité, le vote obligatoire a en effet peu de sens. Enfin, ne pas voter est une attitude de tire-au-flanc comme beaucoup d’autres dans la vie économique, que l’Etat doit souvent éliminer en imposant une obligation.</p> Susana Peralta (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.05.01 Numéro 10 - avril 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16193 <p>Depuis le début de l’attaque américaine contre l’Irak, la perspective d’une reprise économique une fois le conflit terminé est de plus en plus évoquée. Si reprise il y a, celle-ci risque cependant d’être lente et graduelle!</p> Vincent Bodart Olivier Pierrard (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.04.02 Numéro 9 - avril 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16203 <p>Au cours des dernières années, les dépenses de santé ont augmenté en Belgique beaucoup plus rapidement que dans la plupart des autres pays européens. Nos concitoyens restent cependant fort attachés à leur système de santé, ceci contrairement aux citoyens d'autres pays où sont apparues des files d'attente. Néanmoins, notre système de santé est menacé. D'une part, pour faire face à la croissance des dépenses, nos décideurs politiques ont reporté sur les patients une partie des dépenses: tickets modérateurs en hausse, déremboursement de médicaments, ... et les suppléments imposés aux patients hospitalisés ont augmenté pour faire notamment face au sous-financement de certains services. Malgré des mesures prises en faveur des ménages les plus démunis, une médecine duale ‑ mettant en cause l'accès équitable aux soins de santé ‑ se développera si l'on persiste à augmenter les dépenses à charge des patients. C'est la légitimité même de l'assurance maladie obligatoire qui s'en trouvera contestée. D'autre part, il est prévisible que nos concitoyens ne maintiendront leur soutien à l'assurance maladie obligatoire ‑ dont le budget devra continuer à augmenter suite au vieillissement de la population et à la diffusion des progrès médicaux ‑ que si les principales inefficiences de notre système de santé sont éliminées. Ces inefficiences sont principalement causées par la multiplication des actes techniques tant en milieu ambulatoire qu'hospitalier : trop d'actes techniques sont réalisés sans qu'ils soient réellement utiles pour les patients, et les mêmes examens peuvent être reproduits plusieurs fois lorsqu'un patient s'adresse successivement à plusieurs prestataires.</p> <p>La réforme de notre système de santé sera un enjeu important à l'agenda du futur gouvernement. Les changements à mettre en œuvre devraient avoir pour objectif d'inciter plus fortement qu'aujourd'hui les patients et les médecins à adopter les filières de soins et les pratiques médicales qui utilisent au mieux les ressources afin d'atteindre la meilleure qualité des soins possible pour la totalité des patients. Entre autres réformes, deux mesures devraient être mises en œuvre rapidement. Primo, dans le secteur ambulatoire, un échelonnement des soins devrait être introduit de manière optionnelle : les patients qui accepteraient de ne consulter un spécialiste que sur l'avis de leur médecin généraliste bénéficieraient de réductions substantielles de leurs tickets modérateurs. Cette mesure a pour but de revaloriser le rôle pivot du médecin généraliste tenant à jour le dossier médical du patient.</p> <p>Secundo, dans les hôpitaux, la forfaitarisation partielle des honoraires, déjà appliquée pour la biologie clinique et l'imagerie médicale, devrait être généralisée à l'ensemble des actes médicaux et aux médicaments dont bénéficient les patients hospitalisés. Elle consiste à combiner une rémunération à l'acte (couvrant par exemple 40&nbsp;% des coûts) et un remboursement fixe modulé en fonction des pathologies traitées dans l'hôpital (couvrant les 60&nbsp;% restant). L'objectif est de réduire l'incitation à la multiplication des prestations qui est propre à la rémunération à l'acte pure tout en évitant les inconvénients de la forfaitarisation complète.</p> <p>Trop souvent, les propositions de réforme se heurtent à l'opposition de certains milieux qui défendent des intérêts particuliers. Le prochain gouvernement devrait avoir le courage politique de n'accorder des augmentations substantielles de moyens budgétaires au secteur des soins de santé qu'à condition que soient mises en place des réformes améliorant significativement l'efficience de notre système de santé.</p> Maurice Marchand (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.04.01 Numéro 8 - mars 2003 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16213 <p>En quelques années les banques occidentales -&nbsp;le groupe belge KBC en tête&nbsp;- ont envahi en force les pays d'Europe centrale et orientale, tout particulièrement ceux qui doivent entrer bientôt dans l'Union européenne. Selon la Banque Centrale Européenne, plus des deux tiers du système bancaire de ces pays sont maintenant dans des mains étrangères qui contrôlent plus de la moitié des quelques 300 banques commerciales de cette région d'Europe.</p> <p>Trois facteurs ont attiré vers l'Est les banquiers d'Europe occidentale : en premier lieu, un grand&nbsp;<em>potentiel de développement du secteur financier</em>, compte tenu de la perspective de rattrapage économique global que ces pays offrent à terme et de la faible importance de ce secteur dans l'économie au départ; en second lieu, la possibilité, étant donné ces conditions de départ, d'y acquérir&nbsp;<em>une part de marché significative avec un investissement limité</em>, argument souvent invoqué par les dirigeants de KBC à l'appui de leur stratégie d'ouverture à l'Est d'un "second marché domestique"; en troisième lieu, une possibilité intéressante de&nbsp;<em>diversification géographique des actifs bancaires</em>, particulièrement à un moment où la croissance s'essouffle et où les marchés bancaires paraissent saturés en Europe occidentale.</p> <p>Les pays candidats à l'Union européenne offrent donc aux banquiers de celle-ci des marchés prometteurs. Mais ces promesses ne seront tenues qu'à mesure que les pays en question se développeront et réussiront leur intégration économique, financière et finalement monétaire dans l'Union européenne. Or ceci requiert absolument que s'épanouisse chez eux un secteur financier solide et performant : c'est une condition nécessaire à la fois pour obtenir un développement économique soutenu, pour réaliser l'un des "critères de Copenhague", à savoir une économie de marché viable et capable de faire face à la pression de la concurrence sur le marché intérieur, et enfin pour atteindre le degré de stabilité monétaire et financière indispensable si l'on veut satisfaire aux "critères de Maastricht" et accéder à l'union monétaire.</p> <p>La réalisation de ce potentiel ne va pas de soi pour des pays à peine sortis des affres de la transition vers une économie de marché. Celle-ci, dans le domaine bancaire, fut particulièrement délicate et parsemée d'embûches. Lorsque l'économie était dirigée, une seule banque d'Etat -&nbsp;éventuellement nantie de quelques filiales spécialisées&nbsp;- assurait à la fois la fonction monétaire d'une banque centrale et les fonctions financières des banques commerciales. Cette "monobanque" octroyait des crédits selon les directives du pouvoir central, à un taux d'intérêt symbolique couvrant ses frais d'administration. Elle ne formait donc aucunement ses gestionnaires au métier de banquier, ni n'exerçait la fonction disciplinaire qui aurait pu susciter de meilleures performances dans les entreprises clientes. Une bonne partie des crédits accordés dans ces conditions se sont donc avérés non-performants dès le moment où des critères comptables plus rigoureux furent d'application.</p> <p>Avec l'effacement du communisme, une première réforme a scindé la monobanque en deux niveaux distincts : une banque centrale chargée de la politique monétaire, et des banques (publiques au départ) assumant les fonctions normales des banques commerciales. Mais celles-ci, peu préparées à leur nouveau métier, ont continué d'appliquer les us et coutumes de l'"ancien régime". En outre, dans un secteur financier privé bourgeonnant, encouragées par des régimes trop libéraux en matière d'agrément bancaire, de nouvelles banques dépourvues d'expérience commerciale ont proposé des financements sans discrimination.</p> <p>De la sorte, le problème des crédits non-performants, tout en ayant son origine dans l'ère de l'économie dirigée, a pris une grande ampleur dans les années qui ont suivi les premières réformes. Pour l'année 2000 encore, la Deutsche Bank a estimé la proportion de crédits non-performants dans le total des crédits bancaires à 15&nbsp;% en moyenne pour les dix pays candidats d'Europe centrale et orientale, allant de 2&nbsp;% en Estonie à 35&nbsp;% en Roumanie.</p> <p>Dans cet environnement à la fois fragile et périlleux, les banques étrangères ont apporté trois choses essentielles : en premier lieu, des&nbsp;<em>capitaux</em>&nbsp;qui ont représenté une part importante des flux d'investissement étrangers directs dans ces pays (le groupe KBC seul y a investi € 2,9 milliards); en second lieu, une culture et des pratiques de discipline financière et de gestion des risques qui, sans elles, auraient sans doute été beaucoup plus lentes à se développer&nbsp;: grâce aux banques étrangères, le secteur bancaire de ces pays a pu importer rapidement la&nbsp;<em>crédibilité</em>&nbsp;qui lui manquait; enfin, dans un environnement où la<em>&nbsp;capacité institutionnelle de régulation et de contrôle des banques</em>&nbsp;était faible, les banques étrangères y ont suppléé, en garantissant les engagements de leurs filiales et en supervisant leurs activités, ce qui revenait en quelque sorte à privatiser tant la fonction de prêteur en dernier ressort que les missions de contrôle.</p> <p>L'invasion de l'Europe centrale et orientale par les banques étrangères a donc contribué de manière importante à y stabiliser et renforcer le secteur financier mais rencontre maintenant certains obstacles&nbsp;: d'une part, le terrain est devenu relativement encombré et les marchés bancaires sont de plus en plus concurrentiels, ce dont bénéficie la clientèle des banques sur place mais qui a d'ores et déjà conduit certaines banques étrangères, dont les acquisitions ne s'étaient pas inscrites dans une stratégie claire et de long terme, à jeter le gant et quitter le marché. D'autre part, apparaît dans certains pays -&nbsp;on l'a vu notamment en Slovénie&nbsp;- une résistance politique et sociale à voir le secteur bancaire passer sous contrôle étranger. Mais la méfiance est peut-être moins grande lorsque la banque étrangère est issue d'un petit pays, avec lequel on n'a en outre pas de contentieux important dans l'histoire du vingtième siècle : c'est en tout cas ce qu'ont affirmé à plusieurs reprises les dirigeants de KBC.</p> <p>Malgré la présence massive des banques étrangères ainsi que des progrès inégaux mais réels dans la voie des réformes institutionnelles du secteur bancaire, le degré d'intermédiation bancaire en Europe centrale et orientale est encore relativement faible. Mesurant cette intermédiation par l'encours du crédit au secteur privé rapporté au PIB, la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) observe dans une étude récente que ce ratio est généralement inférieur à ce qu'il devrait être compte tenu du niveau de développement économique atteint. En particulier, l'accès des PME au crédit bancaire reste difficile, principalement parce qu'elles répondent rarement aux critères relativement rigides utilisés par les banques pour l'octroi de crédit, et ceci bride incontestablement le potentiel de développement économique et social dans ces pays.</p> <p>Néanmoins, la BERD constate, au moyen d'une analyse économétrique fouillée portant sur plusieurs centaines de banques de la région, que, toutes autres choses étant égales, la part des banques étrangères dans le total des actifs bancaires d'un pays influence positivement l'octroi de crédit bancaire au secteur privé par toutes les banques de ce pays : ceci reflète probablement, selon la BERD, l'impact positif de la présence de banques étrangères dans le marché du crédit aux entreprises, en raison de la pression concurrentielle que cette présence suscite sur les marges dans les activités bancaires à moindre risque, et de par la dissémination à l'ensemble du système bancaire de ce qu'elle apporte en termes de technologie et qualifications bancaires, et de gamme élargie de produits financiers et instruments de crédit.</p> <p>Ainsi, dans leur "marche vers l'Est", les banquiers européens ont été appelés à créer collectivement, eux-mêmes, les conditions du succès de leur entreprise.</p> Jean-Claude Koeune (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2003.03.01 Numéro 7 - décembre 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16223 <p>Le chômage en Wallonie a-t-il été épargné par la récession économique ? Jusqu’il y a peu, on a pu le croire. Comme on peut à présent le constater, ce n’était qu’une illusion statistique !</p> Muriel Dejemeppe (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.12.01 Numéro 6 - novembre 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16233 <p>Les négociations salariales dans le cadre de l’accord interprofessionnel 2003-2004 vont prochainement débuter. Ce numéro de<em>&nbsp;Regards Economiques</em>&nbsp;se penche sur les enjeux, les raisons et les modalités de la modération salariale en Belgique.</p> <h2><strong>1.&nbsp;&nbsp; Les enjeux</strong></h2> <p>Face à l’arbitrage entre salaire et emploi étayé ci-dessous, notre point de vue est qu’il faut davantage mettre l’accent sur le développement de l’emploi que sur la croissance des salaires. Cette priorité à l’emploi s’explique par le rôle de celui-ci dans l’insertion sociale et par le souci de sauvegarder une sécurité sociale efficace face au choc du vieillissement de la population et en présence de notre fort endettement public. Nous sommes bien conscients que l’emploi doit vérifier certaines caractéristiques pour être un vecteur d’insertion sociale. Même si nous n’abordons pas ces aspects ici, la négociation collective et la législation relatives aux conditions de travail sont donc essentielles elles aussi.</p> <h2><strong>2.&nbsp;&nbsp; Les raisons</strong></h2> <p>L’analyse d’un éventail de données statistiques livrent plusieurs enseignements. Primo, ils rappellent que le niveau du coût salarial en Belgique est parmi les plus élevés en Europe. Secundo, il semble bien que la croissance du coût salarial en Belgique ait pu effectivement être maîtrisée depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. Les coûts salariaux unitaires ont cependant progressé plus rapidement que dans les pays voisins, provoquant ainsi une détérioration de la compétitivité de l’économie belge. Tertio, les performances d’emploi de la Belgique s’améliorent mais demeurent extrêmement préoccupantes pour une série de groupes de la population (travailleurs moins qualifiés, travailleurs de nationalité non européenne, travailleurs âgés).</p> <p>Toutes les études disponibles pour la Belgique aboutissent à la même conclusion&nbsp;: le niveau macroéconomique de l’emploi varie négativement avec celui des coûts salariaux. Cette relation est la résultante d’effets tantôt positifs, tantôt négatifs. Cette conclusion pourrait donc s’inverser si les coûts salariaux baissaient fortement. On n’en est cependant pas là. La modération du&nbsp;<em>coût</em>&nbsp;salarial n’est certainement pas la panacée pour répondre à la situation préoccupante des groupes de population mentionnés à l’instant. La stimulation de l’offre d’emploi que cette modération favorise est cependant un complément indispensable à un ensemble de mesures structurelles bien coordonnées (relèvement des qualifications les plus basses, poursuite des actions ciblées sur des sous-régions particulièrement meurtries, abandon des freins à la mobilité des travailleurs, révision du profil salarial en fonction de l’âge ou de l’ancienneté, accroissement de l’écart entre revenu en emploi et revenu d’allocation en jouant sur la (para-)fiscalité, etc.).</p> <p>Les perspectives conjoncturelles peu brillantes pour le futur immédiat renforcent la nécessité d’une modération salariale. On sait en effet qu’en ces périodes assez déprimées sur le plan de l’embauche, les plus qualifiés vont davantage prospecter les marchés du travail où ils sont en quelque sorte "sur-qualifiés". Promouvoir une offre d’emplois dynamique dans tout l’éventail des qualifications est alors une manière de limiter ce phénomène dont seuls les plus qualifiés tirent un parti clair.</p> <h2><strong>3.&nbsp;&nbsp; Les modalités</strong></h2> <p>Depuis l’accord interprofessionnel de 1999-2000, la norme salariale est avant tout devenue "indicative". Elle est une recommandation des partenaires sociaux réunis au niveau national à l’égard des partenaires des négociations sectorielles et d’entreprise. Compte tenu des faits observés en Belgique depuis le premier choc pétrolier et des analyses réalisées depuis,<em>&nbsp;il est fort plausible que se coordonner sur une norme, même fruste, est préférable à une absence de coordination</em>.</p> <p>Pour que la modération salariale contribue le plus largement possible au développement de l’emploi, des aménagements complémentaires au système actuel nous semblent nécessaires. Ceux-ci se situent à trois niveaux.</p> <ol> <li>Pour favoriser la création d’emploi, il est primordial que les importants allégements structurels de cotisations sociales contribuent pleinement à la réduction du coût du travail. On recommande donc de maîtriser la croissance des&nbsp;<em>salaires bruts</em>&nbsp;afin que les baisses de cotisation structurelles allègent le coût salarial et stimule l’emploi. Cette maîtrise aurait une réciproque en ce sens que la réforme fiscale et les allégements de cotisations personnelles au bas de l’échelle salariale ne devraient pas être récupérées par les employeurs lors de la négociation du niveau des salaires bruts. Ces réformes pourraient alors pleinement jouer leurs rôles de soutien aux bas revenus et d’incitation à la recherche d’emploi et à la participation au marché du travail.</li> <li>L’indexation automatique assure tous les salariés contre le risque généré par des mouvements de prix et constitue à ce titre un mécanisme à préserver. Il faut toutefois souligner qu’en cas de hausse de prix des produits importés, l’appauvrissement collectif qui en résulte risque d’être aggravé par l’indexation automatique. Lorsque des biens importés qui ont un poids significatif dans l’"indice-santé" connaissent des hausses substantielles et durables de prix, il faudrait veiller à la suspension de l’indexation automatique des salaires sur ces prix et trouver d’autres modalités pour répondre à la dégradation de la situation socio-économique de certains groupes en présence de tels chocs.</li> <li>Tant la modération salariale que les allègements de la parafiscalité doivent faire l’objet d’une coordination au niveau européen. Sans une coordination forte au sein de l’UE, les dispositions prises au niveau de chaque Etat seront sous-optimales.</li> </ol> Vincent Bodart Laurence Jacquet Bruno Van der Linden (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.11.01 Numéro 5 - octobre 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16243 <p>Vivant propose de remplacer les allocations sociales par un revenu de base inconditionnel, de détaxer le travail et d’instaurer une taxe sociale sur la consommation de 50 %. Ce programme est-il utopique ? Le cas échéant, certaines adaptations le rendent-elles applicable ? Toutes les générations gagnent-elles à l’application de ce programme ? Qu’en est-il de la croissance économique à long terme ?</p> David de la Croix Philippe Van Parijs Yannick Vanderborght Jean-Pierre Vandeuren (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.10.01 Numéro 4 - août 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16253 <p>Au cours des derniers 26 mois, les marchés boursiers se sont inscrits en forte baisse des deux côtes de l'Atlantique. L'indice Standard and Poor's 500 est ainsi retombé en dessous des 1000 points, totalisant une perte réelle de plus de 40&nbsp;% par rapport à janvier 2000. Le climat boursier morose a de plus été accentué par les récents scandales financiers comme Worldcom et Enron renforçant davantage la méfiance des investisseurs à l'égard des placements en actions. Dans ce contexte, de nombreux obser­vateurs craignent que la crise boursière ne pèse sur la croissance de l’économie réelle, en dépit de quelques signes de reprise. Plus particulièrement, certains affirment que la consommation des ménages américains a été soutenue par l’envolée des cours boursiers à la fin des années 90. Ils craignent donc que, de la même façon, la chute des cours n’incite les ménages à restreindre fortement leurs dépenses, ce qui repousserait la reprise tant attendue.</p> <p><em>Mais qu'en est-il vraiment ?</em>&nbsp;Aux Etats-Unis, une diminution de 1 dollar américain de la richesse bour­sière ne se répercuterait sur la consommation qu'à concurrence de 4 cents. Ainsi, l’envolée des cours boursiers entre 1997 et 1999 n’aurait soutenu la croissance de la consommation qu’à hauteur de 0,2 à 0,3 point de croissance chaque année, ce qui n’est pas négligeable, mais reste faible par rapport aux 5&nbsp;% de croissance annuelle de la consommation américaine enregistrés pendant cette période. Certes, diront certains, que l’effet soit faible n’est pas surprenant, car la majorité du patrimoine boursier est détenu par seulement 10&nbsp;% des ménages américains. D'un autre côté, on pourrait arguer que, du fait de la plus forte pénétration du marché boursier tant dans la vie quotidienne que dans le patrimoine des ménages, le moral des ménages (mesuré par les indicateurs de confiance des consommateurs) risque d’être sensible aux fluctuations des marchés boursiers. Une étude menée à l’IRES et publiée dans&nbsp;<em>Regards Économiques</em>&nbsp;confirme qu’effectivement les cours boursiers ont un impact sur le moral des ménages américains, et ce depuis le début des années 90 seulement. Mais les principaux déterminants du moral des ménages restent de loin les conditions sur le marché du travail et le revenu.</p> <p>En Belgique, les ménages continuent d’investir, «en bon père de famille», dans des placements peu risqués, bien que la part des actions dans leur patrimoine augmente régulièrement depuis le début des années 90. Les ménages belges sont donc probablement encore moins sensibles aux fluctuations bour­sières que leurs homologues américains. D’ailleurs, plusieurs études montrent que l’impact de la richesse boursière sur la consommation devrait être faible, et que seules les conditions sur le marché du travail semblent influencer leur moral.</p> <p><em>Doit-on en conclure que la consommation est à l’abri des crises boursières, tant en Belgique qu’aux Etats-Unis&nbsp;?</em>&nbsp;Cela nous semble hâtif. En effet, dans les deux pays, de plus en plus de ménages détien­nent des actions, et cette meilleure répartition pourrait expliquer que l’impact de la bourse sur la consommation puisse être plus important dans le futur. Malheureusement, ces changements profonds dans la structure du patrimoine étant récents, nous manquons de recul pour pouvoir mesurer correc­tement leur impact sur le comportement des consommateurs. Par ailleurs, un autre élément, plus ponctuel, pourrait intervenir dans les prochains mois aux Etats-Unis. En effet, depuis quelques années, le moral des ménages américains (et donc leur consommation) est resté élevé, alors que leur situation financière n’a cessé de se dégrader suite à un endettement record. On peut donc craindre que, compte tenu des incertitudes quant à la reprise américaine, la durée ainsi que l'ampleur de la crise boursière actuelle n’amènent les ménages à réévaluer leur situation et à restreindre durablement leurs dépenses. La forte baisse de l'indicateur de confiance aux Etats-Unis en juillet dernier, alors que ses principaux déterminants macroéconomiques étaient relativement stables, est de ce point de vue inquiétant. Si ce scénario se confirmait, l’ensemble des ménages serait touché, et non plus uniquement les ménages ayant investi en bourse. L’impact sur la consommation serait alors non négligeable et probablement durable; quant à la reprise économique, elle interviendrait plus tard et de manière moins vigoureuse qu’attendue.</p> <p>En Belgique, aucun élément empirique n’indique que les ménages belges soient influencés par les fluctuations boursières. Bien sûr, la possibilité d'un «choc psychologique» similaire à celui suggéré pour les Etats-Unis ne peut être totalement écartée, mais cela semble peu probable, notamment au regard de la faible pénétration des actions dans le patrimoine des ménages belges. D'ailleurs, malgré le climat d'incertitudes actuel quant à la reprise économique, l'indicateur de confiance de la Banque Nationale de Belgique est resté remarquablement stable depuis le début de l'année. Le principal risque pour l’économie belge, par rapport à la crise boursière actuelle, résiderait alors dans l'importation de la récession américaine via le commerce extérieur.</p> Helena Beltran-Lopez (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.08.01 Numéro 3 - juin 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16263 <p>Afin d'expliquer les performances exceptionnelles (croissance soutenue, faible niveau de chômage et de l’inflation, forte accélération de la productivité) de l’économie américaine durant la décennie passée, plusieurs économistes ont évoqué l'émergence d'une "Nouvelle Economie", faisant référence au développement fulgurant des nouvelles technologies de l'information et des communications (TIC). Les partisans de la "Nouvelle Economie" estiment en effet que ces nouvelles technologies ont modifié de façon profonde le fonctionnement de l'économie et que, à l’instar d'autres innovations technologiques importantes au début du siècle passé, elles sont le vecteur d’une nouvelle ère de croissance et de prospérité.</p> <p>Mais est-ce vraiment le cas ? Malgré de fort nombreux aménagements de la comptabilité nationale américaine visant à mieux tenir compte des effets de l’usage des TIC sur la croissance de la productivité, les dernières études statistiques publiées à la fin du premier trimestre 2002, dressent un tableau mitigé de la situation. En particulier, l’impact de l’usage des TIC sur la croissance de la productivité dans les services ayant le plus investi en TIC est parfois même négatif ! De quoi susciter de réelles interrogations sur les mesures effectuées mais aussi et surtout sur les vertus de l’informatisation. Sur la base de certains enseignements récents de la théorie économique, l'article de Regards Economiques revient sur cette dernière question pour tirer quelques conclusions utiles sur le cas d’un "petit" pays comme la Belgique !</p> <p>A l’évidence, les nouvelles technologies ont créé de réelles opportunités, mais transformer ces opportunités en croissance économique soutenable et créatrice d’emplois nouveaux et stables n’est pas sans coût. La nécessité de réorganiser le travail pour accompagner l’informatisation n’est qu’un défi parmi d’autres pour en assurer le succès et la pérennité. De fait, une informatisation réussie repose au moins sur deux piliers fondamentaux : réorganisation du travail (vers plus d’autonomie notamment) et modernisation soutenue par un effort constant en R&amp;D et/ou d’adoption maîtrisée des avances technologiques. Pour un "petit" pays comme la Belgique et vu le niveau actuel des ressources dévolues à la recherche comme en atteste le dernier rapport sur la R&amp;D en Belgique, l’effort de modernisation ne consiste évidemment pas à lancer des plans de R&amp;D à même de concurrencer Intel ou Microsoft mais à assurer une diffusion rapide des TIC et à développer les qualifications à même de faciliter cette diffusion. Les niveaux actuels de diffusion en Belgique sont de toute évidence trop faibles pour espérer un gain significatif et durable en terme de productivité ou de croissance de PIB et de l’emploi. Mais même si le niveau de diffusion est élevé, l’expérience américaine nous apprend que cela ne garantit pas à coup sûr une augmentation généralisée du taux de croissance de la productivité. Il semble de plus en plus avéré que l’investissement en TIC n’est décisif en termes de gains de productivité que s’il est accompagné d’un changement organisationnel vers plus d’autonomie et de polyvalence notamment.</p> <p>Un troisième pilier sur lequel doit reposer tout processus d’informatisation concerne le volet institutionnel. L’effondrement de très nombreuses start-ups américaines et européennes entre 2000 et 2002 (la dernière à déposer son bilan n’est pas des moindres : Napster) et le procès Microsoft sont autant d’indicateurs des problèmes institutionnels inhérents à la "Nouvelle Economie" et notamment à son volet commerce électronique. Le problème est bien connu : les start-ups vendent un bien particulier, l’information, qui s’avère très facile à copier alors même que sa production est en général coûteuse. Par ailleurs, l’utilisation d’Internet permet aux consommateurs de comparer les prix, ce qui tend à rogner considérablement les profits des entreprises. Mais en même temps, la valeur de nombreux biens d’information, comme par exemple les softwares, augmente avec le nombre d’utilisateurs (c’est la notion d’externalités de réseau), donnant lieu à des monopoles naturels. Dans cette configuration, le démantèlement des monopoles peut avoir des effets négatifs sur le bien-être des consommateurs, sans compter les effets désastreux que cela peut engendrer sur le financement de la R&amp;D, aspect si essentiel dans la viabilité d’un régime de croissance tiré par les TIC.</p> Vincent Bodart Raouf Boucekkine (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.06.01 Numéro 2 - mai 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16273 <p>Un constat fort se dégage des enquêtes sur les connaissances des élèves en math, en sciences et en lecture opérées depuis 30 ans par l’OCDE&nbsp;: la performance de notre enseignement décroche graduellement par rapport à celle des pays voisins et de la Flandre. Quels sont les déterminants probables d’un tel état de fait&nbsp;? Peut-on penser que le niveau des ressources joue un rôle décisif&nbsp;? A vrai dire non. Communautés française et flamande ont dépensé tout au long des années 1990 pratiquement le même montant par élève. Mais les scores des élèves en Flandre sont nettement supérieurs. Nos travaux et ceux de nombreux collègues économistes de l’éducation suggèrent que l’enjeu est avant tout organisationnel. Certes, les ressources budgétaires importent. Il est évident, par exemple, que leur niveau doit garantir la possibilité d’engager du personnel en nombre et qualité suffisants. Mais la majoration des moyens financiers et humains ne constitue nullement une condition suffisante de l’amélioration des performances. Dans l’enseignement plus que dans d’autres secteurs, le mode d’organisation (régulation) semble, en revanche, avoir une forte influence sur la relation ressources/résultats.</p> <p><em>Que peut-on dire de la situation en Communauté française sur ce plan et quels en sont les enjeux&nbsp;?</em>&nbsp;En bref, nous pouvons dire que le mode de régulation actuel est très insatisfaisant car très hybride. Il repose sur plusieurs conceptions de la régulation. Chacune comporte des faiblesses. De plus, l’articulation qui s’est opérée au fil des ans a été peu réfléchie, mal mise en oeuvre, et se révèle en définitive coûteuse sur le plan des performances. A l’inverse, la Flandre a accompli depuis 1970 un travail discret mais bien effectif de simplification et de clarification de son mode de régulation.</p> <p>L'organisation de l'enseignement en Communauté française comporte tout d'abord une composante concurrentielle (ou "quasi-marché"). Bien que le financement de l’enseignement soit public, les modalités d’octroi de ce financement font apparaître une logique concurrentielle&nbsp;: les parents, les élèves ou étudiants sont en effet libres de choisir leur établissement. Les établissements sont de surcroît financés en fonction du nombre d’inscrits. La faiblesse de ce modèle est qu’il est source d’iniquité, dans la mesure où le libre-choix tend généralement à accentuer le degré de ségrégation des publics entre écoles proches.</p> <p>Il y a par ailleurs en Communauté française une tradition de contrôle par la voie hiérarchique. Les réglementations administratives sont nombreuses dans l’enseignement&nbsp;: horaires, grilles salariales, taux d’encadrement, priorité d’emploi pour les personnels avec ancienneté, ... Et la tendance récente est à l’amplification. Or, l’évaluation que les économistes font sur ce type d’interventions est très mitigée. Le contrôle administratif réussit certes à générer une certaine conformité&nbsp; (respect formel des horaires, des taux d’encadrement prévus par la loi,&nbsp;…) mais il échoue à influencer les comportements des enseignants qui déterminent réellement le degré d’efficacité et d’équité du système.</p> <p>La présence simultanée de ces deux modes de régulation antagonistes nuit tant à l'efficacité qu'à l'équité de l'enseignement. La concurrence, pour être efficace, requiert la présence de producteurs libres de choisir l’usage des ressources qui leur paraît le plus indiqué pour répondre à la demande. Or, le contrôle administratif limite fortement l'autonomie des écoles en multipliant règles et procédures à respecter. On peut également douter du fait que le contrôle administratif exerce une action correctrice par rapport aux effets néfastes du libre-choix. Ainsi, peu de mesures administratives en vigueur sont de nature à limiter la ségrégation des publics ou ses effets. L’uniformité des salaires et des modes de gestion du personnel empêche, par exemple, l’octroi de primes salariales aux enseignants s’occupant d’élèves en difficulté.</p> <p><em>Que faire dès lors&nbsp;?</em>&nbsp;En dépit de toutes les limitations d'un système de libre-choix, et malgré la tendance à la ségrégation des publics qui la caractérise, nous ne croyons pas à son remplacement par un modèle hiérarchique pur, avec, comme en France, une carte scolaire synonyme d’assignation de l’école en fonction du lieu de résidence. Car il y a la question du coût politique de l’abandon du libre-choix de l’école. Mais il y a aussi le risque d’une accentuation de la ségrégation résidentielle.</p> <p>L’option de politique scolaire doit plutôt être celle d'encadrer le système de libre-choix, mais pas via un renforcement du contrôle hiérarchique de type bureaucratique. Il est plus indiqué d’opter, comme en Flandre mais aussi en Finlande ou en Grande-Bretagne, pour un encadrement par voie de contractualisation. Il s’agirait de dissocier plus nettement qu’aujourd’hui les fonctions de contrôle et de production du service éducatif.<em>&nbsp;Aux écoles</em>, il reviendrait de décider plus librement des horaires de présence des professeurs et des élèves, de la durée des cours par matière, du nombre et du type d’enseignants à recruter ou encore de l’opportunité de les envoyer en recyclage. A l’administration, il appartiendrait d’évaluer la performance des écoles. Son rôle principal deviendrait de faire passer aux élèves, à intervalles réguliers, des tests standardisés, à l’image de ceux conçus par l’OCDE. Les résultats à ces tests, pondérés pour tenir compte de l’origine socio-économique des élèves, formeraient la base de l’évaluation des écoles. Et ce n’est qu’en cas d’évaluation négative répétée qu’il y aurait intervention dans la gestion de l’école, par un changement de direction, une mise sous tutelle, …</p> Vincent Vandenberghe (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.05.01 Numéro 1 - mars 2002 https://ojs.uclouvain.be/index.php/regardseco/article/view/16283 <p>A quel rythme réduire la dette publique ? Quel budget consacrer aux soins de santé ? Et quel mode de financement de la sécurité sociale adopter face au vieillissement de la population ? Ces choix mettent en balance l’intérêt de différentes générations. Nous identifions les gagnants et les perdants de différentes options politiques.</p> David de la Croix Géraldine Mahieu (c) Tous droits réservés 0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 2018-10-12 2018-10-12 10.14428/regardseco2002.03.01