La fabrique des inégalités aux urgences

Entre contraintes organisationnelles et pratiques discriminantes chez les infirmières d’accueil et d’orientation (IAO)

Producing inequalities in emergency room. Organizational constraints and discriminating practices among triage nurses

Déborah Ridel11. Doctorante en (…)

[Résumé] En partant de l’analyse du travail de l’infirmière d’accueil et d’orientation (IAO), cet article se saisit de la question des traitements différenciés des patients à l’accueil des urgences hospitalières. Basée sur une enquête ethnographique réalisée à l’accueil des urgences d’un centre hospitalier du nord de la France, l’étude montre que le travail de l’IAO est comparable à celui d’un gate-keeper confronté de plein fouet à la difficulté d’exercer correctement sa fonction. S’inscrivant dans une relation de guichet, les IAO doivent jongler entre leurs propres représentations et les injonctions managériales et politiques telles de réelles street-level bureaucrats. Alors qu’une nouvelle gestion du tri des patients apparaît comme une solution de désengorgement des urgences, les contraintes organisationnelles liées à sa mise en place entraînent de nombreux effets pervers qui ont pour conséquence de fabriquer des inégalités dans la prise en charge des patients.

Mots-clés : service d’urgences, traitements différenciés, filiarisation, catégorisations sociales, organisation du travail, IAO.

[Abstract] Analyzing the work of the triage nurse, this article aims to show the differentiated treatments between patients at the front desk of an Emergency Room. This study shows that the triage nurses are confronted to a dilemma while accomplishing their work as a gate-keeper. Acting as street level bureaucrats, they have to juggle both their own representations and managerial and political injunctions. While the creation of a fast track inside the emergency room (ER) could appear as a solution to decrease the number of emergencies, the organizational constraints, during its implementation, lead to many undesirable effects, which consequently result in the creation of social inequalities in the management of the patients in ER.

Keywords: Emergency Room, differentiated treatment, streaming fast track,; social categorization, work organization, triage nurse.

Introduction

En France, la fréquentation des services d’urgence ne cesse d’augmenter depuis les années 199022. Augmentation e (…) et le « problème des urgences » dont il était déjà question il y a vingt ans (Fassin, Couilliot, Vassy, 2001 : 17#) rappelle le débat actuel qui entoure le mouvement de grève débuté en mars 201933. Voir site du c (…) . Entre l’augmentation des moyens alloués à ces services et la restriction de l’accès à certaines catégories de patients, ce débat traduit deux courants de recherche sur les urgences. D’un côté, des recherches sur le travail et l’organisation des filières de soin (Belorgey, 2010 ; Morel, 2014 ; Peneff, 1992 ; Vassy, 2001) ; de l’autre, des recherches portant sur les comportements et caractéristiques de certains groupes sociaux de patients. Ainsi, Valérie Wolff# (2018#), développant le concept de Nicolas Dodier et Agnès Camus (1994), montre ce qui (dé)mobilise les soignants face aux patients sans-abri, et Dorothée Prud’homme# (2015#) étudie les prises en charge discriminantes aux urgences face à un public « rom » malgré une injonction d’universalisme et d’égalité de traitement dans les soins.

Pour répondre à l’évolution du système de santé et aux besoins croissants de soins d’urgences des populations précarisées, des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) (Geeraert, 2017) et des dispositifs-précarité (Parizot, 2003) sont créés. Toutefois, ces nouvelles structures ne répondent pas totalement aux besoins de la population et les services d’urgence continuent d’accueillir une grande diversité de patients. Face à cette diversité, le rôle de l’accueil des services d’urgence est prépondérant. C’est pourquoi, à l’intersection de ces deux courants de recherche, je veux décrire précisément le travail des infirmières de première ligne, en analysant aussi bien leurs pratiques et représentations que les interactions qu’elles ont avec les patients à leur arrivée dans le service. Quelles distinctions établissent-elles entre les patients qui se présentent par leurs propres moyens aux urgences ? Comment déterminent-elles l’ordre de priorisation ? Sur quels critères se basent-elles pour établir cette priorisation ?

La priorisation entre diverses catégories de patients, si elle relève du principe même de fonctionnement des services d’urgence, est également source d’inégalités de traitement et s’accompagne en parallèle de ce que Caroline Izambert (#2016) décrit comme un « changement de paradigme moral » chez les soignants des urgences (#Izambert, 2016 : 101). Pour elle, ceux-ci accorderaient de plus en plus d’importance aux considérations financières relatives à la couverture maladie de leurs patients et seraient de plus en plus soumis aux injonctions managériales de rentabilité à l’hôpital (#Belorgey, 2010 ; Pierru, 2007). On pourrait ainsi émettre l’hypothèse selon laquelle la production des inégalités aux urgences serait le fruit d’un double processus de différenciation. D’un côté, un processus direct visible à travers les interactions entre soignants et soignés ; de l’autre, un processus indirect visible à travers l’organisation du travail dans les services d’urgence.

Reposant sur une enquête de terrain réalisée entre 2015 et 2018 dans un service d’accueil des urgences d’un centre hospitalier public d’une ville de taille moyenne dans un bassin de population paupérisé du nord de la France, cet article propose de contribuer aux réflexions relatives aux traitements différenciés dans le milieu de la santé fondées sur des enquêtes qualitatives. À partir de l’analyse du travail des IAO, j’expose les enjeux que comporte la création d’une nouvelle filière de prise en charge au sein même du service des urgences pour la fonction de l’IAO (1), puis, à travers la description d’interactions entre patients et IAO, je montre comment des patients issus des classes populaires se trouvent relégués dans cette nouvelle filière (2) rendant alors compte d’une filiarisation (Chauvenet, 1978) dans l’accès aux soins d’urgence se caractérisant par des prises en charge différenciées en fonction de l’origine sociale des patients.

La question de l’accueil et de la gestion des flux des patients a toujours été un enjeu aux urgences. En 1991, une circulaire introduit la fonction d’infirmière d’accueil44. Circulaire n°  (…) . Au départ, cette fonction découle du volontariat des soignants intéressés par cette prise de responsabilité, puis elle est généralisée dans les années 2000 alors que débute l’augmentation progressive des recours aux urgences. En 2004, la Société française de médecine d’urgence propose une fiche de poste55. Référentiel SF (…) afin de formaliser cette fonction encore peu développée en France. En 2006, un décret relatif aux conditions techniques de fonctionnement des urgences précise le rôle de l’IAO66. Cette fonction (…)  : accueillir, évaluer et trier les patient·e·s. L’IAO devient une spécialisation que les infirmières obtiennent après deux ans d’expérience aux urgences et une formation de trois jours visant notamment à comprendre les protocoles et critères médicaux de priorisation et la manière de prendre les « constantes ».

Dans le cadre de cette enquête, j’ai suivi les IAO sur leur poste de travail pendant presque 200 heures selon la méthode du shadowing. En portant la blouse et munie de mon carnet de terrain, je faisais les mêmes horaires que les soignants. J’ai ainsi effectué 15 séances de 12 heures (de nuit comme de jour) en compagnie de ces infirmières dans leur minuscule bureau où elles recevaient les patients qui arrivaient aux urgences. Cette promiscuité permettait d’appréhender à la fois les pratiques professionnelles et les représentations des soignants à travers des discussions sur les patients que nous voyions, des anecdotes sur le fonctionnement du service, etc.

Dans le service enquêté, je distingue deux profils d’IAO. Celles – ce sont uniquement des femmes – qui ont occupé pendant une dizaine d’années un poste d’infirmière de jour qui consistait à faire de manière informelle un travail d’encadrement (gestion des équipes, des plannings, etc.) et qui ont été remplacées par trois cadres de santé nouvellement recrutées. C’est le cas notamment de Sybille (58 ans) et de Dolorès (54 ans) qui ne pratiquent plus du tout de soins et occupent uniquement la fonction d’accueil. Les autres sont des infirmiers et infirmières qui tournent sur tous les secteurs des urgences et alternent ainsi le poste d’accueil et les postes de soins. Ils ont généralement entre 30 et 40 ans, à l’instar de Florian (39 ans) et Céleste (33 ans) dont je parle dans cet article.

1. Classement et tri des patients aux urgences

Aux urgences de Seraingue77. Le nom de l’hô (…) , le patient arrivant par ses propres moyens88. Dans cet artic (…) doit procéder à la saisie de son dossier d’admission en s’adressant à une secrétaire à travers un hygiaphone avant d’être pris en charge par les personnels du service. Une fois le dossier administratif rempli, la secrétaire lui ouvre la porte99. Dans cet hôpit (…) et lui indique l’endroit où il doit attendre l’appel de l’IAO. Les informations transmises à l’IAO par le secrétariat sur le logiciel d’admission l’alertent de la venue d’un patient. L’IAO les appelle un par un et les invite à s’asseoir dans son bureau où elle leur demande pour la première fois le motif de leur venue, puis procède à la prise des « constantes » (fréquences cardiaque et respiratoire, pression artérielle, température, glycémie, etc.). En fonction des données recueillies, elle dirigera les patients vers le secteur1010. Nous reviendro (…) où ils seront pris en charge. L’IAO dispose d’un délai très court pour trier et prioriser ces patients.

L’engorgement des urgences, qui se traduit par la mise en place de plus en plus fréquente du dispositif « hôpital en tension1111. « Il s’agit d’ (…)  », enjoint les soignants à agir et à prendre des décisions de plus en plus vite, laissant s’instaurer un dilemme permanent chez les IAO qui ont parfois l’impression que le « sort » de certains patients repose sur leurs épaules (1.1). Afin de s’adapter à ces situations et de contrôler leur charge de travail, les soignants mettent en place des solutions pragmatiques qui se traduisent par la priorisation de certaines catégories de patients par rapport à d’autres en fonction de critères d’appréciation reprenant les définitions que les soignants se font des « bons » et « mauvais » patients (1.2).

1.1. L’engorgement des urgences et le « dilemme des soignants »

Dans le service enquêté, il n’est pas question de refuser la prise en charge de certains patients ou de les rediriger vers d’autres infrastructures de soins, comme l’a observé Carine Vassy #(2001)#. L’organisation du travail est établie de telle manière que les secrétaires d’accueil se contentent de remplir le dossier d’admission des patients sans leur demander leur motif d’entrée, cette tâche étant réservée à l’IAO. Dès que leur dossier est enregistré, l’IAO ne peut refuser les patients même s’ils ne présentent pas de problème urgent. Ainsi, Sybille (infirmière, 58 ans) souligne un problème de responsabilité : « À l’heure du tout juridique, on ne peut pas refuser un patient. C’est la peur des assurances. Si le patient sort d’ici et qu’il lui arrive quelque chose, on sera responsable. » Néanmoins, les soignants vont avoir tendance à dévaloriser une catégorie de patients considérés non urgents qui, selon eux, participent à engorger les urgences et tendent à les écarter de leur idéal de travail qui consiste à « sauver des vies ».

Dans le contexte de restriction budgétaire du milieu hospitalier, les soignants sont confrontés à un dilemme : comment prendre en charge efficacement les patients en situation critique si, en même temps, il faut prendre en charge des patients dont le problème ne correspond pas à la définition médicale de l’urgence alors que l’on manque de place, de moyens matériels et de personnel ? Ces difficultés sont perceptibles dans le discours des soignants. Par exemple, Dolorès (infirmière, 54 ans) évoque ses doutes sur la pertinence de l’orientation des patients ; elle n’aime « pas parler de triage ou de tri des patients, mais c’est ce qu’on fait ». Florian (infirmier, 39 ans) souligne la difficulté de devoir gérer tous les types de patients en même temps : « Le problème, c’est le tri, quand c’est une personne, ça va, quand ils sont plusieurs, ça devient chaud ! » Pour ces soignants, « trier reste un fardeau moral et émotionnel, en raison des difficultés techniques et éthiques que posent les choix à faire, des incertitudes sur leurs conséquences » #(Lachenal, Lefève, Nguyen, 2014 : 2).

Dans la pratique, ce dilemme questionne l’égalité d’accès aux soins, qui se traduit au niveau politique par des considérations en termes de permanence et d’accès aux soins non programmés dont l’engorgement des urgences serait le symptôme. En témoigne la création, impulsée par l’Agence régionale de santé, d’une maison médicale de garde à proximité des urgences de Seraingue. Ouverte de 20 heures à minuit, elle devait prendre le relais des cabinets libéraux pour permettre une permanence d’accès aux soins ambulatoires en dehors de leurs heures d’ouverture et ainsi éviter que les patients se rendent aux urgences pour des consultations médicales. Mais l’organisation de celle-ci ne permet pas d’avoir l’effet escompté sur la fréquentation des urgences. Comme le montre Caroline De Pauw, le paiement de la consultation en l’absence du tiers payant peut inciter une catégorie de patients à renoncer aux soins :

Les personnes les plus défavorisées en matière de santé ne sont plus celles qui bénéficient de la CMUc [Couverture maladie universelle complémentaire] et qui sont par-là identifiées comme « précaires en santé », mais plutôt celles qui ne peuvent pas cotiser à une complémentaire et qui se voient davantage contraintes de renoncer à des soins, faute de moyens. (De Pauw, 2017 : 24)

Ces patients auraient alors tendance à privilégier la consultation aux urgences1212. Ce que corrobo (…) . C’est ce qu’explique Florian (infirmier, 39 ans) : « De toute façon, personne ne va à la maison médicale de garde ; il faut payer ! C’est plus facile de venir ici. »

La catégorisation des patients ne s’explique pas seulement par le contexte local et l’organisation du travail. Elle résulte aussi des interactions avec les patients et des prises de décision individuelles des IAO.

1.2. Vraies et fausses urgences, une catégorisation sociale des patients ?

Dans les faits, les IAO vont faciliter l’accès de quelques patients en accordant régulièrement certains passe-droits aux enfants, aux membres de leur famille ou amis1313. Il est communé (…) ainsi qu’aux patients accompagnés par les forces de l’ordre pour des certificats de non-hospitalisation (CNH)1414. Les CNH attest (…) . Il s’agit de facteurs d’ordonnancement implicites basés sur des critères non médicaux. Pour ces trois cas, la question de l’urgence et la nécessité de prise en charge immédiate ne sont pas essentielles. Ce qui importe, c’est la question de l’attente et de la meilleure manière de gérer celle-ci. Ainsi, les « bons » patients parmi les non urgents sont ceux pour qui le choix de tri semble évident et qui n’interfèrent pas dans la décision de l’IAO. Ce qui permet de déceler en filigrane les critères qui désignent a contrario les « mauvais » patients qui se présentent à l’accueil, comme l’illustre la situation ci-dessous :

4 h 00 : Une patiente, la quarantaine, ébouriffée, habillée dans des habits amples qui ressemblent à un pyjama, arrive et s’installe sur la chaise que l’IAO lui désigne.
– IAO : Bonjour Madame, qu’est-ce qui vous amène ?
La patiente, sans parler, se retourne sur sa chaise et commence à soulever son T-shirt pour nous montrer son dos.
– IAO : Oui, qu’est-ce qui se passe ?
– La patiente : Ben vous voyez pas ? Là ! En plein milieu de mon dos ? [dit-elle en se tortillant pour désigner de son doigt un grain de beauté]
– IAO : Vous voulez parler du grain de beauté ? [sur un ton de plus en plus sceptique]
– La patiente : Oui.
– IAO : Mais… Madame ! Votre grain de beauté, il n’est pas apparu comme ça ? Ce n’est pas nouveau ?
– La patiente : Ben je sais pas mais en tout cas je viens juste de le découvrir !
– IAO : Mais ce n’est pas une urgence ?! [On perçoit l’énervement au timbre de sa voix.]
– La patiente : Ben moi on m’a dit que c’était important de les signaler et d’les surveiller.
– IAO : Mais Madame, vous auriez pu aller chez votre médecin traitant !
– La patiente : Oui, mais… si ça fait longtemps ! [L’IAO hausse les sourcils indiquant qu’elle ne comprend pas ce que la patiente veut dire.] Si ça fait longtemps qu’il est là. [Silence] Le grain de beauté ! [l’IAO a toujours le même regard interrogateur, quasi bouche bée.] C’est peut être hyper grave ! Faut le surveiller… maintenant !
– IAO [après une seconde de latence] : OK. Donc vous, [elle prend un ton moqueur] vous préférez passer trois heures à attendre dans un couloir plutôt que de rester à dormir tranquillement chez vous ? [Elle me jette un regard et se contient pour ne pas rire.]
– La patiente : Mais c’est pas à cause des grains de beauté qu’on peut attraper le cancer ?
L’IAO lève les yeux au ciel et indique à la patiente l’emplacement où elle peut aller s’asseoir. #(Extrait d’observation, journal de terrain, 24/12/2017)

Cette situation permet ainsi de faire le lien entre « fausses urgences » et « mauvais patient » : les mauvais patients du point de vue de l’IAO sont ceux qui viennent aux urgences pour un problème qui n’est pas urgent. Cette femme – décrite plus tard comme un cas d’école dès lors qu’il s’agira d’évoquer les anecdotes des « pires patients » – représente ce que les soignants appellent localement des « cassos » (contraction de « cas social »). Ce terme semble correspondre généralement aux patients d’origine populaire, comme le décrit Florian (infirmier, 39 ans) : « Ils sont un peu teubés [ils] ont du mal à expliquer leur problème et à comprendre ce qu’on leur dit, ils sont pas très cortiqués quoi ! En plus, t’as vu comment ils sont sapés ? Ça se voit qu’ils sont un peu cassos, quoi1515. « Teubés » cor (…)  ! »

Je constate alors que l’environnement social des patients n’est pas absent des critères de jugements moraux des soignants. Pour décrire cette catégorie de patients, Florian utilise, de fait, des critères correspondant à ce que Pierre Bourdieu (1980) appelle l’hexis corporelle. Il n’est pas rare que des critères tels que la tenue vestimentaire, l’hygiène, la posture ou l’élocution permettent aux IAO de classer les patients qui se présentent à eux.

En effet, lorsque l’étape de priorisation des patients en fonction de critères médicaux est passée et que les passe-droits énumérés plus haut ne sont pas applicables aux patients restant à l’accueil, une seconde étape consiste pour les IAO à déterminer quels seront les patients qu’elles pourront faire attendre le plus longtemps parmi ceux qui arrivent par leurs propres moyens et dont on considère qu’ils appartiennent à la catégorie des « non urgents ».

2. Une urgence de classe ?

Les pratiques des soignants varient donc en fonction des perceptions subjectives qu’ils ont de leurs patients. Aussi, les jugements normatifs dont ils font preuve sont d’autant plus visibles à l’accueil lorsqu’ils ont à faire à des patients considérés non urgents. En effet, prioriser certaines catégories de patients revient à prolonger l’attente de tous les autres. En réaction à ce phénomène et afin d’éviter une trop longue attente de certaines catégories de patients, la direction de l’hôpital a décidé en septembre 2017 de mettre en place une nouvelle filière de soins aux urgences dédiée aux personnes venant pour des consultations relevant de la médecine de ville : « la filière légère ».

2.1. Réorganisation des critères de priorisation et filière de relégation

Les services d’urgence sont sectorisés en plusieurs zones en fonction des types de prises en charge. Les urgences vitales sont acheminées dans une salle de « déchocage ». Un couloir est dédié à la petite traumatologie (sutures et plâtres). Les « vraies » urgences, mais non vitales nécessitant observation et examens complémentaires sont appelées « semi-lourd » et occupent le reste de la surface du service des urgences. À Seraingue, il a été décidé de réorganiser spatialement le service en attribuant un espace peu utilisé auparavant pour créer une nouvelle filière de soins : la filière légère. Celle-ci est alors désignée par certains soignants comme le lieu d’accueil des « fausses » urgences.

Rompant avec la logique médicale faisant autorité jusqu’alors, la direction des soins de l’hôpital décide de réorganiser son service d’urgence. En modifiant l’ordre de priorisation des urgences, l’installation de cette filière instaure de nouvelles normes de tri des patients. Deux objectifs principaux sous-tendent cette décision : une logique financière et une logique organisationnelle. Une semaine avant l’ouverture de la filière, le médecin DIM1616. DIM : Départem (…) intervient auprès de l’équipe médicale pour expliquer à ses confrères urgentistes quels sont les actes les plus rentables et comment les coder pour que l’hôpital puisse en tirer bénéfice. Il explique également le mode de fonctionnement de cette nouvelle filière. Un médecin et une infirmière y seront affectés pour prendre en charge des patients nécessitant des soins de courte durée ou un simple avis médical. Ces patients évitent ainsi de subir des examens longs et coûteux pour l’hôpital (imagerie médicale, laboratoire, etc.) qui leur auraient été prescrits s’ils avaient été admis dans le secteur des « semi-lourds ».

En réduisant le temps d’attente des personnes restant le plus longtemps aux urgences, cette filière doit remédier aux difficultés que connaît aujourd’hui l’organisation du système de santé en France (dû aux déserts médicaux, au manque de lits dans les services d’aval, etc.). Néanmoins, dans les faits, sa mise en place engendre un certain nombre d’effets pervers.

En ouvrant cette filière, l’objectif était de libérer du temps de travail pour le personnel affecté au secteur des « semi-lourds » constamment en tension à Seraingue1717. Il y a telleme (…) . Cependant, l’hôpital n’a pas les moyens suffisants pour embaucher de nouveaux soignants, cette filière doit voir le jour à moyens constants et trouver des solutions internes. C’est donc une infirmière des « semi-lourds » qui prendra en charge ce secteur. La logique managériale est imparable : réduire la charge de travail dans un secteur pour réattribuer son personnel à une nouvelle filière.

De plus, c’est à des médecins intérimaires que l’on fait appel pour s’occuper de cette filière. Or, n’étant pas habitués au fonctionnement du service, ces médecins prennent plus de temps à s’adapter aux critères de prise en charge imposés par cette nouvelle filière qui n’existe pas dans tous les services d’urgence de France. Au demeurant, on trouve parmi ces intérimaires de nombreux médecins d’origine étrangère qui voient dans cette affectation une forme de dévalorisation de leurs compétences et savoir-faire médicaux. Ainsi, un jour Ahmed (médecin, 52 ans) fulmine : « Je ne suis pas venu à Seraingue pour venir m’occuper d’un dispensaire ! »

En dérogeant aux logiques de tri – institutionnelles comme empiriques – opérées par les IAO, cette réorganisation tend à individualiser la responsabilisation de cette catégorie de personnel. En effet, l’ouverture de la filière légère ajoute une catégorie d’orientation dans le tri des patients, ce qui semble beaucoup les inquiéter. Comme me le fait remarquer Dolorès (infirmière, 54 ans) : « Plus il y a de choix, plus il y a possibilité de se tromper, et c’est pas un simple examen, c’est la vie des patients que tu mets en danger. » En observant le travail des IAO, je constate également qu’elles sont amenées à réaliser plus qu’un simple tri des patients ; la nécessité de déterminer les causes de leurs problèmes de santé pour pouvoir les orienter amène ces professionnelles à établir un diagnostic. Or, cette tâche médicale ne fait pas partie de leurs attributions et relève des prérogatives des médecins, qui la délèguent à cette catégorie de personnel comparable à des gate-keeper qui régulent ainsi de manière plus ou moins autonome (Reynaud, 1997) l’activité du service. Le travail d’organisation (Dujarier, 2006) des filières de soins repose sur les épaules d’une seule personne qui finit par envoyer dans la filière légère tous les patients ne correspondant pas aux critères de tri usuels et pour qui aucun filtre médical ne permet une prise en charge plus rapide. C’est donc un filtre social qui se met en place dans cette filière, qui accueille majoritairement des patients d’origine populaire.

2.2. Urgences de riches, urgences de pauvres

Tout le monde peut être amené à se rendre aux urgences. Par conséquent, l’IAO dans son local est appelée à rencontrer des patients venant de tous horizons. On pourrait alors s’attendre à voir une diversité de patients dans le couloir de la filière légère. Pourtant, lorsqu’on s’intéresse à la population qui est dirigée vers ce secteur, on observe que le passage par le bureau de l’IAO fait office de filtre de classe. Ainsi, Céleste (infirmière, 33 ans) parle du « couloir des patients louches ». L’analyse de certaines interactions permet de mettre en évidence des situations dans lesquelles les soignants opèrent des distinctions sociales entre les patients (Fainzang, 2006). L’exemple suivant illustre la mise en attente prolongée d’un patient dirigé vers la filière légère.

Il est 20 h 35, un homme arrive pour un problème de dos. Il a 34 ans et en paraît dix de plus. Les habits délavés, abîmés, décousus par endroit, les mains calleuses et tannées par un travail prolongé dans la terre. Il explique avec peine et un fort accent ch’ti qu’il n’a pas de mutuelle : « Vous travaillez dans quoi ? » lui demande l’IAO. « Les endives », répond-il hésitant. Un aide-soignant arrive à ce moment dans le local et, témoin de l’hésitation de ce patient à répondre, dit à l’IAO d’un air goguenard : « Il est éthylisé ?! » L’IAO lui fait discrètement signe de la tête pour lui dire non, puis s’adresse à nouveau au patient et le prévient : « Il faut voir avec l’assistante sociale avant. » Alors que le patient allait s’exprimer, l’aide-soignant qui s’apprêtait à partir lui coupe la parole et dit d’une voix tonitruante : « C’est pour vous qu’on dit ça ! » Une fois l’aide-soignant parti, le patient pose enfin sa question : « L’assistante sociale ch’est pourquoi ? » L’IAO répond : « C’est pour ceux qui n’ont pas de quoi rentrer et à qui le médecin ne peut pas faire de “bon ambulance”. » « Ah bon ? » poursuit le patient sur un ton interrogateur. « L’assistante sociale, elle donne un euro ou un ticket de bus. » Le patient, comprenant alors de quoi il est question, explique : « Ch’ai dû attendre hein, ch’pouva pas voir le médecin mais là ch’peux pu, ch’a trop mal. Mais ch’va payer hein ! Si, si, ch’va payer. La santé c’est plus important. » Puis, il repart vers la zone d’attente qu’on lui a indiquée. Plus tard, vers 1 h 15, le patient se dirige vers la sortie après avoir passé quelque six heures dans le service pour obtenir une ordonnance et un ticket de bus. Le voyant passer, l’aide-soignant s’adresse à l’IAO : « Chicon1818. « Chicon » est (…) celui-là ! » L’IAO renchérit en insistant sur la prononciation : « Ch’qui l’est con chui là ! » et l’aide-soignant de conclure : « Oh le jeu de mots ! » [Rires] (Extrait d’observation, journal de terrain, 01/01/2018)

La comparaison avec un autre patient qui était venu quelques jours plus tôt peut être révélatrice des traitements différenciés à l’accueil des urgences :

Cet homme de 35 ans vient pour une douleur au dos inhabituelle. Il a l’air serein et ne fait pas de grimace de douleur. Il a une coiffure soignée, les mains effilées et il est vêtu d’un pantalon sur mesure, un polo de marque et des chaussures en cuir noir ciré. Il s’enquiert auprès de l’IAO : « Par contre, je n’ai pas de mutuelle. » « Ah, mais vous avez le droit monsieur », répond-elle sur une voix distraite en continuant à taper sur son clavier, les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur. Après lui avoir pris ses premières constantes, l’IAO interroge le patient sur l’origine du mal de dos. « Je ne sais pas, c’était assez soudain. » Puis, elle l’accompagne elle-même vers les « semi-lourds » et donne directement le dossier du patient au médecin qui sortait justement de son bureau de consultation. Celui-ci prend alors en charge immédiatement ce patient alors que d’autres attendaient leur tour. Ce dernier sort à peine une heure après être rentré dans le service. Personne ne l’oblige à attendre la venue de l’assistante sociale et il repart avec une ordonnance du médecin après avoir fait une radio. (Extrait d’observation, journal de terrain, 19/12/2017)

La comparaison permet de s’interroger sur les critères de décision qu’emploie l’IAO pour déterminer que le premier patient devra passer par la filière légère et attendra plus longtemps alors que le second ira directement en « semi-lourd » et y passera relativement peu de temps. Le fait que l’IAO n’interroge pas le premier patient sur l’origine de son mal de dos peut suggérer qu’elle anticipe le diagnostic de celui-ci en fonction de son travail. L’erreur d’interprétation de l’hésitation et des difficultés d’élocution du patient par l’aide-soignant ainsi que les moqueries dont il fera l’objet illustrent également les préjugés que peuvent avoir les soignants à son égard.

Ces extraits d’observation permettent d’illustrer le concept de filiarisation d’Antoinette Chauvenet (1978) pour qui le « mal de dos » était déjà illustratif d’un traitement socialement différencié :

On sait que la plainte d’un mal au dos par exemple est prise davantage « au sérieux » chez un cadre que chez un ouvrier : pour le premier, auquel il est fait confiance, la définition de la douleur doit correspondre à un diagnostic précis, pour le second, le médecin sera enclin à dire qu’il a affaire là à un malade fonctionnel : ces douleurs font partie de l’état de l’ouvrier ; cet état fait partie de la nature des choses. (Chauvenet, 1978 : 106)

Alors que l’IAO accorde peu d’importance à l’absence de mutuelle du second patient, elle va adapter la prise en charge du premier en présumant que celui-ci ne pourra pas payer. Ainsi, elle n’écoute pas ce qu’il dit lorsqu’il émet la possibilité de payer par lui-même et préfère le faire attendre plus longtemps.

Au final, le premier patient sort après avoir fait une « simple » consultation médicale sans subir d’examens approfondis (radio) ; l’objectif de la filière légère étant justement d’éviter les coûts engendrés par des examens longs et onéreux. On lui prescrit des antalgiques pour le soulager, mais aucune recherche sur les causes du mal de dos n’est effectuée, ce qui ne lui permet pas d’obtenir un traitement adéquat.

Par le choix d’orientation effectué par l’IAO, le recours aux urgences est légitimé pour le patient aisé (« semi-lourd » = « vraie » urgence). A contrario, en faisant passer le patient précaire par la filière légère, l’IAO l’exclut d’une prise en charge globale. Elle justifie le classement de ce patient dans la catégorie des « fausses » urgences par le fait qu’il ait attendu longtemps avant de consulter ; ce qui est généralement critiqué par les soignants. « Selon eux, soit son cas mérite de venir aux urgences, et il n’aurait pas dû attendre [avant de venir], il a failli à l’obligation médicale et sociale de se soigner, soit le fait qu’il ait pu attendre signale que ce n’est pas une “vraie urgence” » (Belorgey, 2010 : 295-296).

La filière légère dont il est question ici est davantage un maillon d’une filiarisation au sens de Chauvenet qu’une innovation organisationnelle à l’instar des fast tracks des structures d’urgence anglo-saxonnes. Ces filières accélérées, dont la littérature médicale internationale vante les mérites depuis une quinzaine d’années, permettent en effet d’évacuer plus rapidement les patients « non urgents ». Toutefois, comme l’a montré Nicolas Belorgey, « plus le temps de passage se réduit, plus le taux de retour augmente » (Ibid. : 288). Or, la hausse du taux de retour signifie également une baisse de la qualité des soins (Ibid.). Si l’indicateur du temps de passage n’est pas pertinent dans cet exemple, la qualité des soins, en revanche, l’est. Ainsi, même si le premier patient passe de nombreuses heures dans le service des urgences, il ne bénéficie que d’une prise en charge médicale sommaire et pourrait donc se présenter à nouveau aux urgences si son mal de dos persistait. S’il est vrai que tous les patients sont pris en charge à Seraingue, la qualité des soins qui leur est proposée, quant à elle, diffère fortement selon leur hexis corporelle. Dans cet hôpital, l’égalité d’accès aux soins n’est pas synonyme d’égalité de traitement.

Conclusion

En partant de l’analyse du travail de l’IAO, cet article révèle l’état actuel des traitements différenciés des patients à l’accueil des urgences. L’étude montre que le travail de l’IAO est comparable à celui d’un gate-keeper confronté de plein fouet au dilemme des soignants (#Morel, 2016 ; Vassy, 2000). S’inscrivant dans une relation de guichet, les IAO doivent jongler entre leurs propres représentations et les injonctions managériales et politiques telles de réelles street-level bureaucrats (#Dubois, 1999).

Comme nous avons pu le voir, l’existence d’une maison médicale de garde n’a pas contribué à diminuer l’activité du service des urgences de Seraingue. Dès lors, les mesures prises pour atténuer l’engorgement des urgences consistaient à réorganiser le service en créant une filière ad hoc de prise en charge des patients « non urgents ». Cette filière de relégation a pour conséquence d’évacuer du système de soins les patients dont les conditions de vie ne permettent pas toujours d’aller voir un médecin ou un spécialiste en ville. Pas assez précaire pour bénéficier d’une filière de prise en charge dédiée (PASS ou dispositif-précarité) et pas assez accoutumée aux normes hospitalières des urgences pour que leur cas soit pris au sérieux par les IAO, cette population se retrouve ainsi dans un couloir des urgences à attendre une prise en charge sommaire dans un secteur dévalorisé par le personnel des urgences. Telle la partie émergée de l’iceberg, la filière légère des urgences de Seraingue est la partie visible d’un réseau de tri dans l’accès aux soins des populations défavorisées. Ainsi, contrairement à la communauté médicale internationale qui montre les avantages des filières accélérées pour désengorger les services d’urgence, l’étude sociologique en révèle les limites qui se caractérisent notamment par la fabrique des inégalités dans l’accès aux soins de qualité.

Bibliographie

Belorgey N. (2010), L’hôpital sous pression, Paris, La Découverte.

Bourdieu P. (1980), Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit.

Chauvenet A. (1978), Médecines au choix, médecine de classes, Paris, PUF.

De Pauw C. (2017), Les médecins généralistes face au défi de la précarité, Rennes, Presses de l’EHESP.

Dodier N., Camus A. (1994), L’intérêt pour les patients à l’entrée de l’hôpital, Paris, CEREMES GSPM.

Dubois V. (1999), La vie au guichet, Paris, Economica.

Dujarier M.-A. (2006), « La division sociale du travail d’organisation dans les services », Nouvelle Revue de psychosociologie, vol. 1, n° 1, p. 129-136.

Fainzang S. (2006), La relation médecins-malades : information et mensonge, Paris, PUF.

Fassin D., Couilliot M.-F., Vassy C. #(2001), La question sociale à l’hôpital, Bobigny, CRESP.

Geeraert J. (2017), « Les frontières à géométrie variable de la citoyenneté. Accès aux soins des migrants dans un dispositif d’assistance », Trajectoires, Hors-série n° 3. En ligne. URL : https://doi.org/10.4000/trajectoires.2425.

Izambert C. (2016), « Logiques de tri et discriminations à l’hôpital public : vers une nouvelle morale hospitalière ? », Agone, vol. 1, n° 58, p. 89-104.

Lachenal G., Lefève C., Nguyen V.-K. (2014), La médecine du tri, Paris, PUF.

Morel S. (2014), L’urgence à plusieurs « vitesses »: fracture territoriale et inégalité sociale dans laccès aux soins durgence, thèse de doctorat en sociologie, Nantes, Université de Nantes.

Morel S. (2016), « La fabrique médicale des inégalités sociales dans l’accès aux soins d’urgence », Agone, vol. 1, n° 58, p. 73-88.

Parizot I. (2003), Soigner les exclus, Paris, PUF.

Peneff J. (1992), L’hôpital en urgence, Paris, Métailié.

Pierru F. (2007), Hippocrate malade de ses réformes, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant.

Prud’homme D. (2015), La racialisation en urgence, thèse de doctorat en sciences politiques, Bordeaux, Université de Bordeaux.

Reynaud J.-D. (1997), Les règles du jeux, Paris, Armand Colin.

Vassy C. (2000), « “Vraies” et “fausses” urgences : comment trier les usagers ? », in F-X. Schweyer, G. Cresson (dir.), Les usagers du système de soin, Rennes, Presses de l’EHESP, p. 193-212.

Vassy C. (2001), « Categorisation and micro-rationing: access to care in a French emergency department », Sociology of Health & Illness, vol. 5, n° 23, p. 615-632.

Wolff V. (2018), La précarité en urgence, Rennes, PUR.

1.

Doctorante en sociologie, Université de Lille, CLERSE, France.

2.

Augmentation en moyenne de 3,5 % des passages aux urgences par an, source : DREES (2018), Les établissements de santé. En ligne, consulté le 30/04/2020. URL : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/27-7.pdf.

3.

Voir site du collectif Inter Urgences, consulté le 21/08/2019. URL : https://www.interurgences.fr/.

4.

Circulaire n° DH.4B/DGS 3 E/91-34 du 14 mai 1991.

5.

Référentiel SFMU (2004). En ligne, dernière consultation le 10/01/2020. URL : https://www.sfmu.org/upload/referentielsSFMU/ioa2004.pdf.

6.

Cette fonction a été rebaptisée IOA pour infirmière organisatrice de l’accueil afin de la distinguer de la fonction médicale d’orientation des patient·e·s. Ainsi, comme le décrit Belorgey (2010), dans certains services d’urgence, il existe des MAO (médecins d’accueil et d’orientation). Cependant, nous conserverons ici l’appellation IAO afin de respecter le vocabulaire d’usage du service enquêté.

7.

Le nom de l’hôpital a été anonymisé.

8.

Dans cet article, je ne parle que des patients arrivant aux urgences par leurs propres moyens ; je n’évoquerai pas les processus de prise en charge des urgences vitales ou des personnes acheminées en ambulance, pour lesquelles les logiques de tri et les interactions diffèrent.

9.

Dans cet hôpital, l’accès au service des urgences n’est pas autorisé aux accompagnateurs qui doivent attendre dans une salle mise à leur disposition avant cette porte. Un aide-soignant d’accueil s’occupe de faire le lien avec les familles et de les tenir informés de l’avancement de la prise en charge.

10.

Nous reviendrons plus bas sur la structuration du service des urgences en différents secteurs.

11.

« Il s’agit d’une situation exceptionnelle, conséquence d’une inadéquation entre les moyens disponibles (lits d’hospitalisation et personnels) et les besoins immédiats d’hospitalisations non-programmées ». Source : http://gestion-des-lits.anap.fr/publication/1474-gestion-des-lits-vers-une-nouvelle-organisation-tome-2-mise-en-oeuvre-et-bilan/2056-fiche-16-structurer-un-dispositif-hopital-en-tension-het, consulté le 22/08/2019.

12.

Ce que corrobore le faible recours à la maison médicale de garde qui accueille « entre 1 et 5 personnes les soirs de semaine » selon le président de la structure.

13.

Il est communément admis que si ces patients viennent aux urgences, c’est qu’ils ont un « vrai » problème. Ils sont supposés avoir été familiarisés aux normes des urgences au contact des soignants. Ils peuvent être pris en charge rapidement, car ils ne devraient pas entraver le bon fonctionnement du service.

14.

Les CNH attestent que ces patients peuvent être placés en garde à vue sans risque pour leur santé ; ils représentent l’expression même des patients non-urgents.

15.

« Teubés » correspond au « verlan » de « bêtes » et signifie « idiot ». « Cortiqué » est un terme utilisé dans le milieu médical faisant référence au cortex cérébral, et désigne par ce biais les patients instruits.

16.

DIM : Département d’information médicale. Ce médecin a pour mission de coder les actes médicaux afin de leur donner une valeur financière.

17.

Il y a tellement de patients dans ce secteur que les couloirs finissent par être remplis de brancards. Il arrive que les patients attendent ainsi, sans nouvelles de leur famille restée à la porte du service, pendant parfois plus de six heures.

18.

« Chicon » est un terme employé dans le nord de la France et en Belgique francophone pour désigner les endives.