Avec l’aide et aux frontières de la médecine

L’accompagnement pseudo-médical des homosexuels catholiques en France (des années 1960 au moment de la Manif pour tous)

With the help of and at the frontier of medicine
Pseudo-medical support of homosexual catholics in France (from the 1960s to the time of the Manif pour tous)

Anthony Favier11. Laboratoire de (…)

[Résumé] Cet article fait le récit de l’organisation, au sein du catholicisme français contemporain, de pratiques religieuses aux frontières de la médecine et des sciences psychologiques de l’accompagnement, de correction de l’homosexualité ou de la transidentité. Contrant l’idée que les thérapies de conversion relèvent du monde protestant nord-américain et qu’elles ne concernent pas le catholicisme, il s’intéresse à trois moments chronologiques significatifs, chacun associé à des acteurs importants de cette pastorale : les docteurs Marcel Eck et Marc Oraison dans les années 1960-1970, Tony Anatrella dans les années 1980-1990, et les mouvements charismatiques type « Courage » depuis les années 2000.

Mots clés : catholicisme contemporain, Courage France (mouvement), enseignement affectif et sexuel, homosexualité, thérapies de conversion, thérapies de guérison.

[Abstract] This article relates the organization, within contemporary French Catholicism, of religious practices at the frontiers of medicine, psychological sciences and support correcting homosexual orientation or transidentity. Contrary to the idea that conversion therapies belong to the Protestant world of North America and that they do not concern Catholicism, it examines 3 chronological moments in particular, each associated with important players in this pastoral work: doctors Eck and Oraison in the years 1960-1970, Tony Anatrella in the years 1980-1990 and charismatic movements inspire by “Courage” since the 2000s.

Keywords: contemporary catholicism, Courage France (organization), sexual and affective teaching, homosexuality, conversion therapies, healing therapies.

Introduction

En mai 2020, Victor Madrigal-Borloz, expert indépendant de l’ONU sur la protection contre la violence et la discrimination, remet un rapport au Conseil des droits de l’homme sur les pratiques de thérapies de conversion (Madrigal-Borloz, 2020). Ce travail très fouillé documente le fait que, sur tous les continents, il existe des pratiques de nature très diverse, dont certaines reposent sur des présupposés d’origine religieuse, qui visent à altérer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre22. L’identité de (…) . Dès 2009, un document de l’American Psychological Association s’inquiétait déjà, sur le sol des États-Unis, d’une recrudescence des « thérapies de réparation » d’origine religieuse (APA, 2009).

En France, espace qui fera spécifiquement ici l’objet de notre étude, en 2019, suite à une recommandation européenne demandant aux États membres d’intervenir, une mission d’information parlementaire est organisée au sein de l’Assemblée nationale afin d’établir s’il convient de légiférer contre de telles pratiques33. Résolution du (…) . L’archevêque de Paris ainsi que des responsables du Secrétariat général de l’enseignement catholique refusent alors d’être auditionnés et expriment leur vif mécontentement. Comme le rapporte le journal confessionnel La Croix, à leurs yeux, rien, dans le catholicisme français, ne relève des « pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » sur lesquelles la représentation nationale souhaite les entendre44. Peiron D. (201 (…) . Il est vrai que, dans le sillage d’un certain nombre de fictions et de documentaires, la situation américaine exporte son imaginaire associé aux pratiques hormonales ou chirurgicales, ou aux guérisons les plus ostentatoires des Églises évangéliques55. Nicolas B. (20 (…) . Ce type d’accompagnement très intrusif jette une ombre sur d’autres pratiques moins démonstratives, mais peut-être tout aussi signifiantes. Cette situation explique sûrement que les acteurs catholiques ne parviennent pas encore à reconnaître que leurs pratiques participent également à l’univers des thérapies dites « de conversion ».

Nous souhaitons, plus particulièrement, à partir des outils de l’histoire – l’exploitation des traces du passé et la recherche des dynamiques sociales à travers l’approche chronologique –, rendre visible la façon dont des catholiques français ont bel et bien développé, aux frontières et parfois avec l’aide de la médecine, des méthodes d’accompagnement d’homosexuel·le·s visant à une absence de rapports affectifs, voire un changement d’orientation sexuelle. Il est vrai que le discours pastoral des autorités catholiques, qui peut être empli de compassion – notamment depuis la crise sanitaire du sida dans les années 1990-2000, ou certains propos plus récents tenus par François, élu pape en 201366. Revenant des J (…)  –, a pu également faire écran à ce phénomène pourtant bien réel. En partant d’une pratique documentaire pour identifier des traces du passé, nous souhaitons relativiser le récit officiel catholique selon lequel l’Église aurait été épargnée par ce phénomène, et ceci même avant l’arrivée d’organisations américaines d’inspiration charismatique à partir des années 200077. Le « Renouveau (…) .

Du point de vue de la littérature scientifique, si les liens entre religions et mouvements de résistance, plus rarement de soutien, à la mise en place d’une démocratie sexuelle font l’objet de travaux en nombre (Kuhar, Paternotte, 2018 ; Rochefort, Sanna, 2013), peu se penchent sur la production d’un conseil et d’une expertise catholiques relatifs à l’homosexualité qui reposeraient sur la médecine ou la psychologie. Cela est d’autant plus surprenant historiographiquement que, d’un côté, l’essor d’une « médecine catholique » est un fait repéré et désormais plutôt bien documenté (Faure, 2012), et que, d’un autre côté, la figure du médecin « expert » dans les débats bioéthiques ou de société relatifs à l’homosexualité constitue un objet d’investigation des sciences politiques (Stambolis-Ruhstorfer, 2018). De surcroît, la recherche sur le mouvement des « ex-gays » américains, très dynamique outre-Atlantique, est encore peu connue et a peu pénétré le monde francophone (Erzen, 2006 ; Robinson, 2007 ; Wolkomir, 2006), excepté, peut-être, dans la sphère du droit (Charruau, 2020). Il existe quelques analyses non universitaires, mais à haute valeur documentaire (Adénor, Rauglaudre, 2019), certaines portant sur les enjeux spécifiques de l’homosexualité dans le clergé et, conséquemment, sur les efforts pour la contrôler (Martel, 2019). Ces ouvrages reposent sur la méthode de l’enquête journalistique ou bien sont issus des sciences religieuses des facultés confessantes (Jordan, 2000). Ils n’ont pas encore reçu beaucoup d’échos dans des productions universitaires laïques.

Les années 1960 constituent une borne chronologique de départ particulièrement intéressante pour mener cette étude. Avec la libération de la parole des minorités sexuelles, la médicalisation de l’homosexualité est remise en cause et devient un objet de débat au sein même des sociétés savantes de sciences médicales et psychologiques qui renonceront progressivement à sa pathologisation dans les années 1970. Devant cette évolution des savoirs reconnus et l’affirmation d’une tolérance sociale plus grande, l’Église catholique approfondit en 1975 sa condamnation des actes homosexuels avec le texte Persona humana puis, sous le pontificat de Jean Paul II (1978-2005), à travers une série d’autres textes magistériels, dont le plus significatif est assurément le catéchisme de 199288. Le catéchisme (…) . Les périodes d’adoption du Pacte civil de solidarité (1999) puis du Mariage pour tous (2013) peuvent constituer une période de fin de notre étude dans la mesure où les autorités catholiques ont cherché à se présenter dans le débat public avec des arguments présentés comme laïcs et portés par des experts qui sont engagés dans le monde médical.

Au sein de cette période, nous identifions trois moments qui organiseront les étapes de cet article. Dans la France des Trente Glorieuses, à travers les figures de deux médecins, Marcel Eck et Marc Oraison, on peut voir que, malgré des nuances, l’influence réciproque entre théologie morale et psychiatrie devient forte (première partie). Les années 1970 déstabilisent un catholicisme qui perd progressivement l’appui de la psychiatrie et de ses sociétés savantes pour pathologiser l’homosexualité. Si cette question devient de plus en plus morale ou théologique au sein du catholicisme français, les discours et les moyens de prise en charge qui les accompagnent se reconfigurent aussi avec l’émergence de la relation d’aide et de dispositif d’éducation à la sexualité (deuxième partie). Le surgissement des controverses publiques autour des débats sur le Pacs puis le Mariage pour Tous met au jour des registres renouvelés d’expertise, notamment à la demande de Rome. Ce phénomène favorise également l’organisation de mouvements de guérison et de conversion sur des modèles venus d’outre-Atlantique (troisième partie).

1. Médecine et théologie convergentes ?

Dans le christianisme, il est difficile en peu de mots de caractériser, sur le temps long, la qualification morale des rapports entre personnes de même sexe. Le modèle de l’historien américain John Boswell d’une tolérance des débuts du christianisme se délitant progressivement au cours du Moyen-Âge est encore très discuté (Boswell, 1985). Plus assurée est l’idée d’une plasticité des discours et des pratiques à travers les époques et selon les contextes sociaux malgré un a priori globalement négatif99. Voir la contri (…) .

1.1. Le basculement du registre de la morale à celui de la psychiatrie

À l’époque contemporaine, l’historien Claude Langlois a pu montrer, en étudiant les manuels de confesseurs et leurs correspondances faites à Rome, que le « crime d’Onan » eut une fortune particulière au XIXe siècle pour condamner tout acte ne visant pas la procréation (retrait, masturbation), mais qu’il est mis en sourdine dans l’entre-deux-guerres. En ce qui concerne spécifiquement l’homosexualité, la « sodomie1010. Le geste que l (…)  » n’était pas forcément au cœur de la réflexion des moralistes. Avant d’être un crime contre les Écritures, le rapport entre deux personnes de même sexe était pensé comme un acte « contre Nature » dans une réflexion catholique marquée, via saint Thomas d’Aquin, par la pensée finaliste d’Aristote (Langlois, 2005). Un blocage a dû être levé afin de rendre pleinement possible la médicalisation d’un péché de l’homosexualité chez les catholiques : l’assimilation des outils de la psychanalyse. La diffusion, au cours de l’entre-deux-guerres, des sciences psychologiques pouvait être encore regardée en effet avec suspicion. Après la Seconde Guerre mondiale, la défiance faiblit (Desmazières, 2011). Or le moment où une convergence peut s’opérer est justement celui où l’héritage potentiellement homophile de la pensée freudienne (Roudinesco, 2002) est réévalué négativement, particulièrement dans une psychiatrie américaine où les thérapies réparatrices connaissent alors un « âge d’or » (Drescher, 1998). Le schéma de la bisexualité originelle est remis en cause, et l’hétérosexualité est définie comme le seul stade de la maturité devant être atteint à l’âge adulte. C’est l’époque où des psychothérapies pour corriger les développements défaillants sont théorisées, entre autres, dans les travaux d’Irving Bieber, de Sandor Rado ou de Charles W. Socarides (Bayer, 1987).

1.2. Marcel Eck et Marc Oraison, deux psychiatres catholiques

Dans la France des années 1960 et 1970, un médecin incarne les synergies nouvelles qui se nouent, via la psychiatrie, entre théorie analytique et morale catholique : Marcel Eck. Psychiatre exerçant à l’hôpital, il est également psychanalyste, même s’il se tient toute sa vie à l’écart des sociabilités savantes de ce milieu. Laïc et père de famille, il devient en pleine France gaullienne un conférencier régulier du « Centre catholique d’éducation familiale catholique », animé par l’Action catholique générale1111. On désigne sou (…) . L’homosexualité est, à ce titre, au cœur de ses préoccupations. Les écrivains homosexuels Denis Duparc, Tony Duvert et Renaud Camus ont tous trois mentionné Eck dans leurs ouvrages1212. Voir, par exem (…) . Eck développe une expertise médicale à visée autant thérapeutique que politique. À l’hôpital Trousseau à Paris, il développe une prise en charge de type psychanalytique de l’homosexualité, spécifiquement lorsqu’elle concerne de jeunes garçons, des séminaristes et des prêtres. C’est une cure par la parole qui vise l’inhibition du désir. En 1960, sa conférence sur le « péril homosexuel » est abondamment citée dans l’exposé des motifs et les débats qui conduisent l’Assemblée nationale à adopter l’amendement Mirguet, qui classe l’homosexualité parmi les « fléaux sociaux », au même rang que l’alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution. En 1966, le psychiatre synthétise l’ensemble de ses interventions dans un ouvrage publié chez l’éditeur Fayard (Eck, 1966). Intitulé Sodome, l’essai constitue un inventaire fouillé d’éléments autant culturels, juridiques que médicaux sur l’homosexualité. La clé générale de l’argumentation, malgré les détours par de nombreuses époques et cultures, reste la théorie de la psychogenèse défaillante.

Mais Eck double toujours cette lecture d’une réflexion sociale plus large que celle permise par les seules sciences psychologiques : « le rôle des facteurs éducatifs est déterminant et s’il y a une prophylaxie possible c’est à ce niveau qu’elle se place » (Ibid : 93). « Fléau social », et « le pire » selon les mots du psychiatre, l’homosexualité demande une réponse prise en charge par la loi, une vigilance accrue des parents et le secours des psychiatres. Le souci du médecin catholique n’est pas tant de débattre sur le caractère pathologique de l’homosexualité que d’alerter la société et les pouvoirs publics afin d’en limiter coûte que coûte l’extension.

À première vue, Marcel Eck se différencie de son homologue contemporain Marc Oraison qui a laissé dans les mémoires l’image d’un catholique ouvert et tolérant. Alors qu’Eck est un laïc, Oraison est prêtre. Médecin et chirurgien, il est ordonné en 1948 après avoir fait ses études au séminaire des Carmes à Paris. Durant ses années de formation, il rencontre les travaux d’Angelo Hesnard (Hesnard, 1949) et débute une thèse sur le lien entre morale et sexualité à la lumière de la psychanalyse. Cette thèse est soutenue en 1951 et publiée sous la forme d’un livre (Oraison, 1952) qui est condamné par Rome (Desmazières, 2013 : 123-124). Notons toutefois que Marcel Eck lui dédie également un ouvrage en 1972 consacré à l’homosexualité dans le clergé, saluant son « ami » et « devancier » (Eck, 1972). Marc Oraison était convaincu du fait qu’il était possible d’enrichir l’accompagnement spirituel classique par des outils issus des nouvelles sciences psychologiques. Cela permettrait, à ses yeux, de mieux prendre en charge les vocations et les pénitents. En 1952, il remet ainsi à l’épiscopat français une enquête menée dans 26 diocèses. Dans cette dernière, parmi les 127 cas qui lui sont remontés, le médecin recense alors 30 situations d’« homosexualité » (aux côtés de celles de « pédérastie [pédophilie] », de fornication et d’alcoolisme). Ce qui représente 20 % de son échantillon. Devant cette situation, Oraison conseille vivement la création d’une clinique spécialisée, dont la réalisation sera prise en charge progressivement par le Secours sacerdotal, organe dépendant du Secours catholique (Langlois, 2020 : 112-113).

1.3. La figure sociale de l’expert catholique de l’homosexualité

Oraison signe en 1975 un ouvrage intitulé La Question homosexuelle (Oraison, 1975). Le statut de ce livre, publié dans la prestigieuse maison d’édition du Seuil, n’est jamais explicité : essai de théologie morale ou de psychologie à destination d’un public intéressé ? Réflexion plus générale sur un fait de société ? L’ouvrage relève peut-être d’une autre posture d’expertise que le Sodome d’Eck. Il est écrit par un prêtre alors situé, aux yeux du public, à une distance appréciable de l’institution et peu suspect de paternalisme ecclésiastique dans la mesure où il a publiquement critiqué certaines positions catholiques, comme l’interdiction faite aux couples catholiques par Rome en 1968 de recourir aux contraceptifs chimiques, et a été condamné lui-même pour ses travaux. Il n’empêche que, dans cet ouvrage, s’il refuser de soigner les homosexuels, il leur conseille particulièrement la psychothérapie et invalide la légitimité d’un mouvement politique les défendant.

À la fois médecin et psychanalyste, Oraison peut être alors vu comme un de ces « nouveaux clercs » que la sociologie commence à mettre au jour, alors que la sécularisation affecte la position des clercs institués des Églises (Willaime, 1982). La pratique pénitentielle, source de compréhension de la vie morale, a été remplacée par une « clinique », celle de la psychanalyse, certes empirique, mais s’affirmant comme une théorie à prétention scientifique. Sa parole de spécialiste s’affirme dans la société française où, malgré la sécularisation et des divergences entre morale catholique et législation civile (IVG, divorce par consentement mutuel), la « question homosexuelle » nécessite toujours des figures d’autorité pour conforter auprès d’un certain public un refus de sa normalisation.

Au milieu des années 1970, l’expertise de l’homosexualité par des médecins catholiques semble donc être en France l’œuvre de « pionniers » comme Oraison ou Eck. Ils agissent seuls à travers leurs consultations où ils reçoivent de nombreux catholiques, principalement des hommes, souvent des prêtres, même s’ils divergent dans le but qu’ils donnent à leur soin (se débarrasser ou vivre avec l’homosexualité). Ces praticiens peuvent recevoir ponctuellement la légitimation de l’Église qui, à travers ses organisations familiales ou d’Action catholique ou bien encore ses dispositifs cliniques d’aide du clergé en difficulté, les investit comme experts, mais sans véritable stratégie d’ensemble et à un moment où la réception sociale de leurs idées apparaît encore, dans certains milieux, évidente.

2. Médecine abandonnée, élargie ou réinvestie ? (années 1970-1990)

Comment donc, alors que le paradigme de prise en charge de l’homosexualité tend à évoluer au sein des sociétés savantes de psychologie vers une moindre pathologisation, l’Église catholique est-elle parvenue à élargir autour de la médecine la gamme de ses dispositifs d’accompagnement à l’égard des personnes homosexuelles ?

2.1. Une dépathologisation déstabilisante

En débat depuis les années 1960, l’American Psychiatric Association fait le choix de sortir l’homosexualité de la liste du Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorder (DSM) en 1973 (Conger, 1975 : 633). L’allié qu’avait trouvé l’Église catholique en la médecine prend ses distances. Cela pousse l’institution, elle-même engagée avec le concile Vatican II (1962-1965) à un aggiornamento de son mode de présence au monde, à reformuler les éléments d’une condamnation. Alors que les Églises historiques issues de la Réforme peuvent voir se structurer un débat officiellement accepté entre une aile libérale – prête à faire évoluer les conceptions morales dominantes jusqu’à la bénédiction des couples (Coulmont, 2007 ; Lavignotte, 2020) – et une aile plus modérée souhaitant garder la condamnation traditionnelle, le catholicisme romain, lui, à l’instar de la plupart des Églises issues de l’évangélisme, tend plutôt à marginaliser institutionnellement l’expression de ces mêmes tendances pour ne défendre publiquement que la compréhension péjorative des relations homosexuelles. En 1975, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie un texte intitulé Persona Humana relatif à « certaines questions d’éthique sexuelle », à savoir la masturbation, la pornographie et l’homosexualité1313. Congrégation p (…) . La « recherche scientifique contemporaine » est pointée dès la première ligne de ce texte lorsqu’elle tend à normaliser les actes homosexuels comme la masturbation.

2.2. La naissance d’une question pastorale

De manière significative, l’ouvrage de 1975 La Question homosexuelle d’Oraison ne fait pas mention du texte romain paru la même année. La section « homosexualité et religion » ne commente pas Persona Humana, peut-être arrivé trop tardivement (au mois de décembre) dans la documentation de l’auteur, à moins que le prêtre et médecin soit détaché de l’Église au point de ne pas faire reposer sa réflexion sur des actes du Magistère. Si le psychanalyste disparaît en 1979, celui que l’on considère comme son héritier intellectuel n’est d’ailleurs pas un médecin, mais un théologien : Xavier Thévenot. Auteur d’une thèse sur l’homosexualité masculine, il ne cherche pas vraiment à médicaliser la question. Pour lui et dans le prolongement de son devancier, elle relève avant tout d’une problématique éthique (Thévenot, 1985). Dans un champ confessionnel français marqué par l’éclatement de l’après « crise catholique » des années 1960-1970, l’homosexualité fait l’objet en France d’une compréhension désormais très différenciée parmi les fidèles loin des consignes romaines. Un certain « gallicanisme moral » fait peut-être écran aux exigences romaines de maintenir la condamnation. En 1972 s’organise par exemple l’association chrétienne LGBT David et Jonathan. En 1976, après la parution de Persona Humana, cette dernière publie un communiqué de presse dénonçant « l’angélisme prescrit aux homosexuels1414. Christianisme (…)  ». Selon la logique du militantisme intra-ecclésial qui se met en place à partir de cette période, des groupes et des mouvements commencent même à revendiquer des alternatives pastorales et morales, une manière d’être homosexuel chrétien entre respect de la pratique religieuse, nouvelles ritualités et dissonance avec les normes morales de leur groupe confessionnel (Buisson-Fenet, 2004 ; Durand, 2018 ; Gross, 2008). Ce sillon d’une contestation interne des normes catholiques, sans forcément recevoir une approbation explicite des autorités religieuses, à partir d’une réflexion exégétique, théologique ou pastorale alternative, n’a d’ailleurs cessé depuis lors1515. Nous pouvons c (…) . Elle se renforce d’autant plus dans la société française que l’État dépénalise en 1982 l’homosexualité, permettant la visibilité et l’affirmation accrues d’un mouvement homosexuel.

2.3. Une tentation médicalisante toujours présente

Reste que, pour Rome, la théologie morale ne doit pas se désarticuler du terrain plus général des sciences, et les évolutions de la médecine ne sauraient faire évoluer la doctrine sexuelle traditionnelle. Persona Humana s’inscrit dans la même logique intellectuelle que celle de l’encyclique de 1968 Humanae Vitae. Dans ce texte, le Magistère n’excluait pas, d’emblée, toute technique pour exercer une « paternité responsable » dans une sorte de refus de tout « progrès » médical. Mais il demandait plutôt aux couples catholiques de suivre des techniques en se fiant à un principe supérieur de naturalité conforme à ce que Rome définit comme relevant de la dignité humaine. Cela passait, concrètement, par un appel à s’investir dans la promotion des méthodes « Klaus » ou « Ogino », vues comme respectueuses des critères de l’encyclique (Sevegrand, 1995). De la même manière, dans Persona Humana, l’institution valorise tous les discours et pratiques qui cherchent à conforter l’anormalité, et sa possible réversibilité, de l’homosexualité, sans exclusivement se référer en dernier recours à une parole médicale, mais en articulant cette dernière à une vision religieuse plus générale de l’être humain et de sa sexualité. C’est assurément la réception de ce texte, auprès de certains acteurs catholiques, qui permet le développement de pratiques, qui s’inspirent de la pénitence ou de diverses modalités d’accompagnement, puisant parfois dans une expertise à consonance scientifique ou médicale, pour changer l’orientation sexuelle de certains fidèles.

La relation d’aide est assurément l’un de ces lieux de la prise en charge des personnes homosexuelles, notamment mariées, dans un cadre d’expertise qui peut jouer de ses ambiguïtés avec les sciences psychologiques à visée thérapeutique. En France, les catholiques ont en effet eu un rôle important, mais souvent peu perçu, dans l’accompagnement des couples et des familles (Valla-Chevalley, 2009). Cela se produit en parallèle d’une spiritualisation grandissante de la vie conjugale et de la valorisation du laïcat à travers le mariage (Walch, 2002). Le « consueling » américain, notamment celui mis au point par le théologien catholique Charles Curran, a même eu une influence non négligeable dans l’émergence de la profession de conseiller conjugal en France. Les catholiques ont trouvé dans cette profession, délaissée par les psychologues et psychanalystes plus mainstream, un moyen de développer une pratique qui répond aux exigences d’une éducation « intégrale » du couple. Dès 1967, Renée Montjardet, traductrice de Curran en français et membre de l’Association française des centres de consultation conjugale, fait la description de l’expérience américaine dans les Cahiers Laënnec, une publication à destination des professions médicales catholiques, avec un certain enthousiasme. Elle loue le travail des conseillers d’outre-Atlantique capables de « présenter des valeurs du mariage pouvant être universellement admises » et dispensant « un enseignement très large impliquant : connaissance des tests, économie domestique, psychopédagogie, préparation au mariage, conseil aux célibataires, aux divorcés » et, dernière catégorie citée : « aux homosexuels » (Montjardet, 1967 : 24-25). L’organisation en 1972-1973 d’un Institut des sciences de la famille dans le cadre de « la Catho » (l’institut catholique) de Lyon est significative de cette dynamique. Lieu de formation reconnu de nombre de travailleuses sociales, de conseillères conjugales, de médiateurs familiaux et d’un ensemble de professions sociales intermédiaires, il est un de ces « tiers-lieux » entre le monde académique et l’univers catholique où une parole d’expertise sur l’homosexualité est produite, même si la relation d’aide est encore peu étudiée d’un point de vue historique (Angleraud, 2016).

Du côté de l’enseignement catholique, on peut faire l’hypothèse que, sans chercher directement à altérer l’orientation sexuelle dans des programmes spécifiques, la façon dont a été dispensé l’enseignement affectif et sexuel, en insistant sur le caractère négatif des relations affectives et sexuelles entre les personnes de même sexe, a conduit à une autre forme de répression de l’homosexualité. La pression des pairs ou l’atmosphère peu favorable à l’expression de gestes affectifs ou sexuels entre personnes de même sexe ont pu conduire à une forme, plus ou moins continue ou répétée, d’aversion d’une orientation sexuelle. Les travaux de recherche portant sur le discours catholique et la didactique de la sexualité et son enseignement se limitent souvent, soit, de manière paradoxale, aux secteurs souvent plus ouverts de l’Action catholique (Banse, 2019 ; Favier, 2017 ; Masquelier, 2019), soit à ceux plus conservateurs de type Associations familiales catholiques (Massei, 2017), sans forcément se pencher sur ce qu’il se passe au sein de l’école confessionnelle, qui touche beaucoup plus de jeunes catholiques.

À partir des années 1970, alors que les milieux d’ouverture demandent plutôt une évolution de la doctrine sur un plan strictement moral et théologique, les courants plus loyalistes à l’égard de Rome peuvent en effet se tenir proches des acteurs de la santé, soucieux de maintenir la prégnance du paradigme d’anomalie de l’homosexualité et la recherche de pratiques correctrices. Ces dernières proviennent des secteurs auxiliaires de la médecine et de la psychologie comme la relation d’aide, l’éducation à la sexualité et, plus généralement, d’un terrain psychothérapeutique peu légalement encadré.

3. La mise en place d’un mouvement « ex-gay » catholique (depuis les années 1990) ?

Le 17 mai 1990, l’Organisation mondiale de la santé retire l’homosexualité de la classification internationale des maladies. Comment expliquer alors la persistance de discours et pratiques à consonance médicale au sein de certains courants du catholicisme jusqu’à nos jours ? Quelles ressources ont été mobilisées afin de les justifier ?

3.1. La mobilisation contre-hégémonique d’un savoir sur l’homosexualité

Dans un contexte de visualisation accrue de la cause homosexuelle et l’obtention des premières victoires militantes dans certains États ou certaines organisations internationales, Jean Paul II met en place une contre-offensive en mobilisant l’ensemble des ressources catholiques (Garbagnoli, Prearo, 2017 ; Kuhar, Paternotte, 2018). Sous l’autorité du pape polonais, la Congrégation pour la doctrine de la foi écrit, dès 1986, à l’ensemble des évêques du monde entier pour clarifier certaines questions relatives à « la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles ». Le texte va plus loin qu’une série de prescriptions pratiques. Les acquis récents des sciences sont désormais explicitement relativisés : « L’Église est à la fois à l’écoute des découvertes scientifiques et en mesure d’en transcender l’horizon, sûre que sa vision plus complète respecte le caractère complexe de la personne humaine1616. Congrégation p (…) . » Bien plus, le document appelle à la mise en place de « formes spécialisées de pastorale des personnes homosexuelles, ce qui peut comporter […] la contribution des sciences psychologiques, sociologiques et médicales » (Ibid.). Cette année-là, significativement, s’organise en France l’association « Devenir un en Christ » (DUEC) dans le diocèse de Meaux qui, originellement et avant d’évoluer vers une conception plus ouverte de sa mission, cherche à venir en aide aux conjoints de couples catholiques qui se découvrent homosexuel·le·s et ne souhaitent pas, pour autant, divorcer. En 1995, le Conseil pontifical pour la famille publie un document intitulé « vérité et signification de la sexualité humaine : des orientations pour l’éducation ». Le paragraphe 104, consacré à l’homosexualité, rappelle ainsi qu’« il convient de distinguer la tendance qui peut être innée des actes d’homosexualité qui sont “intrinsèquement désordonnés” et contraires à la loi naturelle ». Mais le texte ajoute aussitôt : « Bien des cas particulièrement quand la pratique des actes homosexuels n’est pas encore structurée peuvent réagir positivement à une thérapie appropriée1717. Conseil pontif (…) . » Si l’homosexualité n’est plus explicitement désignée comme une maladie dans ce texte, il s’agit en tout cas d’un désordre qui peut être évitable.

3.2. Tony Anatrella « psy » de l’épiscopat ?

En France, les années 1990 sont surtout marquées par les débats portant sur l’adoption d’une union civile ouverte aux couples homosexuels : le Pacs (adopté en 1999). Dans un moment où « la question homosexuelle s’inverse » (Fassin, 2003), les catholiques cherchent à regagner une légitimité dans les débats publics en objectivant une parole afin qu’elle ne soit pas perçue comme confessionnelle mais universelle, c’est-à-dire fondée sur des arguments objectifs et rationnels (Raison du Cleuziou, 2019). Un prêtre diplômé de psychologie, Tony Anatrella, s’impose dans le paysage religieux et médiatique afin de répondre à cette mission. Fort de ses fonctions à la clinique de Montjay gérée par les évêques français pour les prêtres en difficulté, il peut être présenté jusqu’aux années 2000 dans des articles du Monde comme « docteur1818. A. W. (1981), (…)  », voire « psychiatre1919. Tincq. H. (200 (…)  », alors qu’il n’est pas médecin.

Le statut d’expert du prêtre est construit par l’épiscopat français qui le met à contribution en 1998 pour le document « le Pacs, une loi inutile et dangereuse2020. Conférence des (…)  », ou bien encore par l’enseignement privé catholique qui le cite à plusieurs reprises dans son référentiel national sur l’« enseignement affectif, relationnel et sexuel2121. Commission per (…)  ». Le prêtre et psy est également consulté sur les dossiers de pédocriminalité, et bénéficie d’une reconnaissance des pouvoirs publics français ; il participe, par exemple, au comité d’experts qui collaborent avec le ministère de la Santé dans la gestion de la crise sanitaire du sida2222. Tincq H. (1987 (…) . Rome le nomme le « consulteur » au Conseil pontifical pour la famille en 2000 et au Conseil pontifical pour les personnels et la pastorale de la Santé en 2001. Devenu « prélat de Sa Sainteté », « Monseigneur Anatrella » prend une part non négligeable dans la dénonciation par Rome des études de genre et, en 2005, il est à l’origine du texte contre l’ordination de séminaristes « homosexuels » ou « soutenant la culture gay2323. Congrégation p (…)  ».

Mais le prêtre n’est pas qu’un expert catholique qui essaie de défendre, par une argumentation laïque, les positions bioéthiques catholiques dans le champ du débat d’idées. Il est aussi un praticien qui propose ses services pour les novices, séminaristes, prêtres et religieux. Avant que d’anciens patients, suivis pour homosexualité, se plaignent des traitements subis lors de ses thérapies à partir de 20072424. Lebrun S., Mun (…) et que la hiérarchie ecclésiale ne le sanctionne canoniquement en 20182525. Hoyeau C. (201 (…) , Tony Anatrella a donné des clés de compréhension, mais aussi proposé et organisé des thérapies de l’homosexualité. Son parcours nous montre que ce sont les catholiques qui se destinent à être prêtres ou religieux qui sont les plus orientés vers des accompagnements pour surmonter la question de l’orientation homosexuelle. La destination très cléricale de l’accompagnement proposé par Tony Anatrella explique peut-être la difficulté des victimes, prêtres ou ayant des responsabilités au sein de l’Église catholique, à le désigner comme auteur de thérapie de conversion, même si certains acteurs religieux peuvent être tenus comme « lanceurs d’alerte » précoces sur ses pratiques2626. Commission ind (…) .

3.3. La réception décalée du mouvement des ex-gays américains

L’éviction progressive de Mgr Anatrella, en proie à ses difficultés canoniques et judiciaires, n’a pas pour autant signifié la disparition des pratiques visant à altérer l’orientation sexuelle. Elle a plutôt favorisé l’essor et le développement, via la galaxie charismatique, de nouvelles organisations puisant leur référencement intellectuel ailleurs, et tout particulièrement dans la mouvance nord-américaine des « ex-gays ». Les États-Unis ont effet constitué un terrain particulièrement fécond pour l’éclosion d’organisations répondant aux appels du Vatican pour resignifier l’anormalité de l’homosexualité. Dès 1980, évinçant les mouvements plus tolérants à l’égard des actes sexuels et du couple, l’archevêque de New York organise « Courage », qui se présente comme un « apostolat » à destination des personnes homosexuelles. L’approche innovante du mouvement vient de son association du recours classique aux sacrements et à la direction de conscience et de pratiques nouvelles. Il peut s’agir du groupe de parole sur le modèle des alcooliques anonymes, du soutien de repentis ou de proches, mais aussi d’un apport qui se veut théorique de conférenciers et psychothérapeutes.

Mais le mouvement propose tout un réseau de personnes et d’ouvrages ressources qui proposent une expertise à visée correctrice d’une sexualité jugée déviante. Ce sont eux que l’on retrouve par exemple signataires de la déclaration de la Catholic Medical Association de 2001 « Homosexuality and Hope ». Ce texte, signé par plusieurs psychiatres et psychothérapeutes, souhaite mettre à disposition de ses lecteurs les travaux de recherche qui « vont contre le mythe que l’homosexualité est génétiquement déterminée et non changeable » afin d’« offrir de l’espoir pour sa prévention et son traitement » (Task Force on Homosexuality, Catholic Medical Association, 2001). Plusieurs praticiens ont un rôle déterminant dans la diffusion d’un tel accompagnement chez les catholiques : Joseph Nicolosi, psychothérapeute californien, auteur de plusieurs ouvrages promouvant les « thérapies réparatrices » de l’homosexualité (Nicolosi, 1997) ; Leanne Payne, directrice du « Pastoral Care Ministries » qui aide les personnes à guérir leur identité sexuelle par une guérison spirituelle ; ou encore Philip M. Sutton, psychothérapeute dans le Michigan, conférencier régulier de Courage défendant un « soin professionnel réalisé par un diplômé, afin de changer – c’est-à-dire surmonter, diminuer ou résoudre – les attractions et pratiques homosexuelles » (Sutton, 2015).

Courage arrive officiellement en France en 2015 (date du dépôt des statuts à la Préfecture) avec le soutien de la Communauté de l’Emmanuel. Ce mouvement charismatique l’accueille à l’occasion de ses grands rassemblements d’été à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) de 2015 à 2017. Il lui consacre alors un numéro de son magazine et présente les « 12 étapes » pour parvenir à la continence2727. Dossier « Qui (…) . Andrew Comiskey, ancien pasteur et animateur du groupe évangélique Torrents de vie, converti au catholicisme, y témoigne de la façon dont il est parvenu à l’hétérosexualité (Comiskey, 2002). Toujours en 2015, l’Emmanuel édite le manuel de John Harvey, fondateur de Courage, aux États-Unis (Harvey, 2015). Le jésuite Laurent Fabre, à l’origine de la communauté charismatique du Chemin Neuf, peut, quant à lui, préfacer en 2018 l’ouvrage du psychothérapeute Laurent Perru Masculin en crise, paru aux éditions des Béatitudes2828. Maison d’éditi (…) , avec ces mots : « accompagnant des personnes vivant des attirances homosexuelles, je ne savais pas comment faire […] ne trouvant rien de très consistant en France […] je commençais à percevoir des lueurs outre-Atlantique » (Perru, 2018 : 9). Ce livre est une assez efficace synthèse des idées d’Andrew Comiskey, Joseph Nicolosi, Leanne Payne et, plus généralement, des théoriciens du mouvement des ex-gays étasuniens. Les communautés charismatiques françaises, prenant leur distance avec la Conférence des évêques de France jugée trop timorée2929. Dans la préfac (…) lors de la séquence du Mariage pour tous (2012-2013)3030. Conférence des (…) , jouent donc un rôle important actuellement dans le transfert des expérimentations nord-américaines relatives à l’acompagnement des personnes homosexuelles. Ce faisant, elles renouvellent par des références culturelles outre-Atlantique un terrain déjà bien balisé, en réalité, depuis des décennies.

Conclusion

En définitive, malgré des ruptures dans leurs théories et leurs formes d’organisation, il a existé, au sein du catholicisme français contemporain, des années 1960 à nos jours, des experts, des programmes et des organisations chargés d’accompagner les fidèles (principalement des clercs) vers l’absence de rapports entre personnes de même sexe. Dans l’historiographie, la vision trop linéaire d’une dépathologisation progressive de l’homosexualité, qui irriguerait une pastorale de plus en plus tolérante, doit être reconsidérée avec plus de complexité. Cette vision euphémisée de ce qui s’est passé en France s’explique peut-être par une impossibilité de transposer exactement la situation américaine qui, dans la recherche et le débat public, est plus connue, notamment à travers la question du mouvement des « ex-gays ».

Pourtant, un pays comme la France, marqué par une forte influence des théories psychanalytiques, même au sein de la psychiatrie, ne pouvait pas être étranger dans les années 1960 à la prise en charge « clinique » de l’homosexualité. En marge d’organisations catholiques, des médecins comme Marcel Eck ou Marc Oraison, sans mandat clair mais sans interdiction non plus des autorités catholiques, représentent bien cette première génération de praticiens qui peuvent utiliser leur expertise pour défendre les positions de l’Église et accompagner les croyants. Alors que, dans les années 1970, les référentiels psychologiques internationaux réévaluent de manière non pathologique l’homosexualité, les groupes confessionnels perdent un allié de poids dans leur condamnation. En France, si des mouvements religieux peuvent demander une évolution de la pastorale, si ce n’est de la doctrine, dans l’esprit de Persona Humana (1975), un accompagnement, pas stricto sensu médical, mais se référant toujours à une expertise scientifique se met en place notamment sous les formes de la « relation d’aide » et de l’« éducation affective, relationnelle et sexuelle ». Depuis le pontificat de Jean Paul II, la mobilisation des sciences médicales et psychologiques conduit à l’apparition de nouvelles pratiques dont Tony Anatrella est représentatif en France. Après son éviction pour des soucis canoniques et judiciaires, d’autres acteurs, moins soutenus directement par l’épiscopat, émergent. Ils importent des idées et organisations de la mouvance des « ex-gays » étasuniens dans sa version catholique : « consueling » poussé ou approche psycho-spirituelle de guérison de l’homosexualité, c’est cette réalité qui, aujourd’hui, se retrouve dans le débat public et ses controverses. Néanmoins, il ne s’agit que de l’une des dernières reconfigurations d’un mouvement bien plus ancien.

La France ne connaît sûrement pas une situation similaire aux États-Unis ou à certains pays d’Amérique latine où les « thérapies de conversion » ont pignon sur rue. Les Églises historiques protestantes ou catholiques peuvent héberger en leur sein des courants tolérants à l’égard de l’affection et la sexualité entre personnes du même sexe, allant jusqu’à la mise en place de rites de reconnaissance. Le quotidien pastoral catholique est fait d’une application tempérée des normes religieuses romaines et il n’y a rien d’équivalent à ce que l’on peut observer dans certaines Églises évangéliques pratiquant ouvertement guérison ou conversion de l’homosexualité3131. En 2019, le Wi (…) . Néanmoins, il ne faut pas négliger la continuité d’efforts pour limiter l’expression de la subjectivité homosexuelle dans une gamme large de pratiques allant de la mise en place d’atmosphère de culpabilité, source de vulnérabilité, au sein des établissements d’éducation catholique notamment, aux discours et pratiques d’accompagnement par des acteurs religieux ou en marge d’institutions religieuses. C’est tout un champ qu’il reste encore à documenter, et il est fort probable que les travaux se multiplient.

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1.

Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA), France.

2.

L’identité de genre se réfère ici au genre ressenti de la personne, et l’orientation sexuelle au fait d’être lesbienne, gay ou bisexuel.

3.

Résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016 (2017/2125[INI], point 65.

4.

Peiron D. (2019), « Thérapies de conversion, l’Enseignement catholique évoque un “hors-sujet” », La Croix, 13 décembre 2019.

5.

Nicolas B. (2019), Homothérapies, conversion forcée, Arte France, 94 min.

6.

Revenant des JMJ (Journées mondiales de la Jeunesse) de Rio de Janeiro, en juillet 2013, le pape François, interrogé sur l’homosexualité, a déclaré : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » Malgré l’aspect vague du propos, jamais pape n’avait été aussi en avant de l’identité homosexuelle, utilisant le mot « gay », voir : Le Bars S. (2013), « Le pape : “si une personne est gay, qui suis-je pour la juger ?” », Le Monde, 30 juillet 2013. À son retour des Journées mondiales des familles en août 2018, François a toutefois conseillé le recours à la « psychiatrie » aux parents d’enfants homosexuel·le·s, un mot qui fit vite polémique et fut supprimé du compte-rendu repris sur le site du Vatican (François, « Conférence de presse au cours du vol de retour d’Irlande ». En ligne, consulté le 26 mars 2020. URL : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2018/august/documents/papa-francesco_20180826_irlanda-voloritorno.html.

7.

Le « Renouveau charismatique » désigne des expériences chrétiennes qui se reconnaissent dans la spiritualité des mouvements de « réveil », principalement issus du protestantisme nord-américain. Le courant pentecôtiste, fruit de l’un de ces réveils, s’est diffusé au sein du catholicisme à partir de la fin des années 1960. En France, il a notamment pris la forme de « communautés nouvelles » qui ont pris leur essor dans les années 1970, dans un contexte où l’Église connaissait une crise d’identité et d’orientation pastorale.

8.

Le catéchisme officiel de l’Église catholique romaine, promulgué en 1992, traite de l’homosexualité dans la section consacrée aux « offenses à la chasteté » après les points concernant la fornication, la pornographie, la prostitution et le viol et l’inceste. L’article 2357 considère les actes homosexuels comme « contraires à la loi naturelles » et qui « ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas ». L’article suivant appelle à ne pas exercer de « discriminations injustes » et à assurer un accueil aux personnes homosexuelles. Le dernier article de la série, le 2359, leur demande « par les vertus de maîtrise, éducatrices de la liberté intérieure » de « se rapprocher graduellement et résolument de la perfection chrétienne » (Jean Paul II (1992), « La vocation à la chasteté », Catéchisme de l’Église catholique. En ligne, consulté le 21 mars 2021. URL : http://www.vatican.va/archive/FRA0013/_P80.HTM). Le Catéchisme des Évêques de France de 1993, dans son article 608, explique, quant à lui, que ce sont « des blocages dans l’éducation et les multiples accidents de parcours » qui expliquent le « désordre » de l’homosexualité. Qualifiant les actes d’« objectivement graves », le texte appelle « ceux qui pèchent à sortir de leur moi et de leur égoïsme par le don d’eux-mêmes et l’accueil de la grâce de Dieu » (Conférence des évêques de France [1993], Catéchisme pour adultes des évêques de France, Paris, Librairie générale, p. 136).

9.

Voir la contribution au magazine grand public Historia : Favier, 2018.

10.

Le geste que les habitants de Sodome auraient voulu infliger aux visiteurs venus visiter Loth dans le chapitre 19 du livre de la Genèse.

11.

On désigne sous le terme d’« Action catholique », une forme de mouvements de laïcs catholiques engagés dans la société depuis le début du XXe siècle. Avec l’apparition d’organisations à destination spécifique de certains publics (les ouvriers, les étudiants, les agriculteurs) dans l’entre-deux-guerres, l’épiscopat français a distingué l’Action catholique « générale » de celle dite « spécialisée » (JOC, JAC, JEC). Héritière de la « Fédération nationale catholique » du général de Castelneau, très active dans l’entre-deux-guerres, notamment dans la défense de l’enseignement libre, l’Action catholique générale des Hommes est organisée en 1945 à la demande des évêques soucieux de les rattacher au Secrétariat général de l’Action catholique qu’ils contrôlent afin de les conduire à une démarche spirituelle et pas uniquement politique.

12.

Voir, par exemple : Camus R. (2006), « Un coming-out désastreux ». En ligne, consulté le 27 mars 2020. URL : http://vehesse.free.fr/dotclear/index.php?2006/09/25/133-un-coming-out-desastreux&th=Oxford#co.

13.

Congrégation pour la Doctrine de la Foi (1975), Déclaration Persona Humana sur certaines questions d’éthique sexuelle. En ligne, consulté le 4 décembre 2020. URL : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19751229_persona-humana_fr.html.

14.

Christianisme et Homophilie (1976), « Communiqué suite à la parution du Document romain sur la sexualité », Archives nationales de France, fonds « David & Jonathan » », cote 20150654/35-36.

15.

Nous pouvons citer quelques noms de ce courant de théologie catholique, développant une critique des positions du Magistère. On peut penser aux échos reçus du jésuite John J. McNeill publiés en 1986 en français (McNeill, 1986). Outre-Atlantique, la religieuse Jeannine Gramick et le père Robert Nugent, à l’origine de l’association New Ways Ministry, ont également retenu l’attention de Rome avec leurs publications (Gramick, Nugent, 1992 ; 1995). Ces deux ouvrages ont ainsi été condamnés par la Congrégation pour la doctrine de la foi en mai 1999, de même que le jésuite McNeill avait été interdit de s’exprimer en public avant sa réduction à l’état laïc. Aujourd’hui, des théologiens catholiques cherchent encore à faire évoluer de l’intérieur la conception catholique de l’homosexualité, à l'instar du jésuite James Martin, auteur en 2018 d’un essai (Martin, 2018), dans le sillage de l’exhortation aspotolique Amoris laetitia du pape François de 2016.

16.

Congrégation pour la Doctrine de la Foi (1986), Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles. En ligne, consulté le 4 décembre 2020. URL : https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19861001_homosexual-persons_fr.html.

17.

Conseil pontifical pour la famille (1995), Vérité et signification de la sexualité humaine. En ligne, consulté le 4 décembre 2020. URL : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/family/documents/rc_pc_family_doc_08121995_human-sexuality_fr.html.

18.

A. W. (1981), « Une clinique psychiatrique pour le clergé », Le Monde, 13 septembre 1981.

19.

Tincq. H. (2000), « Une nouvelle génération qui ose affirme sa foi », Le Monde, 21 août 2000.

20.

Conférence des évêques de France (1998), Le Pacs, une loi inutile et dangereuse. En ligne, consulté le 4 décembre 2020. URL : https://eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/textes-et-declarations/369201-le-pacs-une-loi-inutile-et-dangereuse//

21.

Commission permanente de l’Enseignement privé catholique (2010), L’éducation affective, relationnelle et sexuelle dans les établissements catholiques d’enseignement. En ligne, consulté le 4 décembre 2020. URL : https://enseignement-catholique.fr/wp-content/uploads/2016/09/EARS.pdf.

22.

Tincq H. (1987), « Les Églises et le sida, un avertissement sans exclusion », Le Monde, 24 juin 1987.

23.

Congrégation pour l’Éducation catholique (2005), Instruction sur les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de l’admission au séminaire et aux Ordres sacrés. En ligne, consulté le 4 décembre 2020. URL : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccatheduc/documents/rc_con_ccatheduc_doc_20051104_istruzione_fr.html.

24.

Lebrun S., Munsterman H. (2016), « Le système Anatrella », La Vie, 20 octobre 2016.

25.

Hoyeau C. (2018), « L’Église prend des sanctions contre Mgr Tony Anatrella soupçonné d’abus sexuels », La Croix, 4 juillet 2018.

26.

Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (2019), Compte rendu de l'audition du fr. Philippe Lefebvre (o.p.), titulaire de la chaire d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg (Suisse). En ligne, consulté le 18 octobre 2020. URL : https://www.ciase.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019-12-13-CR-Fr.-Philippe-Lefebvre-1.pdf.

27.

Dossier « Qui suis-je pour juger ? », Il est vivant !, magazine de la Communauté de l’Emmanuel, mars-avril 2015, n° 324, p. 14-26.

28.

Maison d’édition fondée par une autre communauté charismatique française.

29.

Dans la préface de la traduction française de l’ouvrage de J. Harvey, Attirance homosexuelle (Harvey, 2015), Dominique Rey, membre de la Communauté de l’Emmanuel et évêque de Fréjus-Toulon, parle d’un « vrai défi pastoral » pour qualifier « le suivi des personnes homosexuelles » en notant que « théoriquement claire [cette question] n’est en fait que rarement prise en compte pour elle-même dans l’Église » (Ibid. : 5). Significativement, il ne cite pas le texte de 2012 intitulé « Élargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat » des évêques de France. Ce dernier appelle à « refuser l’homophobie », « entendre la demande des personnes homosexuelles » et « connaître les limites du Pacs », c’est-à-dire à légitimer une forme de couple homosexuel (Conseil famille et société, 2012).

30.

Conférence des Évêques de France (2012), Élargir le mariage aux personnes de même sexe, ouvrons le débat, note du Conseil famille et société. En ligne, consulté le 19 octobre 2020. URL : https://eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/textes-et-declarations/366187-elargir-le-mariage-aux-personnes-de-meme-sexe-ouvrons-le-debat-note-du-conseil-famille-et-societe/.

31.

En 2019, le William Institute de l’Université de Californie estime que 20 000 jeunes LGBT subiront une « thérapie de conversion » avant d’atteindre leur majorité aux États-Unis. Si on ajoute les cures prodiguées dans le cadre de la relation d’aide spirituelle, ce chiffre s’élève à 77 000 personnes (William Institute, 2019).