Pourquoi refuser de délivrer des soins ?

Les logiques du refus à l’encontre des bénéficiaires d’une complémentaire santé publique

Why healthcare is denied? Analyzing the care refusal of public funded complementary health insurance recipients

Caroline Desprès11. Laboratoire ET (…) et Pierre Lombrail22. Directeur adjo (…)

[Résumé] Cet article vise à analyser les logiques sociales du refus de soins à l’égard des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire par des professionnels de santé de ville. Les résultats reposent sur une analyse socioanthropologique de discours d’une cinquantaine de médecins et dentistes, récoltés entre 2015 et 2016. Ils montrent l’intrication entre des logiques économiques et non économiques, telles que les représentations de cette catégorie de patients, les valeurs des praticiens et leur rapport à l’État et à l’assurance maladie.

Mots-clés : refus de soins, discrimination, CMU, inégalités, accès aux soins.

[Abstract] This article analyses social dynamics of care refusal by private practitioners towards patients covered by public funded complementary health insurance (CMU-C). The data are based on in-depth face-to-face interviews with physicians and dentists conducted between (2015-2016), and are analyzed from a socio-anthropological approach. The results show intertwining between economic logic and non-economic such as the social representations of those patients, the practitioners’ values, their relationship with the government and social insurance institution.

Keywords: care refusal, discrimination, CMU, inequality, health care access.

Le refus de soins est un phénomène qui, sans être nouveau, a émergé en France en tant que problème public depuis l’instauration de la Couverture maladie universelle (CMU) et de l’Aide médicale d’État en 2000. Des refus de recevoir les bénéficiaires de ces dispositifs ont été constatés, confirmés par des études reposant sur la méthodologie du testing33. Encore appelé (…) (Desprès, 2009 ; Médecins du Monde, 2006).# La Halde44. Délibération n (…) a confirmé leur caractère discriminatoire. La discrimination consiste en un « traitement inégal d’individus ou de groupes sociaux pour des raisons illégitimes » (Lochak, 198#7). Ces refus en constituent une des formes les plus extrêmes et contribuent à la production des inégalités sociales d’accès aux soins. Selon Didier Fassin (200#2), la discrimination établit une sorte de chaînon manquant entre le racisme et l’inégalité. Elle rend compte des conséquences observables de l’idéologie raciste ou, de manière plus large, de la stigmatisation de certains groupes.

Rappelons que la loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU s’inscrivait dans le cadre des lois contre l’exclusion. Le premier volet visait à élargir la couverture de base à l’ensemble de la population (résidents de plus de trois mois en situation régulière sur le territoire). Le second volet proposait une complémentaire santé gratuite (CMU-C), financée par l’État, aux personnes les plus démunies, sous conditions de ressources. Elle était assortie de conditions spécifiques de prise en charge : un tiers payant55. Le patient n’a (…) obligatoire pour les ayants droit, des tarifs opposables66. Le médecin est (…) et des forfaits plafonnés pour les soins prothétiques. Elle favorisait un accès aux soins dans le cadre du droit commun, notamment en médecine de ville, dite « libérale ». Son effet de réduction des inégalités économiques d’accès aux soins a été démontré (Dourgnon, Or, Sorasith, 201#2), mais se trouvait amoindri par ces refus, à l’origine de retards, voire de renoncements aux soins.

La multiplication des testings mesurant les taux de refus contraste avec le faible nombre de recherches réalisées sur leur motif. Les résultats d’un testing effectué à Paris sur un échantillon représentatif de médecins généralistes, spécialistes et de dentistes montrent des probabilités de refus variables en fonction des praticiens (#Desprès, 2009), significativement plus élevées chez les médecins en secteur 2 (autorisés à appliquer des dépassements d’honoraires, hors certaines catégories de patients notamment les bénéficiaires de la CMU-C) et les dentistes. Ces résultats ne permettent pas de déterminer s’ils refusent pour des raisons financières ou parce qu’ils se distingueraient sociologiquement de leurs confrères : origine sociale, construction identitaire professionnelle différenciée selon les segments de la profession médicale (#Bloy, Schweyer, 2010). Des taux variables en fonction des spécialités médicales et des territoires concernés (Desprès et al., 2012) plaident pour l’existence de logiques plurielles et intriquées.

Dans ce contexte, une recherche a été menée visant à saisir, au travers des discours de médecins et de dentistes de ville, l’existence d’éventuelles différences d’accueil et de prise en charge des individus ou de certains groupes sociaux, qu’ils soient discriminatoires ou non. Cet article est focalisé sur les principales logiques sociales qui président au refus d’accueillir ou de délivrer des soins aux bénéficiaires de la CMU-C. Après une description de la méthodologie, nous analysons successivement les logiques économiques et non économiques de ces refus.

1. Méthodologie

Nous avons opté pour des méthodes qualitatives afin de recueillir des récits de pratiques ; pratiques dont les logiques sont plurielles, intriquées et souvent inavouées. Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs longs77. Au minimum 1 h (…) auprès de 54 praticiens : 42 médecins (dont 21 généralistes et 21 spécialistes) et 12 chirurgiens-dentistes. En l’absence d’étude empirique française sur les logiques du refus de soins aux bénéficiaires de la CMU-C, et en partant de l’hypothèse de plusieurs dimensions explicatives, il nous paraissait important dans un premier temps de les faire émerger en privilégiant des entretiens approfondis ouvrant des pistes de compréhension, et ce dans le cadre d’une approche inductive. L’observation des pratiques de consultation n’était pas adaptée, dans la mesure où les refus sont très souvent réalisés en amont de celle-ci par l’intermédiaire d’un secrétariat. Nous n’avions alors pas d’autre choix que de recueillir des discours, en tablant sur le fait que quelques-uns accepteraient d’en parler.

L’accès aux praticiens qui refusent les bénéficiaires de la CMU-C est délicat. Ceux-ci sont en effet peu enclins à accepter un entretien pour évoquer des pratiques réprouvées par la loi et la déontologie médicale. Une dizaine de praticiens de notre corpus décrivent des refus, il est possible que certains praticiens aient occulté de telles pratiques88. Nous précisero (…) . L’analyse a porté tant sur des praticiens qui refusent que sur ceux qui accueillent les bénéficiaires de la CMU-C, en supposant que la comparaison de ces deux groupes permettrait de fournir des éléments de compréhension afin de dépasser une simple rhétorique de justification des pratiques.

Le corpus est varié du point de vue de l’âge (5 ont moins de 35 ans, 17 de 35 à 55 ans, 32 ont plus de 55 ans), du genre (22 femmes, 32 hommes), du mode d’exercice (individuel ou en groupe, rural ou urbain), en fonction du secteur pour les médecins (les généralistes sont tous en secteur 1, les médecins spécialistes sont au nombre de 9 en secteur 1, 12 en secteur 2), des spécialités médicales (12 sont représentées), des lieux d’installation (six régions dont la moitié du corpus à Paris et sa banlieue). Ce corpus comprend 6 représentants de syndicats libéraux, et 10 praticiens impliqués dans des associations engagées dans la lutte contre les inégalités99. Dans le texte, (…) . Dix-neuf sont installés dans des quartiers bourgeois de grandes villes, dont Paris, quelques-uns dans des banlieues défavorisées (7), 2 encore dans des zones rurales enclavées, le reste du corpus est réparti dans des villes moyennes de province ou de banlieue.

L’analyse socioanthropologique des discours visait à saisir des logiques d’acteurs (matérielles et symboliques), tout en les articulant à l’environnement sociétal (discours politiques, médiatiques dans un contexte de mouvements sociaux1010. Plusieurs mouv (…) ), institutionnel (organisation des soins, politiques de santé, normes professionnelles et administratives), économique et interactionnel (avec le patient).

2. Des refus en lien avec des logiques financières

Le lien entre le refus de soins et le secteur de conventionnement a été démontré dans plusieurs études (#Boisguérin, Pichetti, 2008 ; Desprès, 2009). Il suggère l’existence de logiques financières, que nous avons cherché à approfondir.

2.1. Une rentabilité variable

Les effets de la prise en charge des titulaires de la CMU-C sur les honoraires diffèrent selon les médecins. Les praticiens de secteur 1 appliquent les tarifs de la sécurité sociale : ils percevront les mêmes honoraires, quel que soit le profil du patient. Plus encore face à des patients précaires, ils sont assurés d’être payés, témoignent quelques praticiens, alors qu’auparavant, les impayés n’étaient pas rares. De leur côté, les médecins du secteur 2 peuvent théoriquement choisir le montant du dépassement « avec tact et mesure », comme il est spécifié dans le code de la santé publique1111. Article R4127- (…) . Pour les bénéficiaires de la CMU-C, ils n’ont cependant pas le droit de les appliquer. Or, le tarif de la consultation est une variable d’ajustement du niveau de revenu (Bellamy, Mikol, 201#2), tout comme le nombre d’actes ou le temps de consultation.

Pour les chirurgiens-dentistes, la distinction se fait en fonction du type de soins : d’une part, les soins de base conservateurs soumis à une opposabilité et, d’autre part, une liberté de prix sur les prothèses. Ils sont nombreux à considérer que les tarifs plafonnés des prothèses dentaires pour la CMU-C sont sous-évalués : « Des prix qui ne correspondent à aucune réalité » (dentiste, H, syndicat Union dentaire). Les dentistes rencontrés considèrent de leur côté que la pose de prothèses aux titulaires de la CMU-C revient, au mieux, à travailler à l’équilibre (sans bénéfice), parfois à perte, et ce en fonction du profil de leur patientèle (pourcentage de patients en tiers payant).

Ces discours doivent être remis en perspective avec la tarification des soins. Tous les dentistes insistent sur le fait que les tarifs des soins conservateurs sont déconnectés des coûts réels, ce que confirme la littérature (#Savard, 2014). Cette sous-évaluation est compensée par les tarifs des prothèses (Bellamy, Badara Mbaye, 2013). Plusieurs dentistes (responsables syndicaux, mais aussi un responsable départemental chargé de la santé publique bucco-dentaire) expliquent que 70 % de l’activité concernent des soins de base et 30 % des prothèses, mais que le chiffre d’affaires généré se répartit inversement. Les dentistes qui reçoivent un nombre important de bénéficiaires de la CMU-C, dont les besoins de soins prothétiques sont élevés (#Fauroux et al., 2019), peuvent ainsi voir leur rentabilité menacée : « Si vous n’avez que des patients CMU, vous mettez la clé sous la porte » (dentiste, H, 78, FSDL1212. Fédération des (…) ).

Ces propos sont confirmés par une dentiste engagée dans une association de lutte contre la pauvreté, qui reçoit de nombreux patients en situation de précarité.

On sait que si on fait des couronnes, on va être payés sur une céramique 375 euros alors que pour les autres, on est entre 500 et 800 euros. Donc on perd quand même un peu de gras. Sur les couronnes en acier, on va être payé 300 euros alors que sur les autres on est à 400/450… (Dentiste, F, Nancy)

Ces éléments de contexte permettent de comprendre aussi qu’un certain nombre de dentistes acceptent de recevoir des bénéficiaires de la CMU-C pour des soins conservateurs, mais pas pour des prothèses, et que d’autres appliquent des quotas. Par exemple, cette dentiste ne les reçoit que dans le cadre de l’urgence.

Je fais l’acte d’urgence qui peut-être me rapportera une consultation à 23 euros et qui en vaudrait 150. Je le fais. Mais pour la suite, je prétexte n’importe quoi. (Dentiste, F, Paris 13, R)

La faible rentabilité1313. Les situations (…) de certains actes techniques est également évoquée par des médecins de secteur 2, notamment ceux qu’ils considèrent « sous-évalués », et quand ils nécessitent un matériel technique coûteux ou un temps de consultation plus long. Ainsi, dans certains cas, les titulaires de la CMU-C ne se voient pas refuser l’accès au praticien, mais à certains types de soins. Certains médecins spécialistes leur proposent de les recevoir à l’hôpital quand ils y ont une activité salariée, sans leur laisser le choix. Les conditions d’accueil y sont différentes avec un allongement des délais de rendez-vous et du temps en salle d’attente.

2.2. Des stratégies face au risque financier

Face à un possible retentissement financier, des stratégies sont mises en œuvre pour minimiser l’impact en gardant le contrôle du nombre de patients en tarif opposable, ou en n’appliquant pas ces tarifs et en se protégeant des difficultés de remboursement quand ils pratiquent le tiers payant.

2.2.1. Contrôler le nombre de patients en tarif opposable

L’impact financier ne se manifeste qu’à partir d’un nombre critique de patients bénéficiant d’un tarif opposable, en lien donc avec l’environnement social où le praticien exerce. En effet, il existe une répartition hétérogène des groupes sociaux variable selon les quartiers ou les territoires, parfois une réelle ségrégation. Ces constats sont au cœur des travaux en géographie sociale (#Séchet, 1996). En miroir, des praticiens se disent peu concernés étant donné le nombre négligeable d’appels de patients de ce type :

Moi, ça ne me gêne pas de les prendre, si vous voulez. Même si vous gagnez un peu moins sur une consultation. J’en ai pas tant que ça, que ça va me faire changer mon revenu à la fin du mois. (Gynécologue médicale, F, Paris 9, S2)

L’impact sur les revenus est d’autant plus marqué que le praticien est amené à revoir souvent un patient. Une consultation unique est plus facilement négociable avec le praticien spécialiste (Desprès, 2009). À l’inverse, la prise en charge pèse plus financièrement pour une psychiatre (F, Paris 21414. Pas de refus d (…) ) qui s’inscrit dans une logique de soins réguliers (fréquence d’un suivi avec des consultations hebdomadaires sur plusieurs mois).

Pour réduire les risques financiers, des praticiens cherchent à maîtriser la file active des patients qui bénéficient du tarif opposable. Quelques-uns ont instauré des quotas. D’autres introduisent des pratiques de sélection plus subjectives et individualisées en choisissant quels bénéficiaires ils vont recevoir et dans quel cadre. Un dentiste installé dans une ville de banlieue parisienne défavorisée (H, 94, R) accepte les bénéficiaires de la CMU-C, mais déclare « éviter » de leur faire des prothèses. Il accepte exceptionnellement pour quelques patients qu’il a choisis.

Logiquement, dans les beaux quartiers, le nombre d’appels de patients bénéficiant de la CMU-C devrait être plus réduit, ce que confirment plusieurs praticiens.

Je dois en avoir un par mois. C’est le quartier qui fait. Je serais à Mantes-la-Jolie, ça ne serait pas la même chose. (Dentiste, F, 92)

Deux appels par an pour un médecin spécialiste du 6e, une poignée pour un dentiste du 16e. Pourtant, selon un testing parisien, les refus sont plus prégnants dans ces quartiers (Desprès, 2009). Quelques-uns craignent un afflux de patients, ce qui peut expliquer leurs réticences. Ils appréhendent d’être recommandés à leur insu par des patients ayant la CMU-C.

Le grand problème, et ça c’est un collègue psychiatre qui m’en avait parlé, qui est à une porte de Paris, c’est pas de voir un patient CMU, le problème, c’est de rentrer dans une filière où après tu as le copain de la copine… Et là, tu ne te retrouves pas avec une ou deux personnes, tu en as vingt. (Psychiatre, F, Paris 2, S2)

Cette crainte d’« un déferlement » évoqué par plusieurs praticiens expliquerait en partie des refus dans des cabinets qui ont concrètement très peu de demandes émanant de bénéficiaires de la CMU-C.

2.2.2. Ne pas appliquer le tarif opposable

Certains praticiens en secteur 2 ne refusent pas stricto sensu de recevoir les patients ayant la CMU-C, mais leur demandent de régler le dépassement d’honoraires, ce qui est annoncé parfois au téléphone avant la rencontre (Desprès, 2009). Un dentiste parisien les reçoit et pose le cadre lors de la première consultation : sans dispositif de lecture de la carte vitale, il ne pourra pas faire de tiers payant – on peut le faire sur feuille de soins –, et il demande un supplément d’honoraires pour les prothèses.

Et je leur explique qu’au tarif CMU, je ne peux pas leur faire grand-chose parce que mon heure de cabinet est très chère. (Dentiste, H, Paris 16, R)

En proposant de telles conditions, il retourne le refus du côté du patient. Cette attitude peut viser à décourager le patient en lui proposant des conditions financières qu’il ne peut assumer (refus masqué), mais parfois relève d’une méconnaissance de la situation économique de patients bénéficiant de la CMU-C, comme le confirment les discours des praticiens que nous avons rencontrés. Une large majorité d’entre eux ne connaît pas les barèmes d’accès à la CMU-C, et ignore que pour en bénéficier il faut être en dessous du seuil de pauvreté.

2.2.3. Ajuster le temps des soins

Le temps est aussi une variable d’ajustement économique. Sans sortir de la légalité, la multiplication des actes associée à une réduction du temps de consultation permet de gagner plus et de compenser un éventuel manque à gagner. Aucun médecin rencontré n’évoque une pratique de réduction du temps de consultation, constatée par #Caroline de Pauw (2017) chez des médecins généralistes1515. Certains, a ob (…) .

Ajoutons que le choix d’exercer en secteur 2 n’aboutit pas nécessairement à une augmentation de revenus de ces praticiens mais leur permet, « à revenus constants », de recevoir leurs patients plus longtemps. Dans leurs discours, ils justifient les dépassements d’honoraires par la qualité des soins délivrés qui, si elle est liée au matériel et à l’habileté du praticien, est associée au temps passé pour bien travailler techniquement ou assurer une écoute et une information meilleures.

Ceux qui refusent les bénéficiaires de la CMU-C et le dévoilent au chercheur développent une rhétorique selon laquelle ils préfèrent ne pas recevoir ces patients moins rentables afin de ne pas déroger à la qualité des soins.

Pour moi, c’est pas possible [d’appliquer le tarif CMU] ou alors je ferme mon cabinet ou je vire une assistante. J’arrête de faire de l’asepsie, et je travaille comme un cochon et je vois 14 ou 15 malades de plus par jour. Mais à partir du moment où tu as un standard, tu peux pas faire des dérogations au standard. (Dentiste, H, 16e, R)

Dans cette rhétorique (surtout chez les dentistes de notre corpus), « d’autres » moins scrupuleux dispenseraient des soins de moins bonne qualité – les soins « low cost » aux conséquences désastreuses se multiplieraient en Europe – ou pratiqueraient des traitements par excès (par rapport aux besoins).

2.2.4. Assurer le recouvrement des soins

Plus qu’une véritable raison pour refuser des patients, les difficultés à recouvrer la consultation apparaissent comme un facteur renforçant d’autres logiques. Le remboursement du tiers payant fonctionne relativement bien pour la CMU, bien que parfois dénoncé comme incomplet ou opaque. Des dysfonctionnements épisodiques pour ceux qui disposent d’un lecteur de la carte vitale sont décrits : erreurs informatiques, absence de transparence qui fait qu’ils n’ont pas de visibilité des consultations recouvertes. Mais aussi cartes non mises à jour, litige sur la cotation d’un acte, médecin traitant non déclaré dont ils feraient les frais, etc. Pour ceux qui ne sont pas équipés de lecteur de la carte vitale, le temps de gestion serait long et les remboursements incertains.

[…] En fait, quand tu envoies les papiers CMU tu n’es jamais payé… Je dois avoir un an de consult, une fois par semaine1616. Non remboursé. (…) … (Psychiatre, F, Paris 2, S2)

Certains sécurisent leur remboursement en demandant aux patients d’apporter leur carte vitale et l’attestation papier. Il peut arriver qu’ils refusent de les recevoir si ces documents ne sont pas fournis. D’autres refusent d’appliquer le tiers payant.

Moi je leur dis, vous faites la CMU, vous faites les papiers, mais vous payez, vous vous faites rembourser. (Dentiste, H, 16e, R)

Quelques-uns allègent le temps « perdu » à des tâches administratives, mais le refus du tiers payant ne peut toutefois pas s’y résumer. Il témoigne d’une relation problématique des praticiens libéraux avec l’assurance maladie et les pouvoirs publics, qui ne date pas d’aujourd’hui (#Tabuteau, 2010). Celle-ci a été exacerbée pendant notre recherche du fait des mouvements sociaux déjà mentionnés. Ainsi, le même dentiste déclare refuser de faire la trésorerie de « la sécu » alors qu’il consent aisément des facilités de paiement à ses patients.

Quand les gens viennent, je leur dis : « Je suis désolé, je n’ai pas le lecteur de carte. » Voilà. Donc tu payes ou tu vas ailleurs. Parce que je ne veux pas faire la banque. (Dentiste, H, Paris 16, R)

3. Des refus ancrés dans des logiques non financières

Les attitudes des praticiens sont également déterminées par leurs représentations sociales des patients titulaires de la CMU-C, ainsi que par des valeurs et une identité professionnelle construites au long de leur parcours de formation. C’est aussi un environnement institutionnel et leur relation avec les caisses d’assurance maladie qui participent de leur perception de ces bénéficiaires.

3.1. Les représentations des bénéficiaires de la CMU-C

La CMU-C, en tant que dispositif ciblé, a construit une catégorie administrative, « les CMUs » – dénomination que les praticiens utilisent fréquemment en entretien. Les personnes en situation de pauvreté n’étaient pas repérées comme telles avant la mise en œuvre du dispositif, commentent plusieurs praticiens, elles s’inscrivaient dans un continuum social. Cette catégorisation a produit une stigmatisation et une essentialisation (#Crenn, Kotobi, 2012) : comme si cet attribut conférait une nature spécifique aux personnes alors que les situations professionnelles ou familiales instables impliquent leurs entrées et sorties régulières du dispositif.

Des stéréotypes et des préjugés1717. Cette question (…) imprègnent les discours de nombreux praticiens et contribuent très largement à la compréhension des attitudes des praticiens (Desprès, à paraîtr#e). Ils sont associés à leur perception de la loi, dont les effets sont jugés pervers mais que nombre de médecins connaissent très mal – comme nous l’avons constaté. La gratuité des soins est dénoncée fréquemment, qu’ils refusent ou non les bénéficiaires de la CMU-C, et fait écho à l’absence de contrepartie évoquée pour d’autres prestations sociales. Elle conduirait ces patients à « profiter du système » ou à « surconsommer » des soins. Ces praticiens jugent, par ailleurs, que ce sont souvent de « mauvais patients » dont les parcours sont heurtés (retards, ruptures des soins dont la responsabilité leur est imputée), difficiles à soigner (polypathologies, problématiques médico-sociales et sociales surajoutées), qui ne suivent que peu les recommandations (de prévention notamment).

Mais si ces représentations orientent les attitudes, ce lien n’a rien d’automatique. Certains dentistes refusent de réaliser des prothèses aux bénéficiaires de la CMU-C expliquant que, sinon, ils n’auront plus qu’à mettre la clé sous la porte, sans pour autant les concevoir comme « une catégorie à problème ». Cependant, la stigmatisation participe de la dynamique de construction des refus, en délégitimant cette catégorie de patients1818. Voir également (…) , qui sont probablement refusés pour des raisons largement financières. Cette hypothèse est étayée par le fait que ceux qui dans notre corpus refusent sont prêts à les recevoir à condition qu’ils payent un complément financier. Ils les reçoivent également à nouveau dès lors qu’ils n’ont plus la CMU-C. La mise en cause du dispositif est imbriquée dans une disqualification de la population ciblée venant conforter l’éviction des titulaires, sans qu’il soit aisé de démêler les deux (Bloy, 201#5). De plus, les préjugés n’épargnent pas les médecins qui acceptent de les soigner#.#

3.2. Entre valeurs humanistes et justice sociale

Existe-t-il un socle de valeurs qui différencierait les attitudes à l’égard des bénéficiaires de la CMU-C ? Tout d’abord, il nous faut insister sur le fait que les discours des praticiens sont tous traversés par le caractère humaniste de leur métier, le terme revenant de manière récurrente mais renvoyant à des conceptions variées. Tous considèrent l’accès aux soins pour tous comme principe de justice. Mais, pour quelques-uns, cela devrait se faire dans d’autres lieux que les cabinets de ville, donc de préférence passer par d’autres qu’eux :

Je ne comprends pas pourquoi on exige du praticien de faire du social. En fait, il n’y a pas de compensation financière, moi je travaille à 50 % à perte. (Dentiste, F, Paris 18e)

Cette dentiste reçoit les titulaires de la CMU-C parce que c’est illégal de les refuser, mais le fait à contrecœur. Beaucoup plus qu’une référence à une éthique des soins, c’est le caractère illégal qui dicte l’attitude de cette dentiste, non par principe mais par peur d’une sanction.

Sauf chez six praticiens, la question de la justice sociale, des inégalités sociales et de la solidarité est absente des discours. Il s’agit plutôt de mettre en avant l’empathie et la compassion, dans une approche très individualisée. Une autre dentiste, qui refuse ses propres patients s’ils sont passés à la CMU-C, explique que « ça fait mal au cœur ».

Les testings ont confirmé le faible taux de refus parmi les médecins généralistes (#Desprès, 2009), ces derniers semblent plus investis dans la dimension sociale de la médecine, connaissent mieux les dispositifs, sont confrontés à des populations plus hétérogènes socialement, sans que nous puissions monter en généralité ; dans notre corpus, les praticiens engagés sont en majorité des généralistes. Une étude de plus grande envergure sera nécessaire pour aller plus loin dans l’analyse.

L’adhésion à un droit fondamental, le droit à la santé, qui va de pair avec une image d’eux-mêmes construite autour du souci d’autrui, vient percuter des attentes fortes de prestige et de reconnaissance sociale qui passent aussi par leurs revenus, qu’ils voudraient voir indexés au temps passé et à leurs responsabilités, et ce dans une échelle globale par rapport à d’autres métiers. La valeur altruiste peut percuter celle d’autonomie ou d’autorité, comme le montrent des travaux de sociologie des professions (#Bergeron, Castel, 2015).

Les praticiens ont résolu ces situations de dilemmes de diverses manières. Par exemple, ils s’arrangent avec les limites incertaines de la notion de refus de soins ou, en tout cas, l’interprètent de manière restrictive pour rester dans les marges de la loi et pour composer avec une certaine image d’eux-mêmes.

Le refus de soins, c’est vraiment sur le refus de soigner. La prothèse, c’est pas une obligation. […] On confond « soin » et « prothèse », or le soin c’est une chose, c’est-à-dire quelqu’un qui a une situation qui va évoluer, qui peut le faire souffrir, elle doit être prise en charge. Et ça, c’est le soin. Quand vous arrivez au niveau des prothèses, c’est que tout est stabilisé. (Dentiste, Bourgogne, H, FSDL)

Certains, qui en principe refusent les bénéficiaires de la CMU, font des exceptions et acceptent des patients selon leur humeur du jour et l’attitude du patient :

« Quand je suis bien lunée, je me dis OK je vais dépanner quelqu’un. Quelqu’un qui est gentil, respectueux, c’est au feeling. » (Dentiste, F Paris 14, R)

Nous avons relevé de multiples situations où le praticien évalue subjectivement la situation économique du patient (Desprès, 2020) et détermine arbitrairement si des soins lui seront délivrés, où (consultation en ville ou hospitalière) et dans quel cadre financier (comme le montant du dépassement). Cela revient à leur contester un droit, pour le remplacer par une charité « privée » (#Fassin, 2001), dépendant de leur bon vouloir. Ils se substituent à l’État pour instaurer un nouvel ordre d’évaluation où s’entremêlent mérite, besoin de soins en lien avec l’état de santé, conduites anticipées de bon patient, etc. (#Desprès, 2010). Un dentiste d’origine étrangère a longtemps soigné gratuitement ses compatriotes alors que son pays était en guerre et que ceux-ci étaient réfugiés en France et sans ressources. Néanmoins, il refuse la CMU-C. Le mérite pour le praticien est souvent médicalement situé (#Bourgois et al., 2017), c’est-à-dire renvoyant aux capacités à prendre soin de soi, comme pour un dentiste (H, 94, R) qui réalise des soins de prothèses uniquement à quelques titulaires de la CMU-C ayant une bonne hygiène dentaire.

D’autres enfin gèrent cette tension en différenciant dans leurs activités les périodes où ils exercent leur métier en gagnant leur vie « correctement » et les moments de générosité. Ainsi, il leur est possible de garder le contrôle du temps qu’ils vont consacrer à leurs activités « caritatives ». Ceux qui refusent participent parfois à des missions humanitaires à l’étranger ou réalisent occasionnellement un acte gratuit.

Ajoutons que ce qui était un dilemme moral tend à s’effacer, entre équité des soins et maîtrise des dépenses de santé : des praticiens se sont emparés de cette dernière question, se posant comme gardiens d’un nouveau paradigme éthique dans le champ de la santé (#Izambert, 2016). Le contexte sociopolitique où plusieurs gouvernements successifs tiennent un discours récurrent sur le déficit de la sécurité sociale, relayé par les médias, participe à structurer un discours sur les patients qui coûtent cher. La question de la « gratuité » des soins (pour les ayants droit) revient à plusieurs reprises dans les entretiens, renvoyant à un discours plus général sur l’absence de contrepartie (#Bec, Procacci, 2003) qui serait à l’origine d’une absence de responsabilité de cette catégorie de patients.

3.3. Le tiers dans la relation médecin-patient : l’État et l’assurance maladie

Les attitudes des praticiens s’inscrivent globalement dans un rapport difficile à l’État et à l’assurance maladie : « L’identité du corps médical s’est construite depuis le XIXe siècle sur son antagonisme avec l’État et la crainte de voir son indépendance professionnelle rognée par le développement de la santé publique puis par l’institution de l’assurance maladie » (Tabuteau, 2010 : 103).

Une large part des praticiens rencontrés affirme avec fermeté leur identité libérale qui a présidé au choix d’exercer en ville, souvent sans faire mention du rôle de l’État qui a permis de solvabiliser le marché des soins ainsi que la reconnaissance de leur autonomie (#Hassenteufel, 1997). Ils voient d’un mauvais œil le fait de se voir dicter des règles par l’État, spécialistes et dentistes de manière plus prononcée1919. Pour des raiso (…) .

On est profondément libéral. Jusqu’au bout des ongles. Le dentiste qui s’installe dans son cabinet le gère de A à Z, il n’attend rien de l’État. Je ne vois pas pourquoi l’État nous obligerait à prendre en charge quelque chose que lui a décidé. (Dentiste, F, Paris 14, R)

Plusieurs praticiens déplorent le fait de ne pas avoir été consultés avant la mise en œuvre de la CMU. Les médecins, « ils n’aiment pas qu’on leur impose des choses », explique cette ancienne chef de clinique qui a quitté l’hôpital et s’est installée en ville. La violence et l’exagération de ses propos témoignent de sa colère :

Moi, je n’exclus pas de me déconventionner un jour par pure fierté. Et si je dois pas faire payer les gens, ben je les ferai pas payer. Mais juste parce que j’aime pas qu’on m’emmerde, quoi ! J’aime pas qu’on me dise : « Mais tu feras ci, tu feras ça. » Ouais, j’ai l’impression d’être en ex-URSS quoi. Je le vis comme ça. C’est Staline qui va nous expliquer : « Donc tu feras un dépassement de 50 euros… de 20 euros… » (Gynécologue, S2, F, 92)

Cette relation problématique n’est pas hors de propos pour comprendre l’attitude de certains praticiens à l’égard de lois telles que la CMU. Il y a manifestement une dimension symbolique dans le refus, notamment dans sa variante « refus du tiers payant », qui constitue un lien de dépendance avec l’assurance maladie : « La sécu m’horripile. C’est épidermique. Je ne leur demande rien » (dermatologue, S2, F, Paris).

Plus encore qu’avec l’État, les interactions difficiles avec l’assurance maladie sont largement évoquées dans les entretiens. Depuis 20 ans, des dispositions visant à la maîtrise comptable de l’exercice médical ont progressivement été mises en place, notamment dans le cadre de la loi Juppé (#Hassenteufel, 2003). En dotant l’assurance maladie d’instruments de mesure de la pratique professionnelle (Tabuteau, 2010), elle va à l’encontre des principes qui régissaient la profession, en particulier de définir elle-même les buts de son activité et les moyens de l’évaluer (Bergeron, Castel, 2015 : 140). De plus, ces outils d’évaluation sont dénoncés par quelques-uns comme étant trop normatifs, fondés sur des moyennes départementales qui ne tiennent pas compte du profil de patientèle. Par exemple, des médecins du corpus qui reçoivent un nombre important de travailleurs pauvres ont été sanctionnés à cause d’un nombre d’arrêts de travail trop élevé.

La logique introduite par la cotation à l’activité en médecine dentaire (fondée sur un acte technique et non des soins) et les nouvelles CCAM (classification commune des actes médicaux) pour les actes bucco-dentaires sont inadaptées à la prise en charge des soins des personnes vulnérables, selon plusieurs praticiens engagés. Il est nécessaire d’établir « un plan de soins » qui suppose une anticipation et une inscription temporelle des soins, pas toujours aisée alors que les patients vivent des situations de vie très instables. Le praticien peut alors rencontrer des difficultés avec l’assurance maladie quand le patient ne se conforme pas au parcours de soins attendu : certains consultent dans le cadre de l’urgence alors que la consultation d’urgence n’est pas codifiée ; d’autres perdent la CMU-C pendant le temps des soins. Le praticien peut être obligé de rembourser quand le patient interrompt son parcours.

Fatalement, ceux qui avaient des patients à la CMU, qui avaient des récupérations de soins, ils sont sur des profils de dépenses par patients qui sont anormaux. Et donc ils se font épingler… (Dentiste, Nancy, F)

Ces pressions visant à rendre les pratiques conformes à une moyenne orientent vers une normalisation de la patientèle, donc des formes de sélection avec éviction des patients moins rentables pour le praticien et plus coûteux pour la société, ce qui a plus de chances de survenir avec des patients en situation de précarité. Des médecins ont même décrit des formes de harcèlement de la part de la sécurité sociale, d’autres sont profondément découragés, renoncent à exercer ou se déconventionnent (pratiques marginales, mais qui rendent compte d’un mal-être et d’un sentiment de perte de sens). Ces logiques peuvent indisposer certains praticiens à l’égard de bénéficiaires de la CMU-C.

Concernant les pressions exercées par les caisses sur les pratiques médicales et qui indirectement peuvent renforcer le sentiment de fardeau lié à la prise en charge des bénéficiaires de la CMU-C (#Desprès, 2010), nous avons constaté une grande variabilité départementale des caisses à l’égard des praticiens. Dans certains départements, à l’inverse, les praticiens qui reçoivent des patients en situation de précarité déclarent être fortement soutenus, dans le cadre d’un objectif de l’assurance maladie de réduire les inégalités sociales de santé.

Conclusion

L’accès aux soins est un enjeu et un levier de réduction des inégalités sociales de santé. Les refus de soins à l’égard des bénéficiaires de la CMU complémentaire contribuent à affaiblir les effets positifs de ce dispositif. Ils sont le résultat de logiques économiques et non économiques, structurelles et interindividuelles qui viennent s’intriquer pour constituer un tableau complexe, difficile à décrire succinctement sans caricaturer ni stigmatiser des segments de profession. Rappelons-le, la majorité des praticiens libéraux reçoivent les patients sans distinction a priori de leur statut social ou économique. La prise en compte de celui-ci dans la prise en charge et les soins, par contre, est bien réelle (#Desprès, 2020).

La stigmatisation des bénéficiaires de la CMU-C, très présente dans les discours, fait le lit du refus de soins, sans pour autant revêtir un caractère automatique, ce qui montre toute la complexité de ces attitudes et parfois leur ambivalence. Les comportements des praticiens sont largement régis par la structuration du système de santé, les modes de rémunération et de régulation faisant dès lors intervenir d’autres acteurs que le praticien et son patient titulaire de la CMU-C. De plus, leurs propos n’échappent pas aux discours dominants et aux injonctions administratives à réduire le coût des soins. Les politiques d’incitation financière ont renforcé « la pénétration de l’évaluation économique » (#Batifoulier, Ventelou, 2003 : 321) et l’érosion de la part gratuite des soins. Les logiques économiques occupent donc une place importante qui va bien au-delà d’un « manque à gagner ». Elles traversent les différentes dimensions du refus. La question de la place des médecins dans la société, le sentiment qu’ont un certain nombre d’entre eux d’un manque de reconnaissance (qui passe aussi par leurs revenus) y renvoie aussi. Ces éléments, auxquels il faut ajouter les rapports complexes et ambivalents entre praticiens et pouvoirs publics, se cristallisent autour de la CMU-C, dont les titulaires apparaissent comme des boucs émissaires.

Nous avons présenté les logiques qui nous paraissaient les plus prégnantes, sans les épuiser. Cet article laisse dans l’ombre les différences entre segments professionnels, le nombre d’entretiens ne permettant pas de réaliser des comparaisons pertinentes compte tenu de l’hétérogénéité des segments entre eux et, au sein de ces segments, selon les parcours individuels de chacun. L’analyse des parcours de vie et professionnels, des rapports à la précarité dans leur histoire et dans leur cursus, la relation qu’ils entretiennent à des individus singuliers dans leur patientèle, et ce en fonction de leur spécialité, pourraient encore apporter des éléments d’approfondissement de leurs logiques d’action.

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Tabuteau D. (2010), « Pouvoirs publics et professions de santé », Les Tribunes de la santé, vol. 26, n° 1, p. 103-121.

1.

Laboratoire ETRES UMRS 1138, Centre de recherche des Cordeliers, Université de Paris.

2.

Directeur adjoint du laboratoire Éducations et Pratiques de santé (LEPS), Université Paris 13.

3.

Encore appelé test de situation, le testing scientifique consiste à proposer deux candidats (fictifs), dont l’un détient le critère potentiel de discrimination, et à comparer les réponses (ici, une demande de consultation ou de soins).

4.

Délibération n° 2006-232 du 6 novembre 2006 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), remplacée aujourd’hui par le Défenseur des Droits.

5.

Le patient n’avance pas les frais médicaux.

6.

Le médecin est tenu d’appliquer les tarifs définis par l’assurance maladie.

7.

Au minimum 1 h 30 et jusqu’à 5 h dans quelques cas.

8.

Nous préciserons quand les verbatims émanent d’un praticien qui déclare refuser (R).

9.

Dans le texte, nous les appellerons les praticiens « engagés ».

10.

Plusieurs mouvements de grève et manifestations ont eu lieu, notamment au cours de l’année 2015, contre la réforme du système de santé de Marisol Touraine, et se sont cristallisés autour de la question de la généralisation du tiers payant. La loi a été promulguée en janvier 2016.

11.

Article R4127-53.

12.

Fédération des syndicats dentaires libéraux.

13.

Les situations varient selon les coûts d’investissements (selon les besoins d’un plateau technique), les charges variables selon le lieu d’installation…

14.

Pas de refus de recevoir, mais cette psychiatre a demandé aux médecins qui lui adressent des patients de ne plus lui envoyer de bénéficiaires de la CMU-C.

15.

Certains, a observé la chercheuse, vont jusqu’à passer la carte vitale sans recevoir le patient.

16.

Non remboursé.

17.

Cette question essentielle est développée de manière plus approfondie dans un autre article (Desprès, à paraître).

18.

Voir également les travaux d’Estelle Carde (2006),où elle distingue déligitimation et différenciation.

19.

Pour des raisons complexes que nous ne pouvons développer ici. Il est nécessaire de prendre en compte le contexte historique de construction professionnelle de chaque groupe, son organisation, notamment la répartition entre praticiens salariés et libéraux avec une odontologie hospitalière quasiment inexistante, la formation et les valeurs mises en exergue, etc.