Régulation et acceptabilité sociale du bruit nocturne

Immersion dans la rue Jean-Pierre Timbaud

Regulation and social acceptability of night noise. Immersion in rue Jean-Pierre Timbaud

Adrien Defrance11. Université de (…)

[Résumé] #Cet article traite de la régulation de la vie nocturne, et plus particulièrement de la régulation du bruit récréatif nocturne dans une rue parisienne. Issu d’une longue expérience de terrain, ce texte s’intéresse aux conflits d’usage liés au bruit et à leurs modes de gestion à partir d’une analyse des jeux d’acteurs. L’enjeu est de montrer la co-fabrication d’une politique urbaine du tapage nocturne. Cette contribution tient compte à la fois des mobilisations des « acteurs sociaux dits ordinaires » (habitants, sortants nocturnes, gérants de bar) et des formes d’aménagement de l’espace public par des acteurs institutionnels (responsables d’associations, élus, médiateurs). En toile de fond, elle interroge les relations des habitants à l’environnement sonore.

Mots clés : bruit, conflit, régulation, nuit, mobilisation.

[Abstract] This article looks at the regulation of nightlife and, more specifically, the regulation of recreational noise in a Parisian street. Stemming from extensive field experience, it looks at noise control practices and at their management styles through the study of actors’ strategies. This article aims at showing the co-production of urban politics of noise disturbance. This contribution considers both the mobilization of « social actors known as ordinary » (residents, night-goers, bar managers) and the forms of public space layouts by the institutional parties involved (accountable associations, elected representatives, mediators). In the background, the relationship to the sonic environment is questioned.

Keywords: noise, conflict, regulation, nightlife, mobilization.

Introduction

Paris ne dort jamais que d’un œil. Quand la moitié de ses habitants est plongée dans ce qu’il est de tradition d’appeler « les bras de Morphée », l’autre moitié s’agite, en proie à une activité que ne peuvent soupçonner les braves gens enfouis sous de chaudes couvertures, derrière d’épais rideaux, depuis dix heures du soir jusqu’à huit heures du matin (Delvau, 1866 : 4)

Dans un contexte de mise en concurrence des métropoles européennes et de mutation profonde de leur configuration temporelle (Ascher, 1997), le créneau de la vie nocturne constitue un enjeu important d’attractivité touristique. Comme Barcelone, Londres ou Berlin, la ville de Paris cherche à tirer son épingle du jeu en s’appuyant sur des stratégies de marketing territorial pour dynamiser son offre nocturne22. Chanier A., Ko (…) . Berceau du noctambulisme, la ville peut s’enorgueillir d’une longue tradition de divertissements et de plaisirs nocturnes (Delattre, 2003), bien qu’historiquement compartimentés spatialement et socialement (Maupassant, 1885 ; Chevalier, 1980).

La conquête de la nuit urbaine (Murray, 1987), son flux et reflux de sortants nocturnes, mêlant indifféremment Parisiens, Franciliens et touristes de passage, se heurte cependant à une force d’inertie résidentielle, au cloisonnement silencieux dans l’espace privé. Ce télescopage de deux fonctions de la ville revêt une dimension auditive. La fête est en effet indissociable d’une certaine effervescence sonore, d’une « débauche nocturne de bruits et de mouvement » (Caillois, 1983 [1939] : 124) qui contredit la norme bourgeoise d’une nuit synonyme de sommeil et de repos (Delattre, 2003).

Cette problématique de la gêne sonore nocturne n’est pas récente. Au XVIIIe siècle, Nicolas Edme Restif de la Bretonne s’insurge déjà contre les chants et les cris des noceurs ainsi que le fracas des fiacres sur le pavé des rues parisiennes aux heures sombres (2006 [1786-1788] : 705). Elle s’est néanmoins accentuée avec l’évolution des normes de confort dans le logement et l’intensification des usages de la nuit33. Atelier parisi (…) .

Le développement d’une réglementation acoustique des bâtiments dans la deuxième moitié du XXe siècle, qui se traduit par l’édiction de normes d’isolation phonique et par l’établissement de seuils d’exposition sonore, plus bas la nuit que le jour44. Un écart de va (…) , s’accompagne d’une exigence accrue en termes de calme (Granger, 2014)55. Chelkoff G., A (…) .

D’autre part, le brouillage des frontières temporelles (Murray, 1987), l’émergence du tourisme urbain nocturne et festif (easyjet- setting66. Tourisme urbai (…) ) (Guérin, 2015) ou encore l’étalement géographique des activités nocturnes (Mallet, 2013) démultiplient les conflits d’usage liés au bruit. La diffusion de la pétition « Paris la nuit, quand la nuit meurt en silence » en 2009 et la tenue des États généraux de la nuit à la Mairie de Paris77. Ce débat rassem (…) , l’année suivante, engendrent une publicisation sans précédent des nuisances sonores nocturnes88. Bien entendu, l (…) , tout particulièrement à l’échelle des quartiers dits « festifs ». En l’absence d’une définition claire de la notion de fête et de sa matérialisation spatiale, il convient de retenir le critère de la présence de plusieurs activités nocturnes en un même endroit (bars et restaurants, boîtes de nuit, salles de spectacles et lieux culturels), tel que le suggère la carte de la « ville festive » de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR)99. APUR (novembre (…) .

Cette contribution se propose d’interroger les rapports sociaux qui se jouent autour de l’appropriation physique et sonore d’un ancien quartier populaire parisien du XIe arrondissement, situé à quelques encablures du Marais et de la place de la République, consacré depuis une vingtaine d’années aux loisirs nocturnes et scindé entre deux longues rues commerçantes, la rue Jean-Pierre Timbaud et la rue Oberkampf. La structuration de mobilisations « par le bas » (associations de riverains, associations de commerçants) et de mobilisations « par le haut » (dispositif de médiation nocturne des Pierrots de la nuit1010. Ce dispositif, (…) ) (Bonny, Ollitrault, 2012) sert de fil conducteur. Les régulations plus informelles entre commerçants et habitants seront également abordées en dernière partie. Nous verrons que l’exposition directe au bruit des établissements nocturnes n’est pas vécue systématiquement sur le mode de la plainte.

Le matériau utilisé est issu d’une enquête ethnographique (menée entre 2012 et 2016) et d’une campagne d’entretiens semi-directifs menée auprès d’une large palette d’acteurs sociaux1111. Commissaire du (…) . À la suite de différents modes d’approche1212. Certains habita (…) , une quarantaine d’habitants ont été interrogés sur les usages, les rapports au quartier et la perception du bruit. Ce dernier thème a souvent été abordé spontanément par les enquêtés. Dans le cas contraire, il a été introduit en fin d’entretien sous la forme d’une question neutre sur l’ambiance sonore1313. L’enjeu étant d (…) . Une dizaine d’entretiens ont été réalisés avec des patrons de bars sur les représentations du quartier, les relations de voisinage et les modes de gestion du bruit de la clientèle. Plusieurs acteurs politico-administratifs, tels que le conseiller de Paris délégué à la nuit ou l’adjoint au maire du XIe arrondissement, ont été questionnés sur le fonctionnement des dispositifs d’action publique et plus précisément sur la régulation du bruit dans la rue Jean-Pierre Timbaud. Ces interviews ont été complétées par des observations directes, le jour et la nuit1414. Les noms des e (…) .

1. Nuisances sonores : réguler un phénomène invisible

La gestion du bruit provenant des attroupements sur la voie publique est complexe. Contrairement au bruit des transports (routier, ferroviaire, aérien), les voix humaines ne sont soumises à aucune valeur limite d’immission. Cela peut sembler aller de soi au regard de la volatilité et de l’imprévisibilité de ce type de source sonore. Ce manque de robustesse sur le plan juridique1515. Ni le code de l (…) constitue pourtant le cœur du problème et tout l’enjeu de la présente contribution. Le flou entourant l’évaluation et la réglementation des bruits de comportement encourage des processus de régulation plus ou moins formels, c’est-à-dire la fabrication de règles locales tacites de cohabitation. Il s’agit d’un compromis entre les règles en vigueur que souhaitent imposer les autorités et celles que les usagers admettent (Reynaud, 1989 : 36). Or, la marge de manœuvre des pouvoirs publics est particulièrement limitée dans des rues où plusieurs bars se jouxtent les uns les autres, comme celle qui fait l’objet de cet article, car la responsabilité d’une nuisance ne peut pas être imputée à un seul établissement ni à un seul individu.

C’est l’attroupement général qui génère du bruit en continu, il est difficilement individualisable, si on veut réprimer il faut pouvoir l’imputer à une ou des personnes identifiées, bon, parfois, quand vous allez à la rue Oberkampf y’a une telle concentration de personnes, ça vocifère à droite, à gauche, ça parle un peu fort, au milieu, bon là on ne peut pas, on va pas verbaliser tout le monde1616. (…) 1616. Entretien avec (…) .

Ce phénomène a par ailleurs été exacerbé avec l’instauration du décret interdisant de fumer dans les lieux publics (20061717. Décret n° 2006 (…) ).

2. La polyrythmie d’un espace urbain colonisé par la fête

Figure n° 1 : Photo à l’angle des rues Jean-Pierre Timbaud et Édouard Lockroy (source : Adrien Defrance, février 2016)
Figure n° 1 : Photo à l’angle des rues Jean-Pierre Timbaud et Édouard Lockroy (source : Adrien Defrance, février 2016)

Le terrain est situé à l’est de Paris dans le XIe arrondissement. Il s’agit d’un segment de la rue Jean-Pierre Timbaud d’une longueur de 180 mètres, délimitée par une percée haussmannienne (l’avenue Parmentier) à l’ouest et par la rue Saint-Maur à l’est. Typique des anciens faubourgs de Paris, le bâti, dense et hétéroclite, est organisé autour de parcelles en lanières. Il y a des constructions en bordure de voie et en arrière de parcelle et un tissu complexe de cours et de passages (Rouleau, 1985 : 379) investis par l’activité industrielle et métallurgique à partir du XIXe siècle (passage de la fonderie, cour des fabriques). Au milieu des années 1990, l’ouverture d’une salle de concert (Cithéa) et la réhabilitation d’un café auvergnat (Café Charbon) dans une rue parallèle (rue Oberkampf) marquent l’éclosion de la vie nocturne en attirant une clientèle extérieure au quartier (Van Criekingen, Fleury, 2006) et un bouleversement des rythmes d’usage. Dans les années 2000, les bars et restaurants essaiment dans le secteur1818. Entre 2000 et 2 (…) , se propageant dans les rues Saint-Maur et Jean-Pierre Timbaud, qui deviennent un pôle de divertissement nocturne branché (Fleury, 2003). Le guide du routard Paris la nuit1919. Guide du routa (…) lui consacre un chapitre en évoquant un « tourbillon » et une « traînée de poudre » pour qualifier la métamorphose de la structure et du paysage commercial, qui coïncide avec la gentrification résidentielle2020. (…) 2020. On observe, à p (…) , et son statut de nouvelle destination touristique nocturne, comme cela ressort des entretiens :

Y’a une fois, surtout l’été en ce moment, ils font des visites. Je pense que ça doit être des organisations de tourisme américain. Ils arrivent avec des cars blindés de jeunes Américains […] le car il reste jusqu’à 2 heures du matin […] et ils font la tournée des bars […]. À chaque fois, il y a 80 jeunes qui descendent et qui débarquent à 10 heures du soir et jusqu’à 2 heures du matin. Puis, ils les remettent dans les cars et ils les raccompagnent. Mais ça c’est un truc, là aussi ça m’a pas étonné, parce que, à Rome, c’est un truc qui se fait énormément2121. Marco, régisse (…) .

Englobant d’abord l’ensemble de ce quartier festif, le périmètre du terrain s’est progressivement resserré autour de quelques numéros de la rue Jean-Pierre Timbaud, où plusieurs établissements restent ouverts jusque tard, tels que le restaurant La Manufacture2222. (…) 2222. Restaurant qui (…) 2222. (…) , apparaissant au fil de l’enquête comme un espace névralgique de mobilisation2323. Le président d (…) . Celui-ci a par ailleurs fait l’objet d’une expérimentation inédite de mesure du « bruit des loisirs2424. En 2012, cinq (…)  ».

3. Montée en échelle des revendications : d’une régulation locale des pratiques festives à une concertation d’arrondissement contre le bruit nocturne

Figure n° 2 : Occupation du trottoir et de la chaussée devant un bar de la rue Jean-Pierre Timbaud, nuit du 17 avril 2015, vers une heure du matin (source : Adrien Defrance)
Figure n° 2 : Occupation du trottoir et de la chaussée devant un bar de la rue Jean-Pierre Timbaud, nuit du 17 avril 2015, vers une heure du matin (source : Adrien Defrance)

Les niveaux de bruit moyens nocturnes (22 h-6 h) dans la rue Jean-Pierre Timbaud ne sont pas excessifs par rapport à d’autres contextes urbains parisiens plus exposés au trafic routier tels que la place Stalingrad, mais la fréquentation intense des bars en fin de semaine génère des pics sonores et un brouhaha parfois élevé2525. (…) 2525. 63 dB pour la p (…) . La problématique du bruit émerge d’abord de manière sporadique dans les conseils de quartiers2626. « (…) 2626. C’est toujours (…) 2626. . (…) , avant de se formaliser avec la création du collectif de riverains de la rue Jean-Pierre Timbaud en 2009 ayant pour objectif de « défendre la tranquillité, et notamment de lutter contre le tapage diurne et nocturne, contre la saleté, l’insalubrité et l’insécurité2727. (…) 2727. En ligne, consu (…)  ». Le nombre et l’identité des membres sont anonymes. Seul le président, installé dans le quartier depuis 1989, porte sur la scène publique les nombreuses revendications du collectif en utilisant sans modération un large répertoire d’actions2828. (…) 2828. Rédaction de pl (…) 2828. . (…) conduisant à une mise en visibilité du phénomène des nuisances sonores et à la construction des pratiques festives comme problème public (Bonny, 2010). Les nuisances sonores sont identifiées comme une conséquence indirecte de la massification du tourisme lié à la nuit, de la monoactivité et des pratiques de consommation excessive d’alcool.

Entre 21 heures et 4 heures du matin, il y a des pics qui sont totalement inacceptables […] vous avez tout d’un coup 50 personnes […], le problème c’est pas qu’il y en ait 50 à la limite, c’est que y’en a 50 qui sont alcoolisés, ivrognes et qui glapissent dans tous les coins […]. Nos vitres, nos doubles vitrages nous protègent mais pas quand il y’a un excès par rapport à la caractéristique de la rue. En plus, au deuxième étage, c’est un peu comme à Venise, ça se renvoie dans un petit écho et ça monte donc […]. Il y a beaucoup d’étrangers. Évidemment, on n’a rien contre les étrangers, mais beaucoup d’Anglais, beaucoup d’Espagnols qui viennent avec leurs habitudes, d’Américains, de Hollandais, et là on n’a pas les mêmes références… Il n’est pas question qu’on se fasse « bouffer » par le binge drinking2929. Le terme anglo (…) et ce genre de trucs3030. Entretien avec (…) .

Dans un bilan de situation élaboré à l’intention de différents acteurs tels que le Maire du XIe arrondissement et le Préfet de police de Paris3131. En ligne, cons (…) 3131. . (…) , le collectif associe noctambulisme et déviance en mettant la prévention situationnelle au cœur de son plan d’action. Consistant en un « aménagement des lieux de l’espace qui permet d’empêcher la survenance des faits délictueux et d’en faciliter la répression » (Paul Landauer, urbaniste cité par Dessouroux, 2003, n. p.), il s’agit dans le cas de la rue Jean-Pierre Timbaud de renforcer le contrôle des débits de boisson et des interstices3232. (…) 3232. Espaces indéfin (…) par le recours à la vidéosurveillance ou par la présence d’agents verbalisateurs pour proscrire les « comportements transgressifs ». En entretien, le président de l’association donne un critère d’appréciation restrictif et révélateur de ce qui constitue une conduite sonore légitime : « On n’en a rien à faire qu’il y ait 50 personnes devant nous, si c’est 50 personnes qui chuchotent, on est dans un quartier vivant3333. Entretien avec (…) . »

4. Une politique de prévention des nuisances sonores coordonnée par la municipalité

À la suite des États généraux de la nuit (12 et 13 novembre 2010), des mesures de prévention sont prises par la Mairie du XIe arrondissement afin d’« assurer un accueil régulé de toute personne souhaitant fréquenter un établissement tout en respectant la tranquillité de la rue3434. (…) 3434. Extrait d’une f (…)  » avec le lancement de l’opération « Baisser d’un ton » (juin 2012). Celle-ci prévoit entre autres l’installation d’une signalétique, composée d’affiches et d’oriflammes, à l’entrée des établissements (figure n° 3) et l’intervention régulière des Pierrots de la nuit.

Figure n° 3 : Exemple d’oriflamme devant le bar du Petit Garage, nuit du 17 avril 2015 (source : Adrien Defrance)
Figure n° 3 : Exemple d’oriflamme devant le bar du Petit Garage, nuit du 17 avril 2015 (source : Adrien Defrance)

Cette nouvelle forme de médiation nocturne, émanant officiellement des pouvoirs publics et des professionnels de la nuit, vise à sensibiliser la clientèle des bars au respect de la tranquillité du voisinage et les exploitants à la gestion des nuisances sonores. En journée, des médiateurs font le tour des établissements ayant fait l’objet d’un signalement de tapage nocturne par la préfecture de police ou la Mairie de Paris pour s’informer de l’insonorisation des locaux, des relations de voisinage et distribuer des outils de communication (sous-bocks, affiches, cartographies recensant les établissements ouverts après 2 heures du matin pour limiter la stagnation bruyante d’une clientèle éconduite). La nuit, des équipes composées d’un tandem d’artistes vêtus de blanc (clowns, mimes, danseurs, comédiens, etc.) et d’un ou deux médiateurs de rue vont directement à la rencontre des sortants nocturnes dans les secteurs à forte animation tels que la rue Jean-Pierre Timbaud. Les premiers réalisent des performances silencieuses tandis que les seconds effectuent un travail de sensibilisation pour exhorter les noctambules à la tempérance en énonçant des règles de civilité plus ou moins vagues comme celle de « faire attention dans la rue, de pas trop crier3535. Entretien avec (…)  ». Ce qui n’est pas sans rappeler le dispositif « Noz’ambule » à Rennes que Yves Bonny décrit comme un dispositif « visant à canaliser les pratiques vers des formes jugées légitimes, en particulier celle du “bien boire” et celle du bon usage du temps de loisirs » (2010 : 87). Il serait tentant d’ajouter dans ce contexte celle « de faire la fête calmement », même si la formulation n’est pas dépourvue de paradoxe3636. L’un des premi (…) . La fête se définit en effet par son excès, l’absence de limites de comportements (Piette, 1988 : 16-17). Toujours est-il que la difficulté à faire se représenter « un niveau sonore modéré » à la clientèle donne parfois lieu à des situations de malentendus cocasses.

– Client d’un bar : C’est le truc où vous passez dans tous les bars pour dire aux gens de se taire ?
– Médiateur : Pas pour vous faire taire, disons pour que vous baissiez un peu le niveau, pourquoi ? Pour les problèmes de relation avec les voisins, avec les riverains3737. Nuit du 31 mai (…) .
– Ça, c’est les mimes qui te disent de fermer ta gueule3838. Commentaire d’ (…) .

La conception et la mise en œuvre du dispositif ont été supervisées par la Mairie de Paris, dont les éléments de langage relatifs au « vivre ensemble » et à la conciliation des usages festifs avec le droit légitime à la tranquillité des riverains imprègnent le discours des médiateurs et les supports de communication. Son efficacité sur le terrain est aléatoire et controversée. Il n’est pas rare que les performances soient ponctuées d’applaudissements sonores ou que la simple déambulation d’artistes costumés suscite des cris d’excitation. Du point de vue des acteurs institutionnels, il s’agit d’un outil de régulation parmi d’autres qu’il faut pérenniser. L’objectif n’étant pas « de baisser le bruit, en tout cas pas de manière directe », mais d’assurer « une présence humaine, responsable, médiatrice dans l’espace public3939. Entretien avec (…)  ». Dans la rue Jean-Pierre Timbaud, le dispositif de médiation est accompagné à partir de mars 2015 d’une patrouille nocturne des forces de l’ordre dont la présence est censée revêtir une fonction davantage dissuasive que répressive :

L’idée n’est pas d’être dans la coercition, l’idée est plutôt d’être dans la prévention et donc l’importance de la présence des forces de l’ordre en uniforme […] dans cette zone de façon à ce que les gens qui, même dans un état d’ébriété un peu avancé, se disent qu’ils ne peuvent pas faire n’importe quoi en plein milieu de la nuit parce que inévitablement ça va gêner les riverains4040. Entretien avec (…) .

5. L’imaginaire du quartier village, coprésence et arrangements autour du bruit

Face à la mobilisation active d’une partie des riverains opposés au bruit récréatif nocturne, des patrons de bars du quartier forment à leur tour une association, baptisée « Village Timbaud », pour « se mettre sur la place publique4141. (…) 4141. Entretien avec (…)  » et s’autoréguler : « On essaie d’être dans une approche pédagogique par rapport à nos membres, sur les mégots, sur comment gérer les gens devant le bar, sur les verres dehors, sur les nouveaux arrivants, les sensibiliser par rapport à un cadre à peu près efficace par rapport à notre champ de responsabilités4242. Ibid. (…) . » En contraste avec les revendications sécuritaires et répressives du collectif de riverains, l’association de commerçants met en valeur l’attractivité territoriale et l’image de marque de la ville, suivant en cela l’argumentaire de la pétition « Paris la nuit, quand la nuit meurt en silence ». Cette dernière alerte en effet l’opinion publique sur une diminution du seuil de tolérance des riverains au bruit, la nuit, et un durcissement des sanctions de la préfecture de Police à l’égard des établissements publics, associés à des « lieux de vie », en filant la métaphore d’une nuit parisienne moribonde. L’association se structure à l’échelle nationale en intégrant la fédération nationale « Culture bar-bars » impliquée dans le soutien de la diversité artistique et culturelle et encourageant le lien social entre les habitants. En juin 2014, l’action collective médiatisée de boycott de la fête de la musique permet d’inscrire leur protestation dans un registre politique. Des banderoles noires sont déroulées à l’entrée d’une vingtaine d’établissements accompagnées d’une affiche pour évoquer la mise au pas de la vie nocturne : « Aujourd’hui, les Français et les touristes délaissent une ville devenue hostile à la convivialité, pour partir faire la fête à Londres, Barcelone, Berlin, Lisbonne, etc. »

Figure n° 4 : Boycott de la fête de la musique (source : Adrien Defrance, 21 juin 2014)
Figure n° 4 : Boycott de la fête de la musique (source : Adrien Defrance, 21 juin 2014)

À l’échelle locale, les membres de l’association recourent volontiers à la notion de « village » pour souligner l’animation et l’ambiance populaire du quartier. Les caractéristiques morphologiques de l’ancien faubourg et les nombreuses terrasses, propices à l’établissement de contacts entre les passants et les commerçants, peuvent en effet donner l’illusion d’une sociabilité villageoise, quand bien même l’interaction verbale se limite souvent à un échange de salutations. Mais le modèle du village est surtout instrumentalisé par les militants associatifs et/ou les gentrifieurs pour exprimer une cohabitation harmonieuse, une convivialité idéalisée, comme cela ressort de nombreuses études sociologiques sur des quartiers parisiens en gentrification comme Charonne, la Goutte d’Or (Fijalkow, 2006) ou encore Belleville (Charmes, 2006). « C’est vrai que ce village est aussi bien vivant le jour que la nuit. Les voisins… je connais pratiquement tous les voisins autour. On a tous des super relations. Je suis le lieu où tout le monde vient laisser ses clés et les récupérer après4343. Entretien avec (…) . » Les effets indésirables de l’animation du point de vue acoustique sont minimisés par rapport aux gains apportés en termes de sûreté urbaine.

Il est clair que quand on est un commerce de chaussures ou un bar, on ne génère pas les mêmes bruits […]. Avec nos licences IV, on est quand même reconnus comme des commerces qui génèrent certaines nuisances […]. Maintenant, où est-ce qu’on pose le curseur quand on parle de nuisance ? La rue Jean-Pierre Timbaud, c’est une rue où il y a 20 ans, c’était un coupe-gorge, il y avait des dealers, il y avait des mecs qui prenaient du crack, il n’y avait plus aucun commerce, tous les rideaux étaient baissés. Les appartements, ça valait plus rien. Donc voilà, il y a des gens qui sont venus ouvrir des bars […]. À partir de là, cette rue, elle s’est mise à revivre4444. Ibid. (…) .
Il y a 20 ans, la journée c’était plutôt normal. Des cordonniers, un ou deux restos, mais la nuit c’était un coupe-gorge. C’était genre des mecs sous crack et en fait avec le bar, certes il y a plus de nuisances sonores à partir de 22 heures parce que les gens sont chez eux et qu’ils entendent les gens qui font la fête. Mais tu peux sortir dans la rue même quand t’es une nana toute seule. Comme il y a du monde partout4545. Entretien avec (…) .

Les nouveaux locataires4646. (…) 4646. Il s’agit essen (…) 4646. (…) sont particulièrement réceptifs à cette rhétorique du village animé « de jour comme de nuit » et acceptent de renoncer au calme pour bénéficier des nombreuses aménités urbaines de l’hypercentre. Usagers occasionnels des établissements précités, ils sont en effet peu enclins à se plaindre du bruit nocturne même s’ils font le choix, souvent contraint par des motifs budgétaires, d’emménager dans des logements de petite taille avec toutes les fenêtres exposées sur la rue.

T’entends les commerçants qui s’interpellent, les livraisons, les gens prennent les cafés sur les petites terrasses, se connaissent. C’est vraiment la vie de… pas de village mais presque. Et le soir, ça se transforme petit à petit. Apéro à partir de 18 heures, là t’as tout le monde qui est dans la rue dès qu’il fait un peu chaud […], on entend le bordel mais pas bien méchant4747. Entretien avec (…) .
On accepte beaucoup de choses parce qu’on a décidé d’habiter ici […]. On n’ira pas gueuler parce qu’il y a du bruit4848. Entretien avec (…) .

Dans le cas d’une gêne sonore ponctuelle, la mobilisation est « autonome et centrifuge » (Walker, 2018 : 480) et s’oriente plutôt vers le bruiteur que vers l’exploitant de l’établissement nocturne :

Il y a deux semaines, il y avait une nana à 4 heures du matin qui était en train de gueuler sous ma fenêtre avec un sac à dos. Elle engueulait visiblement un mec […]. Au bout d’un moment, j’ai fini par me lever, par ouvrir ma fenêtre par lui dire « dégage à 4 heures du mat’ on a le droit de dormir ! ». Elle a continué un peu à gueuler. Je lui dis, si tu dégages pas « je te jette un seau d’eau sur la tronche » elle a fini par dégager4949. Entretien avec (…) .

Cette attitude « d’acceptation sans réserve » ou d’accommodement ne recouvre bien entendu pas l’ensemble des réactions vis-à-vis du bruit. Elle est néanmoins dominante au sein de l’échantillon enquêté et remet en question la perception univoque des pratiques festives comme source de nuisances sonores, trop souvent associée aux quartiers nocturnes. Parmi l’ensemble des variables intervenant dans les réactions au bruit (âge, statut d’occupation, ancienneté d’installation, statut socioprofessionnel, taille du logement, sensibilité individuelle, niveau d’isolation phonique, etc.), l’ancienneté d’installation et le statut d’occupation apparaissent comme les variables les plus déterminantes. Les plus tolérants vis-à-vis des bruits extérieurs sont récemment installés et locataires. Réciproquement, les moins tolérants sont installés depuis au moins 20 ans et propriétaires (Defrance, 2017 : 323). Le statut de locataire recoupe souvent une position moins avancée dans le cycle de vie (célibataire, sans enfants, emploi instable) que le statut de propriétaire et, par là même, un rythme de vie plus décalé (horaires de travail flexibles, temps de sommeil variable) qui s’accorde particulièrement bien avec la fonction récréative intermittente du quartier. Enfin, les nouveaux venus ont souvent un rapport plus fonctionnel au logement que les ménages installés au milieu des années 1990, pour lesquels l’installation dans le quartier représentait un investissement important du point de vue affectif, financier et matériel. Le repli sur la sphère du logement chez ces derniers se traduit par un souci plus grand d’étanchéité acoustique, et ce d’autant plus que l’évolution du paysage commercial et de l’environnement sonore contredit leurs aspirations à un confort résidentiel bourgeois, valorisant le calme et le silence.

Conclusion

Indissociable de la régulation des pratiques festives relatives aux loisirs nocturnes, la prise en charge du bruit dans la rue Jean-Pierre Timbaud révèle une difficulté à articuler des temporalités diverses comme cela a pu être observé et analysé dans d’autres centres-villes tels que Rennes ou Caen (Bonny, 2010 ; Walker, 2018). Pris dans des enjeux politiques contradictoires d’animation et de tranquillité publique, le travail de médiation, du moins celui qui s’opère la nuit, peine à concilier le droit à la fête des uns et le droit au sommeil des autres et à faire passer un message intelligible aux noctambules, qui se renouvellent constamment d’un jour à l’autre. Malgré cette mise en concurrence conflictuelle des usages, des transactions sociales tacites sont néanmoins à l’œuvre entre les commerçants et les nouveaux résidents pour se partager l’espace public sans entrer dans une logique de la concertation ou de la contrainte.

Indépendamment du quartier étudié, force est de constater que le souci de contenir le tumulte lié au divertissement nocturne prend une ampleur inédite. À Paris, plusieurs capteurs acoustiques ont récemment été déployés5050. Ce capteur a é (…) , équipés de quatre microphones couplés à une caméra, pour identifier la provenance d’un bruit de même que sa nature. L’un des enjeux de ce dispositif est précisément une meilleure régulation des nuisances sonores liées à la vie nocturne dans les quartiers festifs, même si l’on peut légitimement présumer un renforcement des sanctions à l’égard des exploitants d’établissements de nuit et un encadrement plus ferme des conduites des « usagers de la nuit ». Cette chasse aux bruits nocturnes mobilise désormais également les techniques de l’ingénieur. Dans un rapport publié en décembre 2018, un groupe d’experts en acoustique zurichois propose d’appliquer des mesures de réduction du bruit à la source et sur le chemin de propagation par rapport au fond sonore produit par la clientèle des bars d’une rue festive5151. Rocket Science (…) . Différents types de procédés sont envisagés, simulations à l’appui, tels que l’installation d’écrans acoustiques au-dessus de la voie publique ou l’augmentation du coefficient d’absorption des façades ou des sols, et rapportés à des estimations de gains en termes de décibels.

Face au développement d’un arsenal d’instruments, toujours plus élaborés, pour brider les manifestations sonores du « fêtard », incluant également celui des Pierrots de la nuit, n’est-il pas crucial de repenser la gestion des rythmes urbains pour diminuer les conflits de cohabitation, comme l’appellent de leurs vœux les partisans d’une « ville malléable » en fonction des saisons, des jours et des heures (Gwiazdzinski, 2007) ?#

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1.

Université de Nanterre, CRH-LAVUE, France.

2.

Chanier A., Kordova B., Loubaton F., Meret A.C., Rapport sur la compétitivité nocturne de Paris, juin 2009. Rapport commandé par la Mairie de Paris et la Chambre syndicale des cabarets artistiques et des discothèques (CSCAD). En ligne, consulté le 22 décembre 2019. URL : https://www.ege.fr/download/rapport_juin2009_tourisme_nocturne.pdf.

3.

Atelier parisien d’urbanisme, février 2004.

4.

Un écart de valeurs justifié par l’objectivation progressive des effets néfastes du bruit sur le sommeil et la santé. Le champ de la protection contre le bruit est en effet originellement étroitement lié à la multiplication d’études sur l’impact du bruit et la gêne sonore (Aubrée, 1988).

5.

Chelkoff G., Augoyard J.F., Balay O., Bardyn J.-L., Leroux M. et al. (1991), Bien-être sonore à domicile : architectures du logement et potentiel de confort sonore, Rapport de recherche 22, CRESSON, ministère de l’Équipement, du Logement, des Transports et de l’Espace.

6.

Tourisme urbain de court séjour.

7.

Ce débat rassemblant l’ensemble des acteurs concernés par la vie nocturne (patrons d’établissements et de clubs, associations de commerçants, élus, préfecture de police, patrons de structures syndicales, etc.) avait pour ambition de proposer un nouvel aménagement de l’espace-temps de la nuit urbaine. Plusieurs thématiques ont été abordées telles que le travail, la sécurité, la mobilité ou encore la tranquillité publique. Cette démarche de concertation a inspiré les autorités genevoises qui ont organisé leurs propres États généraux de la nuit l’année suivante.

8.

Bien entendu, la question de la gestion des conflits temporels ne se pose pas seulement à Paris. Elle concerne de nombreux anciens quartiers populaires européens gentrifiés ou en gentrification dont la vie nocturne draine une jeune clientèle massive, tels que Kreuzberg à Berlin, Langstrasse à Zürich ou encore Dansaert/Saint-Géry à Bruxelles (Van Criekingen, Fleury, 2006).

9.

APUR (novembre 2010), La nuit à Paris, états des lieux et tendances 2000-2010. En ligne, consulté le 22 décembre 2019. URL : https://www.apur.org/sites/default/files/documents/N8P_43_0.pdf.

10.

Ce dispositif, qui consiste en une ronde d’artistes et de médiateur(s) chargés de réguler les comportements bruyants dans l’espace public la nuit, a été mis en place à la suite des États généraux de la nuit.

11.

Commissaire du XIe arrondissement, ingénieur à l’agence d’écologie urbaine de la Ville de Paris, responsables d’associations de riverains, habitants, patrons de bar / barman, conseiller de Paris délégué à la nuit, etc.

12.

Certains habitants ont été rencontrés après avoir déposé une affichette dans les boîtes aux lettres, d’autres lors d’une conférence sur les nuisances sonores ou en fréquentant les bars et le Lavomatic du quartier, d’autres enfin par le bouche-à-oreille ou le porte-à-porte. La location temporaire d’un studio au cours de l’enquête a facilité la prise de contacts. La diversité des techniques utilisées se traduit par un panel relativement hétérogène du point de vue sociodémographique, bien que gravitant majoritairement autour des professions intellectuelles et artistiques. Les personnes enquêtées ont entre 23 ans et 81 ans. Par l’entremise d’un couple d’anciens « gentrifieurs » (une peintre et un gérant de cinéma) d’une soixantaine d’années, plusieurs entretiens ont pu être réalisés avec des personnes appartenant aux classes moyennes supérieures (urbaniste, avocate, sociologue, sinologue, etc.). Au hasard des rencontres sur le terrain, des ménages plus modestes ont pu être interrogés (une gardienne d’immeuble, une employée de bar à la retraite, une secrétaire médicale, un antiquaire, une esthéticienne, une serveuse, etc.).

13.

L’enjeu étant d’éviter le plus possible d’induire un discours exclusivement négatif relatif à la gêne sonore.

14.

Les noms des enquêtés ont été anonymisés dans tout le texte.

15.

Ni le code de la santé publique ni le code pénal ne définissent un seuil pour qualifier une infraction.

16.

Entretien avec le Commissaire du XIe arrondissement de Paris, avril 2013.

17.

Décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif.

18.

Entre 2000 et 2005, le nombre de bars et cafés triple de volume dans ce tronçon de la rue Jean-Pierre Timbaud (il passe de deux à six). Il est presque multiplié par quatre pour la section de la rue Saint-Maur située entre la rue Oberkampf et la rue Jean-Pierre Timbaud d’une longueur de 200 mètres (trois à onze). En ligne, consulté le 14 novembre 2019, URL : https://www.apur.org/dataviz/BDCOM_evolution/index1.html.

19.

Guide du routard (2002), Paris la nuit, Paris, Hachette.

20.

On observe, à partir des années 1990, l’afflux de ménages des classes moyennes supérieures et le départ progressif des artisans et des classes populaires. En 1990, un habitant sur deux est employé ou ouvrier dans les îlots répartis entre la rue Oberkampf, la rue Jean-Pierre Timbaud, la rue Saint-Maur et le boulevard de Ménilmontant, contre un cadre pour cinq habitants (INSEE, RGP, 1990). En 2009, la proportion d’ouvriers est passée à moins d’un tiers de la population tandis que le nombre de cadres a augmenté du double (INSEE, RGP, 2009). Ces données, confidentielles, ont été obtenues via l’APUR. Elles sont issues de bases de données statistiques non publiées ou disponibles en ligne.

21.

Marco, régisseur de galerie au chômage, 2 août 2014.

22.

Restaurant qui s’est imposé de par ses horaires d’ouverture et sa centralité comme un lieu d’enquête privilégié.

23.

Le président de l’association de riverains y réside et les principaux membres de l’association de commerçants y travaillent.

24.

En 2012, cinq stations de mesures ont été installées pendant six mois au-dessus de quatre établissements et au milieu de la rue par le centre d’évaluation technique de l’environnement sonore Bruitparif pour tenter d’objectiver les niveaux sonores.

25.

63 dB pour la première contre 71 dB pour la seconde. Bruitparif, Bilan de l’expérimentation de mesure du bruit rue Jean-Pierre Timbaud, Paris XIe, 2012. En ligne, consulté le 14 novembre 2019. URL : http://www.noiseineu.eu/en/3126-a/homeindex/file?objectid=2887&objecttypeid=0.

26.

«

26.

C’est toujours un problème lourd, encore plus l’été (petits groupes, visiteurs bruyants, etc.). » Compte rendu de la réunion de la commission « propreté et tranquillité » du 13 septembre 2006. En ligne, consulté le 12 novembre 2019. URL : http://cqbsm.free.fr/

28.

Rédaction de plusieurs comptes-rendus de situation, dépôts de plaintes à répétition auprès du bureau d’action contre les nuisances, participation aux réunions de concertation avec d’autres associations de quartier via le réseau « Vivre Paris », avec la Mairie du XIe, confrontation directe avec « les faiseurs de bruit », jet de projectiles divers, etc

29.

Le terme anglo-saxon « binge drinking » désigne une pratique de consommation massive d’alcool sur une courte période associée aux pratiques festives juvéniles (Bonny, 2010).

30.

Entretien avec le président de l’association, 18 novembre 2011.

32.

Espaces indéfinis séparant les bars entre eux.

33.

Entretien avec le président de l’association, 18 novembre 2011.

34.

Extrait d’une fiche synthétique du dispositif transmis par l’adjoint au maire du XIe arrondissement chargé de la médiation.

35.

Entretien avec un médiateur, 5 avril 2012.

36.

L’un des premiers slogans utilisé par les Pierrots de la nuit est à ce titre révélateur : « Fêtes moins de bruit. »

37.

Nuit du 31 mai 2012.

38.

Commentaire d’un sortant nocturne, nuit du 11 octobre 2014.

39.

Entretien avec le Conseiller délégué au Maire de Paris, chargé des questions relatives à la nuit, 10 octobre 2014.

40.

Entretien avec l’Adjoint au Maire du XIe arrondissement, chargé de la médiation, 19 mars 2013.

41.

Entretien avec le président de « Village Timbaud » et patron du « Verre sans fond », 23 janvier 2015.

42.

Ibid.

43.

Entretien avec la patronne de l’établissement La Manufacture et secrétaire de l’association, 8 juin 2015.

44.

Ibid.

45.

Entretien avec une serveuse du Paprika, 30 mai 2015.

46.

Il s’agit essentiellement de jeunes diplômés de couches moyennes instruites installés dans le quartier depuis moins de 2 ans, entre 2008 et 2015, exerçant pour la plupart un emploi instable lié aux professions intermédiaires ou au domaine artistique (régisseur de galerie, assistante commerciale, assistante de post-production, web indépendant, etc.).

47.

Entretien avec Mickael, webdesigner indépendant, 30 ans, 3 octobre 2013.

48.

Entretien avec Catherine, 27 ans, secrétaire commerciale, 13 juin 2015.

49.

Entretien avec Alexandre, scénariste, 38 ans, 11 février 2016.

50.

Ce capteur a été créé en 2016 par le centre d’évaluation technique de l’environnement sonore Bruitparif. En ligne, consulté le 14 novembre 2019. URL : https://www.bruitparif.fr/les-meduses-gpe/.

51.

Rocket Science GmbH, Könnten technische Massnahmen den Lärm an der Langstrasse reduzieren?, 2018.