12 Genre et Communication : quels enjeux pour les pratiques professionnelles...
personnel. Parfois, ils sont déployés en externe de l’organisation pour attirer les talents,
ciblant alors les potentiel.les aspirant.es salarié·es
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via le développement de la marque
employeur. Ces pratiques de communication travaillent les dimensions genrées du
monde professionnel et mettent en relief les relations sociales qui y sont entretenues.
Communiquer sur des mesures favorisant « la parité » consiste à mettre en scène des
représentations sociales, traversées de considérations implicites sur les sexes et le
genre et de présupposés sur les problèmes sociopolitiques y ayant trait. Lorsqu’une
entreprise se saisit de ces derniers c’est pour montrer sa contribution à la société,
pour manifester sa prise en charge des demandes d’ordre politique qui excèdent son
activité économique. Si les sciences de l’information et de la communciation (SIC) ont
tardivement pris en compte les questions de genre (Coulomb-Gully, 2009) c’est aussi
parce que le champ professionnel auquel elles s’intéressent – la communication –
est lui-même resté longtemps gender blind, aveugle aux rapports sociaux de genre.
Or, ces professionnels irriguent continuellement le marché des biens symboliques
de représentations genrées de toutes sortes, distribuées selon l’axe masculin/féminin
(Coulomb-Gully, 2010), et ce, sans remettre en cause la bicatégorisation genrée
dominante (Raz, 2016).
La campagne Equals
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est un dispositif de communication promotionnelle qui
porte un discours pro-parité convoquant centralement l’idée d’égalité. Nous avons
analysé comment cette campagne présente les choses ainsi que l’ethos rhétorique
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(Maingueneau, 2002) qu’elle construit. Nous avons en particulier cherché à rendre
compte de ses para doxes énonciatifs entre volonté manifeste de présenter un discours
égalitaire et élaboration concrète d’un discours binaire, paritaire, euphémique et
dépolitisant. Il s’agit d’observer en quoi cette campagne de publicité sociale donne
à voir une « appropriation inachevée du concept de genre en communication
organisationnelle » (Caron, 2004). La publicité sociale est constituée de discours dits
« sociétaux » qui mettent en scène de façon consensuelle et normative, des questions
politiques conictuelles. Notre analyse vise à mettre au jour le continuum des normes
de genre impensées – c’est-à-dire les liens entre les normes binaires, diérentialistes et
complémentaristes
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– qui aeurent de ce cas particulier de discours organisationnel
pro-parité. Pour cela, nous avons inter rogé les procédés par lesquels les mots et les
signes – notamment les corps genrés (Galinon-Mélénec et Martin-Juchat, 2014) –
7 Marqueur d’écriture inclusive choisi : point au sol uniquement pour manifester le féminin absent
sinon.
8 Ce travail a fait l’objet de l’un des chapitres de notre thèse de doctorat.
9 L’ethos rhétorique est l’image de lui-même que construit l’orateur au sein de son énonciation par
son attitude, sa posture, son ton, les valeurs convoquées, etc.
10 Le diérentialisme binaire de genre envisage les femmes comme porteuses de caractéristiques et
de façons d’être et de fonctionner qui seraient bien distinctes et complémentaires à celles des hommes,
selon des dualités telles que « faiblesse-force, sensibilité-rationalité, altruisme-individualisme, don-
calcul, tradition-modernité, concret-abstrait, répétition-innovation… » (Bereni et al., 2008, 6).