96 La professionnalisation des pratiques autour des commentaires numériques
Introduction
Avec l’avènement du Web 2.0, les avis, les contestations des clients transcendent
les espaces physiques et les centres d’appels pour s’amplier au niveau des réseaux
socionumériques (RSN). L’espace d’expression inni ainsi oert par ces derniers,
notamment par Facebook (2004) et Twitter (2006), constitue un cadre contestataire
puissant. En eet, viraux, rapides et transfrontaliers, les commentaires numériques
orent une chambre d’écho aux mouvements de contestation (Richaud, 2017).
Les RSN amplient les phénomènes contestataires et de ce fait contribuent à l’e-
réputation de l’organisation. Si l’on se réfère à D’Almeida (2007), le principe de la
discussion et de la confrontation relève du jugement : « Le jugement relève de la
communauté, il est l’activité d’un public qui assiste, est témoin et juge. La réputation
produit de l’opinion et du jugement » (p. 10). Dès lors, la portée des commentaires
générés par les internautes sur les marques constitue un enjeu réputationnel, mais
aussi un enjeu de pouvoir au sens où ils concourent à la confrontation et à l’animation
des débats entre des clients souvent mécontents et des community managers obligés
de préserver l’image de leur marque. Ainsi, l’étude des réseaux socionumériques en
tant que nouveaux espaces de contestation et de reconstruction des jeux de pouvoir,
peut s’analyser sous le prisme des commentaires publiés par les clients et des réponses
données par l’organisation.
Publiés dans l’espace public, considéré ici comme un lieu de débat et d’argumentation
(cf. Habermas, 1978), les commentaires concourent à l’organisation, à la confrontation
et à l’animation des débats entre les clients et la marque. Ils recouvrent diverses formes
(post, tweet, article, image, vidéo, etc.). Paveau (2017) les dénit comme « un texte
produit par les internautes sur le web dans les espaces d’écriture dédiés des blogs, des
sites d’information et des réseaux sociaux, à partir d’un texte premier » (p. 36). Au
préalable, Charest (2011) avait identié six types de commentaires : propos positif
au sujet de la compagnie, du service ou d’un produit ; propos neutre au sujet de la
compagnie, du service ou d’un produit ; question spécique sur un produit ou un
service ; problème avec un produit ou un service ; commentaire négatif ou plainte
concernant la compagnie, un produit ou un service, ou propos susceptible de démarrer
une crise ; propos sans lien avec la compagnie, troll, publicité tierce ou insulte/propos
diamatoire. Les quatre derniers types de commentaires et surtout ceux négatifs ont
été mobilisés pour les besoins de l’étude.
Une diversité de travaux se consacre aux enjeux professionnels de la gestion des
commentaires en ligne (Merzeau, 2015 ; Alcantara, 2015, Charest et al., 2017 ;
Smyrniaos et Marty, 2017 ; Alloing, 2018). Ils ont permis de clarier le concept
de l’e-réputation, envisagée ici « comme une construction instrumentalisée de
la réputation, issue d’un ensemble d’évaluations, produit principalement à partir
d’activités constituant la présence en ligne » (Merzeau, 2009). Ce travail réputationnel
est coné à des professionnels de la communication, les community managers ou
gestionnaires de communauté (Stenger et Coutant, 2011), les blogueurs ou encore