Chercheurs et communicateurs en communication publique 85
démarche positiviste radicale reposant sur des lois générales, hors de l’expérience,
dont la validité ne pourrait être extraite que par un énoncé empiriquement fondé
et conrmé. Nous ne nous situons pas davantage dans un constructivisme radical
reposant sur des connaissances nécessairement liées à une expérience préalable,
individuelle ou collective. La « …connaissance ce n’est pas “le monde en soi” (le
noumène kantien) ou “le monde pour nous” (les phénomènes) ». […] « L’intérêt
des épistémologies constructivistes [permet ainsi d’]alimenter et [d’]enrichir les
problématiques d’analyses des processus d’information et de communication » (Le
Moënne, 2018).
Notre posture de recherche est inspirée, pour partie, par la scienticité théorisée par
Bachelard, dans une recherche d’objectivité, au sens d’impartialité, visant à écarter
des jugements de valeur, des prénotions, dans la mesure du possible, pour gages de
distanciation par rapport à l’objet d’étude, singulièrement avec les valeurs portées
par les acteurs sociaux. Il reste que le chercheur doit se départir de la vulgate, des
prénotions, du sens commun, des jugements de valeurs des acteurs, pour construire
un objet scientique (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 2005 ; Durkheim,
2013 ; Mucchielli, 2004…). Sur cette base, un travail de dévoilement, constitutif
d’une démarche heuristique, peut prospérer. Concrètement, en raison de notre statut
d’universitaire, nous n’appartenons pas au groupe professionnel des communicateurs
publics. En conséquence, la distanciation est aisée visàvis des enjeux strictement
socioprofessionnels du groupe social des communicateurs publics. Ne pas être
concerné directement, au premier chef, pour des démarches et processus de recherche,
est un facteur propice à l’impartialité, à l’objectivité, à la lucidité. C’est en ce sens
que notre démarche peut être vue comme distanciée. Nous ne sommes donc pas en
position de ressentir des tensions inhibitrices dans notre action de chercheur.
Dans cette perspective, l’apport du chercheur peut s’avérer essentiel pour analyser
les opérations de légitimation du groupe professionnel des communicateurs qui
s’inscrivent dans une dimension longue d’une trentaine d’années (l’association
Communication publique a été fondée en 1989) mobilisant plusieurs générations
d’acteurs de la communication publique. Le travail du chercheur permet d’appré
hender les ressorts de l’institutionnalisation de cette communication ; de
comprendre les processus longitudinaux, en retraçant en particulier les stratégies
de « professionnalisation interactionniste » des acteurs. Ces derniers n’en ont pas
globalement forcément toujours pleine conscience. Nous avons abordé ces stratégies
en SIC dans des colloques dès 2007 (Bessières, 2018), en termes de dynamisme
d’armation du groupe professionnel de communicateur visàvis d’autres groupes.
Depuis lors, la situation a changé et cette voie de recherche semble assez bien repré
sentée, reconnue et intégrée dans les SIC depuis les années 2010 (Brulois et de La
Broise, 2010 ; Lépine, 2016 ; OllivierYaniv, 2014…). Le concept de spécialisation
des tâches, mis au jour par Émile Durkheim (2007) à la n du dixneuvième siècle,
identie ce double mouvement professionnel d’une part, mais également académique