Chercheur-communicant ou communicant-chercheur : un médiateur de communautés 65
mais l’a revigoré auprès des praticiens » (SU1). Un constat également établi par Elsa
Poupardin et Mélodie Faury (2018). Si les eorts de vulgarisation et les interventions
ou publications dans des espaces non scientiques dégagent un capital symbolique,
celui-ci ne « “vaut rien”, du point de vue académique si les auteur·es ne jouent pas “le
jeu du champ” et n’acquièrent pas dans le même temps, et au sein de leur discipline
d’appartenance une certaine légitimité » (Poupardin et Faury, 2018 : en ligne).
Vu sous l’angle pragmatique, « pour que la recherche ait un impact sur la pratique,
elle doit être nourrie par la pratique » (SU1) et la double identité mène presque
naturellement à rééchir des deux perspectives (AU). Perspective conceptuelle,
réexion sur ce que pourraient être les choses plutôt que sur ce qu’elles sont (SU1, NL1),
méthode abductive pour créer des connaissances en interaction avec les communicants
(SU1), « la double identité permet d’échapper à la double herméneutique en
interprétant non pas l’interprétation d’un tiers mais celle de ses propres expériences
de communicant » (SU2). Elle permet aussi de suivre de près les préoccupations des
praticiens et de travailler sur des projets actuels et pertinents pour la pratique, puis
d’obtenir des résultats qui pourront être présentés « lors de conférences académiques
et soumis à des revues savantes » (G1). L’« adhocrate », qui fait entrer la pratique dans
la recherche, ne va pas se perdre dans le quotidien volatil, mais répondra aux questions
de recherche (G2) en faisant bénécier ses collègues chercheurs de son expérience et
leur permettant de poser la question « où trouver les données empiriques » ? La valeur
de son expérience est plus que la somme des parties : « elle établit un équilibre entre
créativité et résultats mesurés au niveau de la pratique, elle guide le développement
au niveau de la recherche », car de par sa double identité, il considère ne pas poser de
questions de recherche « étroites » mais être à même de contribuer à l’ensemble de la
discipline, théorie et pratique (UK2). Par ailleurs, si elle permet d’identier les sujets
de recherche qui seront potentiellement porteurs pour les parties prenantes des deux
réalités sociales (G1), « l’identité du communicant oblige l’identité du chercheur à être
plus concise, plus directe, “keep it short and simple” » (AU). La pratique apporte une
expérience de consultance appréciable lors des négociations de projets de recherche
tant appliqués (même langage) que fondamentaux (mêmes stratégies) (UK1), elle est
une aide appréciable lors des interactions et des présentations de recherches, car elle
stimule le partage des idées et des résultats (IT1). Aussi, le fait que certains chercheurs
tournent le dos à la pratique est ressenti comme tant d’opportunités non saisies (UK3).
Car, même si cette double identité leur fait systématiquement souligner la rigueur et la
pertinence, « pour beaucoup de communicants il s’agit de rigueur et d’inadéquation
de la théorie » (UK2) parce que, comme de leur point de vue le monde de la recherche
scientique tend à se replier sur lui-même, à se distancier de la réalité, la pratique ne
peut susamment en bénécier (NL2). Et pourtant tous s’alignent sur l’injonction de
combiner les deux « car la pratique est tellement plus rapide que la recherche que si
on n’est pas dedans, on est hors-jeu » (SU2).
Enn, pour ce qui est de la dimension politique, les changements que peuvent apporter
les enjeux de la recherche nourrie par la pratique se situent à trois niveaux : 1) celui de