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Quelles!attitudes!possèdent!les!futurs!
publicitaires!envers!la!publicité!et!son!
éthique!?!Analyse!compréhensive!des!
représentations!sociales!d’un!corpus!
d’étudiants!
!
Pochet!Sophie!!
Chief!Academic!Officer!de!la!section!Publicité!et!
communication!commerciale!!à!l’Institut!des!
Hautes!Études!des!Communications!Sociales!
sophie.pochet@galilee.be!
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!95!
!
Résumé!
Cet article présente les résultats d’une étude menée sur 24 étudiants en Publiciet
communication commerciale. L’investigation possède deux objectifs liés :
premièrement, distribuer ces étudiants parmi des catégories d’attitudes par rapport à
la publicité et son éthique et, en second lieu, sur base des mêmes données récoltées,
présenter des propositions pour l’établissement d’un dispositif d’éducation critique à
la publicité. Au moyen d’un entretien individuel semi-directif alliant l’approche
compréhensive et la méthode du tri de cartes, les étudiants ont été confrontés à un tour
des représentations sociales de la publicité présentes dans la littérature critique. Cette
recherche a mis en lumière une nette tendance au cynisme vis-à-vis de l’éthique
publicitaire dans les propos des étudiants se destinant au métier de publicitaire. Ces
derniers conçoivent et acceptent pourtant comme vrai une majorité des écueils faits à
la discipline. Ils envisagent difficilement les impacts et enjeux du discours et du
secteur publicitaire si ce n’est sur les plus jeunes ou les personnes moins éduquées.
Ils dédouanent la discipline en évoquant les campagnes non marchandes, la lucidité
du consommateur et le caractère acquis, normal, de la situation. Enfin, leur capacité à
imaginer des scénarios différents lorsqu’ils s’enquièrent des enjeux sociétaux de la
publicité s’est avérée très parcellaire.
Mots clés : Attitudes, étudiants en publicité, éthique, représentation sociale,
éducation critique, approche compréhensive
Abstract!!
This article presents the results of a study carried out on 24 advertising students. The
investigation comprises two interrelated objectives: firstly, distribute these students
among categories of attitudes toward advertising and its ethics and, secondly, based
on the same data, submit proposals for the establishment of a mechanism of critical
education to advertising. Through semi directive interviews combining the
comprehensive approach and the method of card sorts, students were confronted with
the social representations of advertising present in the critical literature. This research
has brought to light a clear tendency to cynicism toward advertising ethics in students
intending to pursue a career in advertising. They nonetheless understand and accept
as real most reproaches formulated to the discipline. They hardly consider the impacts
and issues of the advertising discourse and sector except on the younger or less
educated people. They clear the discipline by mentioning the nonprofit campaigns,
the clear-mindedness of the consumer and the acquired, normal, nature of the
situation. Finally, their ability to imagine different scenarios when analyzing the
societal issues of advertising has proved to be very fragmented
Key words Attitudes, advertising students, ethic, social representation, critical
education, comprehensive approach
96! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
Les étudiants en publicité et qui souhaitent s’orienter professionnellement vers ce
secteur sont-ils naïfs ou critiques envers la publicité ? Sont-ils cyniques, ambivalents
ou conscients envers son éthique ? Quelles sont les représentations sociales critiques
à l’encontre de la publicité qu’ils ne conçoivent pas ? Quelles sont celles avec
lesquelles sont ou ne sont pas d’accord ? Pourquoi ? Lesquelles considèrent-ils
problématiques pour la société ? Et pour ces dernières, disposent-ils de pistes
d’amélioration ? Cet article présente les résultats d’une étude menée sur 24 étudiants
en Publicité et communication commerciale. L’investigation possède deux objectifs
liés : premièrement, distribuer ces étudiants parmi des catégories d’attitudes par
rapport à la publicité et son éthique et, en second lieu, sur base des mêmes données
récoltées, présenter des propositions pour l’établissement d’un dispositif d’éducation
critique à la publicité.
Au moyen d’un entretien individuel semi-directif alliant l’approche compréhensive
et la méthode du tri de cartes, les étudiants ont été confrontés à un tour des
représentations sociales de la publicité présentes dans la littérature critique. Une
approche des attitudes, c’est-à-dire une procédure d’évaluation de la direction et de
l’intensité (Moscovici, 1962 ; Belin, 1991) des opinions émises, a été combinée à une
compréhension des justifications apportées à ces choix. Tant les dimensions modales
que référentielles des choix posés et des propos tenus ont donc été examinées.
1.! L’éthique!comme!inquiétude!sociétale
L’éthique est une notion aux contours changeants. Pour certains auteurs adeptes du
point de vue subjectiviste, elle ne peut être définie par des lois universelles (Brandt,
1959, p.154). Les seuils de tolérance au genre publicitaire varient dans le temps, dans
l’espace et d’un individu à l’autre. Dès lors, le jugement éthique en la matière peut
demeurer incertain. La notion d’éthique publicitaire au regard des praticiens, sera ici
évoquée sous le vocable de l’inquiétude sociétale. En effet, pour agir éthiquement en
publicité, il convient de tenir compte des conséquences de ses actes, d’agir en fonction
d’un examen préalable des intérêts de tous ceux qui pourraient être affectés par la
publicité (Hare, 1981). Il est nécessaire de s’enquérir du contexte, des valeurs en
présence, des impacts des créations publicitaires (Sicard, 2001) et cela activement,
avec anticipation des effets possibles (Canto-Sperbert, 2001), par le biais de la
recherche d’un consensus et au prix d’une argumentation (Singer, 1991). L’éthique
publicitaire est donc une réflexion critique, mais néanmoins ancrée dans le concret et
non pas idéaliste et absolutiste (Weber, 1959). Elle est la capacité, dans l’activité
publicitaire globale, que ce soit pour le commercial, le stratège, le créatif, le média-
planneur… d’agir au mieux, avec une responsabilité sociale (Teyssier, 2004), avec
une « conscience de ce qui doit être fait » (Drumwright & Murphy, 2004, p. 7).
La problématique de l’éthique est en constante redéfinition dans le champ
publicitaire : parce que les techniques évoluent, parce que les modes créatives se
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!97!
!
renouvellent en permanence, parce que les attentes, inquiétudes et modes de
dénonciation du public sont, elles aussi, en rapide transformation. Dès lors, il y a
un terrain d’études prioritaire pour la recherche en publicité. Mais plutôt que de définir
des normes à une éthique publicitaire qui deviendraient vite obsolètes, il sera ici
question d’un état des lieux des attitudes d’une population de futurs publicitaires en
la matière et des réponses possibles en termes de réflexivité.
2.! Revue!de!la!littérature!
Les études s’étant penchées sur l’éthique des publicitaires sont légion. Certaines
affirment que ces derniers n’abandonnent pas aux philosophes, aux religieux, le
domaine du questionnement moral. Rotzoll et Christians
(1980), par exemple, ont
démontré que la plupart des employés d’agences de publicité rencontraient des
dilemmes éthiques dans le cadre de leur profession et qu’ils présentaient un grand
intérêt à y réfléchir. Hunt et Chonko (1987) ont également envoyé des questionnaires
aux employés d’agences avec la même question. Les auteurs ont démontré que 85 %
des répondants identifiaient des problèmes éthiques dans leur travail quotidien.
Néanmoins, les auteurs affirmant que l’éthique est un élément secondaire, peu
considéré ou mal considéré par la profession de publicitaire semblent plus
nombreux et plus récents (Nill & Schibrowsky, 2007). Maria Cécilia Coutinho de
Arruda, notamment, a mené une vaste étude sur les publicités que les grands
annonceurs de 55 pays commandaient et diffusaient. Elle a établi que, pour la majorité
de ces entreprises, ce qui était considéré comme moral, éthique, était délimité par ce
qui était acceptable par le public ciblé. D’après cette professeure d’éthique, ces
professionnels n’avaient aucune connaissance conceptuelle de ce qu’est l’éthique :
« many advertisers assumed the philosophical relativism as the framework for
fundamental concepts. The ethical problems have not been equated with objectivity
and the realist approach is appointed as a solution » (1999, p. 160). Claude Cossette
écrivait : « dans le feu de l’action, les publicitaires n’ont aucunement en tête les
implications éthiques de leur campagne en cours de gestation. S’ils ont une inquiétude
qui effleure l’éthique d’une certaine manière, c’est celle d’aller aussi loin que possible
sans dépasser les limites de l’acceptable pour les destinataires. Ils jaugent avec
prudence les éventuelles retombées qui pourraient être nuisibles à leurs clients-
annonceurs, mais ils n’évaluent pas pour autant les possibles préjudices sociaux que
pourraient causer leurs campagnes » (2009, p. 92). Drumwright et Murphy, enfin, ont
tenté de savoir comment le personnel d’agences de publicité percevait, traitait et
réfléchissait aux problèmes éthiques. Ils ont mis en lumière une grande propension
des publicitaires à ne pas voir les aspects éthiques de leur propre travail ou de la
publicité en général et ont identifié deux tendances majeures : les professionnels
souffrant de « moral muteness » et/ou de « moral myopia ». La myopie morale est
définie comme « a distortion of moral vision that prevents moral issues from coming
98! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
into focus » (2004, p. 7) tandis que le publicitaire qui souffre de mutisme moral peut
être défini comme suit : « individuals who recognize ethical issues but remain silent
and avoid confronting them either personally or organizationally. Moral muteness
occurs whenever people fail to communicate moral concerns that they genuinely feel,
regardless of how the failure happens » (2004, p. 13). Il semblerait ainsi que les
publicitaires ont tendance à déplacer leur responsabilité vers une structure
organisationnelle, technocratique, à se reposer sur la loi ou la présence d’organes tels
que les jurys d’éthique. Drumwright (1993) ou encore Preston (1994) ont ainsi
démontré que, pour de nombreux praticiens, c’est ce qui est légal qui est éthique. Cette
tendance a été identifiée de manière générale par l’éthicien Georges Legault dans ses
travaux : « on assiste à la disparition graduelle du sens moral au profit du droit
administratif. La dimension morale des professions se réduit dès lors à la protection
du public, garantie par des disponibilités de contrôle et de surveillance des membres »
(2003, p. 183).
Les attitudes des étudiants en publicité face à l’éthique de leur cursus ont moins été
traitées par la littérature scientifique. Certains auteurs ont démontré, à l’instar de De
Run et Ting (2013) que, par rapport à leurs homologues effectuant un autre cursus, les
étudiants en publicité et marketing possédaient une attitude beaucoup plus positive
vis-à-vis de la publicité. Ces futurs professionnels évoquaient plus fréquemment son
rôle d’image, ses aspects hédoniques et sa capacité à créer de la valeur pour la société.
D’autres recherches ont mis en lumière des différences entre ce type d’étudiants et les
professionnels du métier. Keith, Pettijohn et Burnett notamment (2008), ont, comparé
les deux perspectives sur 20 activités non éthiques. Ils ont pu démontrer que les
professionnels de la publicité adhéraient plus fortement à l’idée qu’un comportement
éthique était important dans ce métier. Il est aussi intéressant d’évoquer l’interpellante
étude de Fullerton, Kendrick et McKinnon qui ont interrogé des étudiants en publicité
et en relations publiques. Ces chercheurs ont montré une inconsistance entre les
attitudes et les comportements des étudiants : s’ils admettaient très majoritairement le
caractère non éthique d’une série de dilemmes présentés, ils présentaient également
une forte propension, tout de même, à reconnaître qu’ils adopteraient ces
comportements une fois en milieu professionnel.
!
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!99!
!
3.! Population
24 étudiants de troisième bachelier à l’Institut des Hautes Etudes des
Communications Sociales (IHECS) à Bruxelles, ici dénommés futurs publicitaires,
ont été interrogés. Cette étude s’est déroulée dans le cadre du premier cours de leur
cursus consacré à la publicité afin d’éviter les biais liés à un enseignement
préalablement suivi. Ces individus ont été sélectionnés suite à un questionnaire écrit
et sur base de deux variables permettant au mieux, à ce stade de leurs études, de
prédire leur avenir professionnel : premièrement le choix d’étude axé vers la publicité,
c’est-à-dire les étudiants ayant choisi de suivre la pré-orientation menant au master en
publicité et, deuxièmement, les étudiants affichant clairement le souhait de s’orienter,
dans leur vie professionnelle future, vers les métiers de la publicité la question
« envisagez-vous de travailler dans le secteur de la publicité ? » les étudiants ayant
choisi la réponse « oui » sur une échelle de Likert à cinq degrés, ont été retenus).
4.! Méthodologie
Les représentations sociales sont au ur de toute activité de communication. Selon
Robert Farr, « on se trouve en présence de représentations sociales dès lors que des
individus débattent de sujets d’intérêt mutuel » (1984, p. 66). La notion est empruntée
aux écrits de Moscovici, qui parle de constellations intellectuelles et définit la notion
comme « un corpus organisé de connaissances et une des activités psychiques grâce
auxquelles les hommes rendent la réalité physique et sociales intelligible, s’insèrent
dans un groupe ou un rapport quotidien, libèrent leurs pouvoirs de leur imagination »
(1961, pp. 27-28). À sa suite, Jodelet (1989) évoque des grilles d’interprétation de la
réalité permettant de rapidement mettre de l’ordre dans le réel et s’appuyant sur des
normes partagées. Il nous a importé de travailler à partir des représentations sociales
des futurs publicitaires car, à l’instar de Bourgeois et Nizet (1997), nous considérons
que l’accès à la connaissance scientifique doit se comprendre comme un saut
qualitatif, une mutation par rapport aux connaissances préalables, mais que cet accès
ne peut pas ignorer le substrat cognitif des individus puisque, même s’ils le
souhaitaient, les étudiants ne pourraient pas se départir de leurs représentations
naturelles.
Cette méthodologie a majoritairement été de type qualitatif et a d’abord consisté en
un court questionnaire visant à identifier notre population et à mettre en lumière le
caractère spontané de leurs représentations sociales négatives à l’égard de la publicité.
Il leur a ainsi été demandé « Selon vous, quels sont les reproches que les gens font à
la publicité aujourd’hui ? (pensez à toutes les dimensions possibles de la publicité, à
sa forme, à son fond, à son rôle dans la société,…) ». Les réponses à cette question
ouverte furent classées au moyen d’une analyse de contenu thématique. Ce fut
1 00! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
l’occasion de constater une première fois chez les étudiants, une conscience des
reproches faits à la publicité.
Afin de construire le substrat de cette étude, un travail de mise au jour des diverses
représentations sociales qui traversent les discours critiques sur la publicité a ensuite
été réalisé afin de les soumettre à notre population de futurs publicitaires. Tant les
représentations sociales portant sur la publicité comprise comme un discours que
celles comprenant le terme comme une activité économique ont été considérées dans
ce vaste tour de la littérature préalable. Cet état des lieux se voulait interdisciplinaire
au regard des multiples disciplines qui se sont attachées à approcher l’éthique
publicitaire : la sociologie, la psychologie, les études en sémiologie et sémio-
pragmatique, l’économie,… tous ces champs d’études s’attardent sur un pan
particulier de la publicité et de son éthique et l’imbrication des divers regards permet
une appréhension éclairée de la question. L’économie va s’interroger sur le bien-fondé
du système économique publicitaire ; la sociologie, sur son impact sur les rapports
humains et l’organisation sociétale; la psychologie, sur les impacts des discours
publicitaires sur la construction de l’individu ; la sémiologie et la sémio-pragmatique,
sur l’influence des évolutions iconiques, textuelles et plastiques,…
1
ainsi, au terme de
ce tour des discours portés en défaveur de la publicité, lorsque fut atteinte la saturation,
dix représentations sociales négatives de l’objet publicité ont été rédigées sur des
cartes à jouer.
!! OMNIPRÉSENCE : la publicité est trop présente, dans l’espace et dans le temps
!! NON-OBJECTIVITÉ : la publicité enjolive la réalité. Elle donne peu
d’arguments rationnels et mesurés. Elle vise à séduire plus qu’à faire réfléchir
!! STÉRÉOTYPES : la publicité montre trop le me genre de personnes. Elle
renforce les stéréotypes et stigmatise certains groupes sociaux
!! INFLUENCE SUR LES MÉDIAS : la publicité exerce trop d’influence sur les
médias. Ces derniers proposent des contenus censés plaire à une audience large
qui sera vendue à des annonceurs
!! COÛT : la publicité coute cher au consommateur puisque son coût est reporté
dans le prix du produit
!! ÉCOLOGIE : la publicité est une incitation à consommer toujours plus, elle
n’encourage pas assez le développement durable
!! MONOPOLES : la publicité ne conforte que la position dominante des grandes
entreprises au détriment des petites
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1
Seize auteurs en sociologie, onze en psychologie, quatorze en sémiologie, quinze en sémio-
pragmatique et quatorze économistes. La liste complète de ces auteurs est disponible dans la Thèse
de doctorat : Pochet, S. (2014). L’attitude des futurs publicitaires envers la publicité et son éthique.
Analyse compréhensive des représentations sociales en la matière d’un corpus d’étudiants de
l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales. Thèse de doctorat en Information et
Communication, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve.
!
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!101!
!
!! UNIFORMISATION : la publicité participe à l’uniformisation des produits et des
modes de vie
!! CRÉATION DE BESOINS : la publicité crée de toutes pièces des besoins que les
gens n’auraient pas sans son action
!! VALEURS : la publicité hicule surtout des valeurs liées à l’image que
l’individu renvoie à autrui (richesse matérielle, beauté physique, pouvoir,
succès…) et beaucoup moins des valeurs plus altruistes
Ces items ont expressément été formulés comme des reproches afin de mesurer
l’opinion par rapport à une critique et non pas à un fait établi de l’ordre du constat. Ils
ont également expressément été peu développés, l’approche compréhensive justifiant
ce choix. En effet, afin de permettre aux interviewés de s’exprimer dans les meilleures
conditions possibles, il est important de partir d’un discours le plus ouvert possible,
induit par quelques questions larges et simples (Clenet, 1998).
La suite de notre étude a consisté en une somme de 24 entretiens compréhensifs en
face à face, intensifs et de type semi-directif. L’approche compréhensive porte son
attention sur les compétences réflexives, sur les significations inhérentes aux pratiques
et sur les verbalisations. En cela, elle participe à un affinement de l’analyse qualitative.
Cette approche prend sa source dans la sociologie compréhensive. Cette dernière
s'intéresse particulièrement au sens que l’individu ou l’organisation donnent à leurs
pratiques et représentations. Elle interroge ce qu'ils font ou disent, mais également
pourquoi ils font ou disent cela. Le nom traditionnellement associé à cette approche
est celui de Max Weber (1971). Il s’oppose à une sociologie compréhensive axée sur
une pure saisie d’un savoir social incorporé par les individus. Les hommes ne sont pas
de passifs porteurs de structures, mais fonctionnent sur base d’un système de valeurs.
Les individus sont ainsi, pour Weber, dépositaires d’un savoir important qu’il
convient de saisir de l’intérieur. Pour Pourtois (2007), puisque le paradigme
compréhensif a pour objet la compréhension de la dynamique des événements par
l’intentionnalité engagée dans l’histoire des interactions du sujet avec son
environnement, les idées et faits humains représentés sont porteurs de significations.
Les sciences humaines permettent alors de comprendre ces significations. Dès lors,
« il ne s’agit pas pour le chercheur d’imposer sa problématique, mais de partir d’un
discours très ouvert, induit par quelques questions simples […] à partir de là, il s’agit
ensuite de les (les représentations) construire ou reconstruire, c’est un travail
minutieux d’écoute et de reformulation, d’élucidation, d’expression et d’organisation
puis de compréhension et d’interprétation » (Clenet, 1998, p. 82).
Ainsi, l’entretien compréhensif, laissant libre cours au discours tout en prévoyant
une liste de questions précises suivant un protocole, nous a permis d’aborder la
subjectivité de nos interlocuteurs. Pour chaque représentation sociale proposée sur
une carte à jouer, il fut demandé à l’étudiant d’abord de se positionner en accord ou
non avec la proposition et ensuite de se prononcer sur son caractère « grave pour la
102! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
société » ou non en réalisant de petits tas sur la table de l’entretien. La méthode du tri
de cartes, parfois appelée card sorts, a souvent été utilisée dans le domaine de
l’architecture de l’information. Elle offre la possibilité d’une mise en lumière des
catégories réalisées par le sujet tout en respectant les nomenclatures et les perceptions
propres à ce dernier (Gerrard & Dickinson, 2005). Elle rend également possible une
comparaison entre les individus qui composent la population de l’étude. La littérature
scientifique a coutume de distinguer les tris fermés (catégories prédéfinies) des tris
ouverts (le participant est libre de créer ses propres regroupements) (McCauley & al.,
2005) ainsi que les tris répétés (autant de tris que possible sur un ensemble de cartes)
des tris uniques (Fastrez, Campion & Collard, 2009, p. 7). Pour mesurer leurs
attitudes, c’est-à-dire la direction et l’intensité de leurs opinions, une résolution de
type binaire, qui consiste en une acceptation ou un rejet des représentations sociales a
été demandée aux futurs publicitaires. Traditionnellement, en psychologie sociale,
l’attitude est caractérisée par une direction et une intensité. La direction est « le sens
de l’opinion selon un couple bipolaire » (Bardin, 1977, p. 209). Elle peut être pour ou
contre, favorable ou défavorable, positive ou négative,… Entre ces deux pôles
nettement orientés, certains auteurs ajoutent un état intermédiaire, la neutralité ou un
état mélangé : l’ambivalence. L’intensité, écrit Bardin, « marque la force ou le deg
de la conviction exprimée : une adhésion peut être tiède ou passionnée, une opposition
légère ou véhémente » (p. 217). Dans notre cas, il s’agit d’un tri unique et fermé, sans
proposition d’état intermédiaire ou neutre, dans le but de forcer le choix d’une
direction et la verbalisation de celui-ci.
L’analyse des données récoltées sera attitudinale (choix posés) mais consistera
également en une analyse de contenu thématique (justifications de ces choix). Nous
nous situons dans un paradigme interprétativiste que nous pourrions définir, à l’instar
de Miles et Huberman, comme une approche qui « ne conduit pas à des lois
universelles, mais plutôt à une “compréhension pratique” des significations et des
actions » (2003, p. 22.).
5.! Présentation!des!résultats!
5.1.! Premier!objectif!de!l’étude!:!catégor ies !d’a ttitud es !fac e!à !
la!pub lic ité !e t!s o n !é th iq u e
Pour comprendre les publicitaires de demain, nous avons distingué cinq catégories
d’attitudes : deux relevant d’un positionnement face à l’éthique et trois ayant trait à
leur attitude vis-à-vis de l’éthique publicitaire. Ainsi, l’interrogation était double :
premièrement les étudiants en publicisont-ils naïfs ou critiques envers la publicité ?
Et ensuite, demeurent-ils cyniques, ambivalents ou conscients envers son éthique ?
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!103!
!
5.1.1.! Des! futurs! publicitaires! non! naïfs! et! très! critiques! visQàQvis! de! la!
publicité!
Un étudiant naïf est un étudiant qui ne conçoit pas les reproches adressés à la
publicité et contenus sur les cartes à jouer. Il considérera comme non fondée la
majoride ces représentations sociales négatives de l’objet publicité et trouvera de
nombreuses rationalisations
2
en faveur de la publicité lui permettant de justifier ces
choix. A l’opposé, un étudiant critique est un étudiant qui est capable non seulement
de concevoir une majorité de ces reproches mais qui les accepte également
comme vrais, fondés, c’est-à-dire qui est personnellement d’accord avec ces
affirmations.
Un premier tri de carte a ainsi demandé à l’étudiant de se déclarer en accord ou non
avec les différents reproches adressés à la publicité : « voici des affirmations au sujet
de la publicité. Peux-tu classifier ces cartes ? Avec quelles affirmations es-tu d’accord
/ pas d’accord ? Autrement dit, lesquelles sont justifiées ? ». Afin de mettre au jour
les raisons de leur classification, il lui était ensuite demandé « pourquoi sont-elles/ne
sont-elles pas justifiées ? ». Cette seconde question permettait l’expression de
nuances. De cette manière, via une analyse de contenu, une distinction entre la
conception de la représentation je comprends, je conçois cet écueil fait à la publicité
et son acceptation je suis d’accord avec cet écueil, je le trouve vrai a pu être
établie.
Suite à l’évaluation des tris et des réponses de notre population, il s’est avéré que
les futurs publicitaires ne sont absolument pas naïfs vis-à-vis des reproches adressés
à la publicité. Ils sont également critiques à l’égard de l’objet de leur cursus puisqu’ils
acceptent la plupart du temps ces reproches comme vrais (parmi les 240 choix à poser
au sujet des dix représentations négatives de l’objet publicité, nous avons trouvé 155
acceptations de ces enjeux négatifs pour 85 rejets soit près de 65% d’acceptation). Les
deux tiers de notre population déclarent fondés plus d’enjeux négatifs qu’ils n’en
rejettent et 46% d’entre eux se sont montrés très critiques vis-à-vis de la publicité
3
.
!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
2
!Notion!développée!plus!loin!dans!cet!article!
3
!C’est4à4dire!présentant!un!différentiel!de!trois!unités!(cartes!à!jouer)!ou!plus!séparant!les!deux!
directions!de!choix.!
104! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
!
FIGURE!1!
Naïveté!/!nonQconception!des!représentations!sociales!négatives!
!
FIGURE!2!
Echelle!de!mesure!de!l’analyse!attitudinale!:!attitude!naïve
4%
38%
25%
33%
Plutôt naïf
Peu naïf
Très peu naïf
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!105!
!
!
FIGURE!3!
Attitude!critique!/!acceptation!des!représentations!sociales!négatives!
!
FIGURE!4
Echelle!de!mesure!de!l’analyse!attitudinale!:!attitude!critique
5.1.2.! Des! futurs! publicitaires! majoritairement! cyniques! visQàQvis! de!
l’éthique !p u b lic ita ire
Parmi les cartes à jouer acceptées par l’étudiant les autres ayant logiquement été
mises de côté puisque n’étant pas considérées comme « vraies » par celui-ci une
seconde classification, s’avançant sur le terrain des préoccupations sociétales et donc
de l’éthique, fut ensuite sollicitée. Il était demandé au futur publicitaire : « parmi les
cartes que tu as acceptées, lesquelles sont graves pour la société ? Autrement dit, c’est
problématique, la publicité devrait fonctionner différemment ». Une fois de plus, une
justification des choix était sollicitée : « pourquoi sont-elles/ne sont-elles pas graves
pour la société ? ».
8%
4%
12%
17%
13%
46%
Attitude peu critique
Attitude plutôt peu critique
Attitude semi-critique
Attitude plutôt critique
Attitude critique
Attitude très critique
106! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
Un reproche considéré comme justifié, vrai, mais non grave était alors l’indice d’un
positionnement tolérant vis-à-vis de l’éthique publicitaire et la multiplication de ces
choix menait à catégoriser l’étudiant dans une attitude cynique. À l’inverse, une
majoride représentations acceptées et jugées graves, problématiques pour la société,
était la marque d’une attitude ambivalente et peut-être même consciente vis-à-vis de
l’éthique publicitaire. La formulation « est-ce que c’est grave ? » nous a semblé la
plus appropriée pour répondre aux interrogations concernant l’éthique publicitaire
puisque cette dernière, rappelons-le, est définie sous le vocable d’inquiétude sociétale.
La question « et est-ce que ça t’inquiète ? » aurait, en effet, sous-entendu une
inquiétude personnelle et aurait exclu la mesure de la considération des opinions
d’autrui dans les choix posés.
Le positionnement des étudiants, lorsqu’ils ont été amenés sur le terrain des
implications sociales de la publicité, s’est avéré le plus souvent cynique (62,5 % des
cas) : une majorité de reproches faits à la publicité ont été considérés comme non
graves pour la société. Cette tolérance s’est traduite surtout par des rationalisations
4
évoquant la normalité : « le système fonctionne comme cela » ; des contre-exemples :
« la pub fait d’autres choses positives en contre partie » ou ce que Drumwright et
Murphy (2004) ont appelé des rationalisations de type « people are smart » : « les
gens ne sont pas dupes », « les consommateurs gardent leur libre-arbitre et sont
suffisamment intelligents pour contrer les arguments auxquels ils sont soumis ».
Habermas (1986) écrivait que les pragmatistes sont « au plan moral, des sceptiques ».
Il n’est pas étonnant de s’apercevoir que le publicitaire ou futur publicitaire
possède des règles morales qui demeurent pragmatiques étant donnée son implication
personnelle.
Les étudiants ambivalents, qui qualifient massivement les représentations sociales
négatives qu’ils ont classifiées comme vraies de « graves pour la société », ont
représenté un peu moins de 30 % de la population de recherche. Leurs discours ont
présenté ce caractère parta : certains se sont aperçus qu’ils souhaitaient travailler
dans un milieu dont les enjeux ou les impacts leur posaient quelquefois problème
personnellement. Selon nous, ce type d’étudiant entre naïvement en publicité, mais, à
la différence du naïf, il conçoit des enjeux négatifs de la profession. Il risque de se
retrouver en tension à l’avenir.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
4
Notion développée plus loin dans cet article.
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!107!
!
!
FIGURE!5
Tolérance!/!attitude!vis!à !vis !d e !l'éth iq u e !p u b licita ire !
5.2.! Second!objectif!de!l’étude!:!dispositif!d’éducation!
critique!à!la!publicité
Cette recherche visait également la mise au jour de pistes qui favoriseraient
l’acquisition d’une connaissance des enjeux de l’éthique chez les étudiants en
publicité. En aucun cas il ne fut question d’identifier de manière subjective les
manquements en termes de positionnements critiques ou non tolérants des étudiants
en publicité. Il ne s’agissait pas d’imposer une quelconque vue ou d’attendre que cette
population accepte et juge graves les enjeux négatifs de la publicité mais plutôt qu’elle
possède des connaissances fiables et un point de vue éclairé en la matière. La défense
de la publicité et la réflexion à son sujet en matière d’éthique passent, à notre sens,
par la conception des reproches même s’ils demeureront à jamais complexes et
comportant des nuances et des contreparties.
Notre attention s’est, dès lors, portée sur les représentations peu conçues, pour
lesquelles les argumentations étaient demeurées simplistes ou autocentrées, pour
lesquelles le positionnement des futurs publicitaires était résigné, sans solution… les
propos des étudiants ont ainsi fait l’objet d’une analyse transversale, représentation
par représentation. Pour chacun des reproches adressés à la publicité, il nous a importé
de savoir d’abord s’il était généralement conçu de manière spontanée par les étudiants,
ensuite s’il était majoritairement accepté. De manière forte ou mitigée ? Avec quelle
justification ? Et, enfin, s’il était le plus souvent considéré comme grave pour la
société. Afin d’étoffer cette analyse attitudinale, trois notions supplémentaires se sont
ajoutées à notre investigation via une analyse de contenu thématique des propos tenus:
la présence d’altérité, de rationalisations, et d’une imagination morale forte.
108! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
5.2.1.! Des!futurs!publicitaires!peu!armés!face!aux!reproches!adressés!à!la!
publicité
Les publicitaires de demain ne possèdent que peu d’armes face aux représentations
négatives de la publicité qu’ils acceptent pourtant en masse. Notre analyse attitudinale
a démontré que l’apparition spontanée des représentations sociales de l’objet
publicité, mesurée au moyen du questionnaire écrit, était parcellaire. Parmi la liste
issue de la littérature critique, certaines représentations ne sont pas du tout venues à
l’esprit des étudiants. Cela a été le cas de l’influence négative de la publicité sur les
médias, de son rôle dans l’uniformisation des produits et des modes de vie ainsi que
de son coût pour le consommateur. Les reproches de non-incitation au développement
durable et d’encouragement des monopoles ont été extrêmement peu conçus (4 % des
répondants) et les écueils au sujet du véhicule de stéréotypes et de valeurs centrées
sur l’image que l’individu renvoie à autrui n'ont été évoqués que par 20 % de la
population. La conscience spontanée des reproches couramment faits au discours et
au secteur publicitaire semble donc peu présente a priori chez les publicitaires de
demain.
Les représentations pour lesquelles les étudiants se sont montrés les moins critiques
(67 % des étudiants n’accepteront pas ces reproches lors de leurs tris de cartes) sont
celles qui concernent le coût de la publicité et son rôle uniformisant. De même, les
cartes à jouer pour lesquelles les futurs publicitaires se sont montrés les plus tolérants
sont celles qui concernent les reproches du coût de la publicité pour le consommateur
ainsi que sa non-objectivité. Ces deux représentations ont, de manière quasiment
systématique, éconsidérées comme non graves pour la société au moyen de diverses
rationalisations. De manière générale, les justifications de la gravité des enjeux
négatifs ont rarement été construites. Sur la totalité des choix d’items graves,
seulement 25,8 % seront étayés, argumentés de manière complexe. Ces différents
constats peuvent faire l’objet d’une attention toute particulière dans un enseignement
qui se ferait le relais neutre des arguments des détracteurs à la publicité. L’étudiant
serait alors à même, en la matière, de poser un choix argumenté, en connaissance de
cause.
5.2.2.! Des!futurs!publicitaires!égocentrés
Le premier critère de l’analyse de contenu thématique qui a suivi cette analyse
attitudinale fut l’évaluation de la prise en compte de l’altérité par les futurs
publicitaires en général et en particulier lorsque la question des implications sociétales
de la publicité leur a été posée. L’éthique publicitaire, comprise comme une
inquiétude sociétale, passe nécessairement par un travail de décentration. L’étude de
la capacité à se placer dans la perspective de l’autre, à s’attacher à prendre en compte
les démarches cognitives d’autrui, est le plus souvent attribuée au psychosociologue
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!109!
!
Piaget. Il définit la notion en ces termes : « le mécanisme par lequel un sujet
(individuel ou collectif) en arrive à contrebalancer l'information trompeuse “apportée
par une centration exclusive, “égocentrique” ou (“socio centrée”), de la perception, de
l'action ou de la pensée sur un contenu de perception, de représentation ou de pensée,
directement dépendante de l'orientation ou de la finalité immédiate de l'activité en
cours » (Fondation Jean Piaget, 2014).
Cette présence de l’altérité, s’est avérée, le plus souvent, faible et, dans la grande
majori des cas, peu développée chez les futurs publicitaires. Ce sont surtout les
enfants, les personnes naïves ou ayant reçu moins d’éducation qui ont été cités. Il
convient néanmoins de rester prudent face à cette maigre présence d’une altérité
développée et étayée. Des auteurs comme Rotzoll et Christians (1980) se sont
également retrouvés face à peu d’altruisme lors de leur étude des employés d’agences.
Ils ont admis que, dans la recherche de conséquences sur la société, les questions
davantage sociales ou institutionnelles, demeuraient, bien souvent, perçues comme
complexes et qu’il était plus confortable pour l’individu de réfléchir aux impacts et
enjeux plus proches de son vécu.
De nombreux auteurs critiques ont pourtant établi que la publicité fonctionne par
comparaison et peut rendre tout un chacun insatisfait. Au départ de théories comme
celles de Festinger (1954) et sa comparaison sociale ou de Girard (1961) et son
triangle mimétique, nombreux sont ceux qui ont fustigé le pouvoir de la publicité sur
les opinions que les individus possèdent d’eux-mêmes (Goethals, 1986 ; Wood, 1986 ;
Richins, 1991). Face aux propos estudiantins arguant que ce ne sont que les enfants
ou les mentalement faibles qui sont impactés par la rhétorique publicitaire, les travaux
menés dans le secteur du neuromarketing peuvent être abordés. Petre (2009),
notamment, a démontré que la maturation de la zone du cortex préfrontal zone qui
permet de contrer ou de réagir de manière raisonnée aux diverses sollicitations
publicitaires ne prend fin que vers l’âge de 20-25 ans. De même, les écrits de
François Brune (2007) arguant que la liberté de choix cache l’obligation de choisir et
ceux de Baudrillard
(1968) évoquant l’érotisation de la dépense dans les contenus
publicitaires pourraient être enseignés. De cette manière, les avis pourraient être
davantage éclairés, quelle que soit leur direction. D’autres écrits, comme ceux de
Schudson
(1984) ou Spitzer (1962) démontreront, au contraire, que le public ne prend
pas les publicités à la lettre parce qu’il s’attend à une mise en scène du produit.
Puisqu’il est conscient de l’énorme différence qui existe entre la publicité et la vie
réelle, il n’en subit pas les conséquences. Les études sur le prosumer (Toffler, 1980 ;
Kotler, 1986) ou la notion de consom’acteur qui s’est développée à la faveur de la
diffusion du concept de développement durable présentent elles aussi un public actif
et très averti. Ce débat devrait avoir lieu avec les étudiants qui rempliront les agences
de demain. L’apprentissage de la prise en compte plus systématique de l’altérité
semble être indispensable au développement des capacités à réfléchir à l’éthique
publicitaire. La décentration servirait ainsi à éliminer les effets trompeurs de toute
110! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
subjectivité déformante et à stabiliser les raisonnements puisque ce travail
incorporerait par avance un nombre de plus en plus élevé de compositions, de
compréhensions possibles (Piaget, 1950).
5.2.3.! Des!futurs!publicitaires!dédouanant!fréquemment!la!publici
La notion de rationalisation est proposée par Drumwright et Murphy (2004) dans
leur étude sur le personnel d’agences de publicité. Au départ des discours des
professionnels, ils ont établi une liste des différentes réponses mobilisées pour justifier
une opération professionnelle peu ou pas éthique. De manière logique, puisque le
public investigué différait, certaines rationalisations davantage liées à la pratique
professionnelle ne sont pas apparues dans les justifications de tris de carte de nos
futurs publicitaires. De même, il a fallu compléter cette liste avec deux rationalisations
supplémentaires, propres au statut d’étudiant. Nombreux sont les méthodologistes
(Fink, 1995 ; Hargie & Tourish, 2009) qui encouragent l’adaptation des questions ou
d’occurrences préalablement testées dans d’autres études, car elles ont déjà fait leurs
preuves scientifiques. Derèze (2009) parle, à ce propos, du principe de
« commutativité des recherches » qui consiste en l’opportunité, pour une recherche,
de s’appuyer sur d’autres études préalablement menées.
Sept rationalisations furent donc empruntées aux écrits de Drumwright et Murphy
et ensuite repérées dans notre corpus d’interviews: consumers are smart, qui
comprend les discours qui considèrent le consommateur comme non dupe, bien au
courant des stratagèmes sur lesquels repose l’argumentation publicitaire. Ces
justifications peuvent comprendre l’idée que puisque les individus sont si accoutumés
aux tours publicitaires, ils veillent au grain, dénoncent les cas de publicités trop
dérangeantes et, dès lors, la publicité ne se risquera pas à déplaire, à communiquer de
manière non éthique. Passing the buck est le second mode de justification évoqué. Il
consiste à évaluer la responsabilité des publicitaires comme moindre, secondaire, face
à celle tantôt de la famille, tantôt des annonceurs, tantôt des médias ou encore de l’état.
On touche, ici, au vaste débat du rôle de reflet ou de miroir de la publicité vis-à-vis de
la société, couramment -évoqué lorsqu’apparaissent les questionnements éthiques.
La troisième forme d’argumentation présente en agence de publicité se nomme going
native et pourrait être traduite en français par « l’adoption de la vision du client, de la
culture de l’entreprise et de ses objectifs de vente ». Elle a été présente chez des
étudiants lorsqu’ils ont évoqué le point de vue de l’entreprise face aux reproches
éthiques, c’est-à-dire son objectif final de vente et de profit. The ostrich syndrome est
la rationalisation qui apparaît lorsque le publicitaire, de manière pure et simple, ne
creuse pas les questions touchant à l’éthique, ne les conçoit tout simplement pas.
Cinquième ligne de défense avancée par le personnel d’agence : la
compartmentalization dont la forme classique consiste en la séparation des
convictions entre celles relevant de la vie privée et celles relatives au travail. À côté
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!111!
!
de cette rationalisation de type compartmentalization, il est possible de distinguer une
manière un peu similaire de ne pas concevoir ou de dédouaner la publicité de toute
une série de reproches qui peuvent lui être adressés : l’évocation de contre-exemples.
L’évocation de certains produits ou de certains types de publicité sociale,
humanitaire,… peut ainsi être utilisée. Enfin, la rationalisation the client is always
right contient toutes les réponses affirmant qu’il n’est pas possible de dire « non » à
un client-annonceur et que le publicitaire se situe davantage dans une position de
« please-o-holic » (Drumwright & Murphy, 2004) que de collaborateur ayant le droit
de proposer des critiques constructives, si cela s’avère nécessaire. On évoque, ici, les
discours conscients de la réalité de la profession qui admettent, bien souvent, que la
décision finale du choix d’une publicité ne relève pas du publicitaire, mais bien du
client-annonceur.
À cette liste préexistante, deux rationalisations apparues en cours d’analyses et
propres au corpus d’étudiants furent ajoutées : la minimisation et la rationalisation
autocentrée. La première consiste en une tendance à minimiser les enjeux négatifs de
la publicité tout en les concevant. Certains affirmeront qu’ « au pire, la publicité sur
internet, si elle nous énerve […] c'est juste deux minutes, ça prend deux secondes de
cliquer dessus, ce n'est pas très grave ». Et certains ont été jusqu’à argumenter
simplement que « ça pourrait être pire ». L’item sera conçu, mais considéré comme,
finalement, pas bien grave, pas bien cher, pas si pénible que cela,… La rationalisation
autocentrée est apparue lorsque, en guise de justification, l’étudiant a évoqué son
expérience personnelle : « moi, ça ne me dérange pas », « moi, j’aime bien ».
!
Rationalisations proposées par
Drumwright & Murphy
Rationalisations propres au
corpus d’étudiants
Consumers are smart
Minimisation
Passing the buck
Auto-centration
Going native
The ostrich syndrome
Compartmentalization
Contre-exemples
The client is always right
TABLEAU!1!!
Rationalisations!mobilisées
112! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
Les justifications de la non-gravité des reproches faits à la publicité les plus
couramment utilisées par les futurs publicitaires ont été les contre-exemples, les
normalisations et les rationalisations de type consumers are smart. Les étudiants ont
affirmé majoritairement que « les gens savent que c’est la pub, c’est comme ça. Ils
savent décider et ne pas se laisser embobiner », que « les gens peuvent décider de ne
pas acheter les produits de la publicité, quand même. On n’est pas forcé ». Ils
dédouanent la publicité parce qu’elle peut servir à de nobles causes : « enfin, des
publicités pour les campagnes de sensibilisation, et tout ça, là, je ne suis pas d'accord »
et au nom de la normalisation de ses pratiques : « c’est aussi le jeu… on sait que la
publicité est comme ça » et puis « ça fait partie du système, ça fait partie de tout le
marketing, de tout le business et on ne peut pas “s'en passer” et dire : “ok, la pub, ben
j'en ai marre, je la retire” parce que ce n'est juste pas possible ».
La connaissance des rationalisations les plus fréquemment présentes pour chaque
représentation est, ici, une ressource riche afin de comprendre les raisonnements
estudiantins. Le reproche de non-objectivité du discours publicitaire, par exemple, a
majoritairement été dédouané par le côté normal du fonctionnement publicitaire
(normalisations), par le fait que les gens ne sont pas dupes, sont bien à même de
comprendre qu’il ne s’agit que de publicité (consumers are smart) et que les publicités
de sensibilisation pouvaient contrebalancer ce reproche très largement accepté
(contre-exemples). Cette dernière tendance argumentative mène à se demander
comment se comporteront les étudiants qui avancent l’existence de la publicité sociale
face aux reproches de non-objectivité, de la publicité comme véhiculant des valeurs
extrinsèques, ostentatoires, ou ne favorisant pas assez le développement durable.
Comment réagiront-ils lorsque la majorité de leurs clients en agence (ou leur
employeur en entreprise privée) auront pour objectif la maximisation de leurs ventes ?
5.2.4.! Des!futurs!publicitaires!à!l’imagination!morale!presque!inexistante
Une imagination morale très développée est caractérisée par la perception des
nuances d’une situation qui, de surcroît, interrogerait les cadres et schémas moraux
préexistants et imaginerait des solutions différentes. La notion est issue des travaux
de Johnson (1993) qui la définit comme suit : « being able to see and think outside the
box, envisioning moral alternatives that others do not » (cité par Drumwright &
Murphy, 2004, p. 17). Dans ses recherches en sciences cognitives, l’auteur défend
l’idée que l’imagination a un rôle essentiel dans la délibération éthique. Werhane le
rejoint considérant que si les théories morales fournissent des critères raisonnables
pour évaluer les décisions et actions, l’imagination est une composante importante du
raisonnement moral : « there is, however, one difficulty with approaching moral
reasoning strictly from a "moral-theories" approach : despite their knowledge of
ethical theories, intelligent, reasonable people make moral mistakes. These mistakes
cannot be attributed solely to ignorance or insensitivity or even merely to weakness
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!113!
!
of character, but rather to a paucity of moral imagination » (2008). Ainsi, pour
l’auteure, le jugement moral impliquerait un mélange de contexte, d’évaluation, de
projections de standards moraux et d’imagination.
La mesure de l’imagination morale des étudiants a été réalisée en fin
d’interview par une question spécifique : pour chaque carte à jouer que l’étudiant
avait sélectionnée comme grave pour la société, il lui était ensuite demandé : « et que
peut-on y faire ? ». L’imagination morale des étudiants pouvait également apparaître
à tout moment durant l’entretien. L’échelle allait ainsi d’une imagination morale
inexistante (non-capacité à trouver une quelconque solution à la problématique,
attitude résignée, contournement), à une imagination morale forte composée de
propositions construites c’est-à-dire argumentées et éventuellement référencées ou
pré-pensées (ébauche d’un raisonnement, mesure des conséquences probables,
exemplification, cause à effet…).
L’imagination morale de notre population s’est avérée, la plupart du temps,
majoritairement inexistante au sujet des représentations sociales critiques de la
publicité. Seules deux d’entre elles ont inspiré aux étudiants des solutions outside the
box : la non- objectivité (réduction de la présence de l’affichage urbain « comme à
Sao Paulo ») et la stéréotypie (une intervention différente du Jury d’éthique dans le
travail de l’agence créative). Néanmoins, ces propositions sont restées simplistes
c’est-à-dire rapidement éludées et sans fondement solide. Le fait de se trouver démuni
face à des reproches acceptés et jugés graves mène à la résignation. Un dispositif
d’éducation à l’éthique publicitaire devrait s’attacher à évoquer des idées
d’amélioration possible, de réponses créatives.
6.! Limites
Notre approche s’est ancrée, avant tout, dans une perspective qualitative,
phénoménologique et compréhensive. Par conséquent, ses résultats ne possèdent
qu’une portée instructive et non représentative. Ce travail n’a pas porté sur un
processus de formation des attitudes en mesurant de manière diachronique une
population donnée, mais bien sur la réalisation d’une cartographie des attitudes d’une
portion d’étudiants et sur l’établissement de pistes pouvant ouvrir le champ des
possibles de la formation à la publicité.
Notre liste de représentations contenues sur les cartes à jouer demeure fermée et
subjectivement organisée. Ce choix a été posé dans un souci de classification et de
non- éparpillement des réponses. Il peut se justifier en partie par la très large littérature
sur laquelle cette liste se fonde. La notion de saturation des lectures nous, a en effet,
confortée dans le caractère assez complet de celle-ci. Notons également que la
longueur des entretiens (entre 12 et 42 minutes) et la multiplication des questions nous
poussent à considérer avec prudence nos résultats sur les capacités argumentatives
limitées des étudiants : ce mode de recueil des données a pu encourager une certaine
114! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
forme d’expédition des réponses. Néanmoins, le caractère constant et majeur de cette
tendance encourage également à penser qu’une capacité argumentative développée,
c’est-à-dire complexe et étayée de références pertinentes, doit faire partie des acquis
de l’enseignement de la publicité. Enfin, nombreux sont les auteurs comme Blanchet
(1991) ou Abric (1994) qui ont évoqué les implications épistémologiques et
méthodologiques des discours et ont insisté sur une indispensable analyse des
conditions objectives de la production des représentations. Tant dans le roulement
que dans l’analyse de nos entretiens, nous avons veillé à n’imposer aucune idéologie
et, surtout, à prendre en compte les positions qu’occupent l’interviewé et
l’intervieweur dans le contexte social de l’entretien
5
. Nous souhaitions éviter à tout
prix le biais de désirabilité, éviter de provoquer, dans l’esprit des membres de notre
population, une orientation qui serait le fruit de « ce qu’ils pensent qu’il serait de bon
ton de dire devant le professeur ». Ghiglione et Matalon (1998) ont établi une liste de
variables à prendre en compte si l’on souhaite évoquer les multiples influences de
l'enquêteur. Ils proposent notamment de considérer les variables liées aux
compétences techniques : au rôle et au statut. Ces dernières peuvent influencer
l’attitude des étudiants à notre égard et vice versa. De manière systématique,
l’entretien a débuté par ces paroles : « Le plus important, c’est que tu répondes ce que
tu penses, toi ; il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse et en aucun cas, je
n’émettrai maintenant ou plus tard, de jugement de valeur sur tes propos ou tes
choix » ; « Tente d’être le plus franc possible sans réfléchir à ce que je voudrais que
tu répondes » ; « N’hésite surtout pas à prendre le temps de répondre aux questions et
essaye d’être le plus complet possible dans tes réponses ». Les réactions des étudiants
face à ce discours préalable furent détendues, ce qui nous rassure sur leur position
confortable en entretien. La posture de « sobriété empathique » a également constitué
un garde fou pour la tenue de ces entretiens. Elle peut être définie comme « une
attitude de bienveillance, d’ouverture vis-à-vis des différents interlocuteurs, sans
jamais se perdre dans le “pathos” ou la sympathie » (Malanda Mibansala, 2012,
p.199). Nous pourrions qualifier notre attitude à l’égard des étudiants et de leurs
propos de neutre et encourageante c’est-à-dire que l’expression fut systématiquement
validée, toute argumentation étant jugée valable et personnelle. Le concept de
la « mise en scène de l’entretien » (Poupart, 1997), issu de la sociologie de Goffman,
encourage à faire oublier aux individus les éventuels obstacles qui pourraient bloquer
leur démarche énonciative en cours d’entretien. Ainsi, nous nous sommes attachée à
rassurer l’étudiant sur la validité de tout propos, sur notre non-jugement à leur sujet et
sur la confidentialité de ces derniers.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
5
Notons que le système social de l’étudiant sera ici double, d’une part celui de l’entretien (position
professeur-chercheur / élève) et d’autre part le système social professionnel (position étudiant /
secteur envisagé professionnellement).
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!115!
!
7.! Conclusion
Cette recherche a mis en lumière une nette tendance au cynisme vis-à-vis de
l’éthique publicitaire dans l'esprit d’une population d’étudiants se destinant au métier
de publicitaire. Ces derniers conçoivent et acceptent pourtant comme vrais une
majorides écueils faits à la discipline. Ils envisagent difficilement les impacts et
enjeux du discours et du secteur publicitaire si ce n’est sur les plus jeunes ou les moins
éduqués. Ils dédouanent la discipline en évoquant les campagnes non marchandes, la
lucidité du consommateur et le caractère acquis, normal, de la situation. Enfin, leur
capacité à imaginer des scénarios différents lorsqu’ils s’enquièrent des enjeux
sociétaux de la publicité s’est avérée très parcellaire.
La sensibilisation à l’éthique publicitaire passe nécessairement, selon nous, par un
travail de complexification des connaissances et de décentration, au sens
l’entendaient Piaget et, bien des années plus tard, Jean-Pierre Meunier (1994). Nous
défendons l’idée que ce type d’enseignement doit se construire au départ des
représentations sociales des étudiants. Malanda Mibansa (2012) a réalisé un tour
d’horizon des différentes tendances de l’utilisation des représentations en formation.
Toutes, dit-il, partent du principe que l’individu en apprentissage n’est pas une table
rase, mais possède une multitude de représentations préalables de l’objet évoqué.
Certains auteurs préconisent de s’en servir comme base pour asseoir et construire des
connaissances nouvelles. Baillauques, par exemple, met l’accent sur le caractère
naturel et spontané de l’apprentissage (1996). A l’opposé, d’autres auteurs prônent la
rupture épistémologique. C’est le cas de Bachelard qui considère que les
connaissances scientifiques sont à l’opposé des connaissances naturelles et du sens
commun (1999). Les représentations sociales font alors figure d’images trompeuses
du réel, d’obstacles à l’acquisition des connaissances scientifiques (Bourgeois &
Nizet, 1997, p. 130). Ainsi, pour certains, apprendre c’est quitter les représentations
ambiantes et se fier à l’expérience scientifique tandis que d’autres sont d’avis qu’il
s’agit plutôt d’explorer et de confirmer ou non les connaissances préalables sur
un sujet donné. Face à ce manichéisme épistémologique, Bourgeois et Nizet (1997)
proposent un positionnement intermédiaire que nous revêtons : ils considèrent l’accès
à la connaissance scientifique comme une mutation qualitative des connaissances
préalables sur base des représentations préexistantes des individus. C’est la raison
pour laquelle il semble indispensable d’investiguer au préalable ce substrat cognitif
des futurs publicitaires.
Nombreux sont les auteurs (Drumwright & Murphy, 2004 ; Cossette, 2009) qui
considèrent que le publicitaire doit intégrer l’idée que l’éthique fait partie de sa
responsabilité professionnelle. Nous pensons que les années de la formation à la
publicité demeurent le moment le plus propice à l’enseignement de la complexité des
enjeux, de la décentration et du recul critique face à la publicité car elles se situent
dans un temps plus long et plus lent. Nous sommes d’avis que la formation à la
116! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
publicité peut devenir, davantage qu'actuellement, un lieu de construction de
connaissances objectives et dégagées de l’égocentrisme. Mieux, selon nous, ces
capacités réflexives peuvent constituer un véritable atout professionnel pour un futur
publicitaire dans une société en quête de discours responsables. Ainsi, à partir et au
travers du développement des connaissances des enjeux sociétaux de la publicité et de
l’imagination morale, de la capacité à réfléchir à d’autres manières de fonctionner, un
usage plus responsable de la publicité pourra être débattu en formation. L’objectif sera
d’apprendre aux futurs publicitaires à réfléchir à ces questions de manière beaucoup
plus systématique c’est-dire de prendre, finalement, la pleine conscience des
responsabilités qu'impose ce tier si présent quotidiennement dans la vie de chacun.
A ttitudes!d es!futurs!publicitaires!envers!la!publicité!et!son!éthique!?!117!
!
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