Professionnalisation des communications des médecins généralistes à l’ère de la plateformisation de la santé dans les territoires de la protection sociale

Jessica Gheller

Chercheuse associée

Université Gustave Eiffel

jessicagheller@laposte.net

Résumé

Cet article s’intéresse plus particulièrement à l’impact des plateformes auprès des médiatisations opérées par les médecins généralistes, considérés non pas comme des communicants, mais comme des professionnels de la communication en santé. Les médecins généralistes peuvent être envisagés comme une profession de désintermédiatisation et de communication, qui dans le modèle de santé français, se situe au centre des territoires de santé numérique. Une démarche compréhensive en sciences de l’information et de la communication est adoptée. Elle est menée à partir de l’étude de deux situations de communication : un cabinet de médecine générale et un projet de podcast diffusé par une plateforme de téléconsultation.

Mots-clés : médecine générale, protection sociale, information-communication, e-téléconsultation, plateformisation

Abstract

This article takes a closer look at the impact of platforms on mediatizations carried out by general practitioners, who are considered not as communicators, but as health communication professionals. General practitioners can be seen as a disintermediatization and communication profession, which in the French healthcare model is at the heart of digital health territories. A comprehensive information and communication science approach is adopted. It is based on the study of two communication situations: a general practice and a podcast project broadcast by a teleconsultation platform.

Keywords: Platformization, Mediatization, Professionalization, General medicine, e-consultation, Teleconsultation, Social protection, Communication, Constructivism

Introduction

Cet article présente les résultats d’une étude exploratoire concernant la dynamique de professionnalisation de la communication des médecins généralistes à l’épreuve des plateformes numériques dans le domaine de la santé. Le contexte est celui d’une profonde transformation du système de protection social français, notamment accélérée par la crise du Covid-19. Envisagée dans le double contexte de la mondialisation du marché de la santé (Domin et Rauly, 2019) et de métamorphose silencieuse de la protection sociale (Tabuteau, 2012), cette crise correspond également à l’apparition, dans le code de la sécurité sociale, de sociétés commerciales de téléconsultation1, correspondant à de nouveaux acteurs de santé constitués sous la forme de « société commerciale régie par le code de commerce et ayant pour objet, à titre exclusif ou non exclusif, de proposer une offre médicale de téléconsultations » ayant la possibilité, si elles sont agréées par le Ministère chargé de la sécurité sociale et de la santé, de demander à « l’assurance maladie la prise en charge des actes de téléconsultation réalisés par les médecins qu’elles salarient »2. Cette étude s’inscrit plus généralement dans le cadre des travaux du groupe de recherche transversal « Protection sociale, Résilience et Territoire » (Pro2ReTer), dans une perspective ICCOE (Information Communication and Confidence Organizing Ecosystems) analysant les enjeux de résilience et de solidarité de la protection sociale dans les territoires (Bourret et al., 2023 ; Bourret et Meyer, 2017). Sont analysés les processus de plateformisation des pratiques professionnelles des médecins généralistes, saisis par leurs pratiques communicantes. Le contexte est celui de l’organisation des « territoires de soin numérique », avec l’utilisation des outils (sites internet, plateformes, réseaux, dispositifs socio-techniques, etc.) par les acteurs de santé du territoire (Bourret et Meyer, 2017). La profession de médecin généraliste appartient au secteur de la santé humaine. En ce sens, elle n’est pas considérée comme une profession de la communication (publicité, relations publiques, webmarketing, relation client, etc.). Néanmoins, d’un point de vue info-communicationnel, elle peut être définie comme une profession « (hyper)-communicante » (Bernard, 2015, p. 45), puisque que les médecins généralistes sont engagés dans des rôles sociaux et des processus d’intermédiatisation entre des groupes et des parties prenantes, dont les patients et leur entourage, dans des écosystèmes complexes (territoires de santé numérique). C’est pourquoi l’étude de la professionnalisation des pratiques communicantes de cette catégorie d’acteurs s’avère cruciale pour deux raisons principales. D’une part, les médecins généralistes sont positionnés comme service de santé de première ligne du système de santé français. En effet, dès 2009, la loi Hôpital Patient Santé et Territoire (HPST)3 institue une nouvelle organisation du système de santé français, positionnant le médecin généraliste comme l’acteur essentiel des soins de premier recours, en proximité des patients, de leur entourage et des populations. D’autre part, l’étude de la plateformisation, selon Alloing et al. (2021), des pratiques des médecins généralistes constitue une approche info-communicationnelle de pratiques professionnelles émergentes dans le domaine de la santé qui, bien qu’encore marginales, représentent un enjeu fort de compréhension dans une approche dynamique des mutations du système de protection sociale en cours. Nous proposons donc de mobiliser plusieurs études de cas pour interroger les processus de plateformisation à l’œuvre, concernant les pratiques professionnelles des médecins généralistes, et dans le but d’en proposer une typologie.

  1. Cadre conceptuel et problématique
    1. Le soin communiquant et les nouvelles approches du métier de médecin

Depuis 2002, la déclaration internationale et consensuelle de la WONCA (Evan, 2023), définit la discipline de médecine générale ainsi que les champs d’activités d’exercice de cette profession. Il est ainsi défini que « pour exercer la spécialité, le médecin applique ses compétences dans trois champs d’activité : la démarche clinique, la communication avec les patients, la gestion du cabinet médical »4. Cette dimension communicationnelle de la médecine générale est depuis de nombreuses années l’objet de recherches et de travaux conceptuels en sciences de l’information et de la communication. En effet, cette discipline étudie les pratiques et médiatisations des médecins en tant que professionnels de l’information et de la communication. Les travaux d’Anne Mayère et d’Alexandre Mathieu-Fritz, proposent des approches info-communicationnelles des compétences mobilisées par les professionnels dans le domaine de la santé, dont la médecine.

  1. Le soin : un métier communicationnel

Dans cette perspective, les travaux d’Anne Mayère (2014) ont montré comment les métiers du soin relèvent de la communication. Dans la lignée des travaux de Corbin et Strauss (1985), ces travaux développent une approche de la complexité des interactions entre les praticiens de santé et les patients (Mayère, 2018). Selon cette approche, les médecins et autres professionnels de soins primaires sont amenés à mettre en œuvre une diversité de pratiques de communication organisationnelle, leur permettant de prendre en compte les différentes dimensions que représentent les interactions entre la maladie et le parcours de santé et avec le patient lui-même.

  1. Nouvelles médiatisations à distance : vers un nouveau métier de médecin

Plus récemment, les travaux d’Alexandre Mathieu-Fritz (2021), menés sur le terrain de la téléconsultation mettent l’accent sur l’émergence d’un nouveau métier de médecin (Esterle et al., 2011), dans le contexte des nouveaux artefacts info-communicationnels du secteur de la téléconsultation. Ces travaux abordent en particulier les transformations des relations entre les différents professionnels et avec le patient, insistant sur les nouvelles médiatisations et interactions dont elles sont porteuses, envisagées comme « travail d’articulation ». Nos travaux proposent une analyse des interactions des médecins avec les patients dans le nouveau contexte des « pratiques de soins à distance » (Mathieu-Fritz, 2021, p. 232). Le travail du chercheur soulève la question des paradoxes de ces nouvelles pratiques numériques, notamment depuis la crise du Covid-19. Les pratiques étudiées portent la critique d’une « distanciation physique, sociale et clinique avec les patients », pouvant être assimilée à un « mode dégradé de consultation » (Mathieu-Fritz, 2021, p. 2). Néanmoins, les travaux de Mathieu-Fritz dans le contexte de la santé mentale mettent au jour un phénomène de « distance qui rapproche » en cela qu’elle favoriserait l’expression de soi du patient, concourant ainsi à une relation de soin de confiance (Mathieu-Fritz, 2021, p. 232).

  1. Les pratiques et compétences des médecins généralistes au prisme de la plateformisation

Les plateformes numériques, et plus particulièrement les « géants du numériques » (Gafam, Natu, Batx) sont des entreprises technologiques qui contribuent et/ou qui créent l’« ubérisation » des modes de travail (El Bourkadi, 2021). Elles organisent un phénomène de plateformisation des pratiques et des organisations évoluant dans un contexte de travail plateformisé. Selon Alloing et al., la plateformisation désigne « un processus conduisant des organisations à s’adapter aux modèles des entreprises dominantes (…) par lesquelles elles veulent communiquer avec leurs publics. Cette adaptation nécessite de s’approprier les usages qui découlent de ces modèles » (2021, p. 144). Les régulations dont il est question sont principalement algorithmiques, c’est-à-dire qu’elles permettent la coordination de catégories hétérogènes d’acteurs par l’intermédiaire d’algorithmes (Alloing et al., 2021). Dans le domaine de la protection sociale, la plateformisation des pratiques des professionnels de la santé est un corollaire de la généralisation de l’« État-plateforme » qui désigne la transformation numérique intégrale de l’État (Chevalier, 2018, cité dans Bigot et al., 2021). Il résulte de cette transformation numérique de l’État un renforcement des compétences numériques des administrations publiques dans l’objectif de prendre en charge la gestion des « infrastructures numériques essentielles » via la production d’un cadre de référence et d’intégration, ainsi que l’organisation de processus d’autorisation de nouveaux services et applications numériques pour les citoyens (Chevalier, 2018). Cette volonté du législateur de réaliser une véritable transformation numérique du système de santé n’est pas nouvelle (Ogien, 2009). C’est dans ce cadre général que s’inscrit l’apparition des entreprises de téléconsultation, sous-tendue par les injonctions à une meilleure coopération des professions médicales et paramédicales, et à l’optimisation par la communication de l’accessibilité des services médicaux dans les territoires. Depuis 2009, de profondes modifications législatives ont significativement recomposé l’approche de l’intervention de l’État en matière d’organisation numérique des soins. En France, la numérisation des pratiques et des organisations de santé se sont matérialisées dès 2014 par le programme « Territoire de Soins Numérique »5, suivi en 2017 par le déploiement des Services Numérique d’Appui à la Coordination en santé6, puis en 2019 par une feuille de route 2022 pour « accélérer le virage numérique »7, et plus récemment la Feuille de route du numérique en santé 2023-20278. À cette numérisation des organisations de santé dans les territoires dans le contexte de l’État-plateforme s’ajoute une accélération des pratiques de soins à distance observées lors de la pandémie de Covid-19 (Parrini-Alemanno et al., 2024). Ce contexte conjugué de l’État-plateforme et des nouvelles pratiques médicales à distance induites par l’épidémie de Covid-19 s’avère favorable à la plateformisation des activités médicales (Mathieu-Fritz et Trupia, 2021). Aussi, le système de protection sociale français est confronté à l’apparition des plateformes-entreprises sur le marché des téléconsultations médicales. Certaines de ces entreprises de téléconsultation sont des plateformes de type « multinationales ». Elles se présentent en tant qu’offreurs de santé mondialisés sur le marché de la santé européen, voire mondial, et contribuent à une mondialisation du marché de la santé (Domin et Rauly, 2019). Ces nouvelles dynamiques de transformation de la protection sociale intègrent une dimension géopolitique (Andonova et d’Almeida, 2022) entre les interactions des entreprises de téléconsultation avec les acteurs de la protection sociale. Le système de santé français est donc ambivalent. Il est d’abord un espace d’intelligence économique de construction de la santé des individus et des populations ainsi que de leur cohésion sociale (Carayon, 2003). Il est également un marché mondialisé pour les entreprises de téléconsultation.

Depuis les accords de Marrakech de 19949, les services publics de santé sont mis en concurrence avec des entreprises privées, européennes ou extra-européennes. En 2019, le cabinet de conseil et d’influence McKinsey, intervenant dans le conseil aux administrations publiques françaises, en particulier dans le domaine de la santé10, évaluait pour la France entre 3,7 et 5,4 milliards de dollars la création de valeur associée au développement de la télémédecine11. Dans cette perspective, une offre privée de téléconsultation se structure, à côté de l’offre publique proposée gratuitement aux acteurs de santé par les plateformes régionales de télémédecine, qui en lien avec les Agences Régionales de la Santé ont été pionnières en France dans le développement d’une offre de télémédecine12. Hormis les entreprises et start-up françaises, un des principaux acteurs de cette mise en concurrence est une entreprise de téléconsultation suédoise, créée en 2014, et implantée en France depuis 2018. Cette entreprise a vu son chiffre d’affaires progresser en France de 56% en 2023 à 25,5 millions d’euros, ce qui représente, avec 15 à 20% du chiffre d’affaires total du groupe, le deuxième marché de cette start-up, également implantée au Royaume-Uni et en Norvège13. Cette dimension internationale de l’évolution du système de santé français invite le chercheur constructiviste à poser un regard géopolitique (Andonova et d’Almeida, 2022) équivalent « à l’installation d’une posture géocommunicationnelle attentive à l’interface entre environnement externe et interne, soucieuse de repérer les forces de déstabilisation-restabilisation en présence et les mécanismes d’ajustement mobilisés par les acteurs. » (Andonova et d’Almeida, 2022, p. 174). Par conséquent, il s’agit d’étudier les nouvelles interactions entre une entreprise de téléconsultation suédoise et le modèle organisationnel français de la médecine générale de proximité.

Dès 2019, l’ASIP Santé indiquait que l’offre privée de téléconsultation relevait d’un modèle type BtoC (« business to consumer »), proposant un lien direct entre le patient et son professionnel de santé, ou bien avec la start-up proposant une plateforme de mise en relation14. Depuis 2023, le législateur a introduit la reconnaissance des entreprises de téléconsultation comme des offreurs de santé au même titre que les hôpitaux, les professionnels médicaux et paramédicaux de ville et les dispositifs d’appui à la coordination. En effet l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS)15 pour 2023 prévoit « la régulation de l’offre des sociétés de téléconsultation en leur créant un statut ad-hoc permettant une prise en charge par l’assurance maladie à compter du 1er janvier 2024 ».

La plupart de ces plateformes de téléconsultation proposent des services aux médecins généralistes, néanmoins une minorité de ces plateformes recrutent des médecins généralistes afin d’offrir des services de téléconsultation médicale de premier recours, avec des médecins salariés de ces plateformes. Il s’agit de questionner d’abord les nouvelles « formes de dérégulation » et d’« ubérisation » des pratiques médicales (Mathieu-Fritz, 2021). Il s’agit de questionner, ensuite, les particularités « des tactiques déployées pour faire avec et contre la plateformisation de la communication des organisations » (Alloing et al., 2021. p. 43), conduisant in fine à intensifier la dépendance des acteurs envers ces plateformes. Il s’agit enfin de questionner les formes de professionnalisation des pratiques communicantes des médecins généralistes à l’épreuve des plateformes numériques ; et comment elles coexistent et s’enchevêtrent avec des pratiques de non-communication, de résistance, voire de désintermédiatisation (Andonova, Peirot, El Bourkadi, 2024).

  1. Questionnement de recherche

Partant de ce contexte de transformation numérique de la protection sociale, et de l’apparition des plateformes-entreprises comme nouvel acteur de santé partenaire de l’État-plateforme pour la mise en œuvre des orientations du législateur, nous proposons d’argumenter la thèse selon laquelle il existe un phénomène de plateformisation dans le domaine de la médecine générale et que ce phénomène contribue à une transformation des pratiques et des compétences des médecins généralistes. Notre questionnement est le suivant : comment les plateformes-entreprises transforment les pratiques des médecins généralistes ? Comment les plateformes utilisées contribuent à faire évoluer leur manière de communiquer avec les patients ? Et comment ces transformations introduisent des phénomènes de recherche, de négociation, de conflictualité, voire de résistance des médecins et de leurs organisations représentatives envers les plateformes-entreprises ?

  1. Positionnement constructiviste et méthodologie qualitative
    1. Méthodologie empirico-inductive de type socioconstructiviste

Nous proposons de rendre compte au travers de deux études de cas de situations de communication au sein des organisations de médecine générale dans le contexte des territoires de santé numérique. Notre approche est empirico-inductive de type socioconstructiviste (Mucchielli et Noy, 2005). Elle se traduit par la mise en œuvre principalement d’une recherche participante mobilisant les connaissances des acteurs de terrain, et complétée, lorsqu’il n’était pas possible de participer au terrain, par des observations à partir de documents produits sur le web et les réseaux sociaux par une plateforme de e-santé et de téléconsultation nordique (le nom a été anonymisé). Le positionnement scientifique s’inscrit dans le cadre proposé par J.-L. Le Moigne (2012) selon lequel la connaissance est d’abord un processus de construction de connaissances qui se forme dans l’action, avant d’être un résultat. Cette approche s’inscrit dans une réflexion épistémologique et méthodologique en cours à propos du chercheur intervenant au sein des sciences de l’information et de la communication (Andonova et Foli, 2022 ; Laborde, 2022). Nous proposons d’éclairer l’impact des plateformes-entreprises sur la communication des organisations des médecins généralistes en essayant de lever un peu le voile sur la « face cachée » ou « boîte noire » des organisations (Laborde et Carayol, 2021), de la part invisible de l’activité au travail : non-dits et notamment objectifs non formulés, frustrations, etc., pour donner plus de visibilité (et de reconnaissance) au travail de tous les acteurs (Andonova et Vacher, 2013). Enfin, empruntant aux approches communicationnelles des organisations (Bouillon et Loneux, 2021), en situant cette étude de manière opératoire, pour analyser le phénomène étudié à partir des logiques d’action des acteurs en situation, au niveau local (Bouillon, 2008).

  1. Terrains de recherche et méthodologie

L’étude s’appuie sur deux terrains choisis pour appréhender d’une part les médiatisations et processus organisationnels des médecins salariés des plateformes et d’autre part des médecins libéraux travaillant avec les plateformes. Le premier terrain est mené auprès de médecins généralistes exerçant en cabinet de ville dans une grande agglomération française (cf. Figure n°1), le second terrain est mené à partir d’un projet de podcast mis en œuvre par une société de téléconsultation nordique, implantée en France très récemment.

Approche ethno-organisationnelle permise par une observation participante de 24 mois (de novembre 2019 à novembre 2021) au sein d’un cabinet de médecine générale de ville composé de trois médecins (un titulaire et deux jeunes remplaçants). La mise en œuvre d’une observation participante a été facilitée par mes compétences professionnelles antérieures à mes activités de recherche. Ces compétences professionnelles m’ont donné la possibilité d’effectuer une mission salariée, comme professionnelle de santé publique et de l’organisation des soins à titre expérimental. Cette double posture (chercheuse en SIC et professionnelle de terrain) a facilité la proximité avec le terrain et l’analyse des pratiques de communication du médecin responsable du cabinet et ses jeunes médecins remplaçants, au sein du cabinet d’ancrage principal. Au titre de membre de l’équipe, nous avons participé aux missions d’accueil, de suivi des patients dans le cadre des coopérations avec les autres acteurs d’aide et de soin de l’écosystème du cabinet. Nous avons mis en place des dispositifs de communication tel que la messagerie sécurisée, l’organisation du secrétariat en lien avec la contractualisation avec un prestataire et l’animation de partenariats pour améliorer les interactions avec les acteurs de l’aide et du soin du territoire couvert par le cabinet. À ce titre, je suis intervenue pour développer des projets d’exercice pluridisciplinaire. Cette posture de chef de projet m’a permis de participer à l’ensemble des réunions liées à ce projet et d’établir des liens de confiance avec différents médecins qui m’ont permis d’observer le fonctionnement d’un échantillon de cabinet de médecine générale. Dans ce cadre, a été accompagnée la création d’un lieu de soins de premiers recours dans une zone désertifiée de ce quartier, en lien avec l’Agence Régionale de la Santé, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et le Conseil de l’ordre des médecins. Les observations ont été réalisées dans le cadre d’une immersion dans la culture, les préoccupations et les questionnements d’un groupe de médecins généralistes diversifié : médecins installés et vieillissants, médecins-enseignants, médecins-universitaires engagés pour l’installation des jeunes médecins sur le territoire, jeunes médecins en cours de création d’un cabinet, en cours de thèse ou récemment diplômés, effectuant des remplacements et s’interrogeant sur le travail salarié au sein d’une société de téléconsultation nordique.

Tableau n°1. Méthodologie de la première étude de cas « Travailler avec les plateformes ».

Cette société nordique est une multinationale implantée en France depuis 2018. Sa maison-mère se présente comme positionnée sur le marché européen de la digitalisation des soins, avec une présence dans 30 pays. En France, cette société nordique emploie 600 médecins généralistes et spécialistes qui, selon le site web de l’entreprise, « [interviennent] en complément du canal habituel de prise en charge des patients, notamment lorsque celui-ci n’est pas disponible (surcharge du cabinet du médecin traitant, cabinet fermé, week-end, etc.). (…) 7jours/7, de 7h à minuit via le site web de la société ou via l’application sur smartphone ou tablette »16. Il est apparu assez rapidement que la société de consultation nordique avec qui le médecin remplaçant avait échangé avait une stratégie exclusivement digitale pour le territoire étudié, il n’a pas été possible de tenter de développer une stratégie d’observation participante. A été privilégiée une observation à partir de documents et l’analyse d’un projet de communication induisant la mobilisation de compétences professionnelles de communication dans le secteur de la médecine générale au sein des plateformes. Après une période d’observation des actions de communication menées par cette société nordique, a été privilégiée une étude de l’écosystème de soins numériques mise en œuvre pour le territoire étudié. Une recherche documentaire a été conduite, afin de recueillir des documents produits par les acteurs observés, témoignant des communications de ces derniers dans différentes sphères sociales (documents législatifs et commerciaux, communiqués de presse, communications institutionnelles et économiques, incluant les communications sur les réseaux sociaux professionnels tel que LinkedIn.). Et dans le but de compléter les observations de cet écosystème exclusivement numérique, le cadrage a été élargi à un projet de podcast de cette société nordique. Ce projet de podcast a été abordé comme un espace de médiatisation mobilisant des pratiques visibles de communication avec les éventuels futurs patients/clients des services de téléconsultation de cette société nordique. L’étude des podcasts a été réalisée de juin à octobre 2023. En effet, cette société nordique a produit et diffusé huit épisodes abordant des sujets liés à la prévention en santé et relayés sur les réseaux sociaux et les plateformes d’hébergement de podcasts.

Tableau n°2. Méthodologie de la deuxième étude de cas « Travailler pour les plateformes ».

  1. Résultats
    1. Deux plateformes principales actrices de la plateformisation des pratiques
      1. Une start-up française de prise de rendez-vous et de service de téléconsultation pour les médecins

Une première plateforme identifiée sur les terrains de recherche est une start-up française créée en 2013, définie par la presse française du secteur de l’économie du numérique comme bénéficiant d’un statut de leader sur le marché français17. Elle est également qualifiée de « spécialisée dans la prise de rendez-vous médicaux en ligne et en téléconsultation [qui] promet de réduire ses frais de secrétariat, tout en réduisant le nombre de désistements grâce au rappel de rendez-vous par SMS. Un modèle qui lui a permis de remporter d’importants contrats dans le cadre d’appels d’offres »18. Elle est « utilisée par 60 millions d’Européens pour trouver un professionnel de santé, prendre rendez-vous en ligne, et effectuer des téléconsultations. La plateforme est notamment utilisée par 60 000 médecins libéraux et 250 hôpitaux publics »19.

  1. Une multinationale suédoise de téléconsultation médicale salariant des médecins

La seconde plateforme identifiée est une multinationale suédoise. Implantée en France depuis 2018, elle se définit comme un « offreur de soins complets et de qualité, avec une prise en charge des patients en téléconsultation et en présentiel. Sa maison-mère est le géant Suédois de la téléconsultation qui joue un rôle de premier plan dans la digitalisation des soins à travers l’Europe avec une présence dans plus de 30 pays. Cette entreprise, emploie en France 600 médecins généralistes et spécialistes inscrits à l’Ordre des médecins autour d’un projet médical innovant basé sur la qualité. Elle facilite l’accès aux soins pour tous en intervenant en complément du canal habituel de prise en charge des patients, notamment lorsque celui-ci n’est pas disponible (surcharge du cabinet du médecin traitant, cabinet fermé, week-end, etc.). Ses services sont disponibles 7jours/7, de 7h à minuit via le site web ou via l’application sur smartphone ou tablette »20.

  1. Étude de cas « pratiques en cabinet de ville conventionné avec l’Assurance maladie »

Contexte spatial de la première étude de cas

Figure n°1. Carte des cabinets de médecine générale étudiés.

  1. Une plateformisation émergente des pratiques de médecine générale

Travail plateformisé contraint en contexte de surcharge professionnelle

Situation 1 : recours contraint aux plateformes-entreprises et perte de la maîtrise d’une partie des médiatisations professionnelles.

Dans le cabinet de médecine libérale où j’étais localisée, a été observé le recours à l’externalisation d’une partie de l’activité quotidienne du médecin généraliste, vers une gestion décentralisée par une plateforme-entreprise française proposant des services de gestion de l’agenda médical et de la prise des rendez-vous.

Dans le cabinet de médecine générale au sein duquel j’étais localisée, le médecin gérant du cabinet était confronté à des difficultés organisationnelles, liées à la fois à l’exercice dans une zone urbaine souffrant de désertification médicale et le suivi médical d’une patientèle fortement défavorisée avec des besoins de santé complexes. Ce cabinet disposait également de ressources médicales limitées, dans le sens où le praticien exerçait principalement seul, à temps partiel, avec le recours à des contrats de remplacement avec deux jeunes médecins d’abord en cours de thèse, puis dans la seconde partie de l’observation, diplômés. L’équipe médicale représentait l’équivalent d’un temps plein, dont l’organisation a été stable pendant un peu plus d’un an. C’est dans ce contexte qu’a été observé le recours contraint de ce cabinet à une plateforme de gestion téléphonique des rendez-vous médicaux. Cette externalisation d’une partie de l’activité organisationnelle de ce cabinet a été imposée par l’entreprise prestataire du service de secrétariat téléphonique, car cette entreprise avait un contrat de partenariat avec la plateforme française de gestion des rendez-vous. (restitution de l’observation 1)

Ainsi, bien que l’utilisation d’une plateforme-entreprise française de gestion de rendez-vous n’ait pas relevé d’un choix organisationnel du médecin généraliste, qui aurait souhaité utiliser l’outil de gestion de planning intégré dans son logiciel médical, il s’est imposé comme outil principal du cabinet dans le cadre de la sous-traitance précédemment décrite.

Cette observation montre comment le recours à l’externalisation d’une partie de l’activité quotidienne du médecin généraliste contribue à l’émergence de formes plateformisées de travail en médecine générale. Dans l’exemple ci-dessus, il s’agit d’un travail plateformisé, contraint par une surcharge de travail en désert médical et un exercice individuel qui ne permet pas de dégager les ressources suffisantes pour organiser l’accueil, l’écoute, l’orientation et de gestion de la prise des rendez-vous des patients. Les pratiques déléguées à une plateforme de gestion de rendez-vous concernent les pratiques de premier contact, d’accueil, d’orientation et de gestion de la prise de rendez-vous des patients.

Travail plateformisé choisi en contexte d’optimisation de la gestion des prises de rendez-vous

Situation 2 : recours choisi aux plateformes-entreprises.

Dans une Maison Pluriprofessionnelle de Santé nouvellement installée dans un secteur jusqu’alors dépourvu d’offre médicale, a été observé un recours choisi aux plateformes-entreprises de gestion des prises de rendez-vous.

Dans cette maison de santé pluridisciplinaire, composée de jeunes médecins et d’une équipe importante d’infirmiers libéraux, ainsi que quelques spécialistes. Le projet est né autour d’une démarche de mutualisation de locaux et de projet pluridisciplinaire soutenu par l’Agence Régionale de la Santé et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, dans le but de densifier l’offre médicale de ce secteur jusqu’alors atone. Ce groupe pluridisciplinaire a mis en œuvre une externalisation complète de la fonction de secrétariat, qui relève d’un véritable choix des praticiens offrant différents avantages pour leur organisation. Parmi ces avantages, il a été observé une absence de gestion des ressources humaines et la volonté d’alléger les contraintes administratives (telles que la responsabilité de l’employeur, la gestion des remplacements en cas de congés ou de maladie, etc.). Dans cette situation, la fonction de prise des rendez-vous est complètement externalisée, les patients n’ayant pas de possibilité d’interaction et/ou de partage d’information avec un membre de l’équipe du cabinet de médecine générale. La fonction d’accueil physique et relationnelle directe n’existe plus. On observe également une fonction d’affichage sur Internet de la possibilité de la prise de rendez-vous en ligne, destinée à renforcer la visibilité de l’offre de service médical, correspondant aux pratiques de recherche des patients sur Internet (site web médical, interface web de la plateforme française de prise de rendez-vous, Google Maps et son système de recommandations). (restitution de l’observation 2)

Dans les autres cabinets utilisant la plateforme de gestion des rendez-vous, la stratégie d’une externalisation complète de la fonction d’accueil, d’écoute, d’orientation et de gestion de la prise des rendez-vous est assumée et relève d’un véritable choix des praticiens offrant différents avantages pour leurs organisations. Parmi lesquels on identifie l’absence de gestion des ressources humaines et un allègement des contraintes administratives (telles que la responsabilité de l’employeur, la gestion des remplacements en cas de congés ou de maladie, etc.). Dans ces cas de figure, la fonction de prise des rendez-vous est complètement externalisée, les patients n’ayant pas de possibilité d’interaction et/ou de partage d’information avec un membre de l’équipe du cabinet de médecine générale. La fonction d’accueil physique et relationnelle directe n’existe plus, elle est entièrement plateformisée.

Le travail [presque] sans les plateformes : enjeu de résistance à la désintermédiatisation numérique

Situation 3 : Professionnalisation des médiatisations « directement liées avec la maladie » et utilisation très partielle des plateformes-entreprises.

Les observations ont permis d’identifier d’autres cabinets de médecine générale au sein desquels les médecins généralistes organisent leurs communications et interactions avec les patients avec un recours gradué et adapté aux plateformes-entreprises, en fonction des spécificités organisationnelles des cabinets.

Dans un cabinet regroupant plusieurs médecins généralistes, on observe une communication organisée majoritairement sans le recours aux services des plateformes-entreprises de téléconsultation ou bien de gestion des prises de rendez-vous. Ce cabinet satisfaisant tout de même à des critères de qualité communicationnelle aussi bien en matière de coordination pluriprofessionnelle, que de partage sécurisé des informations, de prise de rendez-vous, d’information, d’orientation du patient et de prévention primaire et secondaire (vaccins, réduction du tabagisme, etc.). Ici, la fonction d’externalisation des prises de rendez-vous via le recours à une plateforme téléphonique ne fait pas partie des processus d’accueil et d’orientation des médecins généralistes du cabinet. Ce cabinet de médecine générale s’organise avec un primat donné aux suivis séquentiels des patients, lors de consultation en présentiel en cabinet. (restitution des observations 3)

L’espace du cabinet de médecine générale (en-dehors des cabinets de consultation) est donc un espace physique ouvert, et constitue en cela une plateforme au sens de hub, où les différents acteurs se croisent, échangent, se rencontrent et peuvent interagir tout au long de la journée.

La fonction de secrétariat est un élément organisationnel important du cabinet comme organisation communicante. Le secrétariat est ouvert de 8h30 à 17h00 et organise les communications, ainsi que la circulation des informations avec une grande diversité d’acteurs. Il s’agit tout à la fois des relations téléphoniques et des échanges à la borne d’accueil avec les patients et leurs aidants, que de l’assistance au transfert d’informations entre les médecins et les pharmaciens, les infirmières ainsi que les services d’aide à domicile.

L’accueil de ce cabinet médical est un véritable carrefour, où se succède quotidiennement, en fonction des heures de la journée, les différents intervenants participant au maintien à domicile des personnes malades et/ou âgées. Développement de coopérations avec le cabinet de soins infirmiers, se situant dans les locaux du cabinet de médecine générale et proposant des services de soins primaires de proximité, tel que les vaccinations saisonnières de grippe, COVID-19.

Une part importante de mise en lien des professionnels de ce cabinet est invisible et relève de la connaissance interprofessionnelle et de l’inscription dans des filières de santé pour le territoire de cette métropole. Il s’agit par exemple de l’accueil de stagiaires en médecine générale, l’organisation régulière de groupe de pairs, et la formation continue avec des professionnels de seconde ligne dans le cadre d’un travail de coordination entre services de premier et de second recours en soins primaires. (restitution des observations 4)

On observe tout de même deux usages de services de la plateforme-entreprise française de gestion des rendez-vous, qui revêt donc un usage très limité et une primauté du cadrage relationnel aux médiatisations en présentiel.

Un médecin remplaçant utilise la plateforme française de prise de rendez-vous pour la prise de rendez-vous, en plus de la possibilité d’une prise de rendez-vous par le secrétariat du cabinet ; les autres médecins n’étant pas présents sur le site de prise de rendez-vous en ligne, le passage par le secrétariat est donc imposé aux patients.

Ensuite, le secrétariat, composé de deux secrétaires salariées du cabinet de groupe, utilise un système de rappel des rendez-vous mis en place à partir du logiciel médical d’une plateforme française de prise de rendez-vous. Ainsi, les patients reçoivent un SMS de rappel des rendez-vous via l’application de la plateforme française de prise de rendez-vous, même si ces derniers ne sont pas eux-mêmes inscrits sur le site. Précisant qu’il n’est pas possible de prendre rendez-vous en ligne directement via cette plateforme française de gestion des rendez-vous. Le passage par le secrétariat est obligé. Ce qui s’explique probablement en partie par le fait que le cabinet de groupe a atteint son nombre maximum de patients et que de ce fait, il y a une exigence de maîtrise du processus de prises de rendez-vous, qui est ouvert uniquement pour les patients ayant déjà un médecin-traitant au sein du cabinet. (restitution des observations 5)

  1. Le travail avec les plateformes : tactiques des négociations avec les normes algorithmiques

Situation 4 : prémisse d’une appropriation des enjeux informationnels à l’épreuve des plateformes.

Dans le cadre de recherches effectuées à travers des missions réalisées pour le cabinet de médecine générale, a été réalisée une étude de la façon dont il était possible d’utiliser la plateforme française de gestion de rendez-vous, utilisée par les cabinets du territoire, dans une perspective de facilitation de l’accès aux plages de rendez-vous pour les patients sans médecin traitant.

Ces recherches à visée professionnelle ont mis au jour un processus naissant d’appropriation des enjeux de délégation et de subordination d’une partie des activités communicationnelles des médecins libéraux aux standards et modèles (idéologiques, économiques, techniques, etc.) de la plateforme de prise de rendez-vous en ligne. Les observations indirectes réalisées sur le forum de cette plateforme montrent que cette dernière utilise un algorithme d’affichage aux patients des plages de rendez-vous disponibles.

Dans les échanges qui ont pu être observés, les médecins décrivaient le mécanisme algorithmique de la plateforme-entreprise française de gestion de rendez-vous. Cette plateforme propose un service d’affichage des rendez-vous, avec des règles et priorisation de la typologie des rendez-vous qui sont communiqués préférentiellement aux patients utilisateurs de la plateforme. Comme le montrent les observations ci-dessous, la plateforme déploie un ensemble de prescriptions, de contraintes d’usage et de récompenses (rendez-vous pleins, succès de l’organisation de soins non-programmés) et de sanctions (absence d’efficacité de l’organisation de la permanence des soins mise en œuvre par les médecins généralistes, plages de consultation vides).

Ci-dessous, la figure 2 montre que les médecins généralistes se rendent compte par une pratique réflexive de la plateforme française de prise de rendez-vous en ligne, ou bien par la lecture des retours d’expérience et revendications de leurs collègues présents dans la communauté en ligne de cette même plateforme-entreprise française, qu’ils ne sont pas maîtres de l’affichage des plages de rendez-vous, mais bien subordonnés aux standards de la plateforme-entreprise. (restitution de l’observation 6)

Figure n°2. Capture d’écran en date de 2023 du forum de la communauté des médecins utilisateurs de la plateforme sur le thème de discussion « nouveau motifs de consultation et algorithme programmé »

Ci-dessous, la figure 3, montre qu’il s’agit désormais pour ces médecins, non pas de faire sans la plateforme, mais de faire avec les modèles et standards imposés, tout en essayant de faire différemment pour obtenir les résultats visés en termes d’organisation médicale et gagner en maîtrise sur les actions de communication de leurs organisations de médecine générale.

Ces modes de calcul algorithmique et leurs éventuelles évolutions, conduisent les médecins généralistes, en réaction, à s’adapter, en changeant leurs modes d’utilisation de la plateforme et par conséquent en développant de nouvelles pratiques info-communicationnelles, témoignant en creux d’une appropriation naissante des enjeux d’une professionnalisation du travail avec les plateformes.

Figure n°3. Capture d’écran sur le forum de la plateforme-entreprise.

Dans cet exemple, il s’agit pour ces médecins, non pas de faire sans la plateforme, mais de faire avec les modèles et standards imposés, tout en essayant de faire différemment pour obtenir les résultats visés en termes d’organisation médicale et gagner en maîtrise sur les pratiques déléguées à la plateforme de gestion des rendez-vous, en particulier pour satisfaire aux exigences et éthiques de la profession concernant l’accès aux soins et aux consultations de permanence des soins.

  1. Étude de cas : pratiques à distance au sein de plateformes de téléconsultation à but lucratif

Contexte spatial de la situation de communication

Comme indiqué sur le site web de la société, l’objectif du projet médical affiché par la plateforme-entreprise nordique de e-santé et de téléconsultation est celui d’une « activité médicale à distance », ce qui explique l’absence de lieux de soin localisés dans le territoire étudié. Il est observé une stratégie d’ouverture de lieux de soin, plutôt récente, car on observe que dans de grands centres urbains, cette plateforme-entreprise installe des centres de santé privés à but lucratif, à partir desquels se développent les services de téléconsultation s’adressant à des populations vivant dans des territoires fragiles et atones. Il y a donc une absence de corrélation entre les lieux d’accueil en présentiel et les téléconsultations proposées.

Figure n°4. Centres de santé à but lucratif de la plateforme-entreprise nordique (auteur).

Il est également intéressant de préciser que l’on retrouve ici une illustration de la stratégie du projet médical de cette plateforme et de son entreprise-mère. Une communication recueillie dans le cadre des activités discursives de cette société sur le réseau social LinkedIn, permet de préciser la terminologie d’« activité médicale à distance » affichée sur le site web.

Selon un communiqué de presse du 27 janvier 2022 diffusé sur le site Internet de cette plateforme-entreprise nordique, « ces nouvelles structures de proximité apporteront une offre de soins digi-physique innovante apportant une réponse pluriprofessionnelle aux besoins de santé de la population (consultations de médecins généralistes, de spécialistes, et d’autres professionnels de santé) ».

Cette terminologie de digi-physique est également retrouvée dans d’autres communications diffusées sur les réseaux sociaux. Ainsi, l’objectif affiché par la maison-mère est « de prendre soin de tous les patients (…) numériquement lorsque cela est possible et physiquement en cas de besoin ». En réponse à cette communication institutionnelle, le médecin spécialiste de santé publique, directeur médical de cette entreprise en France a précisé que « l’offre de soins digi-physique autour de centres de santé constitue un potentiel énorme en regard des nécessaires coopérations professionnelles, des complexités de gestion et surtout des aspirations des professionnels de santé ». Toujours selon cet acteur il s’agit d’« une des réponses au virage ambulatoire et domiciliaire qui mérite d’être pensée dans l’adaptation de la ville comme lieu de soin ». (restitution des observation 7)

Les médecins généralistes salariés de la plateforme-entreprise se rassemblent tous autour d’un « projet médical innovant », qui est celui de la plateforme-entreprise nordique et non plus d’un cabinet de proximité implanté dans un territoire spécifique et porteur de mission de service public de santé. En conséquence, les pratiques info-communicationnelles relatives à l’organisation de l’accueil, du secrétariat téléphonique et de la gestion des rendez-vous disparaissent pour laisser place à une application mobile.

Le travail pour les plateformes : délégation complète des pratiques d’accueil, d’écoute et d’orientation

Situation 6 : délégation complète des pratiques info-communicationnelles et processus de médiatisation des médecins généralistes.

Les médiatisations de cet acteur, exclusivement déployées dans le contexte de consultation à distance s’inscrivent dans une délégation complète des activités de médiatisation et d’intermédiatisation décrites dans l’étude de cas n°1.

Dans le cadre du salariat au sein de la plateforme, les activités de téléconsultation en médecine générale se structurent autour de la notion de mobilité et d’accessibilité numérique via différentes modalités applicatives, accessibles depuis l’ordinateur, la tablette ou le smartphone. Ainsi, les médecins s’intègrent dans un environnement organisationnel caractérisé par une modularité applicative. Ce qui permet d’articuler différents acteurs, systèmes techniques et algorithmes.

Par exemple, l’application ADEL est présentée comme un « assistant digital » d’un groupe de cliniques privées, proposant « une application mobile qui offre à ses utilisateurs des services et fonctionnalités permettant de simplifier bon nombre de démarches liées à leur santé ». L’application propose l’accès « à un service de téléconsultations via [l’entreprise] », la prise de rendez-vous en ligne auprès des médecins spécialistes des cliniques privées partenaires, l’organisation des soins infirmiers à domicile, une carte interactive des services d’Urgences ou de Soins non-programmés du groupe des cliniques privées partenaires, d’un service de paiement en ligne sécurisé des factures et enfin, d’un accès au service « Veiller sur mes parents » de La Poste. (restitution de l’observation 8)

Les pratiques et compétences communicantes des médecins généralistes sont donc intégrées au sein d’une organisation productive et économique tierce. La notion de cabinet médical comme une unité organisationnelle propre, disparaît pour considérer l’activité de médecine générale, comme un des modules applicatifs parmi d’autres. C’est donc une vision de la santé d’abord numérique qui est ici proposée, avec une perspective envisagée de subordination des médecins généralistes à au moins un algorithme.

Les observations réalisées n’ont pas permis d’identifier de forum de discussion mis à disposition des médecins généralistes par l’entreprise de téléconsultation. Il n’est donc pas possible de dire si cette plateforme-entreprise utilise un algorithme pour prioriser les rendez-vous ou pour adapter l’offre de médecins aux patients sollicitant un service de la plateforme.

Par conséquent, les activités de communication observées semblent procéder exclusivement d’une communication directe entre la plateforme-entreprise nordique et les patients et publics ciblés. C’est dans ce cadre qu’il a été observé de nouvelles logiques de médiatisation et de nouvelles activités communicantes en santé numérique à partir du projet de podcast diffusé par cette plateforme-entreprise.

Les pratiques de prévention en santé sur les plateformes : émergence d’une forme de régulation algorithmique21 de la prévention primaire et secondaire en santé des individus

Concernant la dimension de la gestion par les algorithmes, la plateforme-entreprise développe également une stratégie d’utilisation d’algorithme pour le dépistage de risque de maladie cardiovasculaire et l’orientation vers un médecin généraliste en seconde intention. L’organisation déployée « permet de détecter et d’analyser les facteurs de risques cardiovasculaires et d’identifier les comportements susceptibles d’impacter ces risques : alimentation, activité physique, sommeil, stress, sédentarité, Indice de Masse Corporelle, consommation d’alcool ou de tabac » ; elle « fait appel au meilleur des nouvelles technologies, et les algorithmes d’évaluation des risques, ainsi que les contenus et les restitutions, ont été conçus et validés avec un Comité Scientifique composé de médecins experts ». Le projet, initié en 2022, souhaite promouvoir « une nouvelle approche de la prévention santé » et « vise à établir un lien étroit entre la prévention et les soins pour une meilleure prise en charge ». Ce projet est décrit dans une plaquette d’information d’une assurance santé complémentaire qui indique que « pour déployer ce dispositif digital et humain intégrant l’intervention d’un professionnel de santé, la complémentaire santé, qui s’est associée à un groupement de pharmaciens indépendants, et à la plateforme-entreprise nordique de téléconsultation ». (restitution de l’observation 9)

La plateforme-entreprise développe également une stratégie d’utilisation d’algorithme pour le dépistage de risque de maladie cardiovasculaire et l’orientation vers un médecin généraliste en seconde intention.

L’organisation déployée « permet de détecter et d’analyser les facteurs de risques cardiovasculaires et d’identifier les comportements susceptibles d’impacter ces risques : alimentation, activité physique, sommeil, stress, sédentarité, Indice de Masse Corporelle, consommation d’alcool ou de tabac » ; elle « fait appel au meilleur des nouvelles technologies, et les algorithmes d’évaluation des risques, ainsi que les contenus et les restitutions, ont été conçus et validés avec un Comité Scientifique composé de médecins experts ». Le projet intitulé « Mon Bilan Cardio : une nouvelle approche de la prévention santé », initié en 2022, en est une illustration de mise en œuvre pratique. Ce projet est décrit dans une plaquette d’information d’un groupe d’assurance, qui indique que « pour déployer ce dispositif digital et humain intégrant l’intervention d’un professionnel de santé, le groupe d’assurance s’est associé à un groupement de pharmaciens indépendants particulièrement investi dans la mise en œuvre d’actions de prévention, et à une plateforme de téléconsultation suédoise, l’un des acteurs majeurs de téléconsultation ». Selon la Directrice Santé de ce groupe d’assurance, « l’offre de soins est face à des enjeux de coordination des acteurs et d’intégration de nouvelles technologies. Mon Bilan Cardio illustre la volonté de cette compagnie d’assurance de développer des solutions personnalisées pour un accompagnement global de ses assurés dans leurs parcours de santé. Cette transformation, déjà engagée au sein du Groupe, vise à établir un lien étroit entre la prévention et les soins pour une meilleure prise en charge ». (restitution de l’observation 10)

Au final, tout comme l’utilisation des algorithmes par la plateforme de gestion des rendez-vous, abordée ci-dessus, il est possible de mettre au jour un phénomène de subordination des médecins généralistes à au moins un algorithme. C’est donc une vision de la santé d’abord numérique qui est ici proposée, qui peut dans un second temps solliciter le recours d’un médecin généraliste.

Stratégie de désintermédiation médicale : nouvelles pratiques de communication en santé

L’observation des acteurs de ces podcasts permet de faire émerger trois nouvelles figures de la santé numérique spécifiques aux plateformes-entreprises de santé : l’entreprise productrice de podcast, le médecin professionnel de la communication et animateur de podcast, et l’influenceur comme nouvelle figure numérique du patient.

Émergence de la figure du médecin généraliste professionnel de la communication et animateur de podcast

Ce podcast s’inscrit dans un écosystème plus large, dont l’analyse permet d’identifier certains acteurs engagés dans la digitalisation des services d’aide ou de soins dans une logique à visée marchande, corrélée aux logiques d’influence sur les réseaux sociaux.

Le podcast dont il est ici question est produit par une société spécialisée dans la production de podcasts qui définit sur son site son activité comme une « agence podcast » qui « imagine, crée et distribue des expériences audios pour les marques et les entreprises » avec le slogan. Le projet de podcast correspond donc à une stratégie de communication marchande à visée de promotion et de mise en visibilité de la plateforme-entreprise, associée à la construction d’une image de marque. (restitution de l’observation 11)

Situation 7 : plateformisation des pratiques de médiatisations en prévention primaire.

Comme le tableau ci-dessous le montre, les thèmes des podcasts concernent majoritairement un public féminin, et des problématiques de santé pour lesquelles il est difficile d’avoir accès à des soins : gynécologie, psychiatrie et soin des enfants. Ces podcasts sont diffusés sur au moins six plateformes d’hébergement de podcasts.

Intitulé du Podcast

Date

« Invité » du podcast

Durée

BURN-OUT : « J’ai voulu mourir pour ne plus avoir à aller au travail »

02.10.2023

Jeune femme ayant vécu un burnout et ayant fait une tentative de suicide dans le cadre d’une dépression sévère

53’58’’

TDAH : « Ce diagnostic a expliqué toute ma vie »

18.09.2023

Papa de deux enfants porteurs d’un TDAH, diagnostiqué tardivement à l’âge adulte, suite au diagnostic d’un de ses enfants

38’54’’

ENDOMéTRIOSE : « J’ai appris à anticiper ma douleur »

04.09.2023

Jeune femme vivant avec une endométriose, avec un parcours de deux opérations, et de multiples traitements hormonaux

56’58’’

ANOREXIE MENTALE : « Chaque plaisir me provoquait une sensation de brûlure dans le corps »

17.07.2023

Jeune femme de 27 ans qui, après dix ans d’anorexie mentale, décide de suivre une thérapie

51’11’’

DÉPRESSION POST-PARTUM : « Je me dis qu’ils seront mieux sans moi »

03.07.2023

Infirmière pédiatre experte en maternité ayant eu une dépression à la naissance d’un premier enfant

36’26’’

VIH : « À 21 ans, j’ai appris que j’étais séropositif »

19.06.2023

Jeune homme de 21 ans vivant au Canada, suivi par un médecin français lui demande alors de rentrer en urgence en France

37’33’’

ALOPÉCIE : « Une touffe de cheveux m’est restée dans la main »

05.06.2023

Femme active et maman d’enfants en bas âge, qui décide d’ignorer sa maladie, et les traitements qui vont avec

46’02’’

Tableau n°3. Tableau récapitulatif des podcasts en prévention primaire de la plateforme-entreprise de téléconsultation

Cette nouvelle figure du médecin communiquant et salarié des plateformes de téléconsultation se veut incarner une nouvelle image du médecin généraliste des plateformes-entreprises de téléconsultation, qui serait doté d’une plus grande empathie que les médecins exerçant dans un cadre hospitalier ou en cabinet libéral de ville. Les nouvelles compétences dont il est question sont présentées comme ayant un attrait particulier pour l’écoute des autres, le relationnel ainsi que les questions de santé mentale et/ou psychologique. Cette question d’une écoute plus empathique des médecins téléconsultants est d’ailleurs un axe important de la communication de la plateforme-entreprise, via ce projet de podcast.

La figure du médecin-communiquant animateur de podcast est la figure principale de ce projet de podcast. Ce médecin est à la fois le porteur du projet de podcast et l’animateur principal, puisqu’il est présent pour l’ensemble des podcasts et interviewe le patient invité, parfois avec d’autres médecins intervenants. Son rôle est de médiatiser l’expérience des patients invités. (restitution de l’observation 12)

Cette figure du médecin professionnel de la communication et animateur de podcast s’inscrit dans une dynamique plus large d’animation de podcasts sur la thématique santé, comme un élément d’un discours plus large au sujet de plateformes de téléconsultation empathiques. En effet, ce podcast entend mettre en scène la manière dont les pratiques de communication à distance seraient plus axées sur l’empathie et l’écoute de l’intimité des patients, que les consultations en cabinet de médecine générale, en face-à-face. Il s’agit de chercher à légitimer la qualité des compétences en communication des médecins des plateformes. Les compétences des médecins de cette plateforme sont présentées comme dotées de plus d’empathie que les autres médecins, de par leur exercice médiatisé par les écrans. Cette argumentation est observée dans différents éléments discursifs, présents dans la presse et sur les réseaux sociaux.

Il s’agit aussi d’établir un lien de confiance, de confidence, voire d’intimité, entre les patients éventuels et la plateforme de téléconsultation.

Cette stratégie d’action de la plateforme de téléconsultation est observée sur les réseaux sociaux et dans des articles de presse. L’argumentaire dont il est question s’appuie soit sur la référence à des articles de médecins, parus dans des revues, soit sur l’expression d’une opinion partagée à des journalistes. Il s’effectue en deux temps.

Dans un premier temps, il s’agit de remettre en cause l’empathie des pratiques médicales en présentiel. à cette fin, est utilisé un argumentaire prenant la forme d’un retour d’expérience de médecin-animateur de podcasts. Il est expliqué que « dans plusieurs épisodes [du podcast], il est parfois décrit par les patients un manque d’empathie voire une certaine agressivité de la part de certains médecins. En faisant quelques recherches sur l’empathie et les compétences en communication des médecins, [il résulte qu’un] stress majeur chez les étudiants en médecine [est] une cause importante à prendre en considération dans la baisse de l’empathie ».22

Une fois ce discours de remise en question exposé, il s’agit dans un second temps de présenter les compétences médicales à distance, effectuées par l’intermédiaire des plateformes, comme plus empathiques. En effet, on peut lire dans une interview donnée à la presse et reprise dans une thèse en médecine générale en 2020, que « [la pratique médicale à distance] peut être une interface d’écran intéressante pour évoquer des sujets intimes. Ainsi, (…) la télémédecine traite notamment certaines pathologies dont le patient hésite à parler (MST, troubles érectiles…). L’utilisation parcimonieuse de l’informatique [est] donc un moyen de diminuer la gêne face au médecin, plus anonyme qu’une consultation classique de médecine générale, globale et centrée patient »23 (restitution de l’observation 13)

Émergence de la figure du patient-influenceur des plateformes de téléconsultation

La communication autour du podcast réalisé par la plateforme-entreprise nordique de téléconsultation indique que les « thématiques [seront] explorées, avec pour certaines pathologies le témoignage de personnalités de la scène musicale ou du Web ». Les patients invités par le médecin animateur de podcast sont des personnalités, dans le sens où elles assurent pour la plupart d’entre elles, des activités d’influenceurs sur les réseaux sociaux, à l’instar principalement d’Instagram. à titre d’exemple, une patiente invitée pour partager une expérience d’errance diagnostic d’endométriose est également une influenceuse sur les réseaux sociaux Instagram et TikTok, ayant différentes collaborations commerciales avec des entreprises de décoration d’intérieur, d’habillement ou de prestation de voyage touristique. Une autre patiente ayant témoigné de son parcours difficile avec le diabète de type 1 est également créatrice d’une marque de vêtements et d’accessoires adaptés au mode de vie des patients atteints de diabète de type 1. Les liens des sites commerciaux ou bien des réseaux sociaux sont à chaque fois disponibles sur la fiche descriptive du podcast.

Ces personnalités peuvent aussi être dans d’autres cas, plus rares, des médecins ayant une activité artistique, souvent en lien avec la création de contenus, par exemple musicaux dans le cas d’un récent podcast. (restitution de l’observation 14)

Situation 8 : résistance et conflits liés aux nouvelles formes de médiatisation utilisant les plateformes en médecine générale.

Ces observations montrent que, derrière une apparence de pratiques de communication orientées vers « la vie quotidienne avec la maladie », les modes de médiatisation en santé de la plateforme-entreprise nordique de téléconsultation s’inscrivent plutôt dans l’écosystème info-communicationnel des plateformes. Une attention très particulière est portée à l’économie de l’attention, la notoriété des influenceurs sur les réseaux sociaux, la création d’une marque à partir d’une image d’écoute et d’empathie, afin de consolider des parts de marché, en particulier auprès des femmes, qui représentent 68 % des téléconsultations réalisées par cette plateforme-entreprise (données d’activité communiquées par la plateforme).

  1. Esquisse d’un modèle politique de desorganizing des plateformes-entreprises de téléconsultation

Remise en cause de la déontologie médicale relative à l’interdiction de publicité

Les observations présentées ci-dessous relatives aux nouvelles pratiques communicationnelles des plateformes interrogent sur le sens donné à la professionnalisation des pratiques au sein des plateformes en santé. Elles sont particulièrement éloignées des pratiques et médiatisations observées dans la première étude de cas. Et pose également la question de leur caractère marchand, alors que la communication marchande à des fins de publicité est interdite pour les médecins généralistes. En effet, le code de la Santé Publique (CSP) et le Code de Déontologie Médicale encadrent la publicité des médecins en France. L’article R. 4127-19 du CSP stipule que « la publicité directe auprès du public est interdite afin d’éviter toute pratique commerciale déloyale et de préserver l’intégrité de la profession médicale ».

Remise en cause de l’exercice libéral au profit du salariat au sein des plateformes-entreprises ?

Quelques observations, menées dans le cadre de cette recherche, semblent mettre au jour l’existence de formes de désengagement des jeunes médecins généralistes pour l’exercice classique en cabinet de médecine générale, au profit d’un travail salarié. Ces observations, bien que préliminaires, mériteraient d’être approfondies pour en mesurer l’importance ou au contraire la marginalité.

Un jeune médecin remplaçant d’un des médecins généralistes du territoire étudié, a exprimé un questionnement concernant son avenir professionnel et ses aspirations, l’installation et la gestion d’un cabinet de médecine générale lui semblant lourde à envisager. Ce jeune médecin était intéressé par le renouvellement des formes de travail proposé par une plateforme-entreprise nordique de téléconsultation, offrant un exercice salarié et à temps partiel. Ce mode d’exercice semblait correspondre à certaines des aspirations de ce jeune médecin, qui se le représentait comme une opportunité de réduction des charges administratives de la gestion d’un cabinet, et favorisant ainsi un lien direct avec la demande des patients.

Devant cette situation, une logique de rivalité s’est exprimée lorsque ce jeune médecin a demandé conseil aux médecins de la maison de santé universitaire. Devant cette situation, les médecins ont donné comme conseil de ne pas s’engager dans l’option du salariat pour une plateforme-entreprise. L’explication portait sur le caractère illégal de l’activité de cette plateforme-entreprise de téléconsultation, proposant des consultations médicales sur toute la France, ne constituant aucunement la prolongation d’une activité d’un cabinet physique exercée par des praticiens au sein d’un territoire de santé. (restitution de l’observation 15)

Ces observations invitent à interroger la plateformisation des écosystèmes de santé comme un processus traversé par des aspirations de certains médecins salariés des plateformes à un renouvellement des formes de travail, leur permettant un exercice salarié, s’inscrivant dans une logique de désintermédiation de leurs pratiques (avec les logiques intentionnelles et administratives de la médecine générale) dans un lien direct avec la demande des patients. L’observation de ces aspirations au sein de l’un de nos terrains d’étude interroge la volonté de certains médecins de s’inscrire dans d’autres cadres alternatifs aux cadres normatifs du système de santé français. Ces médecins semblent accorder la primauté à l’exercice salarié en plateforme-entreprise. Pour ces praticiens, cette nouvelle modalité d’exercice répond à la recherche d’un cadre de travail plus facilitant tout en leur donnant accès à de nouvelles approches de la proximité relationnelle. Les plateformes-entreprises correspondraient, selon des observations préliminaires, à de nouvelles formes de travail en médecine générale. Le désengagement porte sur l’exercice en libéral, l’installation dans un lieu physique.

Remise en cause du rôle des institutions représentatives des médecins généralistes

Une deuxième observation éclaire la dimension plus politique de la plateformisation, dans le contexte de la métamorphose de la protection sociale

Une remise en cause de l’organisation des soins du système français par la plateforme de santé nordique s’est fait également jour lorsqu’en septembre 2023, le directeur médical de la plateforme de téléconsultation relayait sur un réseau social professionnel un article du 18 août 2023, de France 3 Région, intitulé « L’ordre des médecins refuse l’installation d’un généraliste, le maire de la commune est en colère : "le système administratif pollue la santé" »24 avec le commentaire suivant : « Quand la frontière entre ordre et désordre s’estompe avec un art consommé de la concertation ». L’article concernait plus précisément la mise en place d’une maison de santé pluridisciplinaire en milieu rural et, étant un désert médical, avec une photo typique d’une structure d’exercice regroupé, comme promue ces dernières années par le législateur et les collectivités territoriales comme solution aux déserts médicaux. (restitution de l’observation 16)

Cette publication sur les réseaux sociaux, prise à titre d’exemple, illustre une opposition discursive entre ce qui serait la plateformisation numérique des pratiques en médecine générale (comme nouvel ordre), dont seraient garantes les plateformes-entreprises à l’instar de cette plateforme suédoise, opposées au Conseil de l’Ordre des Médecins qui défendrait au contraire une rationalisation des organisations, qui aboutirait à des dysfonctionnements (désordre).

  1. Discussion
    1. Une plateformisation émergente des pratiques des médecins généralistes

Les résultats mettent en évidence l’existence de logiques de plateformisation des activités de communication en médecine générale, qui sont sous-tendues tant par la recherche d’une rentabilité financière, que par une plus grande automatisation des communications avec les patients. L’environnement de travail dans son ensemble est impacté par des processus de plateformisation induisant d’importantes transformations des pratiques info-communicationnelles des médecins généralistes. Les communications avec les patients sont également transformées de par le « virage numérique » qui correspond dans bien des situations à l’émergence de nouveaux espaces de travail plateformisés et subordonnés aux plateformes, déplaçant une communication axée sur le « soin communiquant » vers des rapports de production socioéconomique.

En fonction des situations de communication et des logiques d’action des acteurs, les logiques observées relèvent, d’une part, de la dépendance aux prescriptions des plateformes-entreprises, de modes de régulation algorithmique et de la subordination partielle ou complète de fonctions communicationnelles des cabinets de médecine générale ; et d’autre part, de l’adaptation aux modèles des entreprises dominantes.

  1. Généralisation des résultats

Les résultats de cette recherche mettent au jour le phénomène émergent de la plateformisation des métiers et pratiques de la médecine générale. Ces résultats sont généralisables, puisque les plateformes de téléconsultation induisant la plateformisation des pratiques et des compétences sont des entreprises mondialisées, impactant donc les systèmes de protection sociale de différents pays.

  1. Identification d’une typologie des processus de plateformisation

Dans un premier temps, les résultats mettent en évidence une plateformisation à géométrie variable, selon les formes de pratique des médecins généralistes observés. Ce constat amène à proposer une typologie des pratiques plateformisées et figure du médecin généraliste associé :

  1. Pour une première catégorie de médecins généralistes libéraux, la plateformisation des pratiques et des compétences est encore inexistante, le recours aux plateformes-entreprises en santé s’avère encore très peu développé. Pour cette catégorie d’acteurs, il n’a pas été mis en évidence de plateformisation des pratiques communicantes en médecine générale ;
  2. Pour une deuxième catégorie de médecins généralistes, les résultats mettent en évidence des formes de plateformisation émergente des pratiques médicales en matière d’accueil, d’écoute, d’orientation et de prise de rendez-vous. Cette plateformisation se caractérise par :
    • la délégation des pratiques et compétences d’écoute téléphonique et de triage des patients, le recours à des services de standard téléphonique et de télésecrétariat proposé par des plateformes de gestion de rendez-vous ;
    • la généralisation d’un modèle technique « produisant des fonctionnalités standardisées qui s’insèrent dans d’autres dispositifs » (Helmond, 2015, cité dans Alloing et al., 2021, p. 144), en l’occurrence le cabinet de médecine générale ;
    • la mise en place de logiques de dépendance et de tension des médecins généralistes vis-à-vis des plateformes, concernant la gestion algorithmique des plateformes de prise de rendez-vous. En effet, les résultats documentent comment ces modèles algorithmiques, sans être dominants, commencent à impacter significativement la stratégie des médecins généralistes, à l’exemple des stratégies collectives de permanence des soins ;
    • la mise en place de tactiques pour contourner la logique algorithmique de la plateforme et gagner en maîtrise concernant les plages de consultation affichées en première attention. L’existence de ces tactiques montre comment les modèles des plateformes tendent à devenir dominants et à guider les stratégies des acteurs ;
  3. Une troisième catégorie est celle des médecins généralistes salariés des plateformes de téléconsultation, dont le nombre est très faible à ce jour (0,3 % des médecins, soit 600 médecins français). Pour cette troisième catégorie de médecins généralistes, les résultats mettent en évidence la plateformisation des pratiques communicantes. D’un point de vue technique, le salariat des médecins par les plateformes elles-mêmes aboutit à un phénomène d’élargissement conséquent des pratiques médicales déléguées à la plateforme. Il s’agit des pratiques d’accueil, d’écoute et d’orientation des patients, mais également de prévention primaire et secondaire, de dépistage et de construction de la confiance (principe du colloque singulier du serment d’Hippocrate). L’ensemble de ces pratiques communicantes sont déléguées à des fonctionnalités et à des algorithmes d’une part, et à des professionnels de la communication numérique d’autre part. Le rôle médical d’hyper-communiquant ou de médiateur est déplacé du médecin généraliste à la plateforme en tant que nouvel objet-frontière appliqué dans le domaine de la santé. Ce ne sont plus les fonctionnalités des plateformes qui s’insèrent dans le dispositif organisationnel du cabinet de médecine générale, mais bien l’inverse. Puisque c’est le médecin salarié de la plateforme qui est inséré dans l’écosystème plus large de la plateforme numérique en santé (réseaux sociaux, production de podcasts et de contenus, influenceur en santé, algorithmes, etc.).

Figure n°5. Typologie des processus de plateformisation en médecine générale.

  1. Dimension géopolitique de la plateformisation des pratiques en médecine générale

D’un point de vue géopolitique, les résultats apportent des étayages concernant la manière dont les plateformes de téléconsultation en santé transforment le système de santé français, dont résultent des mécanismes d’ajustement mobilisés par les acteurs des institutions représentatives de la médecine générale.

D’une part, la plateforme de téléconsultation suédoise contribue à organiser de nouvelles interactions entre une diversité d’acteurs de la sphère marchande dans une dimension de rapports de pouvoir situés à l’interface du système de protection sociale français (environnement interne) avec une entreprise de téléconsultation suédoise (environnement externe) ; à l’instar de certaines mutuelles et assurances qui sont engagées dans les changements promus par les plateformes en santé. D’autre part, les résultats montrent comment ces nouvelles interactions correspondent également à des forces de « déstabilisation-restabilisation » en présence au sein de l’organisation du système de santé français, auxquelles les institutions représentatives des médecins généralistes font face. Il s’agit par exemple, de la déstabilisation des politiques d’installation des jeunes médecins dans un exercice libéral de proximité, que les plateformes en santé tentent d’attirer vers un exercice salarié à distance des publics. D’autres processus de déstabilisation sont questionnés par les résultats. Une déstabilisation en matière de déontologie médicale, dont la production de contenu et de podcasts au sein de l’écosystème numérique des plateformes interroge. Une stratégie de déstabilisation institutionnelle des plateformes numériques en santé est également interrogée. Cette déstabilisation institutionnelle s’observe d’abord par les discours des plateformes, qui critiquent le travail des institutions représentatives des médecins généralistes pour un meilleur accès aux soins. Il s’agit, par la stratégie discursive des plateformes d’affaiblir la légitimité des acteurs institutionnels, et de se positionner comme acteurs légitimes auprès du législateur et des acteurs de la santé. Cet effort de délégitimisation des acteurs institutionnels s’observe d’autant plus au sujet des déserts médicaux, qui sont par ailleurs l’un des principaux axes de légitimation discursive (lobbying) du développement des plateformes privées de téléconsultation en santé, en particulier auprès du législateur.

Conclusion et perspectives

Cette étude met en évidence une typologie de processus de plateformisation de la médecine générale, associés à des risques émergents de désintermédiation des systèmes de protection de la santé. Ces plateformes-entreprises de téléconsultation s’affirment comme de nouveaux acteurs de la protection sociale en élaborant de nouveaux écosystèmes numériques, en lien avec certaines mutuelles et assurances. Ces résultats plaident pour approfondir la connaissance des processus de plateformisation des compétences et pratiques des médecins généralistes, ainsi que des processus émergents de résistance, de négociation et d’ajustement mis en place par les acteurs de la médecine générale (chercheurs et institutions de la santé et de la protection sociale). L’éclairage de ces phénomènes de résilience ouvre une voie originale pour poursuivre l’examen critique du développement des plateformes numériques en santé, au regard de l’émergence de dispositifs du tiers-secteur que l’on pourrait qualifier d’organisations alternatives.

Il s’agit pour nous de développer une recherche constructiviste et transdisciplinaire qui, en intégrant le savoir des professionnels en situation, contribue à une meilleure résilience de la protection sociale et des territoires de santé numérique. Ainsi, en s’intéressant aux champs de la protection sociale, les sciences de l’information et de la communication contribuent à repenser l’État-providence (Rosanvallon, 1995), dans le contexte de la plateformisation des métiers du soin. Au final, nous plaidons pour repenser les compétences info-communicationnelles spécifiques au domaine de la santé et des parcours de santé, à l’aune d’une perspective ICCOE (Information Communication and Confidence Organizing Ecosystems). La finalité étant de développer de nouvelles capacités d’innovation et de créativité des acteurs sociaux, pour des services numériques de santé, en proximité des patients, de leurs entourages et des populations.

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  1. 1 Les sociétés de téléconsultation sont définies et autorisées à exercer par l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046791754) et par le décret relatif aux sociétés de téléconsultation (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049219351).

  2. 2 Les extraits sont tirés des articles L4081-1 à L4081-4 du Code de la Santé publique. Titre VIII : Agrément des sociétés de téléconsultation (Articles L4081-1 à L4081-4) - Légifrance.

  3. 3 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (1) - Légifrance.

  4. 4 La définition européenne de la médecine générale – médecine de famille WONCA EUROPE, 2002. Microsoft Word - European definition_F.doc

  5. 5 Programme « Territoire de Soins Numériques » - investissement d’avenir. Appel_a_projets_-_Territoire_de_soins_numerique_-_cahier_des_charge.pdf

  6. 6 Instruction n° DGOS/PF5/2017/135 du 24 avril 2017 relative à l’accompagnement du déploiement des services numériques d’appui à la coordination (SNAC) dans les régions. Santé, Protection sociale, Solidarité - n° 5 du 15 juin 2017.

  7. 7 https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/190425_dossier_presse_masante2022_ok.pdf

  8. 8 sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille_de_route_du_numerique_en_sante_2023-2027.pdf

  9. 9 « Accords de Marrakech » de 1994, mené dans le cadre du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) et instituant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/marag_f.htm, consulté le 24 avril 2025.

  10. 10 Fiche « Essentiel », Rapport n° 578 (2021-2022) relatif à la Commission d’enquête relative à l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques. Déposé le 16 mars 2022. https://www.senat.fr/rap/r21-578-1/r21-578-1-syn.pdf, consulté le 24 avril 2025.

  11. 11 Rapport « E-santé, augmentons la dose ». Institut Montaigne. Juin 2020. https://www.institutmontaigne.org/publications/e-sante-augmentons-la-dose, consulté le 24 avril 2025.

  12. 12 ASIP Santé, Étude pour l’accompagnement au déploiement de la télémédecine Juillet 2019. Étude comparative sur le développement de la télémédecine à l’international. https://industriels.esante.gouv.fr/sites/default/files/media/document/asip_etude_telemedecine_synthese_v0.45.pdf, consulté le 24 avril 2025.

  13. 13 Les téléconsultations en France dopent le suédois (2024, 25 juillet). https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/les-teleconsultations-en-france-dopent-le-suedois-kry-livi-8adec699b30b0d6a5f3474ff65ce116a

  14. 14 ASIP Santé, Étude pour l’accompagnement au déploiement de la télémédecine Juillet 2019. Étude comparative sur le développement de la télémédecine à l’international.

  15. 15 Article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046791754

  16. 16 Extrait de contenu web mis en ligne à l’occasion de la publication d’une offre d’emploi de Manager Centre de Santé Digi-Physique de la société nordique.

  17. 17 Fagot, V. (2018, 27 septembre). Doctolib, leader français du rendez-vous médical en ligne, va se lancer dans la télémédecine. Le Monde. https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/27/doctolib-leader-francais-du-rendez-vous-medical-en-ligne-s-attaque-a-la-teleconsultation_5360865_3234.html

  18. 18 Cherif, A. (2019, 21 mars). Comment la startup française Doctolib est devenue une licorne. La Tribune. https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/comment-la-startup-francaise-doctolib-est-devenue-une-licorne-811377.html, consulté le 24 avril 2025.

  19. 19 Karayan, R. (2022, 15 mars). Doctolib devient la plus grosse « licorne » française. l’Usine digitale. https://www.usine-digitale.fr/article/doctolib-devient-la-plus-grosse-licorne-francaise.N1796242

  20. 20 Extrait d’une offre d’emploi de Manager Centre de Santé Digi-Physique.

  21. 21 Les régulations algorithmiques permettent la coordination de catégories hétérogènes d’acteurs par l’intermédiaire d’algorithmes, et résultent d’une valorisation orientée vers la prévention de la santé, de l’ensemble des données produites par les interactions des différents usagers avec ces contenus et avec les autres usagers, qui peuvent être des professionnels de santé d’assurance, ou des libéraux (pharmaciens par exemple).

  22. 22 Argumentaire partagé sur le réseau social LinkedIn en février 2024 à l’occasion du prix du Podcast Santé Francophone.

  23. 23 Donette, F. (2020). Motifs de consultation estimés gênants par les patients : impact sur leur prise en charge en médecine générale. Thèse de médecine humaine et pathologie, citant un article de presse intitulé « La révolution de la télémédecine : la santé au bout du clic », paru sur www.lesechos.fr le 8 janvier 2019.

  24. 24 Di Crescenzo, C. (2023, 19 août). L’ordre des médecins refuse l’installation d’un généraliste, le maire de la commune est en colère : « le système administratif pollue la santé ». https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/oise/l-ordre-des-medecins-refuse-l-installation-d-un-generaliste-a-bornel-colere-du-maire-le-systeme-administratif-pollue-la-sante-2827211.html