30! Professionnalisation!et!éthique!de!la!communication!
!
« Il s’avère également que les tentatives d’intrusion commerciale et publicitaire
dans les contenus sont plus agressives que jamais. » (Saulnier, 2015)
« Demain, votre marque sera un média » (Henrard & Pierra, 2015, p. 13)
« […] dans une large part, la définition de la publicité native dépend du siège
dans lequel est assise la personne qui tente de la décrire. » (IAB, 2013, p. 2)
La perméabilité de la division information/publicité dans les salles de rédaction
fait récursivement l’objet de débats au sein de l’industrie journalistique. Mus par des
logiques différentes, univers marketing et journalistique sont supposés se prémunir
de toute influence mutuelle (Toussaint-Desmoulins, 2015). Ce principe est
officiellement reconnu dans les chartes encadrant la pratique des deux professions en
raison des enjeux démocratiques qu’il soulève (Floris, 2003). Néanmoins, des genres
mitoyens ont toujours calqué les formes journalistiques et brouillé les schèmes de
représentations des consommateurs (Moumouni, 2005; Seligman, 2015; Wright,
1986).
La remise en cause de la séparation entre information et promotion est d’autant
facilitée que les publicitaires entretiennent un rapport variable aux règles éthiques
encadrant leur pratique, relâchement fondé sur une faible formation à ses enjeux,
une vision technique de leur métier et une rationalisation économique des effets de
leurs actions (Cossette, 2009; Laczniak, 1993) justifiant une « myopie » et un
« mutisme moraux » (Drumwright, Murphy, 2004).
Qui plus est, l’arrivée des plateformes socio numériques, l’éclatement du modèle
économique des médias d’information et l’érosion du lectorat encouragent de
nouveaux chevauchements. De fait, alors que les médias d’information dits
traditionnels font face à une crise de leurs modèles d’affaires – revenus publicitaires
et lectorat en chute libre, consommateurs réticents à payer pour du contenu
d’information, arrivée des géants de la technologie numérique dans l’édition de
contenu d’information (Newman, et al., 2015) –, les annonceurs, eux, voient leurs
investissements publicitaires se buter à des consommateurs irrités par la
communication marketing (Rosenwald, 2015; Shields, 2016; WARC, 2016a) et aux
bloqueurs de publicité. Dans les deux camps, une perte de revenu s’ensuit, sans
compter les contrecoups et remises en question de leur industrie (Drohan, 2016;
WARC, 2015).
C’est dans cette mouvance qu’arrive la publicité native (PN). Le terme est apparu
en 2012 pour désigner un type particulier de petites annonces uniques et indigènes à
l’expérience de lecture dans un média. Plusieurs grandes marques de médias – telles
que The Atlantic, The Guardian, The New York Time, Vice.com, The Wall Street
Journal, Yahoo!, Wired, etc. – ont commencé à avoir recours plus massivement à la
publicité native depuis 2014 (Dienel & Robinson, 2015; Manic, 2015). Certes, cette
forme d’émulation du contenu journalistique n’est pas nouvelle (Seligman, 2015) :
depuis la fin du 19
e
siècle, « le monde des affaires [tend] à recourir à des formes de
publicité sous le couvert de l’information » (Moumouni, 2005, p. 139) de façon à en