Entrevue avec Véronique Gi
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Entretien conduit le 14 avril 2021
par Valérie Lépine
PU en sciences de l’information
et de la communication
Univ. Paul Valéry – Montpellier 3, Lerass EA 827
Entrevue avec Véronique Girod-Roux, ex-présidente du club des communicants 115
VL : Où en est aujourd’hui le milieu professionnel de la communication quant aux
enjeux liés au genre ?
VGR : C’est une bonne question que le rôle et la place de la femme dans les pratiques
professionnelles. Pas seulement en tant qu’acteur, mais ce qui ressort des campagnes
et de ce qu’on peut faire dans le domaine. Ce n’est pas un sujet qui est abordé : je n’ai
jamais lu, ni vu, ni abordé ces questions-là de manière frontale. Il s’agit d’un sujet
terra incognita.
Concernant le rôle et la place de la femme : Est-ce qu’on a un genre dans les pratiques
professionnelles d’aujourd’hui ? Est-ce que la pratique de la communication est
genrée ? Je dirais assez directement oui. On a dans la communication et le marketing,
ainsi que dans les associations professionnelles, des communicantes très nombreuses.
Pourtant, les directions de communication sont occupées par des hommes.
VL : Ceci reste vrai ? Tu le constates ?
VGR : Cela reste relativement vrai, cela dépend des produits, des types d’entreprises
de nos cercles professionnels. Moi, je suis le cercle de Grenoble depuis 15 ans. J’ai été
la première présidente, et je suis encore dans la commission recrutement. Nous avons
fait un point, nous sommes à 75 % de représentantes féminines et tous les secteurs
sont représentés. Donc cela reste quand même assez caractéristique.
VL : Tu y es restée 10 ans c’est cela ?
VGR : Je suis restée 10 ans présidente, et les 40 ans qui ont précédé, c’était des
hommes. Lorsqu’il a fallu que je sois remplacée, c’est un homme qui s’est proposé
et qui est parti au bout de 3 ans parce qu’il ne se sentait pas représentatif du genre
majoritaire dans nos métiers. C’est donc une femme qui est à la tête depuis un mois. Je
ne réponds qu’à l’échelle de l’Isère, mais si on parle eectivement avec nos collègues,
en agence ou en entreprise, la femme reste aussi très présente, pour d’autres raisons
qui sont je pense nationales. En communication, nous avons notamment beaucoup de
postes qui peuvent être pris à temps partiel, et je pense que cette « partialisation » du
temps joue beaucoup dans les postes de communication.
C’est le cas des agences qui ne sont pas forcément amenées à travailler à temps plein.
Je dirais que la notion de 80 % de temps de travail est la plus acceptée aujourd’hui, ce
qui fait que l’on a des femmes qui s’organisent pour être à 80 %.
VL : Est-ce une conséquence qu’il y ait plus d’emplois à temps partiel parce que
les femmes les occupent, ou c’est parce que les besoins sont en temps partiel que les
femmes se positionnent ?
VGR : Je pense tout de même que ce sont les prérogatives féminines, l’habitude qui
tendrait à dire que la femme peut et doit se dégager un peu plus de temps pour travailler
à temps partiel qui reste une norme. Je ne vois pas dans mon entourage d’hommes à
temps partiel. Je pense que l’on reste sur une sorte d’approche normée qui fait que
116 Genre et Communication : quels enjeux pour les pratiques professionnelles...
c’est la femme qui se met à temps partiel et pas forcément l’homme, même si cela est
probablement en train d’évoluer. Ceci amène à une conséquence telle que si la femme
n’est qu’à temps partiel, elle ne peut accéder à des responsabilités. Inévitablement,
elle va être plafonnée : le fameux plafond de verre. Elle aura des dicultés à poser sa
légitimité dans un poste à responsabilité. Une fois encore, je le dis sur l’observation
de l’Isère et sur le cercle que je connais bien et fréquente.
VL : Est-ce que vous avez des statistiques là-dessus, est ce que vous avez cherché au
club des communicants à objectiver cette aaire-là ?
VGR : Non, mais cela m’interpelle. C’est un sujet sur lequel on pourrait se pencher. On
pourrait très bien poser la question, ou faire des questions semi-ouvertes ou fermées
en interrogeant ce sujet-là. Il est vrai que l’on ne s’est jamais posé cette question.
VL : Est-ce qu’il y a des transformations qui se sont opérées dans la foulée de
l’actualité récente entourant ces questions ?
VGR : Aujourd’hui, par rapport à des conversations ou des échanges que j’aurais
pu avoir avec une population amicale-professionnelle, nous n’avons jamais abordé
ce genre de questions même dans nos thématiques sur ces trois dernières années. Ce
serait intéressant de regarder ce que l’on a fait, mais globalement je ne crois même
pas qu’on ait eu une rencontre qui se soit posée sur la problématique du genre ni sur
l’égalité homme-femme. C’est un impensé.
VL : La question de l’écriture inclusive est-elle abordée dans le cadre du club ?
VGR : Oui, c’est un sujet qui a été abordé mais pas en tant que tel. Je fais partie de
celles qui ont imposé l’écriture inclusive « naturellement ». Les pratiques se sont
mises en place parce qu’à un moment donné certains les ont initiées.
VL : C’est une mise en place plus à l’initiative de personnes qui s’en sont emparées
que d’une politique ?
VGR : Oui. Nous nous sommes questionnés sur la RGPD mais nous avons fait des
cercles de travail, on s’est entouré de personnes dans le juridique pour savoir quoi
faire. Mais pour ce genre d’initiatives qui font partie à la fois d’actualités, de sujets
dont on s’empare et qu’on peut conscientiser à travers des conversations, ce ne fut pas
le cas. Le seul élément qui a été débattu concrètement, ça a été la suite de la présidence.
Il y a eu juste une réexion qui a été faite sur le fait que ce n’est pas l’homme ou la
femme qui fait la valeur de son travail mais la motivation, la disponibilité, la carrure.
VL : C’est comme s’il y avait chez les femmes une invisibilisation de cette question.
VGR : Tout à fait. C’est vrai que les sujets tel que la parité n’ont même pas été
évoqués, parce qu’en communication elle est tellement peu agrante. Notre cercle de
communicants n’a pas une envergure nationale pour être complètement juste au sens
statistique. En ce qui concerne les questions comme l’égalité homme-femme, nous
Entrevue avec Véronique Girod-Roux, ex-présidente du club des communicants 117
avons été partie prenante sur une ou deux conférences dans les 10 ans où j’y étais.
Il y a des choses qu’on a dû faire, mais sincèrement, si l’on regarde les thèmes, les
réexions qui ont été générées au sein de l’association, ces questions-là n’ont jamais
été abordées réellement de manière consciente et volontariste.
VL : C’est intéressant. Je pense aussi aux écarts de salaires liés au temps partiel et
au plafond de verre, ainsi que le fait que les directeurs communication sont plutôt
des hommes et les femmes des chargées de communication. Cette question a-t-elle été
mise sur la table ?
VGR : Non, c’est un sujet qui n’a pas été évalué. On est sur une orientation liée à
notre expertise métier et on ne s’est jamais posé la question sur nous-mêmes, sur la
caractérisation et la capacité de nos populations à accéder, agir et être d’une manière
ou d’une autre. Je pense que c’est aussi parce que nous avons une commission
animation qui a toujours un peu évolué dans les mêmes problématiques, même si on
a changé la forme et le support. Nous sommes vraiment dans du fonctionnel, dans de
l’utilitariste, dans des considérations plus pratico-pratique qu’existentielles. Se poser
des questions sur les niveaux de salaire, sur la capacité de s’imposer sur tel type de
poste et à quel niveau en tant qu’homme ou femme, ce sont des choses qui ne sont
absolument pas abordées.
VL : Concernant les pratiques des marques et des entreprises : on voit des
communications qui jouent la carte du féminisme ou d’un rôle réhabilité des femmes.
Est-ce que tu as l’impression qu’on est dans du « pinkwashing », ou que cette question
du genre fait partie des réexions prises en compte par les marques dans leur stratégie
de communication et dans leur identité de positionnement ?
VGR : Oui, j’aborde la question du marketing et de la communication genrée avec
les étudiants dans tous les phénomènes de marketing sous-jacent qui nous concernent
depuis une vingtaine d’années. Inéluctablement les campagnes genrées montent en
puissance depuis 10 ans à la fois au niveau des cibles adultes, mais aussi au niveau
des cibles enfants. On a un marketing de l’enfant autour du genre fortement débattu,
qui fait que des marques se remettent complètement en perspective et réhabilitent
le jouet « neutre » pour plaire aux parents et s’inscrire dans des tendances qui sont
socialement plus stigmatisées. Je pense à Lego, mais il y a des marques qui se sont très
fortement impliquées dans ces questions-là. Au-delà des jouets, des jeux, des enfants,
des produits d’évidence, on voit du marketing qui se genre dans tous les sens : les
brosses à dents, les voitures, les parfums…
VL : Que veux-tu dire ? Les stéréotypes de genre s’atténuent ou se recomposent
diéremment ?
VGR : Ils se recomposent diéremment. Je n’ai probablement pas assez de recul sur
les phénomènes les plus récents, mais il y a des endroits où l’on essaie de rendre le
produit neutre, de dégenrer les jouets ou certaines marques parce que l’on estime qu’il
118 Genre et Communication : quels enjeux pour les pratiques professionnelles...
ne faut pas stigmatiser la lle ou le garçon, puis au contraire on re-genre beaucoup
d’autres produits, y compris les émissions de télévision. On a tout type de produits de
la vie quotidienne qui sont très clairement stigmatisés vers un sexe ou un autre pour
gagner en crédibilité, en statut auprès de leurs cibles spéciques. Je dirais que de ce
côté-là, nous sommes plutôt à l’inverse, on veut clairement vendre le produit.
VL : Pas d’évolution sur le fond, on reste dans des stratégies de ciblage. À l’intérieur
des entreprises, qu’en est-il du point de vue des pratiques de communication interne ?
VGR : En communication interne, le métier évolue vers la dimension du bonheur et
du bien-être au travail, c’est le centre des préoccupations. Les Happiness Ocers sont
souvent rattachés au service communication. On a des étudiants qui commencent à
rentrer dans ce type de poste. Pour moi, c’est la tendance la plus forte qui existe de nos
jours. Maintenant est-ce qu’il y a plus de femmes que d’hommes dans ce métier-là ?
Je n’en sais rien parce que je n’ai pas de statistiques pour le dire.
VL : Est-ce que tu as le sentiment qu’au-delà du bonheur, cette tendance bien-être au
travail intègre une composante égalité femme-homme, promotion des femmes dans
les organisations, formation contre les comportements sexistes ?
VGR : Sur la base des gens que je fréquente en communication interne, je n’en ai
jamais eu connaissance. La seule chose dont on entend parler, car je suis moi-même
concernée, c’est l’égalité des salaires. C’est le grand sujet, l’arbre qui cache la forêt.
Parler de salaire, c’est pratique, technique, et on n’a pas besoin de parler d’égalité
de niveaux, d’accès à des postes de responsabilité. Il y a pourtant des indicateurs qui
sont orientés à la fois égalité des salaires et postes identiques et évolution des salariés
femmes pour voir si elles évoluent avec la même pertinence, prégnance, rapidité, et
le même salaire sur les six dernières années. Tous les six ans, on doit faire un conseil
en orientation professionnelle et valider si la personne a eu trois ou quatre des champs
que l’État impose aux entreprises pour faire monter en charge leurs salariés.
VL : Tu veux dire que c’est la pression réglementaire des contraintes RH et des
indicateurs auxquels sont soumis les entreprises qui fait que le sujet vient sur la table,
mais ce n’est pas une préoccupation dont se saisissent les communicantes au sein des
entreprises. C’est intéressant, on est en retard en France comparé à la Belgique et au
Canada. On a l’impression d’être dans un déni complet.
VGR : Je suis totalement d’accord. Il faut parler à des femmes militantes. L’une
d’entre elles avait monté un cabinet RH à Grenoble. C’est une femme qui a beaucoup
milité et elle a été une des rares formatrices de l’égalité au travail, qui faisait des
formations seulement à des femmes pour les mettre dans une position plus bénéque
et claire an d’évoluer dans leur carrière professionnelle.
Entrevue avec Véronique Girod-Roux, ex-présidente du club des communicants 119
VL : Concernant ta propre trajectoire, est-ce que tu peux revenir sur les grandes
lignes de ton parcours professionnel et sur la façon dont ces questions ont traversé en
tant que femme et professionnelle tes pratiques au long de ces années ?
VGR : Malheureusement j’ai été comme beaucoup de mes consœurs qui travaillent
dans le privé. Je suis arrivée dans des instances de comité de direction à l’âge de
30 ans. Cela fait 25 ans que je suis dans des instances similaires et j’ai pu constater
que la question du salaire a été une seule fois considérée comme devant être égal aux
hommes dans le comité de direction chez Petzl. Le directeur général qui m’a recrutée
était un vrai amoureux de la parité, son comité de direction était composé en 2007
essentiellement d’hommes, la seule femme était la DRH. Quand il a voulu changer
de cap stratégique, il s’est rendu compte que son comité de direction était un peu trop
masculin et il a recruté la moitié de son comité de direction avec des femmes, dont
j’ai fait partie. J’ai été payée et considérée comme les hommes. C’était les deux plus
belles années de ma vie professionnelle parce que j’avais le sentiment d’être à une
place de professionnelle et non pas une place genrée.
VL : Tu as l’impression que dans toute ta carrière, cette existence de femme a pesé
directement ?
VGR : Tout à fait. Elle a pesé parce que dans la première partie de ma vie professionnelle
je suis entrée dans des instances de direction enceinte. Le fait d’avoir voulu privilégier
du temps avec mes enfants a joué dans mon évolution pendant quelque temps, ce
n’était pas très bien vu. Dans ces 25 ans avec les postes à responsabilité, les enfants et
la famille, j’ai le sentiment de m’être battue pour que mon statut de mère ne rende pas
mon évolution professionnelle plus lente.
Par exemple je suis partie en voyage professionnel, j’étais enceinte et fatiguée, j’ai
perdu mon bébé au retour du voyage. J’ai fait une fausse couche où je suis revenue
5-6 jours après. En l’occurrence, je savais que si je voulais évoluer dans cette
entreprise, il ne fallait pas se plaindre et il fallait faire comme les hommes.
Je suis cadre, j’avais un poste de responsabilité au niveau d’un grand groupe Rhône-
Alpin, et j’étais en charge de toute la communication à l’international. C’était
l’époque où je suis devenue mère. Je devais me déplacer à l’international. J’ai dit que
j’aimerais bien ralentir et que je n’irai pas à l’autre bout de la planète en déplacement
professionnel enceinte. Ils m’ont dit que je travaillerai de nuit pour couvrir les
événements du groupe sur Internet pour rester synchronisée avec eux. C’est resté
très vivement dans mon esprit parce que mon directeur à l’époque se disait égalitaire,
paritaire, et c’est au nom de la parité qu’il m’a dit qu’il fallait que je fasse comme les
hommes, qu’il ne fallait pas faire de diérences même si j’attendais un bébé.
VL : Donc égalitaire c’est nier sa condition de femme…
VGR : Oui, et quand on a eu un autre événement international en Europe du Nord,
il m’a fait prendre un camion de matériel pour les journalistes. J’ai traversé toute
120 Genre et Communication : quels enjeux pour les pratiques professionnelles...
l’Europe, je suis montée avec mon camion sur un ferry et j’ai fait 2 jours de route. Ma
condition de femme et de mère de famille a été niée.
VL : Je me dis qu’on est dans un environnement où tout donne l’impression qu’on est
dans l’ère moderne, et que nalement les femmes ont appris à serrer des dents voire
encore plus fort en fait.
VGR : Oui je suis d’accord. Je suis en train de me battre pour me faire augmenter et
prendre un titre de directrice, pour m’imposer avec mon âge et mon expérience dans
un monde d’hommes. Des femmes à la direction il y en a très peu, elles se battent bec
et ongles pour arriver à faire quelque chose. Chez l’un de mes derniers employeurs,
on n’arrête pas de parler d’égalité, de parité, on vient de passer société à mission. On
a mis en avant que l’égalité et la parité étaient des sujets dont on se préoccupait, qu’on
valorisait l’entreprenariat au féminin. Par contre à l’intérieur, on est toutes 30 % en
dessous.
J’ai l’impression d’avoir combattu toute ma vie pour arriver à ne pas entrer en résilience
sur ce sujet et à essayer de prendre un peu de place. Les femmes qui prennent de la
place, je constate qu’elles ne sont pas dans mon entourage proche. Je connais deux
femmes directrices qui ont en moyenne 30 ans d’ancienneté, elles n’ont jamais été
remplacées, accompagnées d’autres directrices à leur côté. L’une d’entre elle a fait
une crise cardiaque à force de s’être surmenée.
Pour être reconnue, il faut se défoncer, être au top, et surtout ne pas montrer qu’on est
une femme. On revient sur ces instances qui sont extrêmement masculines. La place
de l’homme dans ces instances est tellement gravée dans le marbre que la femme
au-delà de les déranger, n’a pas d’intérêt, n’a pas de position, n’a pas lieu d’être.
Pourquoi y aurait-il une femme dans des instances comme les nôtres ?
VL : Est-ce que le fait que cette fonction communication soit très féminisée nuit à sa
crédibilité stratégique et sa position dans les comités exécutifs ?
VGR : Je ne crois pas non. Je généralise trop, mais la communication est une
profession moins impliquante. La place de la femme est peut-être plus facile à gagner
à ce titre. Il n’y a que chez Petzl que j’ai pu avoir une place pleine et entière de
directrice marketing et communication sans diérence à tous les niveaux. Il y avait
une volonté achée du directeur général de mettre la parité et l’emphase sur le rôle
des femmes au sein du comité exécutif et de direction. Il estimait que c’était beaucoup
trop « unigenré » et que c’était une richesse d’avoir des femmes pour traiter avec des
hommes au sein d’une direction. Après son départ cela s’est remasculinisé, les seules
femmes que nous étions ont toutes été remerciées.
VL : C’est bien de revenir sur ces sujets, on intériorise tellement, c’est devenu la
norme…
VGR : J’ai quand même été dans des entreprises où globalement on m’a toujours
fait sentir qu’en tant que femme, il ne fallait pas que j’en demande trop, que là où
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j’étais c’était susant et qu’il fallait que je me contente de ce que j’avais. Ce n’est pas
seulement au niveau de la parité, mais de la gestion globale.
Ce sujet est d’autant plus critique que ma mère est une grande féministe qui a réussi
à s’imposer dans des cercles masculins toute sa vie. Elle a été une des premières
femmes directrices au MEDEF qui s’appelait le CNPF et elle s’est toujours battue.
Elle me dit encore que 20 ans après qu’elle ait quitté le monde professionnel nous
sommes toujours confrontées aux mêmes choses. J’ai le sentiment qu’en France on
piétine, on n’avance pas assez.
VL : Finalement les femmes dépensent tellement d’énergie à prouver qu’elles ont leur
place où elles sont que cela empêche une prise de conscience plus collective.
VGR : Je ne suis pas loin de le penser. Je me remets en perspective dans mon propre cas,
moi qui suis plutôt militante par nature. Dans un contexte de Covid où tout le monde
s’accroche à son poste qui devient facilement menacé, à des âges où les femmes de
45 ans sont vues comme périmées pour des postes contrairement aux hommes. Après
40 ans il faut déjà qu’elles fassent attention, qu’elles restent jolies, sinon c’est ni. Je
trouve cela complètement anormal. On est tellement coincées entre nos enfants, notre
carrière, les petits-enfants, la ménopause. On aronte un nombre d’événements qui
font qu’on ne peut pas militer plus que cela : nous n’avons pas le temps.
VL : C’est tout au long de la vie nalement…
VGR : Absolument. On a le sentiment que l’on est obligée de se battre tout le temps,
de prouver, de justier, de montrer ou au contraire de ne rien montrer, de façon à
être considérée comme des êtres non genrés. Il faut que l’on essaie de dégenrer au
maximum nos actes de la vie professionnelle parce que sinon on est déconsidérée. Je
n’ai pas le sentiment que ces choses-là aient beaucoup évolué. Il y a eu « MeToo »,
ce qui est très bien, mais derrière, est-ce que cela va bouger les lignes ? C’est toute la
question.