Les enjeux de la communication des services publics en Algérie : étude descriptive et analytique de la littérature scientifique connexe
Fahem Ibka
Université d’Alger 3
fahem.ibka@univ-alger3.dz
Résumé
Cet article examine les enjeux de la communication des services publics en Algérie, tant au niveau national que local, en présentant les principes philosophiques du concept, puis en effectuant un diagnostic de son état des lieux, et enfin, en exposant les enjeux et les recommandations permettant de donner une poussée à cette fonction stratégique. L’étude s’est appuyée sur l’approche analytique descriptive en extrapolant un certain nombre d’études connexes, et en s’appuyant sur l’outil d’observation, en analysant certains documents normatifs y afférents.
L’étude a conclu en identifiant un certain nombre d’enjeux auxquels sont confrontées les organisations modernes, qui sont dans leur totalité liés au modèle de gestion basé sur la participation et la gouvernance, la valorisation et le renforcement du capital humain, en plus du problème de la décentralisation de la communication des collectivités locales et le rapport à la pratique politique, débouchant sur l’enjeu de la numérisation et de la modernisation de l’administration. Enfin, de suggérer aux organisations publiques d’adopter le modèle de communication responsable, soucieux de valoriser la relation de l’organisation avec son environnement, ainsi qu’avec ses parties prenantes.
Mots-clés : Enjeux de la Communication Publique, Management Participatif, Communication Responsable, Parties prenantes, Intérêt Général, Capital Humain, Service Public
Abstract
This article examines the challenges of public service communication in Algeria, both at national and local level, starting by presenting some philosophical principles of the concept, then passing to the diagnosis of the state of play of this communication in Algeria, and finally by setting out the challenges and recommendations for tackling them and giving impetus to this strategic function. The study relied on the descriptive analytical approach by extrapolating a number of related studies, and relying on the observation tool and studying some related normative documents.
The study concluded by identifying a number of challenges faced by modern organizations, which are entirely linked to the management model based on participation and governance, the enhancement and strengthening of human capital, in addition to the problem of the decentralization of the communication of local authorities and the relationship to political practice, leading to the issue of digitization and modernization of the administration. Finally, to suggest that public organizations adopt the responsible communication model, concerned with enhancing the organization’s relationship with its environment, as well as with its stakeholders.
Keywords: Public Communication Challenges, Participatory Management, Responsible Communication, Stakeholders, General Interest, Human Capital, Public Service
Introduction
La communication des organisations publiques est l’une des manifestations de la souveraineté de l’État. Elle représente l’un de ses outils de régulation et de coordination sociale, politique et économique. Elle se situe au carrefour de plusieurs dimensions, en reflétant l’évolution du système d’administration et de management existant basé sur la territorialisation. Cette forme de communication en professionnalisation continue permet aux organisations publiques de légitimer leurs actions (Bessières, 2009), d’exprimer leurs identités et de promouvoir leurs réputations auprès de leurs parties prenantes. Ces dernières ne sont plus de simples contractants, mais de véritables partenaires et contributeurs dans l’élaboration des politiques publiques, à commencer par la participation à la prise de décision.
Les exigences croissantes de ces parties prenantes ont rendu la communication des organisations publiques un exercice difficile. Cette difficulté s’explique, par l’opposition de logiques, de vocations et d’objectifs en matière d’action publique et de la place accordée aux partenaires. Elle est due aussi aux normes de fonctionnement imposées par le management moderne inspirées de la gestion des organisations privées (Tirilly, 2018 ; Pasquier, 2017 ; Merah et Meyer, 2015 ; Bessières, 2010a ; Hammami, 2009).
Dans le même sillage, les besoins et les attentes des parties prenantes ont connu une grande mutation impliquant l’émergence de nouvelles dimensions et logiques communicationnelles. Bien que ces aspects liés à l’exercice de la communication organisationnelle soient peu traités, ils fournissent des sujets de recherche avec de grandes pertinences sociale et scientifique liées à la professionnalisation du métier de la communication publique (Bessières, 2010b). Ces aspects élevés en enjeux sont dus à la problématique croissante de la raréfaction des ressources et à l’émergence de la question de la durabilité dans toutes ses dimensions (Ibka, 2021), et sur plusieurs niveaux déterminés par les nouvelles orientations du métier de la communication publique engendrées par le numérique et la notion de l’usager-client.
Au niveau des services publics algériens, des enjeux propres au contexte national et régional ont émergé, liés principalement, à des dimensions historiques, politiques, sociales et culturelles. En outre à d’autres enjeux à dimension mondiale, qui se manifestent dans les engagements internationaux de l’Algérie pour parvenir au développement durable et à l’engagement de la responsabilité sociale des organisations publiques. Nous avons incité par ces enjeux à examiner la réalité de la communication des services publics algériens aux niveaux local et national, afin de repérer les entraves qui nécessitent de trouver des alternatives et des solutions, en répondant à la question suivante : quels sont les enjeux de la communication des services publics algériens au niveau central et local ?
Afin d’approfondir l’analyse de cette problématique, on va aborder les questionnements suivants :
Cette recherche vise à présenter un diagnostic sur la réalité de la communication dans les services publics algériens en examinant la littérature connexe et en identifiant les obstacles limitant l’efficacité de cette communication.
Elle vise en outre à identifier les défis auxquels est confrontée la communication publique au niveau des services publics algériens, ce qui permettra de proposer des recommandations pour les réduire, en s’appuyant sur des études et des expériences pionnières dans ce contexte. Elle va nous permettre d’aborder la réalité des services publics dans le cadre de la transformation numérique et mettre en évidence les enjeux d’adaptation des services publics algériens à celle-ci. Elle va mettre en évidence le rôle de la communication publique dans le renforcement de la notoriété et de la visibilité des organisations publiques et l’anticipation des crises. De plus, il s’agit d’apporter une contribution à la littérature relative à la promotion de la gestion efficace des organisations publiques afin d’augmenter leur performance, en s’appuyant sur les principes de gestion moderne et de la gestion démocratique des services publics et ce à travers l’une des fonctions managériales les plus importantes, qui est la communication. Enfin, cette étude est considérée comme un diagnostic de la relation des services publics avec leurs parties prenantes et propose des fondements théoriques pour établir une relation réussie et équilibrée.
Méthodologie
Dans le cadre de cette étude, nous avons mené une lecture analytique des résultats de recherches empiriques sur la communication publique dans le contexte algérien et régional, en outre, aux diverses études récentes, représentant un corpus riche, portant sur les principaux fondements du management public et de la communication des organisations publiques ainsi que les défis auxquels elles sont confrontées. Où nous nous appuierons sur l’approche descriptive et l’approche analytique afin de comprendre plus profondément la situation actuelle et de l’analyser à la lumière des pratiques démocratiques pionnières dans ce domaine. L’étude s’appuie également sur des analyses documentaires de discours performatifs (lois et réglementations). En outre, cette recherche se base sur l’observation du contexte opérationnel au niveau de l’administration centrale et les collectivités locales au niveau des services publics à travers notre pratique et notre familiarisation des challenges affrontant les services publics algériens.
études précédentes
Nous avons choisi trois études, parmi un corpus composé de trente études examinées, qui sont en relation avec notre recherche, dont la première est celle réalisée en 2014 par Leila Benlatrache qui porte sur la communication publique dans le contexte algérien, elle vise à déterminer le statut donné aux communicateurs des organisations publiques, en précisant comment ces dernières envisagent ce métier.
L’auteure considère la communication publique comme une préoccupation des acteurs publics, par laquelle ils communiquent sur leurs actions et oriente l’action publique au service de l’intérêt général.
L’étude fait référence à des recommandations qui représentent des enjeux de la communication publique en Algérie, à l’instar de la formation des communicateurs et la reconnaissance de ce métier au sein des entités publiques, cela va procurer une piste pour notre étude1.
Quant à la deuxième étude, portée sur la communication publique en Algérie, réalisée en 2021 par Sami Khenfi et Djamel Benzerouk2, elle visait à fournir une lecture critique de la réalité de la pratique de ce style de communication en Algérie, ainsi que sur ses diverses caractéristiques constituant la réalité de sa pratique dans le contexte algérien.
Les résultats de cette étude indiquent les raisons du phénomène de manque d’efficacité de la communication publique, qui est la tendance de cette dernière à la propagande politique et à la promotion des personnes au lieu de se concentrer sur des programmes et des projets visant l’intérêt général, en plus à l’absence d’une stratégie de communication capable d’instaurer la confiance du citoyen en répondant à ses besoins de communication et d’information liées aux affaires publiques.
En ce qui concerne la troisième et dernière étude, réalisée en 2015 par Aïssa Merah et Vincent Meyer, elle porte sur la communication publique et territoriale au Maghreb. Dans cette étude, l’intérêt est porté sur les enjeux et défis de la communication publique et territoriale au Maghreb. Elle s’intéresse aux modalités et aux apports de la communication publique et territoriale dans des secteurs d’activité diversifiés.
Les résultats de cette étude mettent en avant le rôle incontournable de la communication publique et la nécessité de la redéfinir avec une meilleure contextualisation et maitrise de ses outils. Trois constats ont été soulevés au sujet de la conception et la planification de la communication territoriale en Algérie, qui sont aussi valables pour les autres pays du Maghreb, à savoir :
1. L’absence d’une vision stratégique en matière de communication publique portant sur les politiques publiques, en outre, le manque d’évaluation pour les actions entreprises. Cela reflète une déficience en matière de l’esprit managérial intégrant le réflexe communicationnel ;
2. La confusion entre la communication publique et la communication institutionnelle, où la première se porte sur l’intérêt général, laisse apparaître sa dimension sociale et démocratique, alors que la seconde est relative à la gestion de l’image et la réputation de l’organisation (Libaert et Johannes, 2016) ;
3. Quant au troisième constat, il est relatif à la non-implication des parties prenantes dans le processus du projet de communication publique et territoriale. Cette pratique s’explique selon Aïssa Merah et Vincent Meyer (2015) par le suivi d’une approche qui ne prend pas en considération les trois conditions exigées par une communication publique efficiente, à savoir : la volonté d’assurer la participation démocratique, la volonté de garantir le droit d’accès à l’information et la création d’un environnement propice à la liberté d’expression des opinions et des attitudes.
Les auteurs constatent que l’absence de ces trois conditions entraine des difficultés des projets de la communication publique à se faire accepter par les différentes parties prenantes, or ces dernières se sentent exclues du processus de gestion de leur communauté.
L’étude est déclinée en quatre axes. Le premier axe comporte une présentation de la communication publique, son objet et ses caractéristiques. Le second axe se porte sur la nécessité du changement de modèle du management des organisations publiques. Quant au troisième axe, il traite l’état des lieux de la communication des services publics en Algérie. Enfin, le quatrième et dernier axe examine les enjeux de la communication des organisations publiques en Algérie.
L’espace public est la sphère morale dans laquelle se tiennent les débats publics pour prendre des décisions qui orientent les affaires publiques (Cottereau et Ladrière, 1992). Il est considéré aussi comme « la clé de la pratique démocratique, car il constitue le cercle médiateur entre la société civile et l’État, c’est-à-dire entre le cercle des intérêts particuliers multiples, divers et contradictoires, et le cercle du pouvoir unifié et abstrait » (Avaya, 1998, p. 165).
Les organisations publiques constituent l’une des composantes les plus importantes de l’espace public et l’un des niveaux de débat et du service public. Dans ce contexte, Marc Lits (2014) considère la notion d’espace public comme la pierre angulaire d’une discipline en voie de constitution qui est la communication publique.
L’enjeu le plus important de la communication publique est la création et l’exploitation de l’espace public et son occupation effective, il représente son objet d’application (Benlatrache, 2014) de manière à répondre aux attentes des différents acteurs, c’est un outil pour l’État d’impliquer les citoyens dans l’élaboration des politiques publiques et un moyen d’asseoir la légitimité de ses décisions. Dans cette vision dynamique de cette forme communicationnelle, Nabila Boukhebza (2014) souligne : « Les pouvoirs publics et le service public sont le domaine de la communication publique » (p. 15).
L’objet d’intérêt de la communication publique s’est étendu pour contenir tout acteur qui intervient sur la place publique, institutions, entreprises, mouvements et groupes (Beauchamp, 1991). La communication publique est reconnue par certains auteurs « comme élément de gestion des services publics » (Bessières, 2009, p. 22), Elle est en ce moment inévitable à n’importe quelle administration (Ait Abdelkader, 2017).
François Demers (2008), confirme que l’appellation de « communication publique » n’est apparue qu’en 1987. Elle est définie comme « l’ensemble des phénomènes de production, de traitement, de diffusion et de rétroaction de l’information qui reflète, crée et oriente les débats et les enjeux publics » (Demers, 2008, p. 210). Par conséquent, la communication publique est « avant tout, une pratique, avant d’être un concept théorisé » (Bessières, 2009, p. 15) et sa complexité relève de sa double dimension : politique et publique, et malgré son instabilité constante, elle est dominée par l’aspect public, voire qu’elle vise l’intérêt général.
Comme le voit Pasquier (2017), cette complexité tient aux organisations publiques elles-mêmes, leurs objectifs sont paradoxaux et complexes puisqu’ils visent la qualité des prestations sur tout le territoire, d’une part, et une optimisation de leurs budgets, d’autre part.
De ce fait, la communication publique est indissociable du contexte dans lequel elle intervient. En effet, des mutations profondes de l’écosystème de l’information ont bouleversé les méthodes traditionnelles de communication, (OCDE, 2021) notamment avec la prolifération des technologies du numérique. D’ailleurs, dans ce sens, de nouvelles formes de communication émergentes s’imposent pour caractériser le nouvel espace public en cours de formation et de structuration pour fournir un nouveau modèle communicationnel plus ouvert (Hammami, 2009, p. 188).
Dans un contexte de logiques institutionnelles contradictoires, les organisations publiques assurent une mission duale, qui porte sur un défi de la gestion des dilemmes (Tirilly, 2018). De ce fait, les organisations publiques se caractérisent par leur statut. Ce dernier, se base sur un mode de conduite émanant d’une logique politique, dont la mission du contrôle est assurée par des élus (le parlement), ainsi « organisées par des règles de droit public qui déterminent les choix managériaux » (Pasquier, 2017, p. 13).
En outre, les tâches des organisations publiques découlent d’une base légale dont l’objectif est de satisfaire les besoins collectifs, d’une part. D’autre part, l’environnement est géré par le principe d’imputabilité envers la population, les partenaires et les médias, c’est-à-dire l’ensemble des parties prenantes de l’organisation (Pasquier, 2017).
Pierre Zémor insiste sur la nécessité d’identifier le champ de l’institution et de le différencier du champ de la politique. Cet auteur fondateur de la communication publique considère que cette complexité est due à deux niveaux : la théorie et la pratique, c’est-à dire le droit et le professionnalisme (Olivier, 1995).
Pour ce qui concerne le contexte algérien qui fait partie intégrante du Grand Maghreb, on constate une « construction et crise de l’état postcolonial, marqué par les transformations des organisations publiques et mutations de la sphère des médias » (Hammami, 2009, p. 182). Toujours Sadok Hammami (2009) constate que les économies arabes ont connu une entrée progressive dans le processus de mondialisation, accompagnées par des adaptations et des transformations de l’administration publique et d’autres organisations, à travers, notamment, la libéralisation de l’économie, la montée du secteur privé, ainsi que les injonctions des organisations internationales.
La communication publique s’est considérablement développée dans les pays démocratiques depuis le début des années 1980 (Pasquier et Maillard, 2017). Rapidement, elle a pu trouver sa place, étant un devoir de l’état et l’une des fonctions stratégiques des organisations et qui vise principalement l’intérêt général de la communauté.
Cordelier et Montagnac-Marie (2008) insistent que l’organisation doit adopter une initiative volontaire au changement organisationnel, ils confirment que sa réussite dépend de la qualité de la communication. Or les organismes et organisations publics ont besoin de communication pour assurer la bonne conduite des services qu’ils rendent aux institutions et aux citoyens, car elle contribue à renforcer l’acceptation des politiques publiques initiées par les pouvoirs publics et à ouvrir la porte au dialogue à leur sujet (Zémor, 1995). La communication permet aussi de faire connaître l’action publique, d’informer les citoyens, les médias, les agents publics et la société, et d’offrir des opportunités de participation à la prise de décision (Al-Shabakhly, 2001).
Dans cette perspective, la communication publique joue un rôle primordial dans la vie des organisations publiques aux niveaux central et local. Elle représente également le principal outil de coordination entre le gouvernement et les collectivités locales. La Constitution algérienne stipule que les collectivités territoriales représentent la base de la participation des citoyens à la gestion de leurs affaires (Article 16 de la Constitution algérienne, 2020). De plus, les lois inhérentes à ces collectivités, prévoient le rôle des conseils populaires élus dans la promotion de la démocratie participative, et la garantie de la transparence de la prise de décision locale ainsi que la participation des citoyens aux délibérations.
Dans le même contexte, la communication des organisations publiques remplit, selon Pasquier (2017), plusieurs fonctions qui reposent sur des règles juridiques et accroissent leur légitimité, à savoir : 1) informer le public ; 2) expliquer et accompagner les décisions ; 3) défendre les valeurs et promouvoir un comportement responsable ; 4) assurer le dialogue entre les institutions et les citoyens. Il est lié à la vision moderne de l’organisation publique, ainsi qu’aux règles de conduite, qui tirent leurs principes de l’aspect éthique, comme recevoir et écouter, renforcer la légitimité des institutions et des procédures publiques, et contribuer à préserver le lien social.
Le développement de la gouvernance à différents niveaux nécessite l’implication des citoyens au sein des organisations pour valoriser les décisions politiques qui concernent tous, aux niveaux locaux et centraux. Les organisations et les administrations publiques doivent assurer un dialogue honnête et permanent avec les citoyens à travers les informations qui leur sont fournies, assurant ainsi une information crédible, génératrice de confiance entre gouvernants et gouvernés.
Pasquier (2017) considère la communication dans les organisations publiques, à la fois comme une exigence, un moyen, mais aussi une difficulté. « Nécessité, car elle est une composante principale dans le système démocratique, elle soutient les principes de transparence et de contrôle ainsi que la légitimation des actions » (Pasquier, 2017, p. 14). Ainsi, la communication publique représente un outil des pouvoirs publics, leur permettant de véhiculer à travers la persuasion et l’incitation sociale. Néanmoins, elle représente aussi une difficulté, car la communication, avec les objectifs mentionnés précédemment, génère des coûts liés à la publicité et à la visibilité, qui visent à atteindre les cibles (Pasquier, 2017).
La relation de la communication avec l’administration est fonctionnelle, étant une fonction stratégique dans l’organisation, son efficacité affecte directement la performance de l’administration et ses relations avec ses parties prenantes aux niveaux interne et externe, de sa part l’administration publique a connu plusieurs modèles de gestion, chacun ayant les caractéristiques de l’époque où il prévalait, ainsi que du contexte social et sociétal du pays, en affectant la communication et en permettant de concevoir ces acceptions de chaque époque.
Face aux transformations que connaît le monde dans divers domaines. L’évolution numérique et le développement constant des technologies de l’information et de la communication, des technologies modernes liées à l’intelligence artificielle et aux réseaux sociaux et à la gestion de Big-Data, permet l’émergence des enjeux liés à la cyber-sécurité, devenu un impératif pour les organisations de revoir leurs modes de management afin de s’adapter à ces mutations et de répondre aux aspirations de leurs parties prenantes (Bartoli, 2009 ; Ibka, 2021).
Ces transformations ont contribué à l’émergence d’autres défis liés principalement à la problématique de la pérennité et de la relation de l’organisation avec son environnement et ses partenaires, où la nécessité de consacrer les principes de transparence, de participation et d’adaptabilité est revendiquée. Ces enjeux ont contribué à la l’émergence d’un modèle de management, socialement responsable (Audouin, Courtois et Rambaud-Paquin, 2009), proche du modèle de management démocratique dans lequel l’organisation se caractérise par l’indépendance et la responsabilité de certaines unités en son sein, permettant aux différents acteurs de partager cette relation symétrique, ainsi que la transformation du citoyen de simple usager en un partenaire (Pasquier, 2017), sur les ruines du modèle de New Public Management (NPM), fondé sur l’autonomie des fonctions. Tandis que le modèle bureaucratique, qui se caractérise par une centralisation hiérarchique, n’arrive plus à suivre le rythme de l’environnement numérisé des organisations modernes, ce qui accélère le recours à un nouveau modèle de management.
Des recherches ont proposé le décloisonnement des organisations publiques, on les a pourvues d’autonomie et d’initiative, ainsi du contrôle à postériori, et la mise en place de formes participatives dans le travail et de communication institutionnelle (Bessières, 2009), de ce fait, la communication publique va s’insérer dans le management participatif.
Il ne saurait y avoir de pilotage efficace de la communication sans une interrogation préalable portant sur le contexte dans lequel l’organisation évolue (Libaert et Suart, 2019). Dans son analyse de l’émergence et du développement de la communication publique dans le monde arabe, Sadouk Hammami (2009) considère que l’essor de la communication publique est lié à une série de dynamiques, commençant par l’héritage colonial et la crise de construction d’un état jeune et moderne, passant par d’interminables transformations des organisations publiques et mutations touchant toutes les sphères de la société.
Dans les années 1980, l’apogée des Trente Glorieuses, l’Algérie, à l’instar du reste du monde arabe, caractérisée par une communication qui s’est développée dans un contexte marqué par la fragilisation de l’état (Benlatrache, 2014). Cette fragilisation est due à une crise multidimensionnelle, « suivi par la montée d’une contestation sociale et politique multiforme » (Hammami, 2009, p. 185).
Située dans son contexte sociétal, précité, la communication publique en Algérie, a subi des mutations qui font partie des changements des modes de gestion politique et sur le statut des organisations publiques dans des sociétés de plus en plus ouvertes et des économies désormais soumises aux effets de la mondialisation, sous la résistance des modes de gouvernance locaux qui ne répondent pas aux aspirations des peuples.
Dans ce contexte, Hammami (2009) préconise un nouvel espace public, qui favorise de nouvelles formes de pluralité, de visibilité, d’expressions médiatiques et explique le recours croissant de l’état et ses organisations à la communication, la fin des années quatre-vingt (1980) du siècle dernier a vu des transformations au niveau international et régional. à l’instar de l’effondrement du camp de l’Est et la chute du mur de Berlin, la plupart de ces transformations s’inscrivaient dans le contexte de la mondialisation.
En réponse à ces évolutions, le législateur algérien a initié de profonds changements dans la sphère politique et économique, en ouvrant la voie au pluralisme politique et médiatique. En prime, suivi plus tard du cours de la privatisation, ce que s’est traduit par l’intérêt d’améliorer la relation de l’administration avec le citoyen par le développement de la communication, en codifiant ce processus et en l’organisant dans un ensemble de textes. Le plus important d’entre eux est le décret n° 88-131 du 4 juillet 1988 réglementant les relations entre l’administration et le citoyen (Journal Officiel n° 27 du 6 juillet 1988). Ce décret comportait un ensemble de principes fondamentaux qui étaient considérés comme le socle de la communication entre l’administration et le citoyen.
Il est toujours en vigueur, à ce jour, les principes de décret n° 88-131, précité, s’articulent autour des axes suivants : 1) Obligations de l’administration ; 2) Information du citoyen ; 3) Accueil du citoyen ; 4) Convocation du citoyen. Amélioration permanente de la qualité de service, en plus de définir les devoirs du citoyen lors de ses démarches auprès des établissements publics, et enfin les moyens de recours mis à sa disposition au cas où l’administration violerait l’un de ses droits.
En ce qui concerne la dimension numérique de la communication publique dans les organisations algériennes, elle a connu un bond en avant ces derniers temps. Les organisations publiques cherchent à s’adapter à des comportements et usages de réception fondés sur l’utilisation massive des réseaux sociaux et le recours aux applications des smartphones, ainsi que pour assurer le service public à distance, notamment à travers la modernisation des procédures administratives et de service public. La modernisation de service public a bénéficié au citoyen en permettant d’épargner du temps et de l’effort, en lui évitant les déplacements, car plusieurs secteurs centraux fournissent un certain nombre de services via leurs plateformes électroniques, à l’instar du Ministère de l’Intérieur et le Ministère de la Justice (Ibka, 2021).
La pratique, au niveau des organismes publics centraux algériens, a montré à quel point ces technologies consacrent l’accès démocratique à l’information et la transparence, quant à sa diffusion et à son échange entre l’administration et le citoyen, en fournissant des services rapides, ponctuels et de qualité.
D’autre part, la promotion de la communication numérique a contribué à valoriser les droits et libertés administratifs des citoyens et à mettre à disposition des services administratifs numériques dans le cadre de la garantie d’un ensemble de principes, d’éthique et de fondements garantissant leur accès dans les meilleures conditions.
Sur le plan social, la communication publique contribue à la transparence des procédures et à la disponibilité de l’information, et son impact sur le sentiment d’égalité et la promotion d’un sentiment d’appartenance et de fidélité à la société (Ibka, 2021). Dans ce sens, Carole Groleau (2008) considère les organisations comme des processus dynamiques soutenus par les interactions de leurs membres, afin de se tourner vers la cognition distribuée pour y repenser la place des technologies dans les organisations en transformation, à partir du concept de syntaxe des artefacts.
La communication des services publics se manifeste principalement à travers la relation entre l’administration et le citoyen ou l’usager, dont elle joue le rôle de médiateur. Le citoyen qui est considéré la raison d’être des services publics, tels que stipulés dans l’article 27 de la constitution algérienne (2020), qui comprend les principes du service public, représentés dans l’égalité, la continuité et l’adaptation, et l’article 35 qui stipule que les institutions publiques visent à servir les citoyens et à garantir leurs droits.
Malgré les efforts déployés, l’Algérie a connu un retard dans l’ajustement de ces organisations publiques « par lesquelles on ne peut parler de compétitivité des organisations publiques, tant que les moyens d’accompagnement ne sont pas réunis pour la création d’un modèle de management approprié » (Belhouchat et Belaid, 2018). Par conséquent, le concept du management dans les organisations publiques peine à trouver une identité, sa situation est en effet quelque peu paradoxale. Le modèle wébérien persiste à dominer le travail dans la majorité des organisations publiques jusqu’à présent.
En ce qui concerne la structure organisationnelle des services de communication dans les établissements et services publics, elle est organisée sous forme de cellules ou bureaux, on trouve aussi des directions de communication au niveau de certains départements ministériels (Ibka, 2017 ; Khenfi et Benzerouk, 2022). Khenfi et Benzerouk estiment que les cellules de communication au niveau de la hiérarchie étatique jouent un rôle central dans la pratique de la communication publique. Elle vise à fournir des informations d’intérêt général sur les affaires nationales, notamment celles qui visent à soutenir les priorités et les objectifs de l’agenda national, gérer l’image du gouvernement auprès des partenaires à travers les différents canaux et plateformes de communication, et consolider les valeurs nationales et promouvoir la solidarité sociale dans la société. Les chercheurs ont également identifié les parties prenantes de quatre éléments : les institutions gouvernementales, les citoyens et la société civile, les institutions du secteur privé, les médias et l’opinion publique nationale et internationale.
D’une manière générale, la communication publique en Algérie, a toujours été associée à une série de réformes poursuivies par l’État envers les services publics. La réalité confirme la prédominance de l’autorité politique, qui se distingue par l’incapacité à matérialiser les objectifs sur le terrain (Merizek, 2015 ; Daoudi et Bouadjimi, 2014) et l’incapacité à refléter les besoins du milieu dans les décisions prises.
à partir de cette situation, on peut repérer un certain nombre de défis, qui entravent le processus de réformes et empêchent les services publics d’atteindre leurs objectifs. Adman Merizek (2015) a évoqué les manifestations de cette situation, qui se caractérise par le manque d’activation de la communication entre les départements des organisations publiques et les parties prenantes, ce qui se traduit par un écart entre ce qui est fourni en termes de performance des services publics, et ce que les citoyens attendent.
En outre, la majorité des organismes publics algériens souffrent d’un manque d’innovation et de l’absence de développement des politiques planifiées et étudiées pour changer les processus et les procédures de production et de délivrance du service public. Il est confirmé par plusieurs chercheurs : l’absence d’une vision stratégique (Ibka, 2017 ; Merah et Meyer, 2015 ; Boukhbza, 2014) et le recours des organisations à la spontanéité et à l’intuition, au lieu de s’appuyer sur des recherches théoriques et empiriques dans le domaine de la persuasion, en plus de l’absence de ressources humaines qualifiées (Boukhbza, 2014 ; Mehri et Dreir, 2022) ainsi que l’absence de spécialistes de la communication ayant de l’expérience dans la connaissance des besoins des audiences et méthodes de persuasion.
à notre tour, on a constaté l’absence d’un partenariat entre le secteur de l’administration publique et le milieu universitaire (universités et centres de recherche spécialisés), ce qui empêche de mener à bien des recherches (sondage d’opinions et analyse des variables sociodémographiques de la société algérienne), afin de connaître les caractéristiques et les besoins, ce qui contribuerait à l’amélioration des fonctions de la société et à réguler le comportement organisationnel, et à l’adapter avec des systèmes efficaces de gestion des ressources des services publics. Cela peut être confirmé par la rareté des recherches appliquées ainsi que des études dans les unités organisationnelles qui fournissent des services publics, en outre par le manque d’intérêt aux bénéfices de ces recherches et études qui sont largement disponibles dans les institutions et organisations universitaires et de recherche.
Quant au Professeur Aïssa Merah (2015), il ajoute qu’il existe une confusion entre la communication publique et la communication institutionnelle dans le contexte Maghrébin. Il ajoute que la communication publique s’appuie principalement sur les moyens traditionnels et recourt rarement à l’utilisation de la communication numérique, qui offre de meilleures performances pour les services publics. De même, l’une des manifestations de la communication publique en Algérie, à l’instar d’autres pays du Maghreb, est le manque de participation des parties prenantes au déroulement des projets. Ce qui traduit une approche qui ne tient pas compte des trois conditions requises pour une communication publique efficace, à savoir : la volonté d’assurer la participation démocratique, la volonté de garantir le droit d’accès à l’information et celle de créer un environnement propice à la libre expression des opinions et des positions (Merah et Meyer, 2015). Selon Aïssa Merah, les pays maghrébins font ensemble la découverte de la communication dans les projets et le développement territorial, où l’acte de communiquer est encore incertain, voire parfois risqué (Merah et Meyer, 2015).
Les institutions gouvernementales souffrent du manque d’informations organisées et pratiques. Le manque de communication et de coordination s’avère l’une des raisons susceptibles d’entraver la performance des projets publics (Bellouchat et Belaid, 2018).
Cette situation nous amène à relever les problèmes liés aux enjeux de la communication publique en Algérie, en essayant de présenter des recommandations pour les surmonter à travers une stratégie communicationnelle engagée.
L’Administration, et plus généralement les organisations publiques, sont de plus en plus souvent des acteurs actifs de la communication. Elles doivent promouvoir les valeurs démocratiques de la société, présenter les enjeux des décisions publiques, les justifier, valoriser les activités réalisées et faire face aux nombreuses sollicitations des médias et de toute la population (Pasquier, 2017).
Depuis des années, la communication a servi d’outil commercial et politique. Aujourd’hui, elle est résolument mise au service du développement des nations et prend à partir de ce moment une dimension irrévocablement humaine (Gadi bnsahla, 2020) avec la description du contexte actuel marqué par une mutation socio-économique sans précédent (Merah et Meyer, 2015), suggérant des changements organisationnels en profondeurs, dans la recherche d’un modèle optimal du management.
Boukhebza (2014) confirme qu’avec l’avènement du concept « d’institution citoyenne », le discours de communication est passé de messages dirigés vers des objectifs marketings, à une communication, visant à atteindre des objectifs sociaux et sociétaux, devenue l’objet Marketing Public en tant qu’une discipline scientifique neutre.
Dans le cadre des défis auxquels est confrontée la communication au sein des services publics algériens, ces derniers sont appelés à s’adapter de manière continue et efficace aux évolutions de l’environnement numérique et aux enjeux qui portent sur l’avenir du service public, face aux exigences de leurs parties prenantes, et à ce qui est aussi imposé par la logique de gestion démocratique qui garantit son alignement autour de l’organisation et son accompagnement dans la réalisation des objectifs qui lui sont confiés (Ibka, 2021). Parmi les enjeux affrontant l’exercice de la communication publique dans le contexte algérien, on peut citer les éléments suivants :
La communication des organisations publiques est considérée comme une fonction managériale, « dans ce contexte, le communicant peut être considéré comme manager. Il occupe une position de relais et participe à la création de l’image de l’institution et aux maintiens du consensus » (Le Corf, 2022, p. 189). « La communication publique est marquée par un souci de management » écrit Bessières (Bessières, 2009, p. 22).
La communication des services publics algériens doit sortir du modèle bureaucratique, qui l’a diminuée en une opération routinière et un élément marginal au sein de l’organisation, exercée par des employés non spécialisés et non qualifiés (Mehri et Dreir, 2022). Afin de dépasser les entraves précitées, il est nécessaire d’adopter une vision stratégique pour la politique de communication de l’État. Cette vision doit se décliner au niveau sectoriel, qui va se concrétiser via l’élaboration des plans de communication au niveau de chaque organisation, en s’inspirant de leurs objectifs et finalités organisationnelles. Cette démarche nécessite une volonté politique, et la production d’un référentiel de métier soutenue par toutes les parties prenantes.
Il est nécessaire de souligner que le fonctionnement de la communication au sein des organisations publiques dépend de l’organigramme et de la taille de ces dernières, mais aussi de l’importance accordée aux services de communication, qui est en relation d’interdépendance avec l’organisation. Elle s’affecte par le positionnement des principes sur lesquels fonctionnent les services publics et en assurant leur concrétisation.
Les organisations publiques algériennes ont réussi à adopter les principes traditionnels de service public, à savoir, l’égalité, la continuité et l’adaptabilité, malgré quelques réserves relatives à ce dernier. Néanmoins, les dites organisations peines à atteindre les principes modernes de service public, à l’instar de la bonne gouvernance, la qualité de service, la participation et numérisation ou modernisation des services publics.
De ce qui précède, les services publics sont appelés à communiquer avec leurs parties prenantes avec transparence, égalité et neutralité, à les impliquer dans la gestion de leurs affaires à travers les mécanismes de la bonne gouvernance, ainsi à ouvrir un espace de dialogue public sur les politiques publiques.
Selon, Mégard et Deljarrie (2003) la décentralisation a provoqué, en quelques années, l’essor de la communication des collectivités locales, par son attachement aux territoires et aux institutions, elle se caractérise par sa mission citoyenne. Par conséquent, dans le contexte Algérien, on trouve que « la centralisation va de pair avec la concentration, ce double processus d’aménagement dépourvu les collectivités locales de leur autonomie à s’exprimer sur leurs actions », (Benlatrache, 2014, p. 9-10). Dans ces conditions, la stratégie de communication relève des instances centrales qui planifient les objectifs et les actions. Cette situation a entrainé un dysfonctionnement du rôle de la communication locale et une autarcie des citoyens de leurs collectivités.
Les collectivités locales doivent s’investir dans leurs communications, afin de construire une image favorable vis-à-vis de ces parties prenantes, ainsi de construire leur réputation à travers la promotion de l’attractivité des territoires, faisant appel au « Marketing Territorial ».
Un autre enjeu, pas moins d’importance, de ce qui précède, est relatif à l’interaction de l’intérêt général avec la politique, c’est-à-dire les deux facettes (publique et politique) de la communication des organisations publiques. Dans le contexte algérien, ces deux dimensions sont confuses et utilisées pour la même finalité et les mêmes objectifs, ce qui fait dériver la vocation des collectivités territoriales de service public et de l’intérêt général, vers des intérêts électoralistes. Quoique Bessières (2009) refuse de considérer la communication publique comme une politique publique, ce qui nécessite de les dissocier, de sorte qu’on puisse évaluer et promouvoir les actions de la communication publique, considérant l’intérêt général comme critère suffisant de cette dissociation.
La pratique révèle que les élus locaux ont politisé les services publics. Cette réalité a généré des conflits entre différents clans, laissant un désordre, entrainant la dégradation de la communication à un simple outil servant des intérêts électoralistes des élus, au lieu d’être une composante de la stratégie du management participatif local.
Dominique Bessières (2009) considère la communication publique comme une pratique professionnelle bureaucratisée réglementée. Il insiste que le communicateur public doit maitriser les routines administratives, puisant des normes juridiques impersonnelles, afin de maitriser les « zones d’incertitude ».
La reconnaissance du métier de communication dans l’organisation publique algérienne peine à trouver son ressort. D’ailleurs, les communicateurs sont recrutés comme de simples fonctionnaires, et ne sont pas en coordination avec la stratégie globale de l’organisation (Benlatrache, 2014).
Bessières prévoit la professionnalisation comme un enjeu de pérennisation de l’activité des communicateurs publics. Il affirme que la légitimation professionnelle vise la production de références générales pour ce métier, ce qui fait de la communication un facteur d’identité professionnelle (Bessières, 2012).
La valorisation des ressources humaines et leur qualification sont considérées comme un pari pour les organisations modernes, notamment avec le développement technologique et la prompte mutation des techniques de communication organisationnelle. Quand il s’agit du recrutement dans quelques organisations publiques algériennes, l’allégeance est le critère de sélection des candidats et non pas la formation, ni sa qualité, ni non plus les compétences et l’expertise, qui demeurent moins importants (Mehri et Dreir, 2022), en plus de négliger la formation interne dans le domaine de la communication institutionnelle.
Afin de mettre un terme à cette situation, il faut confier l’encadrement de directions de communication aux spécialistes de la communication organisationnelle et de relations publiques, en assurant une formation continue spécialisée aux cadres, tout en valorisant le rôle du responsable de la communication ou du porte-parole officiel au sein des organisations publiques (Ibka, 2017).
On a souligné que la communication au sein des organisations publiques algériennes est structurée en étroites entités, dans des cellules et des bureaux, et rarement des directions. Davantage, cette tâche ne contribue pas à la conception de la stratégie communicationnelle de l’organisation, par son emplacement dans l’organigramme (Mehri et Dreir, 2022).
La nécessité est de restructurer la communication au sein des services centraux et des collectivités territoriales en lui donnant une plus grande place dans la stratégie globale de ces instances, avec son intégration dans toutes les politiques publiques en tant qu’outil et vecteurs d’activités orientées vers l’atteinte d’objectifs organisationnels.
L’état doit assurer l’homogénéisation de ces structures à travers l’établissement d’un organigramme standard pour les organisations ayant la même vocation, ce dernier doit affecter la communication au sommet stratégique de l’organisation, nous proposons qu’elle soit structurée en direction et non en cellule.
La généralisation de l’utilisation de la communication numérique par les administrations publiques au niveau national et local est considérée comme un enjeu majeur (Mégard et Rigaud, 2012). Par ailleurs, un autre enjeu lié à celui-là, est relatif à la sécurisation des données et des informations publiques ou « cyber-sécurité », notamment avec le grand volume de données « Big Data », comprenant des bases de données, des portails gouvernementaux, et des plateformes électroniques qui permettent d’accéder aux comptes des citoyens, des universités, des banques… ainsi que les pages officielles et les sites web des institutions publiques.
La modernisation de l’administration en Algérie a fait l’objet d’une attention croissante de la part du gouvernement depuis 2013 (Ibka, 2021). La plupart des structures de l’État ont adopté des approches modernes de gestion basées sur la communication numérique, via plateformes, portails et réseaux sociaux. Dans ce sens, l’Algérie a promulgué une loi portant sur la sécurisation des données personnelles sur internet.
Toutes les études récentes prouvent que l’avenir de la communication se dirigera vers les aspects environnementaux et sociaux après avoir été dominés par l’aspect commercial et marketing. La communication prendra un caractère plus répandu et plus transparent dans lequel les organisations deviendront plus responsables (Audouin, Courtois et Rambaud-Paquin, 2009), ceci permettra l’émergence d’un nouveau type de communication dans les organisations qui se soucient de l’impact de l’activité de celle-ci sur son environnement et se soucient de promouvoir leur relation avec leurs parties prenantes dans le cadre du développement durable. C’est ce qu’on appelle la communication responsable, cette nouvelle facette de la communication va, sûrement, ouvrir des portes sur l’avenir de la relation entre organisation et parties prenantes.
Conclusion
Notre monde d’aujourd’hui, dans le contexte d’une économie numérique mondialisée, requiert l’existence des organisations publiques citoyennes et responsables, mais aussi numériques et engagées vers leurs parties prenantes, et dans lesquelles sont consacrés les principes de la participation, la transparence, la bonne gouvernance et la qualité de service.
La mission des services publics est aujourd’hui très difficile, étant donné qu’ils sont liés à des logiques contradictoires qui mettent en pari la réalisation des objectifs mêlant de l’intérêt général et de la politique, du social et de la bonne gouvernance. Ce dilemme a permis à la communication d’émerger comme une solution efficace en prêtant attention aux besoins et aux exigences des parties prenantes, qui n’ont cessé d’augmenter en quantité et en qualité, tendant vers les dimensions sociales, éthiques et environnementales, après avoir été dominées par les aspects commerciaux et économiques.
Ce changement d’orientation des parties prenantes a conduit à l’émergence d’un nouveau modèle de communication, à l’inverse du modèle dominant, qui ne vise pas le profit matériel ou la concurrence, mais cohabite avec le principe d’intérêt général, en plus de sa consécration de la responsabilité sociale des organisations vis-à-vis de leur environnement et leurs parties prenantes, dans le cadre du développement durable. C’est ce qu’on appelle la communication responsable, qui prend en compte la conformité des activités de l’organisation avec les dimensions sociales et éthiques, ainsi que pour son aspect de la politique de dialogue avec les parties prenantes.
Ce nouveau modèle de communication est capable de faire face aux enjeux qui affligent les organisations publiques, car il représente à son tour un pari pour les organisations modernes et porte des solutions à des niveaux multidimensionnels en raison de son association avec les parties prenantes. Dans cette perspective, on se demande quel est l’emplacement de ce modèle de communication dans les organisations publiques et les services publics algériens en particulier ?
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1 Cette étude synthétise l’expérience d’un Master professionnel, en communication publique et territoriale à Constantine avec l’université de Metz, Elle examine trois études de cas, analysant des actions de communication de trois collectivités territoriales.
2 étude publiée dans la revue en El-Ressala (en arabe), basée sur un corpus varié, visant la définition de la communication publique, ses fonctions et caractéristiques, ainsi que sa relation avec la communication politique et enfin la réalité de son exercice en Algérie.