La place de la formation dans la structuration du milieu des communicant·e·s politiques

au Brésil et en France 

Camila Moreira Cesar

maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication

Institut de la communication et des médias

IRMÉCCEN (EA 7546)

Université Sorbonne Nouvelle

camila.moreira-cesar@sorbonne-nouvelle.fr

Résumé

Cet article s’intéresse à la place de la formation dans la structuration du milieu des communicant·es politiques au Brésil et en France. La méthodologie adoptée comprend la réalisation, entre 2015 et 2019, de 22 entretiens à caractère ethnographique auprès de communicant·es politiques ayant travaillé pour des président·es et ministres français·ses et brésilien·nes. Les résultats montrent que ces acteurs sont majoritairement journalistes de carrière au Brésil, tandis que des parcours plus généralistes prédominent en France. Ces différences en termes de formation associées à celles relatives à leurs parcours personnels et professionnels, notamment dans le journalisme et la politique, respectivement, participent à la cristallisation de conceptions autour de l’activité de communicant·e politique différentes repérables dans les discours des praticien·nes interrogé·es dans les deux pays.

Mots-clés : Formation, Professionnalisation, Communication politique, France, Brésil, Journalisme

Abstract

This article focuses on the place of academic instruction in the structuring of the political communication advisors’ milieu in Brazil and France. The methodology adopted includes the conduct between 2015 et 2019 of 22 ethnographic interviews with political communication advisors who have worked for French and Brazilian presidents and ministers. The results demonstrate that this milieu of actors are mostly career journalists in Brazil, while more general academic paths are dominant in France. These differences in terms of academic background associated with those of their personal and professional experiences, particularly in journalism and politics spheres, respectively, contribute to the crystallization of conceptions around the activity of political communication advisor that are different, which can be identified in the discourses of respondents in both countries.

Keywords: Academic instruction, Professionalization, Political communication, France, Brazil, Journalism

Souvent examinés à partir d’un point de vue manichéiste, les rapports complexes entre « politique » et « communication » recouvrent en effet des situations, phénomènes et enjeux hétérogènes qui traduisent le travail du politique dans la société. En ce sens, la « communication politique » constitue un objet sémantiquement flou traversé par des conceptions concurrentes. Ces dernières oscillent entre une lecture technocratique de la communication et de son rôle en politique et celle qui préconise, au contraire, une consubstantialité entre ces deux termes, ce qui serait une condition pour la formation d’un espace public démocratique (Gerstlé et Piar, 2020).

Lorsque l’on s’intéresse au sujet de la professionnalisation de la communication politique, cependant, la première conception est un prisme dominant dans certains travaux, en particulier dans ceux qui l’articulent avec le processus, plus large, de médiatisation de la politique (Esser et Strombäck, 2014). Dans un écosystème médiatique complexe, les compétences techniques et conceptuelles des spécialistes du maniement des signes apparaissent en effet pour les acteurs et institutions politiques comme incontournables face aux enjeux de publicité contemporains (Blumler, 2018, 2016).

En prenant acte de la complexité d’un tel débat, cet article1, issu d’une recherche doctorale achevée en 2020, examine les enjeux de la professionnalisation des pratiques communicationnelles dans le domaine politique gouvernemental, en France et au Brésil, au prisme des acteurs en charge de leur mise en opération, à savoir les conseiller·ères en communication. Notre étude vise à resituer l’émergence de cette activité dans l’histoire politique de ces deux pays, en nous intéressant tout particulièrement à la place des formations dans la structuration de ce milieu professionnel. L’intérêt que nous portons à ces acteurs réside dans la place de choix qu’ils occupent au sein de la chaîne des médiations politiques contemporaines ainsi que dans la nature ambivalente qui caractérise leur rôle et leur travail, que ce soit en France, au Brésil ou ailleurs. La visée comparatiste internationale que nous mobilisons présente de la sorte un double objectif. D’une part, elle met l’accent sur les rapports complexes entre politique et communication dans l’histoire politique de ces deux pays et leurs effets sur l’émergence de l’activité de conseil en communication politique. D’autre part, elle vise à mettre en évidence les dimensions culturelle et historique des formes de professionnalisation et de la compréhension par les communicant·es politiques de leur propre rôle démocratique.

Dans un premier temps, nous tâcherons de placer notre problématique dans un cadre historique, social et politique précis, tout en soulignant l’importance de la dimension communicationnelle dans l’architecture institutionnelle des États français et brésilien. La deuxième partie de cette étude sera consacrée aux particularités de la formation en communication dans les deux pays. Enfin, nous présenterons une partie des résultats du travail de terrain mené auprès des communicant·es officiant en tant que conseiller·ère en communication à l’échelle gouvernementale en France et au Brésil.

  1. L’émergence du conseil en communication politique gouvernementale : regards rétrospectifs sur la France et le Brésil

Que ce soit en Amérique du Nord, en Europe ou en Amérique latine, la généralisation des conseils en communication est de nos jours un élément bien ancré à tous les échelons de la compétition électorale ou du gouvernement. Cependant, l’évolution du rôle ainsi que des caractéristiques de ce milieu d’acteurs comporte des spécificités qu’il convient d’observer selon les différentes situations nationales (Aldrin et Hubé, 2017). En ce sens, l’étude que nous proposons et qui porte sur les communicant·es français·es et brésilien·nes vise dès lors à interroger les conditions d’émergence ainsi que les variables ayant structuré ce métier dont les origines et pratiques sont étroitement liées aux transformations des représentations médiatiques de la vie politique en France et au Brésil.

Dans le premier cas, les réformes politiques et institutionnelles qui ont marqué le passage de la IVe à la Ve République ont substantiellement influé sur l’organisation de la communication du gouvernement. L’élection du général Charles de Gaulle en ١٩٦٥ a en effet été marquée par l’édification d’un modèle national de communication institutionnelle reposant sur la maîtrise des moyens de communication par l’État et renforcée par un interventionnisme plus particulièrement actif en ce qui concernait l’information télévisée (Riutort, ٢٠٢٠). Ces changements, qui ont favorisé un renouvellement du discours sur l’action publique – ceci cherchant à s’éloigner des mécanismes de propagande traditionnels (Ollivier-Yaniv, 2000) –, ont constitué un tournant pour les services de communication de l’État. Ces derniers visent en effet désormais à s’adresser non seulement aux journalistes mais aussi au « grand public ». Nous assistons ainsi au basculement de la communication gouvernementale vers la communication publique, nouveau registre de communication institutionnelle qui aspire à neutraliser la teneur politique des messages et à faire croire en la transparence du pouvoir.

Lors des échéances électorales, en revanche, plusieurs éléments (télévision, sondages, marketing politique) pointent vers une « américanisation » croissante de la communication politique française dans les années 1960-1970 (Chauveau, 2003). La Présidentielle de 1965 s’est d’ailleurs avérée à cet égard emblématique, car elle a rendu pour la première fois visible le rôle de premier plan d’un publicitaire dans la stratégie de communication d’un·e candidat·e ; il s’agit du travail de Michel Bongrand sur l’image de Jean Lecanuet, jusqu’alors inconnu de la majorité des Français·es, puis sur celle des candidats gaullistes lors des élections législatives de 1967. Considéré comme l’acte fondateur de la communication politique experte en France (Legavre, 2005), le scrutin de 1965 a ainsi cristallisé la présence, aussi controversée soit-elle dans le cas français, des spécialistes du maniement des signes dans l’entourage politique (Ollivier-Yaniv, 2003 ; Georgakakis, 1995).

Mais en dehors de l’effervescence propre aux contextes électoraux, l’importance accordée au savoir-faire des communicant·es est également apparue dans des cycles politiques de plus long terme. Le rôle du publicitaire Bernard Rideau auprès de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), de même que celui de Jacques Pilhan dans la gestion de la communication de François Mitterrand (1981-1995) puis de Jacques Chirac (1995-2007), pour qui il travailla d’ailleurs jusqu’à son décès, en 1998, ont mis en lumière l’institutionnalisation du rôle du conseil en communication dans les hautes sphères du pouvoir (Legavre, 1993). Alors que les « conseiller·ères » étaient initialement des publicitaires ou, tout du moins, des praticien·nes d’une communication plus proche de celle commerciale, en France, comme nous le verrons plus avant, ce milieu allait évoluer dans le sens d’une diversification des profils, où se mêlent compétences communicationnelles et engagement politique (Guigo, 2019).

Si en France le tournant communicationnel de l’État et de ses institutions prend ses racines dans les impératifs de transparence de la Ve République, au Brésil, à l’inverse, ce processus s’est surtout opéré dans des contextes d’autoritarisme ayant marqué l’histoire de ce pays de façon intermittente. Comme nous l’avons montré dans d’autres travaux (Moreira Cesar, 2022 ; ٢٠٢٠), l’État Nouveau sous Getúlio Vargas (1930-1945) et plus particulièrement les années de plomb, durant lesquelles sévissait la dictature civile-militaire (1964-1985), furent deux périodes phares pour le développement des structures de communication à l’échelle gouvernementale. La communication du pouvoir était alors utilisée dans un objectif persuasif et stratégique sous la forme de la propagande, tout en s’appuyant sur le soutien des conglomérats médiatiques nationaux, notamment de la chaîne nationale Rede Globo.

Parallèlement, la forte pression exercée sur la presse imposa à certain·es journalistes de quitter les rédactions et d’assumer, à la place, des fonctions de « rédacteur·rices » ou de « secrétaires de presse » au sein du gouvernement autoritaire. Cette désertion forcée traduit, comme l’affirme Chaparro (٢٠١١), « une expérience typiquement brésilienne » et peut être interprétée comme une manière de qualifier la communication du secteur gouvernemental par l’introduction d’une déontologie journalistique dans ce domaine, tout en générant un schisme au sein de la communauté journalistique. Cela s’intensifia avec l’organisation du secteur professionnel de la communication au Brésil, où les fonctions d’assessor·a de imprensa (attaché·e de presse) et d’assessor·a de comunicação (conseiller·ère en communication) demeurent encore de nos jours majoritairement assurées par des journalistes (Adghirni, 2017).

Le retour du régime démocratique à partir de 1985 a été à l’origine d’une nouvelle forme de communication avec la société. De même qu’en France, l’expression « communication publique » a dès lors été employée en vue de valoriser, dans l’espace gouvernemental, des pratiques communicationnelles censées mettre fin à l’opacité du pouvoir et répondre à des impératifs d’intérêt général. Les mandats présidentiels de Fernando Henrique Cardoso (1994-2002) et de Luiz Inácio Lula da Silva (2002-2010) s’avèrent à ce titre très importants, du fait qu’ils ont été les premiers à envisager la communication comme une composante de l’action publique et politique (Brandão, 2009). La démultiplication des services dédiés à tous les niveaux des institutions d’État, ainsi que l’affirmation d’un segment professionnel spécifique, avec le recrutement de journalistes, publicitaires et relations publiques par la voie de concours publics, suggèrent que la communication se situe au premier plan de la bureaucratie gouvernementale dans le contexte brésilien (Weber, 2011).

Ces éléments montrent à quel point l’émergence du milieu des communicant·es politiques en France et au Brésil s’entremêle avec l’histoire et les temporalités politiques de ces deux pays. Au vu des spécificités des rapports entre politique et communication dans les deux situations nationales, le débat autour de la professionnalisation de ces acteurs sociaux ne saurait se faire sans accorder une attention particulière au rôle des formations dans la structuration des territoires, pratiques et identités professionnelles afférentes.

  1. Formations et injonctions professionnelles différenciées des communicant·es politiques en France et au Brésil

Ainsi que l’affirme Vézinat (2016), la formation universitaire et sa validation par un diplôme jouent souvent un rôle important dans la constitution d’un groupe professionnel car « les savoirs qui en sont issus participent à en forger l’identité » (pp. 50-51). Néanmoins, Demazière (2008) rappelle que, si les formations et les diplômes afférents visent à standardiser les modes opératoires et fixent parfois les conditions d’accès à certaines activités, ils ne constituent pas pour autant une méthode efficace pour uniformiser les profils, les pratiques ou les fonctions des acteurs.

Si l’acte d’éduquer un professionnel influe sur sa professionnalité au sens où il suppose une connaissance du milieu ainsi que de ses besoins, dans le secteur de la communication, les futur·es praticien·nes se heurtent toutefois à la disparité entre le contenu des offres de formation et l’abondance des tâches et missions auxquelles ils·elles sont confronté·es dans le monde du travail (Lambotte, Lafrance et Coyette, 2013). C’est pourquoi Gadea et Olivesi (2016) parlent des métiers de la communication comme d’une « nébuleuse en forte expansion », en ce qu’ils frappent par le caractère dynamique, morcelé et instable des activités assurées et compétences requises, ce qui n’empêche pas pour autant leur développement dans le temps.

Pour ce qui est du domaine de la communication politique, l’enjeu est double dans la mesure où la consolidation des compétences, des savoir-faire, des valeurs et principes orientant le travail des communicant·es se heurte à leur statut professionnel fragile, dont la durée dépend du pouvoir politique (Bessières, 2009), ainsi qu’aux enjeux de visibilité particuliers des acteurs et institutions auprès desquels ils·elles exercent leurs fonctions. Sous ce prisme, interroger les expériences personnelles, professionnelles mais en particulier les parcours universitaires de ces « travailleur·euses du symbolique » en France et au Brésil permet de mettre en lumière les facteurs qui influent sur les systèmes de représentations qu’ils·elles construisent eux-mêmes.

2.1. Les parcours en communication en France : une réponse aux impératifs de la « société de communication2 » 

L’explosion des métiers liés aux technologies de l’information et de la communication, associée aux changements institutionnels de la Ve République et à l’évolution du paysage audiovisuel français durant cette période, a contribué à la hausse de la demande de professionnel·les spécialisé·es dans le secteur des communications.

Riutort (2007) attire l’attention sur l’ampleur de ce phénomène, visible aussi bien à l’Université (DESS, troisièmes cycles à vocation professionnelle ou écoles comme le CELSA-Paris IV) que dans des établissements comme l’Institut d’Études Politiques (IEP). L’expansion du secteur professionnel de la communication finit ainsi par rivaliser avec le journalisme, « qui ne devient que l’un des débouchés parmi d’autres de la filière, alors que la frontière symbolique – revendiquée par les journalistes – séparant information et communication apparaît obsolète au nom du réalisme des débouchés » (Riutort, 2007, p. 82).

En ce qui concerne spécifiquement les cursus spécialisés dans la communication politique, la création de formations en la matière est représentative de deux changements parallèles. Le premier est le développement de la communication politique en tant que chantier scientifique, alors qu’elle avait longtemps été reléguée à une place marginale par les sociologues et politologues (Mercier, 2004). Le second réside dans la reconnaissance de la spécificité de la communication politique vis-à-vis d’autres filières, avec son accession « au rang d’enseignement “classique” d’un cursus de science politique au milieu des années 1990, occupant même le troisième rang des cours, en ne cédant la place qu’aux objets “canoniques” tels que les partis politiques et l’État » (Riutort, 2007, p. 80).

La diversité des cursus consacrés à la formation de praticien·nes en communication pour les institutions du secteur public et politique ne fait que s’accroître durant les années suivantes. À ce propos, Ollivier-Yaniv (2014) rappelle la reconnaissance de la communication dans l’offre de formation de l’IEP, avec la création, dans les années 1990, de la filière « communication et ressources humaines », ajustée à un secteur d’activités en pleine expansion et susceptible d’assurer des débouchés aux étudiant·es. Nous assistons alors à la multiplication des Masters spécialisés, notamment au sein des IEP en partenariat avec les universités locales. On note que, tout du moins à leurs débuts – et contrairement au cas brésilien –, les formations consacrées à la communication politique s’inscrivent disciplinairement dans la science politique, et non dans les sciences de l’information et de la communication.

Si nous pouvons nous interroger sur la façon dont ces formations participent à la construction de l’identité professionnelle des communicant·es français·s·es, le profil des enseignant·es et les interactions des étudiant·es avec le monde professionnel par le biais de stages et d’interventions d’expert·es dans le cadre des cours fournissent une piste intéressante à creuser dans le cas français. Transiter par des espaces d’apprentissage et de formation et ceux de la pratique et de l’expérience in situ constitue, pour ces « acteurs sociaux multipositionnés » (Ollivier-Yaniv, 2014, p. 39) une façon de faire valoir leur professionnalisme auprès d’autres protagonistes participant à la construction de leur territoire professionnel. De manière complémentaire, les réseaux professionnels jouent un rôle important dans les tentatives de construction d’une image plus ou moins unifiée et d’un esprit d’appartenance à un groupe, comme l’ont montré par exemple Bessières (2009) et Lasfar et Leroux (2016) sur la Cap’Com pour les communicant·es du secteur public en France.

2.2. Les formations en communication au Brésil :
entre oscillations politiques et enjeux idéologiques

À l’instar du cas français, les difficultés à gérer une convergence de savoirs inhérente à la nature protéiforme des phénomènes afférents ont marqué la constitution de la communication en tant que champ disciplinaire au Brésil (França, 2016). Il convient toutefois de souligner qu’il existe des différences significatives, dont par exemple les effets des basculements politiques sur les sciences sociales en général et sur les cursus en communication en particulier, qui font l’objet d’un contrôle systématique par les militaires au sein des universités tout spécialement visées par ces derniers.

Alors que l’influence de la Théorie critique et l’opposition à l’école américaine de communication ont renforcé l’orientation fortement politique des formations, dans un premier temps, la période dictatoriale promeut une visée entrepreneuriale qui envahit les cursus en communication. Un tel basculement, ainsi que l’explique França (2016), conduit à un glissement de la figure du·de la communicateur·rice critique vers celle du·de la « spécialiste ». Les futur·es praticien·nes sont désormais formés par une pédagogie qui se veut moderne, fondée sur des savoirs empiriques associés aux trois domaines certes distincts, mais pourtant étroitement liés que sont les relations publiques, la publicité et la propagande – terme qui n’est pas aussi galvaudé au Brésil qu’en France –, et le journalisme (Mattos, 2005).

Sous la désignation générique de la « communication sociale », ces parcours de spécialité renforcent la perspective instrumentale de la communication dominante au sein des établissements de formation au Brésil. En plaçant au même niveau des métiers qui, malgré leur base commune, visent des objectifs assez distincts, ce modèle contribue à l’émergence d’un secteur fortement réglementé et concurrentiel, en même temps qu’il forme des professionnel·les hybrides, à mi-chemin entre la communication à visée stratégique et le journalisme. Cela a, entre autres, pour effet de normaliser, en contraste avec le cas français, les allers-retours entre le journalisme et la communication, y compris dans le secteur de la communication politique.

Mais si ce secteur fait l’objet d’un développement flagrant au Brésil, nous pouvons toutefois nous étonner de l’absence de parcours spécialisés dans cette matière en début de cursus. À cet égard, il convient de souligner le rôle de certaines agences et associations professionnelles comme l’Association brésilienne de communication publique, ou bien des modules ou « mastères » proposés par certaines universités à destination des professionnel·les3. Ces initiatives demeurent toutefois ancrées dans une dimension essentiellement stratégique de la communication, même si elles soulignent leur engagement par rapport à l’éthique et aux valeurs démocratiques censées orienter la communication du secteur public.

  1. Profils, parcours et formes de professionnalisation des communicant·es politiques en France et au Brésil

Les éléments historiques présentés dans la première partie, associés aux singularités propres à l’organisation ainsi qu’à la nature des cursus en communication qui se sont développés dans les deux pays que nous venons d’examiner, fournissent plusieurs pistes au sujet des dynamiques de professionnalisation du milieu des communicant·es politiques en France et au Brésil.

En inscrivant ces éléments dans une démarche comparative entre les deux situations nationales, nous poursuivons dans cet article la question suivante : dans quelle mesure les parcours de formation des communicant·es français·es et brésilien·nes contribuent-ils, dans ces deux pays, à structurer ce milieu professionnel et à forger plus largement des conceptions autour du rôle et du métier de communicant·e politique ? Notre hypothèse est que les formations suivies, associées à des différences en termes de culture politique et de trajectoires démocratiques, façonnent des représentations disparates à l’égard du rôle et du travail du communicant·e, de même que des conceptions de communication mobilisées par ces acteurs en France et au Brésil.

3.1. Présentation du corpus et démarches méthodologiques

Les données que nous analysons dans cet article sont issues d’un double terrain d’enquête réalisé dans ces deux pays, entre 2015 et 2019, dans le cadre de notre recherche doctorale, lors de laquelle nous avons interrogé 22 communicant·es politiques officiant en tant que « conseiller·ères en communication » au sein des cabinets présidentiels et ministériels, dont 12 pour le Brésil et 10 pour la France4. Lors de ces entretiens semi-directifs à caractère ethnographique, nous avons pu interpeller notre échantillon autour d’un certain nombre de thématiques dont se sont dégagés trois axes qui nous intéressent tout particulièrement dans le cadre de cette étude, à savoir : les parcours hétérogènes de ces acteurs, les représentations à l’égard de leur rôle et de leur activité et, enfin, les conceptions de communication mobilisées.

Sur le plan épistémologique, nous nous sommes inspirée d’une méthode interdisciplinaire qui conjugue sociologie compréhensive et analyse du discours (Oger et Ollivier-Yaniv, 2007). En rapprochant le sujet du discours de celui social, le lien entre ces deux disciplines nous semble adapté du fait de notre double préoccupation tout à la fois discursive, étant donné que nous nous intéressons à la façon dont nos interlocuteur·rices racontent ce qu’ils·elles font, comment ils·elles le font et pourquoi ils·elles le font ; et sociologique, la compréhension de leurs propos permettant ensuite d’interpréter et d’apporter des explications – aussi éphémères soient-elles – à l’égard du sens qu’ils·elles accordent à leurs actions et des représentations qu’ils·elles se font de leur rôle, de leur activité et plus largement, de la communication.

Dans les pages qui suivent, nous présenterons les caractéristiques générales des communicant·es interrogé·es, tout en prêtant une attention particulière à celles de leurs parcours universitaires et professionnels susceptibles d’influer sur la construction de ce que Lemieux (2000) appelle les « grammaires professionnelles » de ces acteurs sociaux.

3.2. Présentation et discussion des résultats

3.2.1. Caractéristiques socio-démographiques
des conseiller·ères en communication en France
et au Brésil

Un survol sur les variables sociologiques des conseiller·ères en communication interrogé·es nous offre quelques indices sur les profils différenciés ainsi que sur les formes plurielles de professionnalisation de ce milieu d’acteurs en France et au Brésil.

Pour ce qui est de la variable genre, notre échantillon est composé d’autant de femmes que d’hommes pour le côté français, avec une moyenne de trois femmes pour neuf hommes dans le cas du Brésil. Notre corpus étant limité, ces informations ne nous permettent pas d’en tirer une conclusion générale ni de mettre ces résultats en perspective avec ceux d’autres travaux s’intéressant aux métiers de la communication par le prisme des études de genre (Roginsky, Millette, Lépine, 2021 ; Elo, 2019). En ce qui concerne l’âge, en revanche, on notera que l’échantillon brésilien est sensiblement plus âgé que celui français. La plupart de nos enquêté·es au Brésil étaient en effet âgé·es de plus de 40 ans au moment de l’entretien, tandis qu’en France, cette moyenne était d’environ 25-30 ans, à l’exception des communicant·es officiant au sein de cabinets de la Présidence et du Premier ministre, dont l’âge était compris entre 40 et 45 ans. Cet écart d’âge n’est pourtant pas étonnant lorsque l’on sait à quel point, historiquement, le passage presque obligatoire par les médias d’information et les rubriques politiques en amont de leur expérience en tant que conseiller·ères en communication politique est une caractéristique importante de ce milieu dans le cas brésilien (Singer et al., 2010).

En complément de ces éléments, les parcours universitaires et expériences professionnelles de nos enquêté·es font ressortir des résultats pertinents au vu de notre problématique.

Les informations relatives aux parcours de spécialité et établissements fréquentés par les communicant·es politiques présentées dans le tableau 1 offrent un aperçu des parcours hétérogènes de ce milieu d’acteurs dans les deux situations nationales5.

Tableau 1. Parcours de formation de l’échantillon

France

Brésil

Parcours
de spécialité

- Master Communication et
Ressources Humaines
 ;
- Master professionnel science
politique ;
- Master Économie de l’aménagement du territoire ;
- Master Communication politique et sociale ;
- Master Lettres modernes ;
- Master Communication politique et des institutions publiques ;
- Master professionnel Économie publique-protection sociale ;
- Relations publiques ;
- Maîtrise de gestion.

- Licence en Journalisme ;
- Licence et Master en Journalisme suivis d’un doctorat en science politique ;
- Licence en Journalisme suivi d’un MBA en journalisme
politique, communication et
politique ;
- Licence en Relations Internationales suivies d’un MBA Planification publique, budget et management ;
- Licence en Relations Internationales suivie de concours d’entrée dans la carrière diplomatique.

Établissements fréquentés

- Université de Paris 1
Panthéon-Sorbonne ;
- IEP/Sciences Po ;
- CELSA ;
- École Normale Supérieure (ENS) ;
- Université Paris-Est Créteil ;
- Université de Poitiers.

- UNICEUB/Brasilia ;
- Université de São Paulo ;
- Université fédérale du Rio Grande do Sul (UFRGS) ;
- Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) ;
- Université Catholique du Rio Grande do Sul (PUCRS)

Les communicant·es interrogé·es en France ont, pour la plupart, effectué des études supérieures initiales plutôt généralistes (lettres, histoire, philosophie, science politique ou sciences économiques) suivies d’une spécialisation en communication. Parmi les 10 interviewé·es, cinq ont fait des études de master en communication, dont trois dans le domaine de la communication politique et institutionnelle. Le fait que ces dernier·ères aient été âgé·es de moins de 35 ans au moment de l’entretien révèle un facteur générationnel qui n’est pas sans rapport avec les transformations de l’offre de formation dans ce domaine à partir des années 1990 (Riutort, 2007). En ce qui concerne les établissements fréquentés, nous avons notamment constaté des passages par Sciences Po Paris, CELSA-Sorbonne Université et l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Tout en respectant les biais de notre étude, qui porte exclusivement sur les communicant·es officiant au sein du gouvernement Exécutif national, la fréquentation de tels établissements, qui jouissent d’un prestige indéniable dans le paysage universitaire français, nous amène à discerner un certain degré d’élitisme dans ce milieu en France.

Les cursus des communicant·es français·es contrastent avec ceux de leurs homologues brésilien·nes, qui sont pour leur part majoritairement des journalistes. Il se trouve, en effet, que parmi les 12 interviewé·es au Brésil, seuls deux échappent à la règle : E20, diplomate de carrière, et E18, diplômé·e en relations internationales, mais ayant toutefois travaillé comme journaliste à la Folha de São Paulo6. Pour ce qui est des lieux de formation fréquentés, la plupart des interviewé·es ont étudié au sein d’universités publiques prestigieuses et d’établissements privés renommés. Cependant, cet aspect semble moins déterminant que la région d’origine pour le profil des communicant·es brésilien·nes. À l’exception d’E17 et d’E14, qui sont respectivement originaires de Brasília (Centre-Ouest) et de Fortaleza (Nord-est), les praticien·nes interrogé·es viennent majoritairement de l’axe Sud et Sud-est, c’est-à-dire des deux régions qui représentent, historiquement, le berceau des élites économiques et politiques brésiliennes7.

Dans le prolongement de ces résultats, les parcours personnels et professionnels hétérogènes des conseiller·ères interrogé·es viennent éclairer les dynamiques spécifiques à ce milieu d’acteurs dans ces deux pays.

En France, l’engagement militant et l’expérience en milieu associatif ou celles auprès de partis ou personnalités politiques, ont représenté une voie d’entrée non négligeable de nos enquêté·es dans le métier. Dans le cas des plus jeunes, les premiers contacts avec la communication politique ont eu lieu lors de leur participation à des campagnes électorales ou dans le cadre de stages de fin d’études au sein des cabinets politiques ou des agences de conseil ayant des client·es politiques8. En ce qui concerne les plus expérimenté·es, on remarque le poids d’une certaine « loyauté » envers les personnalités conseillées, qu’ils·elles côtoient depuis des années et avec lesquelles les relations perdurent aussi bien du fait d’intérêts professionnels qu’en raison de liens amicaux qui se sont noués au fil du temps. Néanmoins, en ligne avec les travaux de Bessières (٢٠٠٩) sur les communicateur·ices publics, le manque de stabilité en termes de statut ainsi que la nature peu rentable économiquement d’un tel métier est souvent une raison pour laquelle ils·elles n’y restent pas de manière durable. Dans certains cas, ils·elles offrent leur aide ponctuelle et à titre bénévole, comme nous l’a confié, par exemple, E8, pour qui cette proximité est également importante « en termes d’influence » (sic).

En transposant ces réflexions à la réalité de ce même milieu au Brésil, nous constatons que le journalisme et les agences de communication sont les deux principales voies d’entrée dans la communication politique institutionnelle.

Neuf des 12 communicant·es interviewé·es ont des liens avec ce domaine d’activité, tout particulièrement dans deux cas de figure. En effet, soit ils·elles travaillaient déjà au sein d’agences de communication ou, tout du moins dans la communication d’entreprise, avant d’intégrer le cabinet, soit ils·elles ont fondé leur propre entreprise ou travaillent à leur compte après leur expérience au sein du gouvernement – ce qui est parfois également le cas pour leurs homologues français. L’engagement militant apparaît ici moins significatif par rapport au contexte français, étant donné qu’il n’a été mentionné que par très peu d’enquêté·es et ce jamais de façon spontanée. Cet aspect semble marginal dans notre panel de communicant·es brésilien·nes, ce même si certain·nes ne nient pas complètement la nécessité d’une compatibilité idéologique minimale pour devenir conseiller·ère en communication politique de quelqu’un·e.

Même s’ils méritent sans doute d’être creusés davantage, ces éléments nous donnent toutefois des indices au sujet des caractéristiques du processus de professionnalisation identifiables chez les communicant·es politiques en France et au Brésil. On retiendra particulièrement une différence significative en termes de parcours de formation, de même qu’une entrée dans le métier par la voie du marché dans le cas brésilien, tandis que la proximité avec la politique semble pour sa part constituer un facteur plus déterminant dans le contexte français. Dans les pages à venir, nous examinerons la façon dont ces différences traversant le milieu des communicant·es politiques en France et au Brésil se traduisent dans leurs représentations et conceptions de leur métier, de leur travail et de la communication au sens large, tout en mettant l’accent sur la place des formations dans ces processus.

3.2.2. Représentations et stratégies de légitimation des communicant·es politiques français·es et brésilien·nes

Lorsqu’on leur demande de parler de leur poste, par exemple, les conseiller·ères interrogé·es de ces deux pays définissent le rôle du communicant·e politique en termes purement opérationnels. Ils·elles le présentent en effet à partir de tâches et de missions précises, de même qu’ont été évoquées des actions plus ou moins routinières (veille médiatique, relation avec les médias, conférences de presse, etc.), ce qui met en évidence les savoir-faire d’un métier qui s’est surtout construit par le biais de la pratique (Gadea et Olivesi, 2016).

En général, nos enquêté·es se présentent comme un·e interlocuteur·trice privilégié·e entre les personnalités politiques conseillées et l’institution et les acteurs extérieurs, tels que les journalistes et les citoyen·nes en général. En ce sens, ils·elles occupent une position stratégique dans la chaîne de production de l’information politique, du fait qu’ils·elles sont censé·es garantir une certaine ouverture vers l’extérieur, tout en maîtrisant les enjeux en interne, propres à la dynamique complexe des hautes sphères du pouvoir (Aldrin et Hubé, 2017).

Mais si leur réponse à cette question a laissé croire à une certaine vision du métier de communicant·e politique, qui serait partagée par ce milieu en France et au Brésil, des points de divergence émergent toutefois quand on leur demande de définir leur rôle au sein du gouvernement et de préciser quelles seraient, selon eux, les qualités indispensables pour être « bon·ne » à ce poste, comme nous le montre le Tableau 2 présenté ci-dessous.

Tableau 2. Le rôle et les qualités du/de la conseiller·ère en communication politique en France et au Brésil

France

Brésil

Rôle

- « intermédiaire »
- « médiateur »
- « metteur en relation »
- « interface »
- « point de passage »
- « ambassadeur »
- « facilitateur »

- « intermédiaire »
- « négociateur »
- « connecteur »
- « point de référence »
- « reporter dans l’institution »

Qualité d’un·e « bon·ne » conseiller/conseillère en communication politique

- avoir du sang froid
- capacité à prendre du recul
- rester calme
- sensibilité
- honnêteté
- avoir un bon relationnel
- connaître son sujet (
politique)

- avoir de la patience
- avoir du discernement
- rester calme
- sensibilité
- honnêteté
- avoir un bon relationnel
- connaître son sujet (
communication)

Si l’on se base sur la synthèse de nos résultats présentée dans le Tableau 2, nous pouvons supposer que l’univers de représentations à l’égard du métier de communicant·e politique repose moins sur des savoir-faire techniques spécifiques à ce métier que sur des softs skills générales. Néanmoins, il convient de nuancer ces propos « indigènes », produits dans le contexte des « relations sociales » des entretiens (Bourdieu, ١٩٩٣), dès lors que nous avons affaire à des spécialistes du maniement des signes et du contrôle de la parole. En d’autres termes, ils·elles sont conscient·es des critiques potentielles formulées à l’encontre d’une mise en avant de qualités de nature technique, voire instrumentale des compétences, communicationnelles appliquées au domaine politique, en particulier dans un contexte où la sophistication des pratiques de communication politique est souvent reliée à l’apathie citoyenne, à la défiance envers la politique, ses acteurs et institutions, à la montée des droites extrêmes (Blumler, 2018 ; Aldrin et Hubé, 2017).

Cependant, une piste intéressante vis-à-vis de notre problématique s’est dégagée lorsque les communicant·es ont parlé de la nécessité de « connaître son sujet », ce qui peut signifier deux choses, selon les précisions apportées à la suite de notre question.

Dans le cas de notre échantillon français, la connaissance du sujet renvoie à celle du monde politique, à son fonctionnement et ses contraintes, de même qu’à la culture générale de la France (histoire, géographie, sociologie, etc.). Selon les communicant·es français·ses, c’est grâce à leurs compétences politiques qu’ils·elles peuvent exercer aisément leur rôle de conseiller·ère en communication auprès des ministres et président·es. Il est intéressant de noter que les communicant·es brésilien·nes raisonnent de manière assez différente par rapport à ce point. Selon ces dernier·ères, la connaissance du sujet repose moins sur des ressources politiques que sur leur capacité à organiser un espace de communication, à choisir et mobiliser des outils, des canaux et des formats afin de concevoir et de transmettre efficacement un message. En d’autres termes, connaître son sujet revient à disposer de compétences techniques permettant de traiter et d’opérationnaliser la communication dans un contexte politique. Nous retrouvons ici la vision instrumentale de la communication politique telle qu’elle a été définie par Gerstlé et Piar (2020), dans laquelle la dissociation entre la « communication » et la « politique » amène à envisager la première dans sa conception essentiellement technique et la seconde dans une autre nécessairement manipulatoire.

Cette différence est apparue plus nettement lorsque nous avons posé la question de savoir ce qui, selon eux, serait le plus important pour faire de la communication politique, c’est-à-dire la proximité avec le monde politique ou l’expertise technique sur la communication.

À l’exception de deux communicant·es, qui ont insisté sur l’importance des connaissances techniques pour exercer ce métier dans un contexte politique, les autres interviewé·es français·es considèrent, pour leur part, la familiarité et le goût pour la politique comme deux conditions indispensables pour exercer ce métier, ce qu’illustre le passage ci-dessous.

[...] il faut avoir un regard politique sur les choses. […] les politiques ne sont pas des bananes, vous ne pouvez pas vendre des politiques comme vous vendez des chaussettes. Il y a une perception de l’opinion, il y a une perception du risque. [...] Je pense qu’il y a un tempérament, un intérêt pour la politique, il y a un peu le sens de l’État et du service public [...] (E7, ministère des Affaires étrangères, France)

L’étude des propos des communicant·es français·es permet de faire ressortir la dimension avant tout engagée qu’ils·elles associent à leur activité. Cela est confirmé par la présence récurrente, dans leurs discours, de formulations telles qu’« avoir le goût » de la chose publique, « aimer la politique », « avoir un regard politique », entre autres, ce qui corrobore la position équivoque des conseiller·ères dans le cas français. Dans certains cas, la mobilisation d’une rhétorique à forte teneur politique va jusqu’à nier leur casquette de « communicant·e » – à l’instar de E٥, qui se définit comme un·e « professionnel·le de la politique qui opère des concepts politiques ».

Pour ce qui est de nos interviewé·es brésilien·nes, ils·elles mettent pour leur part davantage l’accent sur les connaissances techniques et la nécessité d’une mise à distance entre le travail de communication qu’ils·elles opérationnalisent et son contenu, c’est-à-dire la politique elle-même, comme le démontrent les propos de ce·tte communicant·e.

Je pense que l’expertise [technique] pèse plus […] : lorsque vous êtes engagé politiquement, que vous êtes militant, le professionnel de communication perd son sens critique, puis il applaudit toutes les actions de la personne conseillée, puis vous commencez à voir ceux qui vous critiquent en tant qu’ennemi. [..] Cela peut fonctionner pour les managers [hommes et femmes politiques], mais pour ceux qui sont des professionnels de communication, cela ne fonctionne nullement. [...] (E17, ministère de la Justice, Brésil)

En effet, la revendication d’une certaine « neutralité » constitue en effet un trait marquant des discours employés par ces acteurs au Brésil, qui s’efforcent d’établir un distinguo et des frontières nettes entre la rationalité liée à leur travail (qu’est la communication) et la dimension passionnelle associée à sa matière (la politique). En ce sens, ce sont plutôt là des vertus issues du journalisme, telles que l’objectivité et la nature « désintéressée » de leur travail, qui ont été mises en valeur dans les discours des communicant·es brésilien·nes. Cette posture plus « technique » se distingue ainsi de celle, davantage « politique », revendiquée par les communicant·es français·ses : alors que ces dernier·es considèrent que faire de la communication politique est une extension de l’engagement politique, les praticien·nes brésilien·nes prônent, pour leur part, une certaine « désidéologisation » qui serait indispensable pour garantir l’esprit critique attendu des professionnel·les de la communication.

Je suis arrivé ici grâce à mes connaissances techniques. [...] Je n’ai aucun lien
politico-partisan, je n’en ai jamais eu. J’ai déjà travaillé pour le PT, PMDB, PSDB, PTB, mais toujours pour des questions techniques, c’est cela qui m’a fait venir et m’a fait rester [à Brasilia]. Ça fait cinq ans que je suis ici et j’envisage d’y rester. [...] Le journaliste est aujourd’hui un ouvrier du secteur gouvernemental. (E15, ministère de la Justice, Brésil)

Alors que l’absence d’identification partisane est présentée comme un manque de conviction, voire d’honnêteté, dans les discours des communicant·es français·es, dissimuler ses préférences partisanes, voire ne pas en avoir du tout, est, en effet, présenté comme un atout par ces communicant·es qui se définissent pour la plupart comme des « professionnels du marché9 ». Ce résultat montre la logique marchande ancrée derrière la structuration d’un secteur d’activité consacré à la communication politique dans le cas brésilien. Cette idée est par ailleurs renforcée par l’utilisation de mots issus de l’univers entrepreneurial – « marché », « prestataire », « client », « manager » – y compris pour se référer au/à la ministre conseillé·e –, entre autres – par certain·es de nos interlocuteur·rices, en particulier celles et ceux issu·es d’agences de communication privées, à l’instar de la FSB10. Particulièrement significative à cet égard, l’expression « ouvriers du secteur gouvernemental », employée par E15 pour évoquer le rôle des journalistes travaillant en tant que communicant·es politiques, représente le summum de la figure du/de la communicateur·ice « expert » dont parle França (2016).

Cette rhétorique fortement inspirée du monde des affaires fait défaut dans les discours des communicant·es français·es. Loin d’envisager ce domaine d’activité comme une opportunité de carrière, ces dernier·es mettent pour leur part l’accent sur les motivations avant tout « nobles » qui les avaient poussé·es à s’y lancer, comme le démontre le passage ci-dessous.

Faire de la communication politique c’est faire de la politique. [...] Du coup, il faut que les gens sachent pourquoi ils sont là, qu’ils sachent ce qu’ils ont à raconter, il faut des soldats. [...] Les meilleurs communicants que j’ai rencontrés n’avaient pas fait des études de com’, ce sont des gens qui ont une conviction, une personnalité, un parcours, un engagement. (E7, ministère des Affaires étrangères, France)

Qu’ils·elles soient issu·es de parcours plus généralistes ou de formations davantage spécialisées dans la communication publique et politique, les communicant·es français·es sont unanimes pour dire que la communication politique n’est pas vraiment un métier, mais un prolongement de l’activité politique. En ce sens, leurs représentations à l’égard de leur rôle et du métier qu’ils·elles exercent, de même que le professionnalisme afférant, reposent sur des valeurs professionnelles moins fondées sur des critères d’ordre technique – comme dans le cas brésilien – que sur la passion et la confiance envers le projet qu’ils·elles défendent et la personne qu’ils·elles conseillent. Ces éléments mettent en évidence l’ambiguïté de ce milieu d’acteurs en France, où l’activité de conseil en communication politique semble se confondre avec celle politique elle-même (Riutort, 2007).

Même s’il existe une hétérogénéité des profils, l’on peut toutefois affirmer la « convergence sur un principe supérieur commun » (Boltanski et Thévénot, 1991, p. 48), à savoir la passion, la loyauté, l’engagement politique pour les communicant·es français·es, l’objectivité, la transparence, la technique pour les praticien·nes brésilien·es, qui définit les formes de rapprochement ou bien le système de justifications propres au milieu des communicant·es politiques en France et au Brésil.

Conclusions

Dans cet article, nous nous sommes intéressée à la place des formations dans la structuration du milieu des communicant·es politiques en France et au Brésil. Notre problématique questionnait la façon dont les parcours de formation poursuivis par ces acteurs contribuent à délimiter un territoire professionnel et à cristalliser des représentations autour du métier de communicant·e politique. L’analyse des entretiens menés auprès de praticien·nes officiant au sein de cabinets présidentiels et ministériels confirme notre hypothèse et montre que les expériences politiques française et brésilienne jouent un rôle structurant dans la construction des savoirs théoriques et empiriques associés au métier de communicant·e politique propres aux deux situations nationales. Ainsi, les formations suivies contribuent à façonner, à leur tour, des représentations et des identités professionnelles tout aussi distinctes en France et au Brésil.

Nous retiendrons notamment une certaine homogénéité des profils des communi­cant·es brésilien·nes, qui sont majoritairement des journalistes, par rapport à leurs homologues français, ces derniers étant davantage caractérisés par la variété d’horizons disciplinaires. De même, nous noterons une certaine désidéologisation revendiquée par les enquêté·es brésilien·nes pour témoigner de leur « professionnalisme » en contraste avec les logiques partisanes à l’œuvre dans le contexte français. Enfin, l’on observera la façon dont les représentations et conceptions associées au rôle ainsi qu’au métier de communicant·e politique exprimées lors des entretiens se forgent sur des vertus, rhétoriques et valeurs professionnelles propres aux champs politique et journalistique, à savoir sur les univers derrière lesquels ce milieu professionnel s’est historiquement développé en France et au Brésil, respectivement. La relation d’interdépendance qu’ils·elles entretiennent avec ces deux sphères les a amené·es à se créer un système de représentations pour se penser dominant·es ou, tout du moins, pour justifier leur rôle dans les espaces au sein desquels ils·elles exercent leur activité (Legavre, 2014).

Si l’on accepte la conception selon laquelle les établissements de formation sont « un lieu de production, de légitimation des connaissances et de leurs désignations » (Ollivier-Yaniv, 2014, p. 42) et le fait que chaque profession définit elle-même ce qu’elle entend par son professionnalisme (Ruellan, 1992), notre étude montre les différentes stratégies discursives employées par nos enquêté·es pour faire valoir leur savoir-faire, voire leur savoir-être. Cela se traduit, dans le cas français, par une façon de dire et de se (re)présenter leur rôle et leur métier selon des compétences et une rhétorique professionnelle propres au domaine politique. Pour ce qui est des enquêté·es brésilien·nes, l’on constate, à l’inverse, la mise en avant de leur identité professionnelle première, celle de journaliste, ainsi que la supposée « neutralité » à laquelle ils·elles veilleraient dans l’exercice de leur travail. Ces attitudes permettent de parler d’un « professionnalisme du flou » – pour reprendre la formule heureuse de Ruellan (١٩٩٢) – propre à ces acteurs, étant donné leur capacité à faire perdurer leur métier malgré les « zones d’incertitude » (Crozier et Friedberg, 1977) auxquelles ils·elles sont confronté·es.

Loin de clore le débat autour de la professionnalisation de ce milieu d’acteurs, les réflexions présentées dans cet article pourraient se prolonger dans le cadre d’autres travaux portant sur des enjeux plus actuels. Ainsi, les transformations engendrées par le numérique et l’IA et leurs retombées politiques offrent des pistes prometteuses pour interroger dans quelle mesure ces « traces du passé » influent sur les pratiques et les logiques professionnelles des communicant·es spécialisé·es dans la communication politique numérique.

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Nom

Lieu d’exercice

Gouvernement

Âge

Formation

Parcours professionnel

Date de l’entretien

1

E1

Présidence de la République

Emmanuel Macron

> 35 ans

Master Professionnel Économie publique-protection sociale ; Licence Philosophie politique

Débute sa vie professionnelle dans la vie syndicale étudiante, à l’UNEF. Expériences comme communicante au Conseil Général de la Seine-Saint-Denis puis dans le secteur privé avant de rejoindre Arnaud Montebourg au ministère de l’Économie, ensuite remplacé par Emmanuel Macron. Il·elle suit ce changement et reste auprès de ce dernier.

11/04/2018

2

E2

Premier ministre

Emmanuel Macron

> 40 ans

Diplômé·e Sciences Po

Licence en Histoire

Expérience dans la communication de l’entreprise du secteur de l’énergie (nucléaire et électrique) puis dans la politique, auprès d’Alain Juppé, qu’il·elle conseille pendant deux ans. Après un retour dans le privé, il·elle revient en cabinet comme conseiller·ère en communication du Premier ministre.

29/07/2019

3

E3

Ministère de l’Éducation

nationale

François
Hollande

< 30 ans

Master Communication Publique et Politique 

Licence d’Histoire

Expérience notamment dans la communication numérique, tout d’abord auprès des entités liées au PS. Conseiller·ère en communication au sein de plusieurs cabinets ministériels. Fondateur·rice de l’agence 5 temps.

12/09/2016

4

E4

Ministère de la Défense

François
Hollande

30-35 ans

Master Professionnel Science politique 

Licence d’Histoire

Débute sa carrière chez Havas (RSCG) puis devient conseiller·ère ; en communication. Après une expérience de ٣,٥ ans en cabinet ministériel, il rejoint l’agence Majorelle comme actionnaire.

14/09/2016

5

E5

Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports

François
Hollande

> 35 ans

Doctorat en Sociologie (thèse non soutenue)

Master Économie de l’aménagement du territoire ; Diplômé École de Commerce

Débute sa carrière comme consultant·e, notamment dans l’élaboration des politiques publiques de développement local puis orientées vers la jeunesse. Expérience comme conseiller·ère en communication auprès de plusieurs socialistes puis comme chef·fe de cabinet du ministère de l’Agriculture.

17/11/2016

6

E6

Ministère de la Justice

François
Hollande

30-35 ans

Master Communication Politique et Sociale

Master Professionnel
Management de la communication dans l’organisation des services aux publics et Licence Information-Communication

Expériences auprès de personnalités socialistes pour s’occuper de la communication à l’occasion de stages et campagnes électorales. Passage par la SNCF puis dans des agences, notamment Vae Solis Corporate, avant de prendre en charge ensuite la communication de différents ministres.

24/11/2016

7

E7

Ministère des
Affaires étrangères

François
Hollande

< 30 ans

Diplômé·e de l’École Normale Supérieure de Lyon, Lettres

Militant·e socialiste depuis l’âge de 14 ans. Expérience dans la communication au sein du PS et des hommes et femmes politiques socialistes (élections / gouvernement) puis dans l’agence Angie.

03/04/2018

8

E8

Ministère de la Justice

Jacques Chirac

> 40 ans

Maîtrise de gestion

Débute sa carrière dans des agences de communication travaillant pour les dirigeants d’entreprise puis s’implique dans la communication d’un groupe parlementaire au Sénat avant de devenir conseillère en communication des ministres durant la période Chirac. Fondatrice de l’agence Albera Conseil. Créatrice du club « Génération Femmes d’Influence », qui rassemble et octroie un prix aux femmes entrepreneuses jugées exemplaires.

07/12/2016

9

E9

Ministère des Solidarités et de la Santé

Emmanuel Macron

> 40 ans

Diplômé·e CELSA, DEA Relations Publiques ; Diplômé·e IEP de Grenoble, section service public

Très longue expérience (23 ans) au sein de l’agence Bourson-Marsteller i&e, en charge du pôle secteur public, puis des relations institutionnelles et médias, entre autres, à l’Unédic. Président·e de l’Association Communication Publique puis conseillère en communication ministérielle.

23/11/2018

10

E10

Confidentiel

Emmanuel Macron

< 30 ans

Diplômé CELSA, Communication politique et des institutions publiques ; Diplômé Sciences Po Rennes

Expérience auprès de personnalités politiques de droite, tout d’abord comme stagiaire puis comme conseiller·ère en communication et d’opinion au gouvernement. Passage dans l’Institut Français d’Opinion (IFOP) et dans l’agence Taddeo.

11/01/2019

Sources : L’autrice à partir des informations sur les enquêté·es.

Nom

Lieu d’exercice

Gouvernement

Âge

Formation

Parcours professionnel

Date de l’entretien

1

E11

Présidence de la République

Michel Temer

> 40 ans

Journalisme

Expérience notamment dans le journalisme politique, ayant travaillé pour des grands médias brésiliens. Il devient conseiller en communication politique par le biais du journalisme, qui l’amène au gouvernement à la fin des années FHC. Plus tard, il s’occupe de la communication du PMDB, d’où son amitié de longue date avec Michel Temer. Actionnaire/propriétaire de l’agence Entretexto Comunicações.

19/06/2017

2

E12

Présidence de la République

Dilma Rousseff

> 35 ans

Journalisme

Longue expérience au sein d’agences de communication, notamment à Brasilia, où il a vécu durant plus de 10 ans. Fondateur de l’agence RFB Comunicação10, spécialisée dans la production de contenu journalistique et relations presse.

06/06/2017

3

E13

Présidence de la République

Luiz Inacio Lula da Silva

> 40 ans

Doctorat en Science
politique 

Journalisme ; Sciences sociales

Expérience notamment dans l’enseignement et la recherche au sein du département de Science Politique de l’Université de São Paulo, avec un bref passage par la rédaction du journal Folha de São Paulo avant de devenir conseiller en communication et porte-parole du Président Lula lors de son premier mandat.

07/07/2017

4

E14

Présidence de la République

José Sarney

> 40 ans

Journalisme

Après avoir débuté sa carrière dans l’industrie bancaire, il devient journaliste « sur le tas », et a travaillé notamment dans le journalisme politique (radio et écrit) en tant que correspondant à Brasilia puis comme éditeur chez Rede Globo. Il s’est reconverti dans la communication politique après avoir rencontré José Sarney au Sénat brésilien, et est ainsi devenu son conseiller en communication. Après son départ du gouvernement, il s’oriente vers les agences de communication, où il se consacre notamment au marketing politique. Il intègre alors l’agence Propeg11, qui lui donne la possibilité d’exporter des techniques alors utilisées au Brésil et en Angola.

20/06/2017

5

E15

Ministère de la Justice

Luiz Inacio Lula da Silva

> 40 ans

Journalisme

Expérience dans le journalisme, puis notamment dans la communication du secteur privé chez FIERGS (Fédération des Industries de l’État du Rio Grande do Sul). Étant fortement engagée dans les débats sur les politiques de communication au Brésil, sa carrière dans la communication politique prend son envol notamment à côté du Maire puis Ministre Tarso Genro, qu’elle accompagne durant plusieurs années.

12/06/2017

6

E16

Ministère de la Justice

Luiz Inacio Lula da Silva/
Dilma Rousseff

> 40 ans

Journalisme

Débute sa carrière comme journaliste puis dans la communication du gouvernement du Rio Grande do Sul, durant la période Antonio Britto (PMDB). Quelques années plus tard, il crée son entreprise Ligue, spécialisée dans la communication d’entreprise. Il fait ses débuts au sein du cabinet du ministère de l’Agriculture puis au ministère de la Justice. Actuellement, il travaille à son compte pour le secteur privé et public.

21/06/2017

7

E17

Ministère de la Justice

Dilma Rousseff

30-35 ans

Post-graduation en Journalisme politique, communication et politique ; Spécialisation en communication multimédia ; Journalisme

Expérience comme journaliste à l’Entreprise Brésilienne de Communication (EBC), branche du système de communication gouvernementale. Sa carrière de communicante débute à la Chambre des Députés, où elle conseille alors le député puis ministre José Eduardo Cardozo. Après son départ du gouvernement, elle s’est reconvertie dans le journalisme, notamment dans la presse spécialisée dans les sujets de « politique » et de « justice », travaillant aussi comme consultante de communication autonome.

22/06/2017

8

E18

Ministère de la Santé

Michel Temer

> 35 ans

MBA Planification
publique, budget et management

Relations internationales

Son parcours est constitué d’une première étape en tant que journaliste au journal Folha de São Paulo, puis comme chef du pôle Communication au sein des ministères du Tourisme puis de la Santé, tout en gardant ses fonctions à l’agence FSB.

19/06/2017

9

E19

Ministère de la Santé

Luiz Inacio Lula da Silva

> 40 ans

Journalisme

Fort d’une expérience dans le journalisme, il se reconvertit dans la communication en travaillant pour l’agence FSB puis il conseille le ministre de la Casa Civil durant l’affaire « Mensalao ». Après avoir fait une carrière dans la communication de crise et d’influence, il revient dans la communication gouvernementale comme chef du Pôle Communication au ministère de la Santé durant la période Temer.

22/06/2017

10

E20

Ministère des Affaires étrangères

Michel Temer

> 40 ans

Diplomate

Carrière diplomatique, fonctionnaire. Il devient conseiller en communication à l’arrivée du gouvernement de Michel Temer suite à la destitution de Dilma Rousseff en 2016.

20/06/2017

11

E21

Ministère de l’Éducation

Luiz Inacio Lula da Silva /Dilma Rousseff

> 35 ans

Journalisme

Débute sa carrière comme journaliste puis dans la communication politique, en tant que conseiller en communication d’un député à la Chambre des Députés du Rio Grande do Sul. Après une période comme journaliste indépendant, il arrive au ministère de l’Éducation au début du premier gouvernement Lula.

21/06/2017

12

E22

Ministère du Tourisme

Dilma Rousseff

30-35 ans


Journalisme

Débute sa carrière dans le journalisme puis dans la communication d’entreprises, au sein de l’agence Info Press. Après une période dans la communication du gouvernement du District Fédéral, elle arrive au ministère de la Santé, où elle passe une longue période, puis au ministère du Tourisme.

22/06/2017

Sources : L’autrice à partir des informations sur les enquêté·es.


  1. 1 Nous tenons ici à remercier chaleureusement les éditeur·rices ainsi que les évaluateur·rices de la revue Communication & Professionnalisation pour leur lecture attentive ainsi que pour les commentaires et suggestions d’amélioration du présent article.

  2. 2 Au sens d’Erik Neveu.

  3. 3 À l’instar de la « Spécialisation en communication publique et gouvernementale » proposée par l’Université de São Paulo : http://www2.eca.usp.br/escop/, accès le 31 mai 2023.

  4. 4 La liste des enquêté·es se trouve dans les Annexes.

  5. 5 À noter qu’un diplôme de Licence au Brésil équivaut à celui de niveau Bac+4 voire Bac+5 en France.

  6. 6 Fondé en 1921, il s’agit de l’un des titres les plus importants au Brésil.

  7. 7 À ce sujet, voir Love, J. L. (2000). A república brasileira: federalismo e regionalismo (1889-1937). Viagem incompleta: a experiência brasileira (1500-2000)–a grande transação. São Paulo: Editora SENAC São Paulo.

  8. 8 À l’instar de E3, E6, E7 et E10.

  9. 9 Pour reprendre les mots de E18, conseiller·ère en communication au ministère de la Santé.

  10. 10 La présence systématique des employé·es de l’agence dans cet espace névralgique des institutions gouvernementales témoigne en effet de la mainmise de la logique du privé sur le secteur public au Brésil. Voir : Bucci, E. (2015). O Estado de Narciso – A comunicação pública a serviço da vaidade particular. São Paulo : Companhia das Letras.

Annexes

1. Liste des enquêté·es en France

2. Liste des enquêté·es au Brésil

10 Cf. : http://coletiva.net/noticias/2017/08/empresa-com-foco-em-producao-de-conteudo-chega-a-capital/?fb_comment_id=1660704237304101_1660819780625880, page consulté le 14 septembre 2019.

11 Cf. : http://www.propeg.com.br