Introduction


Thomas Grignon Maître de conférences en SIC Laboratoire Dicen-IDF

Conservatoire national des Arts et Métiers

thomas.grignon@lecnam.net


Aude Seurrat Professeure des universités en SIC Laboratoire Céditec, UPEC, Inspé de Créteil

aseurrat@hotmail.com


Jean-Claude Domenget Maître de conférences

HDR en SIC, laboratoire Elliadd Université de Franche-Comté

jean-claude.domenget@univ-fcomte.fr


Les recherches menées sur les dynamiques de professionnalisation ont connu en sciences de l’information et de la communication un essor récent, sous l’impulsion notamment des travaux du RESIPROC (Baillargeon et David, 2013 ; Lambotte, Lafrance et Coyette, 2013 ; Brulois, Carignan, David et Errecart, 2016 ; Baillargeon et Coutant, 2018 ; congrès ACFAS/RESIPROC 2021). Cette nouvelle livraison de Communication & Professionnalisation vise à poursuivre la réflexion initiée sur le processus de professionnalisation des contenus, méthodes et modes d’organisation, en portant une attention singulière aux pratiques des enseignants et responsables des formations. Nous avons souhaité examiner en particulier les ambitions, objectifs et attendus correspondant aux prétentions professionnalisantes des stratégies pédagogiques propres aux enseignements de communication1.

Mot d’ordre structurant depuis de nombreuses années pour un enseignement supérieur en quête de « modernisation », de « rationalisation » et d’« adaptation » aux besoins sectoriels du marché de l’emploi, la « professionnalisation des formations » et celle des étudiants constituent le leitmotiv des réformes récentes et actuelles de l’université (de la réforme de la formation par voie d’apprentissage à la réforme des Instituts Universitaires de Technologie avec la mise en place du Bachelor Universitaire de Technologie, en passant par la Loi de Programmation de la Recherche). Cette injonction vise notamment à enclencher ou renforcer l’« industrialisation de la formation » (Moeglin, 2016), l’intégration croissante dans les cursus des activités et compétences professionnelles dans une logique adéquationniste (Brulois et de La Broise, 2010), le développement des dispositifs d’« insertion professionnelle » (stages, apprentissage, alternance…) ou encore la mobilisation par les enseignants de méthodes et ressources dites « professionnalisantes » (méthode des « cas », projets tutorés, jeux de rôle, simulations…).

Le questionnement des rapports complexes entre pédagogie et professionnalisation a fait l’objet de diverses collaborations interdisciplinaires, notamment entre SIC et sciences de l’éducation et de la formation. Récemment, ces collaborations se sont par exemple matérialisées dans les cadres de l’ANR Renoir-IUT (Ressources Numériques : Offre, Intermédiations et Réseaux en IUT)2, du Groupement d’intérêt scientifique Innovation, Interdisciplinarité, Formation (GIS2if)3 ou du projet régional RECAP (La Recherche dans l’Apprentissage)4. Les enquêtes menées par ces trois collectifs auprès d’enseignants exerçant dans des filières universitaires très diverses


  1. Par « enseignements de communication », nous entendons non seulement les enseignements destinés à former des professionnels du secteur mais aussi ceux qui visent à transmettre des compétences

    « communicationnelles » considérées comme nécessaires à l’insertion professionnelle des étudiants dans d’autres domaines de spécialités.

  2. https://renoir.uca.fr/

  3. www.gis-2if.shs.parisdescartes.fr/

  4. www.geriico.univ-lille.fr/detail­actu/projet­recap/


    ont notamment mis en lumière les ambiguïtés de la professionnalisation et les débats parfois vifs qui peuvent opposer les différents acteurs impliqués. La question des ressources pédagogiques, objets cristallisant des objectifs et stratégies disparates, voire concurrents, est particulièrement propice aux échanges et confrontations interdisciplinaires.

    Dans le cadre de ce dossier, nous envisageons moins la « professionnalisation » comme un concept pour l’analyse que comme une valeur – au double sens de ce à quoi les acteurs tiennent et de ce par quoi ils tiennent (Dewey, 2011, p. 229) – orientant les programmes de formation, les pratiques pédagogiques comme les ressources mobilisées. La référence à la « professionnalisation » est par ailleurs devenue l’enjeu d’un marché, de plus en plus disputé aux écoles et universités traditionnelles, par un nombre croissant d’acteurs privés (« écoles professionnalisantes » spécialisées, organismes de formation professionnelle, acteurs industriels produisant des ressources et technologies éducatives…). Malgré la prolifération des acteurs, des discours, des dispositifs et des pratiques qui s’en réclament, la « professionnalisation » est donc investie d’enjeux pluriels et de significations contradictoires5, qui font débat plus qu’elles ne s’articulent (Wittorski, 2009). Ces représentations, variables en fonction des cursus considérés et des acteurs en lice, se définissent à la croisée des consignes institutionnelles, des demandes industrielles et des exigences académiques. Elles font l’objet de constantes négociations et alimentent de vifs débats sur les enjeux et modalités d’une formation « professionnalisante ». Elles traduisent enfin des conceptions divergentes – et parfois mutuellement exclusives – du professionnalisme, qui influent sur les pratiques pédagogiques comme sur l’usage des ressources éducatives. Comment la « professionnalisation » en communication se concrétise-t­elle dans les dispositifs et pratiques pédagogiques contemporains ? Quels savoirs et savoir-faire

    « communicationnels » ces dispositifs et pratiques formalisent-ils et prétendent-ils

    transmettre ? À quelles conditions, dans quels contextes spécifiques et à travers quelles médiations deviennent-ils « professionnalisants » pour les acteurs concernés ? Quels sont les acteurs qui interviennent dans la conception des ressources pédagogiques et dans leur valorisation ? Quelles conceptions du professionnalisme et de la professionnalité actualisent-ils ?

    Les auteurs et auteures réuni·es dans ce dossier appréhendent tour à tour la

    « professionnalisation » comme valeur à travers l’examen des réformes et discours institutionnels (axe 1), l’étude de l’offre de ressources professionnalisantes et de sa valorisation (axe 2), l’analyse des dispositifs et ressources « professionnalisants » (axe 3) ou encore l’observation de pratiques pédagogiques et de situations d’appren-tissages (axe 4). Les contributions portent sur différents types de formation (formation initiale – universitaire ou non –, formation continue ou tout au long de la vie, formation


  5. Richard Wittorski distingue la « professionnalisation-profession » (constitution d’un groupe de travail autonome), la « professionnalisation-efficacité du travail » (accompagnement de la flexibilité du travail) et la « professionnalisation-formation » (« fabrication » d’un professionnel par la formation).


    en apprentissage, formation professionnelle...) et sur des modalités pédagogiques transversales qui incarnent des prétentions fortes à la « professionnalisation » (projets tutorés, études de cas, « challenges »...).


    1. Réformes et discours institutionnels : quelles conceptions de la pédagogie ?

      Les relations entre injonction au professionnalisme (Boussard, Demazière et Milburn, 2010) et modalités pédagogiques sont d’abord interrogées au prisme des cadrages institutionnels qui président à l’élaboration des cursus et des ressources éducatives associées.

      L’article d’Ingrid Mayeur s’intéresse aux prétentions professionnalisantes de l’enseignement de la communication dans les établissements dits « de promotion sociale » en Belgique, en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’étude éclaire les spécificités de ce système de formation modulaire, organisé autour de « capacités » et inscrit dans la perspective de « l’apprentissage tout au long de la vie ». Les enseignements de communication y recouvrent un ensemble hétérogène de savoirs opératoires et de « capacités » communicationnelles transférables, nécessaires à l’insertion professionnelle des étudiants comme à l’exercice de multiples métiers du secteur tertiaire. L’analyse des documents de référence (« dossiers pédagogiques » et

      « profils professionnels » annexés) qui encadrent cette offre de formation au niveau national permet à l’auteure d’approcher les « normes de professionnalisation » qu’ils actualisent et entérinent. S’inspirant des travaux d’Yves Jeanneret sur la circulation des êtres culturels (Jeanneret, 2008), elle étudie successivement les figures d’enseignant et d’étudiant qu’ils actualisent, les processus de densification sémiotique qu’ils mettent en œuvre, les pratiques de citation dans lesquelles ils s’inscrivent et les énonciations éditoriale, documentaire et médiatique qui les accompagnent. Ingrid Mayeur montre en particulier que l’enseignement de la communication s’inscrit pour les établissements de « promotion sociale » dans une double logique de professionnalisation : la

      « capitalisation » durant la formation de savoir-faire directement mobilisables en contexte de travail ; le développement d’une « capacité » communicationnelle plus transversale, qui permettra l’acquisition de savoirs opératoires sur le terrain, en contexte de travail, à travers la pratique et les échanges avec les praticiens.

      La question de la prescription des formes pédagogiques (pédagogie par projets, études de cas, pourcentage d’intervenants professionnels, projets tutorés, etc.) permet de déployer un regard distancié sur les conceptions de la professionnalisation et analyser la place plus ou moins importante accordée aux savoirs académiques par rapport aux « savoirs d’action » (Barbier, 2011) et à la réflexivité critique (Farina, Pasquinelli et Zimmeman, 2017) dans celles-ci. À cet égard, l’article de Patrice de La Broise et d’Erika Léonard permet de mettre en avant les spécificités, les enjeux et les ressources pédagogiques associées à la formation en communication


      par voie d’alternance. Partant du constat de la hausse significative des étudiants ayant choisi la voie par apprentissage, les auteurs voient dans celle-ci un signe de tendances plus larges du supérieur et notamment celle du primat de la notion de compétences. En se basant sur une enquête menée dans le cadre du projet RECAP, projet questionnant la place de la Recherche dans l’Apprentissage, cette contribution propose d’envisager la voie par apprentissage dans le rapport métonymique entre le processus et le format pédagogique. Elle questionne ensuite la répartition voire le transfert de responsabilités entre les instances académiques et la sphère professionnelle. Enfin, elle se penche plus précisément sur les ressources pédagogiques mobilisées dans les formations par voie d’apprentissage en communication et montre comment elles témoignent d’une

      « compétence disputée » entre projet pédagogique et projet professionnel.


    2. Offre de ressources « professionnalisantes » et

      stratégies de valorisation

      L’analyse des stratégies de production et de valorisation de ressources pédagogiques de natures diverses constitue un autre enjeu de ce dossier. Elle permet d’appréhender la question de la professionnalisation comme une norme et une valeur (Dewey, 2011). L’analyse des différentes stratégies visant à présenter et valoriser les ressources éducatives permet de voir comment les acteurs producteurs de ressources positionnent ces offres à partir de différentes formes argumentatives (adéquation à des besoins des secteurs professionnels, appétences des apprenants, praticité, simplicité,

      « ludicité », etc.), formes argumentatives qui actualisent des conceptions plurielles de la professionnalisation.

      L’article d’Olivia Guillon questionne les transformations des modèles économiques de l’offre de ressources pédagogiques pour les BUT (Bachelor universitaire de technologie) et se penche plus spécifiquement sur le travail des auteurs et sa valorisation comme des révélateurs des tensions dans les stratégies des offreurs de ressources en IUT. En se concentrant sur l’exigence de professionnalisation en BUT et la place qu’y occupent les compétences communicationnelles, cette analyse socio-économique s’appuie sur une pluralité de matériaux empiriques : entretiens auprès d’enseignants de BUT, d’auteurs de manuels et de responsables éditoriaux, newsletters et sites web des éditeurs et de certains auteurs, sites compagnons des manuels Ce texte met particulièrement en lumière un isomorphisme institutionnel et le rapport ambivalent que les auteurs de ces ressources ont avec l’exigence de professionnalisation. En effet, les modalités selon lesquelles les compétences communicationnelles sont mises en avant dans les contenus édités offre une lecture révélatrice de l’isomorphisme institutionnel qui caractérise l’édition de livres destinés aux premiers cycles professionnalisants que sont les DUT/BUT. Enfin, l’article questionne la place, toute relative, des transformations numériques de ces ressources. En effet, même si le numérique est présenté comme une plus-value sur les sites des éditeurs, la vente


      des ouvrages en version numérique (qui sont, pour la grande majorité des versions numérisées des textes imprimés) reste assez anecdotique.


    3. Dispositifs et ressources « professionnalisants » :

      quelles conceptions de la professionnalisation ?

      Les prétentions professionnalisantes de l’enseignement supérieur s’incarnent dans une grande variété de dispositifs et de ressources pédagogiques qui constituent l’enjeu du troisième axe thématique de ce dossier. Deux articles se consacrent à l’étude de dispositifs pédagogiques qui cristallisent les ambitions de professionnalisation des Instituts Universitaires de Technologie (IUT) et instrumentent « l’approche par compétences » qui régit désormais les programmes pédagogiques nationaux. Celui de Barbara Szafrajzen, tout d’abord, soumet à l’analyse un média informatisé conçu pour guider les étudiants dans la rationalisation, la formalisation, et la valorisation de leurs « compétences » : le ePortfolio. L’auteure examine les attendus et modalités de mise en œuvre explicités dans les nouveaux Programmes Nationaux (PN), puis les postures d’enseignant et d’apprenants suggérées aux usagers et encadrants du dispositif et, finalement, les appropriations auxquelles il donne lieu, à travers un questionnaire administré auprès des étudiants du département Informatique de l’IUT d’Arles. Le portfolio apparaît comme un outil de mise en intrigue et en perspective d’une professionnalisation en cours, visant à développer chez l’usager un regard critique et réflexif sur les savoirs et savoir-faire développés comme sur l’identité professionnelle construite. Barbara Szafrajzen montre que cette démarche d’autoévaluation, de probation, de formalisation et d’argumentation de la compétence n’est pas forcément évidente pour les étudiants et nécessite un accompagnement pédagogique adéquat. Finalement, cette démarche peut et doit constituer, selon l’auteure, le lieu d’un dialogue productif entre les différents acteurs de la formation universitaire.

      Aude Seurrat et Nathalie Boucher-Petrovic étudient quant à elles le « Challenge

      inter-IUT » concours national qui voit s’affronter les étudiants des options

      « Publicité et communication des organisations » et « Information Numérique dans les organisations ». À partir de l’analyse d’un ensemble de documents, de discours et de textes accompagnant les différentes éditions du « Challenge de la veille » et du « Challenge de la publicité », corpus complété par des entretiens réalisés avec des enseignants impliqués dans l’organisation de ces événements, les auteures éclairent d’abord le mode de fonctionnement de ce dispositif pédagogique et les relations, variables au fil du temps, qu’il configure entre étudiants, enseignants et acteurs économiques. Elles portent ensuite attention aux modalités de production, d’appropriation et de valorisation des ressources éducatives mobilisées au sein des Challenges avant d’interroger les représentations de la professionnalisation qu’actualisent les genres de l’« étude de cas » et de la « mise en situation professionnelle ». Par leurs analyses, Nathalie Boucher-Petrovic et Aude Seurrat


      montrent que la prétention professionnalisante des IUT se spécifie par le primat de la pédagogie par projet, par l’articulation complexe entre commande professionnelle et objectifs pédagogiques, et par une logique de « simulation » des situations d’expertise réelles. Prenant leurs distances avec une conception de la professionnalisation comme simple mimesis ou transposition de pratiques organisationnelles dans un cadre académique, les auteures invitent à reconstruire les médiations pédagogiques et institutionnelles qui font le caractère « authentique » d’une situation d’apprentissage. Les contributions de cet axe n’éclairent pas seulement la diversité des ressources (documents, techniques, médias) conçues ou mobilisées par les enseignants pour assurer la transmission de savoirs considérés comme « opérationnels » (Seurrat, 2018). Attentives à la configuration formelle et matérielle de ces objets pluriels et à leurs usages en situation, elles éclairent également les représentations du « bon » professionnel qu’ils actualisent, les postures d’enseignant et d’étudiant qu’ils assignent

      et les modalités pédagogiques qu’ils préconisent ou favorisent.


    4. Pratiques pédagogiques en situation d’apprentissage et visée de professionnalisation

      Une analyse fine de diverses situations d’apprentissage et de leur visée de professionnalisation est au cœur des enjeux de ce quatrième axe. Dans ce sens, l’article de Christine Bolou-Chiaravalli, Annie Lasne et Maryse Bournel-Bosson porte sur les situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ6) du nouveau bachelor en IUT. Deux types de SAÉ sont étudiées, relevant de deux spécialités différentes : la SAÉ

      « Participer à l’organisation d’une rencontre thématique avec des acteurs du champ professionnel » dans la filière Carrières sociales et la SAÉ « Se présenter sur internet (créer un site web) » dans la filière Réseaux & Télécommunications. Structurées autour de l’approche par compétences (APC), ces nouvelles pratiques pédagogiques prennent majoritairement appui sur un processus réflexif demandé aux étudiants, donnant lieu à la production de “traces” produites à différentes étapes de la SAÉ. Les auteures interrogent la nature et la qualité du processus réflexif produit par ce nouveau dispositif de formation ainsi que les conditions de mise en œuvre et les limites que les analyses permettent de cerner. Ainsi, si les étudiants arrivent à développer un processus réflexif au cours de la situation, celui-ci reste centré sur l’évaluation malgré la double finalité du dispositif de réfléchir également sur l’apprentissage suivi. À l’arrivée, le lien entre processus réflexif et professionnalisation reste à questionner, notamment dans les modalités à inventer afin de permettre aux étudiants de devenir

      « acteurs de leur parcours ». De même, les auteurs pointent l’importance des logiques


  6. Une situation d’apprentissage et d’évaluation (ou SAÉ) est une modalité d’apprentissage basée sur la reproduction d’une situation professionnelle et visant l’acquisition d’une compétence professionnelle prédéfinie. Pour chaque compétence ciblée, la SAÉ s’appuie sur un ensemble de ressources et vise à acquérir un ensemble d’apprentissages critiques.


institutionnelles qui déterminent largement les objectifs de ce type de dispositif, en appelant à un renforcement des moyens (ressources humaines, temps de formation, mise en place de retours sur expérience, etc.) afin de généraliser le processus réflexif. Complétant ce dossier, Raphaëlle Crétin, Fabrice Pirolli et Mathilde Miguet proposent une note de recherche traitant de l’expérimentation d’un dispositif pédagogique nommé « écrit+ » auprès d’étudiants de niveau licence 1 d’un ensemble de filières universitaires durant l’année universitaire 2020-2021. Ce projet qui a pour objectif l’amélioration du niveau de maîtrise du français écrit s’articule autour de l’évaluation des compétences des étudiants en français écrit, d’un dispositif de formation à partir de différents types de ressources et d’une certification afin d’attester d’un niveau de maîtrise de la langue à un moment précis. Dans ce retour d’expérience, les auteurs analysent le caractère polymorphe de ce type de cours, visant à la fois l’acquisition de compétences communicationnelles à visée professionnelle et une meilleure maîtrise du français académique, gage d’une réussite étudiante. Si la perception de la formation liée à l’expression écrite dépend pour beaucoup de la dénomination choisie de l’enseignement dispensé (plus tournée vers le français ou la communication), il apparaît que la tension entre les deux finalités est très contrainte par l’approche par compétences. Celle-ci renforce la perception d’un caractère transversal lié à cet enseignement et peine à lutter contre un défaut de légitimité chez les étudiants vis-à­vis de leur cœur de formation. L’apprentissage du « français » demeure symboliquement rattaché à la scolarité antérieure et la « communication »

est perçue comme « naturellement » professionnalisante.


L’ensemble des articles réunis dans ce dossier nous invite donc à poursuivre une réflexion distanciée sur les prescriptions à l’œuvre en termes de « professionnalisation des formations » dans le domaine de l’information-communication. L’analyse fine des dispositifs, discours et situations d’apprentissage à visée « professionnalisante » permet de mieux saisir la complexité des enjeux que recouvrent ces injonctions, depuis la consolidation des approches gestionnaires de l’organisation éducative jusqu’aux relations hétérogènes entre enseignants issus des milieux professionnels et enseignants relevant de l’institution universitaire. Enfin, les dernières analyses présentées dans ce numéro pourraient être utilement prolongées en intégrant les récentes transformations pédagogiques dues aux usages des médias informatisés censés accompagner la logique de « professionnalisation ». À nouveau, le dialogue entre sciences de l’information et de la communication et sciences de l’éducation (Jacquinot-Delaunay, 2001) semble particulièrement fécond, pour analyser des situations pédagogiques qui sont de plus en plus fortement médiées par les outils informatiques mais aussi pour envisager la littératie numérique en dehors d’une optique purement instrumentale.


Bibliographie

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