De la violence symbolique à la violence numérique 165
de l’information et de la communication (Lakel et al., 2009), ont depuis longtemps
démontré la toute-puissance d’une représentation - souvent idéalisée - de la technique,
qui vient précéder la technique elle-même. Autrement dit, c’est bien par une forme
d’acceptation préalable et partagée par le plus grand nombre, que la technique
occuperait une place centrale dans l’atteinte d’un progrès qui se voudrait social,
technique, économique, politique, etc. La violence numérique se présenterait alors
sous une forme insidieuse et qui semblerait échapper tout autant à ceux qui l’utilisent
qu’à ceux qui la subissent. Au demeurant, sa présence est désormais tangible, pour
ne pas dire palpable, au regard des retours de l’enquête dont nous proposons ici d’en
saisir une partie du sens.
2. Premier retour empirique : des RTS en latence
Le concept de risques technosociaux (RTS) énonce l’hypothèse de la présence
au sein des organisations d’un écosystème technologique potentiellement délétère
pour les collaborateurs en situation de travail. Dès lors, dans le cadre d’une
approche quantitative4, nous avons souhaité proposer une mise en lumière des
dysfonctionnements observés dans le cadre du traitement de plus d’une centaine
de questionnaires, réalisés auprès de professionnels de tous prols et évoluant dans
diérents secteurs d’activité. Les résultats présentés ici orientent la réexion vers
une remise en question des bienfaits prétendument intrinsèques de la digitalisation
massive des entreprises, tout en portant à l’ordre du jour la nécessité de repenser
certains outils et processus communicationnels au sein du management. Concernant la
population sondée, nous dénombrons 62,9 % de femmes et 37,1 % d’hommes, soit 66
répondantes et 39 répondants. En ce qui concerne l’âge, il est réparti en quatre tranches
principales : 50,5 % ont entre 18 et 25 ans, 24,8 % ont entre 26 et 35 ans, 10,5 % ont
entre 36 et 45 ans et enn 14,3 % ont 46 ans et plus. Mis à part la diversité des prols
professionnels, la plupart des tranches d’âge sont représentées dans notre enquête.
Au niveau du statut professionnel, les catégories qui se distinguent le plus sont les
collaborateurs à 28,6 % suivis de près par les étudiants en contrat d’alternance (et donc
salariés), à 26,7 %. Les cadres quant à eux, représentent 18,1 % et les fonctionnaires
sont 12,4 % de répondants. Le questionnaire se compose de 11 questions ouvertes sur
des thématiques liées à l’utilisation des TIC en situation de travail. Dans un premier
temps, nous avons croisé nos deux premières questions concernant la pénétration des
TIC au sein de l’organisation et l’utilisation eective des TIC par le collaborateur
4 L’échantillon est volontairement restreint à une centaine de répondants (administration des
questionnaires sur les réseaux sociaux numériques), an de conserver le caractère exploratoire de
notre démarche empirique, tout en multipliant les secteurs d’activité observés (santé, marketing,
services, transports, événementiel, etc.). Cette hétérogénéité du panel a permis de cartographier dans
une logique de diversité les usages des TIC au sein de diérentes branches professionnelles, plus ou
moins utilisatrices de technologies en situation de travail.