La communication écrite à l’université,
un enseignement polymorphe
à la croisée de la réussite étudiante
et de la professionnalisation
Raphaëlle Crétin-Pirolli
Maître de conférences
en Sciences de l’Information
et de la Communication
Université du Maine
raphaelle.pirolli@univ-lemans.fr
Mathilde Miguet
Maître de conférences
en Sciences de l’Information
et de la Communication
Université de Nantes
mathilde.miguet@univ-nante.fr
Fabrice Pirolli
Maître de conférences
en Sciences de l’Information
et de la Communication
Université du Maine
fabrice.pirolli@univ-lemans.fr
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 145
Résumé
Le paysage de l’enseignement supérieur français connaît depuis quelques années
une transformation profonde résultant de la généralisation progressive d’une
approche par compétences (APC). Cette transition amène notamment les institutions
à réorganiser, transformer et enrichir leurs ores de formation. Des compétences dites
« transversales » peuvent ainsi être valorisées au côté des compétences techniques
ou disciplinaires. Si certaines de ces compétences étaient déjà travaillées dans les
curriculums de formation antérieurs, d’autres bénécient ainsi d’une reconnaissance
et d’une mise en lumière nouvelle. L’enseignement de la communication écrite à
destination de l’intégralité des publics de niveau Licence en est un cas particulier. En
nous appuyant sur le travail mené dans le cadre d’un projet pédagogique national, dont
nous présentons les principaux éléments, nous questionnons, au moyen d’une approche
quantitative et qualitative, le caractère polymorphe de ces enseignements qui peinent
à lutter contre un présupposé défaut de légitimité, aussi bien auprès des étudiants que
des enseignants. Nous insistons particulièrement sur la mise en tension des logiques
relatives à l’insertion professionnelle et à la réussite universitaire qui s’expriment à
travers les représentations des acteurs tout en apparaissant intrinsèquement liées à la
mise en œuvre de l’APC.
Mots-clefs : Communication écrite, français écrit, approche par compétences,
professionnalisation, enseignement supérieur.
Abstract
During last years, French higher education landscape is going through a important
transformation resulting from the gradual generalization of a competency-based
approach (CBA). This transition from disciplinary centered approach leads institutions
to reorganize, transform and enrich their training oers. So-called « soft-skills »
can then be valued alongside technical or disciplinary skills. While some of these
specic skills were already covered in previous training curricula, others are now
being recognized and highlighted in a new way. Courses on written communication,
intended to every student during rst year at university, are one of those. The work
presented here is based on an impact assessment study conducted for a French national
pedagogical project. The main elements presented here – resulting from both a
quantitative and qualitative approach – highlight the polymorphous character of these
courses, as well as the diculty to face with a presumed lack of legitimacy alongside
students and teachers. We particularly show tensions between professional integration
logics and academic needs as they are noticeable within actors representations, while
appearing intrinsically linked to CBA implementation.
Keywords: Written communication, written French, competency-based approach,
professionalization, higher education.
146 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
La maîtrise du français écrit par les étudiants de l’enseignement supérieur, et
par extension l’importance accordée dans les formations aux enjeux relatifs au
développement des habiletés communicationnelles, constitue un sujet crucial dont
l’importance et le périmètre sont régulièrement réinterrogés, tant sur les plans de la
didactique et de la pédagogie que sur celui de l’insertion professionnelle des jeunes
diplômés. Cette thématique est également fréquemment discutée dans l’espace
médiatique et public : les nombreux débats engendrés par la publication récente d’un
baromètre Voltaire-Ipsos1 en sont des témoignages signicatifs, traduisant d’une part
l’importance indéniable de la maîtrise de l’écrit en milieu professionnel, et d’autre
part l’instrumentation de cette question par un ensemble d’acteurs du secteur privé.
Or, les transformations de l’université française opérées au cours des deux dernières
décennies – dont les plus récentes centrées sur la mise en œuvre d’approches par
compétences pour la dénition des maquettes et programmes traduisent précisément
une volonté d’adapter au mieux les contenus des enseignements et les formations
aux attentes du monde professionnel (Pournay et al., 2017). Ce mouvement s’inscrit
dans une démarche de professionnalisation qui s’impose comme « le corollaire
opérationnel du modèle de la compétence qui s’est progressivement imposé au-delà
des entreprises dans les administrations publiques et dans le système éducatif »
(Lépine, 2016, p. 8). La maîtrise de la communication écrite ne fait pas exception
et se trouve ainsi progressivement approchée sous l’angle d’une multiplicité de
compétences dont le caractère transversal contribue à les ancrer dans une ore
large et diversiée de nouvelles lières ou, le cas échéant, à reconsidérer les
contenus de formations existantes. À titre d’exemple les nouveaux référentiels des
BUT (Bachelor Universitaire de Technologie), placent résolument l’expression et
la communication sur le plan des compétences professionnelles dont la validation
conditionne la diplomation. Cependant, la maîtrise du français écrit ne saurait
être réduite à cette simple approche fonctionnelle et opérationnelle. Elle constitue
également un élément clé de la réussite étudiante. Le passage de l’enseignement
secondaire à l’enseignement supérieur est un moment charnière pendant lequel
l’étudiant s’insère dans un environnement nouveau au sein duquel les capacités
expressives tiennent un rôle essentiel. De nombreux travaux universitaires ont mis
en évidence le fait que la maîtrise du français écrit est un élément déterminant de
réussite des étudiants (Annoot, 2012 ; Duguet et al., 2016 ; Romainville et Michaut,
2012). Aussi, les enseignements liés à l’expression écrite se situent à la croisée de
ces enjeux fondamentaux pour l’université et poursuivent une double nalité :
favoriser simultanément la réussite étudiante et l’insertion professionnelle. Or, si
comme l’expriment Bourdet et al. (2021) « longtemps considérées comme un acquis
scolaire, les compétences rédactionnelles sont rarement traitées au même niveau que
1 Un article publié par le journal Le Monde le 25/10/21 indique que d’après le baromètre Voltaire-
Ipsos, 76 % des managers sont confrontés au problème rédactionnel de leurs employés et 86 %
d’entre eux déclarent que la maîtrise du français écrit et oral est fondamentale.
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 147
les autres compétences transversales à l’université », elles le deviennent peu à peu.
Dans cette optique, le projet écri+ lancé en 2018, lauréat du Plan d’Investissement
d’Avenir 3 « Nouveaux Cursus à l’Université », vise précisément à engager ses seize
établissements partenaires (treize établissements de l’enseignement supérieur français
et trois partenaires techniques) dans le développement et le déploiement de dispositifs
ayant pour objectif l’amélioration du niveau de maîtrise du français écrit des étudiants
de niveau L1, dans l’ensemble des lières universitaires.
1. Contexte de la recherche
En nous appuyant sur des données collectées dans le cadre de l’étude d’impact de
ce projet – données à la fois quantitatives et qualitatives qui seront détaillées infra –,
nous proposons de questionner le caractère polymorphe des enseignements relatifs à
l’expression écrite, que la généralisation à l’enseignement supérieur de l’approche par
compétences conduit à diuser dans toute la diversité des ores de formation. Il s’agit
plus précisément d’analyser les représentations des acteurs, étudiants et enseignants,
associées aux notions d’expression écrite et de communication : dans quelle mesure
la composante sociale de la communication, telle qu’elle a pu notamment être
théorisée par les approches ethnographiques (Gumperz et Hymes, 1972), est-elle
occultée ou renouvelée dès lors que l’écrit est privilégié comme point d’ancrage
central des enseignements ? Notre question de recherche est donc : l’approche de la
communication sous sa seule dimension langagière, ou du moins lorsqu’elle est vécue
comme telle, permet-elle de répondre aux enjeux de l’acquisition des compétences
nécessaires à la réussite universitaire ainsi qu’à l’insertion professionnelle ? Comment
sont perçues, vécues et analysées ces formations à l’écrit dans toute la diversité
des lières universitaires, en particulier au sein de cursus qui, traditionnellement,
ne lui accordaient que peu ou pas de place ? An d’apporter des réponses à ces
questionnements, et de proposer un éclairage spécique des représentations associées
à l’enseignement du français et à l’enseignement de la communication, nous avons
réalisé un travail de terrain s’inscrivant dans le périmètre de déploiement du projet
écri+. Nous en précisons les contours dans les paragraphes suivants. D’un point de
vue théorique, nous mobilisons dans le cadre de ce travail la référence au « métier
d’étudiant » telle que dénie par Coulon comme étape transitoire au « métier
d’élève » dont ils sont encore imprégnés à leur arrivée et préalable à l’exercice d’un
futur professionnel. En l’espèce, selon l’auteur l’acquisition du métier d’étudiant
suppose le passage par trois phases qui s’échelonnent sur le premier semestre de
la L1 : le temps de l’étrangeté, correspondant à la découverte d’un environnement
institutionnel et social ; le temps de l’apprentissage, celui pendant lequel les étudiants
s’adaptent peu à peu aux règles de fonctionnement de l’université ; enn le temps de
l’aliation ils apprennent à maîtriser voire à contourner ces règles. « Apprendre
le métier d’étudiant c’est à la fois acquérir cette compétence et montrer qu’on la
possède, qu’on est devenu un pair » (Coulon, 1997, p. 11). Cette exhibition de la
148 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
compétence prend diverses formes qui vont plus loin que les simples évaluations
académiques formelles et intègrent l’expression orale, la prise de parole, l’expression
écrite et l’orthographe. De façon complémentaire nous nous appuyons également sur
la notion de compétence. An d’en préciser les contours tels que nous l’entendons
ici, et de lever les ambiguïtés découlant de la polysémie du terme, nous en retenons
la dénition énoncée par Tardif (2017, p. 19) : « une compétence est conçue comme
un savoir-agir complexe. Dénissant ainsi la compétence, le référentiel à la base
de la formation contient un nombre restreint de compétences qui sont, en revanche,
intégratrices d’une multitude de ressources. L’ajout de l’épithète “complexe” assure
que la complexité et la globalité de la compétence soient constamment prises en
compte dans le parcours de professionnalisation de l’étudiant et dans la structuration
de la formation. » C’est avec ce double ancrage théorique que nous abordons les
questionnements qui sous-tendent notre étude.
2. Le projet écri+ : éclairages méthodologiques
Le projet écri+ s’articule, à un niveau opérationnel, autour de trois volets
complémentaires :
 l’évaluation des compétences des étudiants en français écrit, par le recours à
un service national accessible en ligne, auto adaptatif, proposant des outils de
remédiation à destination des répondants (explication des erreurs, illustrations,
conseils et microressources) ;
 la formation, au moyen de ressources numériques libres réalisées
spéciquement pour le projet, ou de ressources préexistantes mises à la
disposition de la communauté par les établissements partenaires, mais
également par l’ajout de formations dans les maquettes ;
 la certication, an d’attester à un instant précis d’un niveau de maîtrise de la
langue.
Pour fédérer ces trois volets, un référentiel commun à l’ensemble des établissements
partenaires a été élaboré dans le but de lister et d’organiser les diérents domaines
de la langue tels qu’abordés dans le projet. Ce sont ainsi quatre domaines principaux
(domaine du discours, domaine du mot, domaine de la phrase et domaine du
texte) qui ont été retenus, puis déclinés chacun en quatre compétences. À titre
d’exemple le domaine du mot regroupe les compétences « choisir ses mots et ses
expressions », « comprendre les mots », « développer un vocabulaire étendu »,
« maîtriser l’orthographe des mots ». Au total, seize compétences en français écrit
ont été retenues. Ces domaines permettent d’organiser à la fois les composants de
l’outil d’évaluation, de la certication ainsi que les ressources proposées en ligne
(modules d’auto-formation, Moocs, exercices). Si, d’un point de vue pratique et
immédiatement perceptible écri+ se traduit par le développement progressif d’une
plateforme numérique commune, il ne se limite cependant pas à cette dimension
numérique. Les établissements partenaires organisent – en fonction de leurs publics,
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 149
de leurs attentes et moyens – des séquences de cours, insérées au sein des diérentes
maquettes de formation de niveau L1. Il s’agit dans certains cas d’une nouveauté,
comme l’ajout de cours d’expression écrite dans une formation scientique, ou d’une
adaptation de contenus dispensés antérieurement, tels que les cours de communication
et d’expression en IUT (Institut Universitaire de Technologie). Ces séquences peuvent
être organisées et dispensées, selon des choix arbitrés localement, en présentiel, en
distanciel ou en format hybride. Cette plasticité de l’ore de formation, inhérente au
projet, a notamment pour conséquence d’inciter à la co-construction par les équipes
pédagogiques, de parcours transversaux valorisant dans des proportions variables à
la fois l’acquisition de compétences communicationnelles à visées professionnelles
(écrits utiles pour l’insertion professionnelle et pour l’apprentissage métier) et une
meilleure maîtrise du français académique. Il s’agit ainsi de sélectionner, d’organiser
et de planier les modalités d’utilisation des diérentes fonctionnalités et ressources
proposées par la plateforme dans les cours, en fonction d’objectifs déterminés
collectivement.
En appui au déploiement du projet, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs en
SHS (Sciences Humaines et Sociales) et en informatique, assistée par une ingénieure
d’étude, a en charge la réalisation d’une étude d’impact an d’interroger et de
caractériser les eets du dispositif écri+ sur les étudiants, les enseignants ainsi que
sur l’organisation des formations. Au cours de l’année universitaire 2020-2021, ont
été questionnées les modalités de l’articulation entre les objectifs académiques et la
dimension professionnalisante du dispositif auprès d’étudiants de niveau L1 inscrits
dans les établissements partenaires. Cette étude comporte deux volets. Le premier
est quantitatif et donne lieu à la passation par les étudiants de deux questionnaires :
l’un en début de formation écri+, l’autre à l’issue de celle-ci. Ces questionnaires
visent à recueillir à deux moments distincts la perception par les étudiants de leurs
besoins en formation sur le plan de l’expression écrite et de la communication, ainsi
que l’intérêt manifesté envers les cours dispensés et les ressources mobilisées. Le
second volet de cette étude est de nature qualitative et s’est traduit sur cette même
période par la conduite d’entretiens semi-directifs auprès d’étudiants. Cette enquête
porte principalement sur les perceptions des étudiants de leurs besoins en formation en
matière d’expression écrite et de communication au regard des enseignements qu’ils
ont suivi dans le cadre d’écri+. Pour l’année universitaire considérée, ces entretiens se
sont concentrés sur la population de l’une des universités partenaires2 du projet écri+.
Les données analysées dans le cadre de cette publication, essentiellement par des tris
à plat, relèvent donc uniquement de cette institution et correspondent à la collecte de
1 463 questionnaires ainsi que dix entretiens individuels semi-directifs longs3. Pour
2 L’établissement retenu est une université de taille moyenne, pluridisciplinaire, implantée dans une
ville de 150 000 habitants.
3 La sélection des étudiants s’est faite sur la base du volontariat. Dans le questionnaire transmis
à l’issue de la formation écri+, ils pouvaient laisser leurs coordonnées pour être contactés pour
150 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
conduire ces derniers, un échantillon a été constitué au sein des formations concernées
par le déploiement du dispositif. À travers ces entretiens, nous nous sommes plus
particulièrement intéressés au parcours biographique de chaque étudiant, à son
rapport aux langues vivantes ainsi qu’à son expérience relative aux institutions
scolaires. Nous les avons ensuite questionnés sur leur perception du déroulement de
leur première année à l’université et plus spéciquement sur l’utilité ressentie des
cours d’expression-communication qui leur ont été dispensés au regard de leur projet
professionnel. D’une durée moyenne d’une heure, ces entretiens ont fait l’objet d’une
retranscription puis d’une analyse thématique guidée par la grille d’entretien.
3. Entre réussite universitaire et insertion
professionnelle, des logiques en tension
Un premier constat, révélé par l’étude quantitative menée auprès de la totalité
des étudiants concernés par le dispositif écri+ (1463 répondants), correspond au
souhait des étudiants d’accéder à des modalités diérenciées d’enseignement selon
les thématiques à travailler. Pour travailler les compétences liées à l’orthographe, le
vocabulaire, la syntaxe et la structure des phrases, les étudiants interrogés indiquent
a priori préférer travailler en autonomie avec des ressources adaptées (plus de 50 %
des répondants), alors que la rédaction de textes de type informatif et les compétences
relatives à la compréhension de textes de spécialités seraient plus adaptées au travail
avec un enseignant (27 % des répondants). Ce résultat est à mettre en regard du
fait que les étudiants estiment majoritairement, et de façon concomitante que les
principales compétences qu’ils devraient développer pour réussir à l’université sont
relatives à l’orthographe et à la structure des phrases. Si globalement, a posteriori, les
étudiants interrogés se déclarent satisfaits des enseignements reçus (plus de 63 % de
répondants se déclarent « satisfaits » ou « assez satisfaits »), les données recueillies
dans le cadre de l’étude qualitative ont mis en évidence un ensemble de facteurs qui
viennent tempérer ce résultat. Deux éléments principaux ont été révélés par l’analyse
des entretiens : l’importance du poids des dénominations des cours inscrits dans les
cursus de formation ; une diculté à percevoir l’apport des compétences travaillées à
la fois pour la réussite universitaire et pour l’insertion professionnelle. An d’enrichir
cette analyse, nous nous appuyons dans les paragraphes suivants uniquement sur les
données collectées dans le cadre des entretiens réalisés. Les résultats complets de
l’enquête quantitative ont pour leur part été exploités et valorisés dans le cadre de
l’étude d’impact du dispositif, aussi bien à une échelle locale que nationale.
un entretien individuel. L’échantillonnage a ensuite été construit an d’avoir un panel élargi des
diérentes formations (6/11 sont représentées ici).
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 151
3.1. La communication écrite, un enseignement aux
multiples déclinaisons
Les dénominations retenues pour les enseignements dispensés ont une incidence
sur leur perception par les étudiants : si l’apprentissage du « français » demeure
symboliquement rattaché à la scolarité antérieure et renvoie invariablement à
l’orthographe, la grammaire ou la syntaxe, les cours dont l’intitulé mentionne la
communication sont perçus par les étudiants comme naturellement professionnalisants.
Sur le terrain exploré dans le cadre de cette étude, l’intégration d’un module obligatoire
relatif à la « communication en français » a été décidée pour l’ensemble des maquettes
de licences de l’établissement. Conformément à l’approche portée par le projet, les
volumes horaires et les contenus de cet enseignement varient d’un département à
l’autre en fonction d’arbitrages collectifs et pédagogiques. Il en est de même des
intitulés nalement retenus pour désigner ces cours. Pour les trois UFR (Unité de
Formation et de Recherche) concernées4, représentant au nal onze départements, les
enseignements directement liés à écri+ sont désignés des façons suivantes :
 Communication (1 département)
 Communication en français (4 départements)
 Expression écrite et orale (1 département)
 Français, langue de communication professionnelle (1 département)
 Information-communication/Écrire pour communiquer (1 département)
 Projet individuel en langue française/Projet collectif en langue française
(1 département)
 Renforcement en français (2 départements)
Comme nous l’exposerons ci-après, cet état de fait a induit pour les publics
concernés des interrogations, supputations et représentations diverses : les étudiants
découvrent au l des semaines que les contenus ne correspondent pas forcément aux
intitulés des référentiels de formation. Si on s’en tient aux entretiens menés entre
janvier et mai 2021 auprès d’étudiants de six départements diérents, représentatifs
du déploiement d’écri+ au sein de l’université constituant notre terrain d’étude, quatre
intitulés sont disponibles.
3.1.1. Un éventail de dénominations lourd de conséquences
Dans le département de LEA (Langues Étrangères Appliquées), l’intitulé ociel du
cours correspondant à écri+ est « Français, langue de communication professionnelle ».
Le volume d’heures dans ce département est l’un des plus réduits, il correspond à
5 heures d’enseignement placées uniquement au premier semestre. La directive
donnée en début d’année aux enseignants qui se répartissent la promotion en 5 groupes
de 20 étudiants était de « renforcer son français ». Pour les étudiants interrogés, le
4 Droit, Staps et Sciences
152 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
cours a été spontanément rebaptisé, pour l’ensemble de la promotion, « Français
et communication » [LEA_1]. Les contenus proposés portaient principalement sur
la révision des bases en orthographe et en grammaire, ainsi que sur la rédaction de
lettres de motivation. « La communication c’est développer un vocabulaire plus riche
et apprendre à mieux exprimer ses idées. [...] Cela nous donnait une méthode pour
mieux nous exprimer [pour rédiger], plus opérationnelle que le français tel qu’on
le faisait à l’école » [LEA_1]. Les étudiants interrogés perçoivent ce cours comme
« utile » précisant qu’il était « agréable en grande partie grâce à l’enseignant qui
les mettait à l’aise : il n’y a pas de question bête » [LEA_2]. Ils regrettent cependant
que le cours se soit arrêté trop vite et ont l’impression de ne pas avoir beaucoup
progressé au niveau de l’expression écrite. Une étudiante relève que le fait d’avoir
eu un cours sur la lettre de motivation tombait très bien car cela répondait pour elle à
un besoin immédiat : « je vais me réorienter l’année prochaine, pour mon dossier sur
Parcoursup c’est super ! » [LEA_1].
« Communication en français » est l’intitulé choisi en SVT (Sciences et Vie de la
Terre), en Géo (Géographie) et en MPCE2i (Physique Chimie) pour un cours proposé
sur les deux semestres. « Entre nous, on dit “du français” pour aller plus vite »
[MPCE2i_2]. L’ensemble des étudiants interrogés notent le décalage entre le nom
du cours inscrit dans leur emploi du temps, ce qu’ils en attendaient, et ce qui a été
eectivement proposé. Un étudiant déclare : « Quand j’ai vu cours de communication
je m’attendais à des cours d’expression écrite, car en sciences on doit rédiger des
rapports et des comptes rendus » [SVST_1]. Une autre étudiante renchérit : « C’est
vrai que quand je l’ai vu sur mon emploi du temps, avant de même savoir ce que
c’était “communication en français”, au départ ce que je m’imaginais c’était
vraiment apprendre à parler, apprendre à faire un exposé, apprendre à parler en
public, apprendre à répondre à un autre. Apprendre à écrire un CV, une lettre de
motivation. Ce genre de choses qui était un peu plus professionnel nalement […],
parce que là en fait, je n’appellerai pas ça communication en français. J’appellerai
ça vraiment des cours de français » [MPC2i_1]. Les étudiants interrogés partagent
une attente très opérationnelle du cours par rapport à leur travail d’étudiant et là
encore la « communication » renvoie à l’expression orale : « Après on fait de la vraie
communication en français : c’est-à-dire de l’oral, s’adresser à un interlocuteur »
[GEO_1] ; « Je ne voyais pas trop la communication […] il n’y avait pas de
communication à l’oral entre les élèves […] ce n’est pas comme si on faisait des
exposés ou ce genre de choses » [MPCE2i_2]. Le terme « communication », du point
de vue de l’écrit, renvoie alors systématiquement à des écrits professionnels (CV,
lettre de motivation, rapport ou compte rendu) alors que celui de « français » est
rattaché à l’orthographe ou à la grammaire : « On peut faire quelques petits exercices
de grammaire comme ça, ça peut passer, mais faire un cours exclusivement sur ça, je
trouve ça un peu dommage » [MPCE2i_1]. Il apparaît notamment que des exercices
de reprise des bases de la langue, proposés dans ce cours sous la forme de QCM,
sont symboliquement rattachés à leur scolarité antérieure et à la discipline scolaire
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 153
« français » (Clayette, 2021). Selon les contenus et la répartition des activités entre le
premier et le second semestre, les étudiants retirent de ce cours de « communication
en français » un bénéce, rarement exprimé au niveau de la langue écrite impression
de faire du français comme au collège (exercices, conjugaison, grammaire,
synonymes…), mais portant davantage sur la production d’écrits structurés (méthode
de la synthèse de textes, travail sur l’argumentation avec structures de phases, typologie
d’arguments, connecteurs logiques) ou encore sur les activités orales (débat et prise
de parole en petits groupes). Les écrits d’invention, exercice proposé en sciences, sont
considérés comme relevant du travail de français : « On devait faire une rédaction
sur une histoire à partir d’une image ou décrire, enn raconter une c’était, soit notre
pire cauchemar ou notre maison idéale. Ce genre de choses, donc pour moi c’est du
travail de français » [MPCE2i_2]. Si cet exercice a pu être stimulant et apprécié :
« c’était un truc assez perché », il semble en décalage avec les attendus académiques
supposés : « les écrits sérieux » [MPCE2i_1].
Pour l’UFR de Droit, les intitulés retenus pour chaque semestre sont respectivement
« Projet individuel en langue française » et « Projet collectif en langue française ». Si
le nom du cours n’intègre pas le mot « communication », cela relève d’un choix opéré
par les responsables pédagogiques de la formation : le terme serait selon certains
« trop connoté et trop rapproché du domaine de l’entreprise » (Clayette, 2021,
p. 250). Les représentations des enseignants5 sur les attendus de ces enseignements
ont donc également un impact important dans la mesure elles façonnent le cadre
de réception des apprenants. Pour des raisons de scénarisation pédagogique et de
modalité d’évaluation, le cours, individuel au premier semestre, devient collectif
au second. Il ressort de notre étude que ce choix n’est pas très clair pour l’étudiant
lorsqu’il consulte son curriculum de formation.
Lors d’un focus group mené avec les étudiants de licence de droit6 il a été révélé
que l’intitulé du cours renvoyait essentiellement, si ce n’est à des interrogations, à une
représentation du « français ». Ainsi, interrogés sur ce que leur évoquait le nom du cours
avant de l’avoir commencé, les étudiants mentionnent : l’orthographe, la grammaire,
le vocabulaire, la rédaction. L’objectif revendiqué d’éloigner symboliquement ces
contenus pédagogiques du monde professionnel par le choix des dénominations semble
donc ici atteint : la communication s’eace au prot de la langue. Constat conrmé
lors des entretiens : « ce cours c’était des révisions, comme on nous l’a expliqué pour
faire moins de fautes dans notre copie. [...] On n’a jamais eu plus d’explications sur
le pourquoi de ce cours ». L’éloignement, volontaire, de ces enseignements du monde
professionnel est alors ressenti plutôt négativement : « ce serait mieux de travailler
5 Au total douze enseignants ont été interrogés par Élodie Clayette, deux dans le cadre d’entretiens
individuels, les dix autres lors de deux entretiens collectifs (Clayette, 2021, p. 170)
6 Ces focus group ont été réalisés par une doctorante aectée à l’étude d’impact du projet écri+, en
marge des entretiens qualitatifs mobilisés dans la présente publication.
154 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
sur des textes en lien avec notre discipline, on a l’impression de faire du travail en
plus et on a déjà énormément de trucs à faire et à lire » [DROIT_1].
Enn, dans une perspective opposée, « Information-Communication » ou « Écrire
pour communiquer » sont les intitulés retenus et achés en STAPS. Interrogés
en groupe lors de leur premier cours sur ce que leur inspirait ces dénominations,
nombreux sont les étudiants à avoir pensé qu’il s’agissait d’une simple réunion
d’information portant sur la lière de STAPS générale, ne le prenant pas comme un
cours à part entière (Clayette, 2021). Cette observation a ensuite été conrmée lors
des entretiens : « Au premier cours magistral en début d’année on nous a expliqué,
mais avant je ne savais pas du tout à quoi m’attendre et à quoi ça allait servir quand
je l’ai vu dans l’emploi du temps » [STAPS_2]. Cette étudiante ajoute que si en début
d’année ce cours avait été présenté comme un « cours de français », elle aurait eu un
a priori très négatif, dans la mesure elle dit sourir d’un « petit traumatisme »
pour la discipline depuis le collège. L’achage revendiqué de la communication
joue donc ici un rôle plutôt positif, dans la mesure il place les étudiants dans une
situation inédite, face à des contenus supposés inconnus. Interrogés après avoir suivi
ces enseignements, ils tempèrent cependant ce constat en fonction des sujets abordés
et des travaux qui leur ont été demandés. Au début du semestre un rappel des règles de
base d’orthographe, de conjugaison, de grammaire, revenait logiquement à « travailler
le français comme je l’appelle » [STAPS_2]. Dans un second temps, la méthodologie
de rédaction de lettre de motivation et de curriculum vitae a été abordée, sous l’angle
de l’argumentation notamment, alors la perception s’inverse : « tout ça là, c’était
vraiment la communication parce qu’il y avait une partie orthographe où forcément
il faut faire le moins de fautes possible. Mais là il faut surtout bien s’exprimer »
[STAPS_1]. La dimension « information » ou « info-com » renvoie au troisième type
d’exercices proposés dans le cadre du cours au second semestre. Les étudiants étaient
invités à identier en groupe un sujet d’actualité dans la presse puis à construire une
enquête journalistique écrite avec une interview et une revue d’article : « C’était un
des rares cours on écrivait vraiment sur un thème déni. On nous donnait un
contexte, on nous disait : vous êtes telle personne qui a fait telles études, vous voulez
transmettre tel message. » [STAPS_1]. Mais l’exercice a été diéremment apprécié :
« C’est compliqué et ça ne m’intéresse pas trop, je ne veux pas devenir journaliste ; à
la limite apprendre à faire un résumé d’article ça peut servir » [STAPS_2]. Dans ce
contexte particulier c’est donc bien le triptyque français-communication-information
qui est spontanément évoqué pour faire référence à la maîtrise de la langue, l’insertion
professionnelle et l’information médiatique.
3.1.2. Des stratégies d’accommodation variées
De façon transversale, nous constatons qu’au-delà des intitulés qui leur sont
présentés, les étudiants interrogés en entretien utilisent entre eux pour désigner ces
cours, l’expression « cours de français » dès lors que les thématiques traitées portent
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 155
sur les fondamentaux de la langue, même s’ils sont abordés dans un cadre général
se revendiquant de la « communication écrite ». Ils les considèrent comme cours
de « communication » quand les activités sont orientées vers le développement de
compétences liées à l’oral, quand les travaux portent explicitement sur des écrits en lien
avec le milieu professionnel, identiés comme nécessaires à leur future employabilité,
ou en lien avec les attendus universitaires supposés (rédaction de ches de synthèse,
travail sur des écrits professionnels, etc.).
Il en découle une implication et une motivation très variables d’une personne à
l’autre face à ces enseignements qui n’appartiennent pas directement au cœur de leur
formation ou spécialisation. Il s’agit pour certains de composer avec ce qu’il leur est
imposé par l’institution sans en percevoir l’intérêt. Comme l’exprime une étudiante
de la lière STAPS : « certains prenaient de la distance et disaient, bon c’est de
l’orthographe on s’en fout. C’était pris avec beaucoup de légèreté pour pas mal d’élèves
[…] Si on décidait de ne pas s’investir dans ce cours, il n’y aurait pas vraiment de
conséquences » [STAPS_1]. Attitude renforcée par le fait que les exercices n’étaient pas
systématiquement notés, qu’ils pouvaient les réaliser comme ils le voulaient, « bâclé
ou pas », relativisant le poids de cette matière dans la validation de leur semestre : « le
français c’était vraiment minime niveau coecient et niveau horaire ». Cependant,
a contrario, d’autres mettent en avant que ces enseignements périphériques, au-delà
des apports réels souvent minimisés « pour certains, des gens d’origine étrangère par
exemple cela peut être utile […], mais moi ça ne m’a rien apporté » [MPCE2i_1] ;
« s’il n’y avait pas de cours de français dans l’emploi du temps je serais tout aussi
content, et puis le coecient n’est pas très important » [GEO_1], représentaient un
moyen supplémentaire d’assurer leur réussite universitaire : « on savait que ce serait
des points aussi faciles à gagner […] Donc, au nal, on se dit qu’on va faire le
truc à fond pour vraiment gagner un maximum de points ». Deux logiques opposées
guident donc les stratégies déployées par les étudiants face à un enseignement dont
ils peinent à saisir la légitimité dans leur formation ainsi que ses apports potentiels
pour le développement de leurs compétences. Certains reconnaissent cependant avoir
pris conscience de l’intérêt du dispositif au l des séances de cours : « Avec le recul
je trouve que ce cours est indispensable et intéressant […] passé l’eet emme du
départ et l’impression que ce cours était surfait » [SVST_1]. La diculté à nommer
les choses, tant pour l’institution que pour les apprenants, traduit bien la diversité des
approches et des représentations associées à la notion de « communication écrite » et
aux objectifs qui lui sont assignés.
156 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
3.2. Unedoublenalitécontrainteparl’approchepar
compétences
3.2.1. Les compétences écrites, levier pour la réussite
étudiante et professionnelle
De façon concomitante, l’analyse des verbatim a mis en lumière l’intérêt d’aborder
l’écrit comme un élément facilitateur de la réussite étudiante et de l’insertion
professionnelle. Les compétences écrites constituent ainsi un élément intrinsèque de
l’exercice du métier étudiant (Coulon, 1997). Dans le contexte universitaire actuel
marqué par une refonte des référentiels de formation, l’approche par compétences
(APC) est largement adoptée pour guider ce changement. L’entrée disciplinaire,
antérieurement retenue pour constituer les référentiels, est mise en retrait au prot de la
formulation de compétences. Le terme de compétence renvoie à diérentes acceptions
en sciences de l’éducation et de la formation. Dans de nombreuses dénitions, la
compétence est associée à la question de « savoir-agir ». Elle est alors appréhendée
comme un comportement observable de l’ordre de la réponse à un stimulus (Rey,
1996) et une fonction faisant référence au type de poste occupé. Il s’agit en somme
de considérer les compétences comme un ensemble cohérent qui permettent à un
individu d’exercer un métier (Masclet et Leconte, 2007). Notre approche se base
sur une dénition de la compétence telle qu’elle est abordée par Jean Tardif (2017)
qui la dénit comme une action complexe s’appuyant sur des ressources diverses :
savoirs, savoir-faire et savoir-être. Dans notre travail, la compétence professionnelle
se caractérise par un ensemble de connaissances mises en œuvre dans la pratique
du français. La dimension professionnalisante de la langue mobilise des ressources
relevant traditionnellement du français (choisir un vocabulaire adapté, respecter
les règles de grammaire et d’orthographe) et de la communication professionnelle
comme par exemple rédiger une lettre de motivation, produire un rapport de synthèse
ou encore eectuer une présentation orale. Notre travail autour de l’apport des
compétences professionnelles de l’écrit est ciblé sur une population étudiante passant
en quelques mois du statut d’élève à celui d’étudiant.
Certains étudiants relient la pratique de la langue écrite et orale à leur parcours
scolaire. Les représentations autour de la langue portent en premier lieu sur la
pratique du français écrit et oral dans un cadre académique. Ainsi la perception des
compétences écrites est liée au parcours scolaire et aux souvenirs antérieurs faisant
référence au corps enseignant comme cet étudiant en première année de Droit qui
déclare avoir eu « une prof très autoritaire… comme le français hein, très cadré…
pour moi le français ça m’a permis d’être encadrée, d’avoir les bases, ça m’a permis
d’avancer » [DROIT_1]. D’autres étudiants mentionnent des activités pédagogiques
liées à leur statut d’élève comme le travail de lecture. « Je n’ai jamais aimé lire
quand on me forçait, mais la découverte du fantastique a révélé mon amour de la
lecture » [LEA_2] déclare une étudiante de LEA. Un autre fait référence aux activités
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 157
de rédaction, de relecture ou encore d’organisation des idées inhérentes à l’écriture
argumentée : « les productions écrites qu’on faisait au lycée, quand on donne une
thématique qu’il faut faire tout un développement dessus, j’aime bien arranger toutes
les parties, arranger les idées » [STAPS_1]. La perception du niveau écrit évolue au
l du parcours scolaire, un étudiant déclare : « J’étais nul en orthographe à l’école et
au collège, j’avais des notes négatives en dictée. J’avais beau me relire, je ne voyais
pas mes fautes. C’est au lycée que j’ai repris tout ça avec des profs plus pédagogues. »
[GEO_1].
Les étudiants prennent conscience de l’importance du français comme élément
facilitateur de la réussite universitaire, et de façon concomitante comme préalable à
l’accès au monde du travail. Certains étudiants se sont exprimés sur leur perception
du rôle et de la place de l’écrit. Une étudiante insiste sur la nécessité de choisir un
vocabulaire adapté : « Choisir ses mots en fonction du public qu’on a, c’est très
important je m’en rends compte depuis la fac et dans mon activité d’arbitre. »
[SVST_1]. Un autre met en évidence le recours fréquent de l’écrit dans la lière
universitaire choisie : « Il y a beaucoup de matières en STAPS il faut écrire je
ne m’attendais pas à autant. » [STAPS_2]. Des étudiants partagent un point de vue
similaire : il paraît nécessaire d’avoir un niveau d’expression leur permettant d’évoluer
dans les meilleures conditions possibles que ce soit dans leur parcours universitaire ou
professionnel futur.
3.3. Compétences communicationnelles et
professionnalisation
Les compétences rédactionnelles constituent une des préoccupations de certains
étudiants comme [GEO_1] qui déclare : « C’est important de travailler le CV, la lettre
de motivation. C’est important d’avoir un vocabulaire soutenu pour les entretiens. ».
Le travail autour de l’écrit à l’université est perçu comme important pour « des cours
lors desquels il y a beaucoup d’écrits, des examens où la rédaction est valorisée »
[MPCE2i_1]. Cette étudiante précise : « c’est maintenant qu’il faut travailler,
car après ce ne sera plus la priorité ». Le métier d’étudiant est considéré comme
étape temporelle préalable à la vie professionnelle qui mobilisera des compétences
langagières travaillées et acquises pendant les études supérieures. Certains étudiants
adoptent une posture réexive dès lors qu’il s’agit d’aborder la question des apports du
dispositif écri+ : « la langue française est dicile et il est important que les étudiants
soient armés pour leur entrée dans le monde professionnel. Ce cours est plus axé sur
des mises en situation pour le monde professionnel que ce qu’on fait antérieurement
en français au lycée. » [LEA_1]. Un étudiant en première année de droit estime :
« C’est bien d’avoir un “cours de français” à la fac pour revoir les bases, le niveau
baisse, c’est la faute aux ordis. Les profs nous disent qu’en master c’est la cata faut
reprendre tout ça. » [DROIT_1].
158 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
Les cours dédiés à l’expression et à la communication sont appréhendés en tant
que compétence transversale, notamment par deux étudiants de la lière STAPS.
Le premier déclare : « je pense c’est surtout de nous apprendre à nous exprimer
correctement et de manière concise pour vraiment aller à l’essentiel parce que j’ai
remarqué que dans beaucoup de travaux qu’on rendait souvent on paraphrasait un
peu on disait plein de choses qui ne servaient à rien. » [STAPS_1]. Le deuxième insiste
sur la dimension communicationnelle de la langue « métier » (kinésithérapeute) : « ça
aide à ne pas être pris pour des rigolos dans le monde professionnel. » [STAPS_2].
Un des apports du dispositif écri+ se situe au niveau des ressources ciblées sur les
productions professionnelles comme le curriculum vitae ou la lettre de motivation :
« j’ai trouvé utiles les ressources liées à la lettre de motivation, synthèse » [LEA_2] ;
« Mais autrement tout ce qui était avec construction d’une lettre de motivation
savoir argumenter et tout ça c’était bien de l’aborder. » [STAPS_1]. Les cours
sont perçus comme utiles dès lors qu’il s’agit de développer et d’approfondir des
compétences autour d’outils professionnels ancrés dans la réalité : « le Cv et la lettre
de motivation, ça va me servir. C’était bien » [MPCE2i_1] ou encore « on en a besoin
et on n’avait jamais vu ça de manière aussi poussée avant. C’est la partie “cours
de communication” je trouve ça bien ce n’est pas du français comme au lycée »
[STAPS_2]. Nous remarquons que certains étudiants mettent l’accent sur la nécessité
de maîtriser la langue dans la sphère professionnelle, ainsi que dans leur vie étudiante
notamment pour travailler pendant leurs études : « il faut bien écrire français pour
son futur métier, [...] quand on écrit bien, je pense qu’on paraît plus crédible. Le fait
de savoir écrire français, je trouve que c’est important » [MPCE2I_1]. Un étudiant
en STAPS estime « on peut en avoir de plus en plus besoin (lettre de motivation)
forcément avec les emplois étudiants ou même rentrer dans le monde du travail après
la licence. J’ai trouvé intéressant d’avoir un avis plus professionnel sur la question. »
[STAPS_1]. Les dimensions communicationnelles et professionnelles du langage
sont fortement liées du point de vue des étudiants interrogés.
Conclusion
La généralisation, en première année de licence, d’enseignements relatifs à la
communication écrite est contrainte par des impératifs pédagogiques et institutionnels
qui conduisent les responsables de formation à déployer de multiples approches an
de garantir la cohérence et la lisibilité des maquettes. Il en découle une multiplication
de formes, de dénominations, d’attentes, d’objectifs et de scénarisations. Le dispositif
écri+ intègre délibérément cette latitude : notre étude de terrain nous a permis de
saisir les conséquences de sa déclinaison au sein d’un établissement. Le caractère
polymorphe de ces formations peine cependant à lutter contre un présupposé défaut
de légitimité, que notre étude a mis en lumière auprès des étudiants, mais qui est
également évoqué, explicitement ou implicitement, par certains enseignants. Ce
défaut de légitimité est d’autant plus prégnant que le travail de l’écrit correspond
La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 159
au développement de compétences transversales, parfois considérées comme peu
importantes au regard d’autres disciplines prévalentes, ou susceptibles d’éloigner les
apprenants de leur cœur de formation. La dimension professionnalisante des cours
dédiés au français écrit n’est pas valorisée comme telle dans les diérents cursus.
Ce constat peut sembler d’autant plus surprenant que la modication de la « forme
universitaire » (Peraya, 2018) occasionnée par la généralisation de l’APC se prête, a
priori, à la valorisation de ce type d’initiatives. La distinction entre le travail de l’écrit
utile à la réussite universitaire, et celui dédié à l’insertion professionnelle, que nous
avons identiée dans certaines UFR semble, sur ce point, favoriser l’engagement des
étudiants dans les activités. Il faut bien entendu relativiser la portée des résultats acquis
sur cette base déclarative, nous insistons bien sur le fait qu’il peut y avoir un écart
important entre les représentations et les pratiques, que les représentations participent
de la construction des pratiques futures pour les étudiants interrogés. Il serait nécessaire
de mener une étude plus systématique sur l’ensemble des universités partenaires.
Cette étude n’est qu’une première étape de l’analyse d’impact. Nous poursuivons ce
travail en questionnant actuellement les enjeux relatifs aux modications des pratiques
enseignantes, et la capacité du dispositif à faire émerger ou non, au sein de chaque
établissement dans un premier temps, puis à une échelle nationale, des communautés
de pratique. La stabilisation, puis l’échange au sein de collectifs, de séquences de
formations et de retour d’expériences est un élément important du projet, présenté
comme étant de nature à faciliter une progressive stabilisation de formes, de libellés
ainsi qu’un enrichissement en contenus et scénarios pédagogiques.
Bibliographie
Annoot, E. (2012). La réussite à l’université. Du tutorat au plan licence. Coll.
Pédagogies en développement. Bruxelles, Belgique : De Boeck Supérieur.
Bourdet, J.-F., Clayette, É. et Salam, P. (2021). Écrire à l’université : De l’engagement
des acteurs à l’évolution des pratiques. Le français aujourd’hui, 212(1), 91-103.
Doi : https://doi.org/10.3917/lfa.212.0091
Clayette, É. (2021). Dispositif d’accompagnement pour l’amélioration des compé-
tences écrites en contexte universitaire : enjeux et impact sur les représentations
et les pratiques : l’exemple du projet écri+. Thèse pour l’obtention du titre de
docteur en linguistique sous la direction de J.-Fr. Bourdet, Le Mans Université.
URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-03514811/document
Coulon, A., (1997). Le métier d’étudiant. L’entrée dans la vie universitaire. Coll.
Politique d’aujourd’hui, Paris, France : Presses universitaires de France, 213 p.
Duguet, A., Lambert-Le Mener, M. et Morlaix, S. (2016). Les déterminants de la
réussite à l’université. Quels apports de la recherche en Éducation ? Quelles
160 Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication
perspectives de recherche ? Spirale — Revue de recherches en éducation, 57(1),
31-53. Doi : https://doi.org/10.3406/spira.2016.1745
Gumpers, J. J. et Hymes, D.H. (1972). Directions in Sociolinguistics: The Ethnography
of Communication, New York et Chicago, Holt Rinehart et Winston, 598 p.
Lépine, V. (2016). Penser la professionnalisation comme une mise en mouvement :
les communicateurs, Revue française des sciences de l’information et de la
communication , 9. Doi : https://doi.org/10.4000/rfsic.2266
Masclet, J. et Leconte, C. (2007). Le Projet Personnel et Professionnel (« Le PPP ») :
Création d’une démarche fonctionnelle adaptée à l’I.U.T. Psychologie du travail
et des organisations, 13(2), 73-100.
Peraya, D. (2018). Technologies, innovation et niveaux de changement : les
technologies peuvent-elles modier la forme universitaire ?, Distances et
médiations des savoirs [Online], 21 | 2018, Online since 10 March 2018. Doi :
https://doi.org/10.4000/dms.2111
Pournay, M., Tardif, J, et Georges, F. (2017). Organiser la formation à partir
des compétences. Un pari gagnant pour l’apprentissage dans le supérieur.
Coll. Pédagogie en développement, Louvain-la-Neuve, Belgique : De Boeck
Supérieur, 364 p.
Romainville, M. et Michaut, C. (2012). Réussite, échec et abandon dans l’enseignement
supérieur (1re éd.). Coll. Perspectives en éducation & formation. Bruxelles,
Belgique : De Boeck Supérieur.
Rey, B. (1996). Les compétences transversales en question. Paris, France : ESF.
Tardif, J. (2017). Chapitre 1. Des repères conceptuels à propos de la notion de
compétence, de son développement et de son évaluation. Dans M. Poumay
(éd.), Organiser la formation à partir des compétences. Un pari gagnant pour
l’apprentissage dans le supérieur. Coll. Pédagogie en développement (pp. 15-
37). Louvain-la-Neuve, Belgique : De Boeck Supérieur.