La communication écrite à l’université, un enseignement polymorphe 153
« français » (Clayette, 2021). Selon les contenus et la répartition des activités entre le
premier et le second semestre, les étudiants retirent de ce cours de « communication
en français » un bénéce, rarement exprimé au niveau de la langue écrite – impression
de faire du français comme au collège (exercices, conjugaison, grammaire,
synonymes…), mais portant davantage sur la production d’écrits structurés (méthode
de la synthèse de textes, travail sur l’argumentation avec structures de phases, typologie
d’arguments, connecteurs logiques) ou encore sur les activités orales (débat et prise
de parole en petits groupes). Les écrits d’invention, exercice proposé en sciences, sont
considérés comme relevant du travail de français : « On devait faire une rédaction
sur une histoire à partir d’une image ou décrire, enn raconter une c’était, soit notre
pire cauchemar ou notre maison idéale. Ce genre de choses, donc pour moi c’est du
travail de français » [MPCE2i_2]. Si cet exercice a pu être stimulant et apprécié :
« c’était un truc assez perché », il semble en décalage avec les attendus académiques
supposés : « les écrits sérieux » [MPCE2i_1].
Pour l’UFR de Droit, les intitulés retenus pour chaque semestre sont respectivement
« Projet individuel en langue française » et « Projet collectif en langue française ». Si
le nom du cours n’intègre pas le mot « communication », cela relève d’un choix opéré
par les responsables pédagogiques de la formation : le terme serait selon certains
« trop connoté et trop rapproché du domaine de l’entreprise » (Clayette, 2021,
p. 250). Les représentations des enseignants5 sur les attendus de ces enseignements
ont donc également un impact important dans la mesure où elles façonnent le cadre
de réception des apprenants. Pour des raisons de scénarisation pédagogique et de
modalité d’évaluation, le cours, individuel au premier semestre, devient collectif
au second. Il ressort de notre étude que ce choix n’est pas très clair pour l’étudiant
lorsqu’il consulte son curriculum de formation.
Lors d’un focus group mené avec les étudiants de licence de droit6 il a été révélé
que l’intitulé du cours renvoyait essentiellement, si ce n’est à des interrogations, à une
représentation du « français ». Ainsi, interrogés sur ce que leur évoquait le nom du cours
avant de l’avoir commencé, les étudiants mentionnent : l’orthographe, la grammaire,
le vocabulaire, la rédaction. L’objectif revendiqué d’éloigner symboliquement ces
contenus pédagogiques du monde professionnel par le choix des dénominations semble
donc ici atteint : la communication s’eace au prot de la langue. Constat conrmé
lors des entretiens : « ce cours c’était des révisions, comme on nous l’a expliqué pour
faire moins de fautes dans notre copie. [...] On n’a jamais eu plus d’explications sur
le pourquoi de ce cours ». L’éloignement, volontaire, de ces enseignements du monde
professionnel est alors ressenti plutôt négativement : « ce serait mieux de travailler
5 Au total douze enseignants ont été interrogés par Élodie Clayette, deux dans le cadre d’entretiens
individuels, les dix autres lors de deux entretiens collectifs (Clayette, 2021, p. 170)
6 Ces focus group ont été réalisés par une doctorante aectée à l’étude d’impact du projet écri+, en
marge des entretiens qualitatifs mobilisés dans la présente publication.