De l’apprentissage comme processus et format d’une professionnalisation prescrite 45
former à quelque sept métiers et treize codes ROME identiés. L’harmonisation des
attentes relève, dans ces conditions, d’une vraie gageure. Par ailleurs, le rôle octroyé
aux organisations, dans la dénition des compétences professionnelles, a tendance à
reléguer la sphère académique au second plan : dans des logiques d’optimisation des
formations et plus largement de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
(GPEC), elles dictent à cette dernière ce qui, jusqu’alors, relevait de ses prérogatives.
Alors que la sphère académique avait coutume d’articuler les savoirs académiques aux
« compétences métiers », elle se voit désormais contrainte de repenser lesdits savoirs
en fonction de critères exogènes, nanciers et/ou professionnels. En d’autres termes,
la conception des maquettes de formation est largement tributaire de prescriptions
professionnelles qui conditionnent le référencement au Registre National de
Certication Professionnelle (RNCP), condition impérieuse d’éligibilité à une prise
en charge des formations pour les actifs en reprise d’étude.
Il ne s’agit pas ici de porter un regard nostalgique sur un passé, encore récent, où
la sphère académique et la sphère professionnelle campaient sur leurs positions. Mais
la mainmise, invisible ou indirecte, des branches professionnelles sur les contenus de
formation peut être porteuse de menaces.
La première d’entre elles consiste à faire des apports spéciques, sur les plans
théoriques notamment, de la sphère académique. La seconde est de voir cette dernière
instrumentalisée, au nom de la professionnalisation et de l’insertion des jeunes, par
des organisations préoccupées de servir des besoins à court terme. Rappelons en eet
que le référentiel de compétences proposé à l’issue d’une concertation interne par les
branches professionnelles n’a qu’une validité limitée10. Enn, le risque majeur tient à
l’émergence de formations « dédiées » et, en l’espèce, de masters « échés » vers telle
ou telle branche professionnelle, voire une organisation-cible. Cette menace ne pèse
pas seulement sur une éthique universitaire de la professionnalisation, mais ouvre la
voie à une multiplication d’organismes de formation au sein même des entreprises,
en contradiction avec les perspectives de mobilité externe encouragées par la loi
« Avenir professionnel ».
La réforme de l’apprentissage s’inscrit ainsi dans la perspective d’une optimisation
des formations et d’une plus grande adéquation entre les attentes des entreprises et
le contenu formatif dispensé aux futurs salariés. Articulée autour des compétences-
métier, cette adéquation vise une insertion plus « ecace », mais aussi plus pérenne,
des jeunes diplômés. En mettant au cœur du dispositif de formation, les organisations
elles-mêmes, elle assure en outre une meilleure GEPC et entend pallier les décits
sur les métiers en tension comme sur les métiers d’avenir. Pourtant, s’agissant des
formations en communication, on peut s’étonner que des compétences transversales
ne fassent pas davantage l’objet d’une co-construction. L’acquisition et la mobilisation
de telles compétences, qu’elles relèvent de la réexivité, de la dimension critique, des
capacités rédactionnelles ou encore de la maîtrise des outils numériques, exigeraient
10 Référentiel reconductible tous les deux ans.