2 La professionnalisation des pratiques autour des commentaires numériques.
Parmi les nouvelles données sur lesquelles travaillent les chercheurs gurent les
commentaires numériques. Quelles qu’en soient les formes (visuelles, sonores ou
textuelles), ces traces sont l’objet de nombreuses analyses dans diérents champs
disciplinaires. Commenter une information, un produit, un programme est aujourd’hui
une activité qui s’est largement intensiée sur internet et la gestion des commentaires
est devenue une préoccupation majeure pour nombre d’organisations publiques
ou privées, et ce, quel que soit le secteur économique concerné. Leur diusion
parfois rapide peut avoir des conséquences importantes sur la réputation de ces
organisations (Charest et al., 2017 ; Alcantara, 2015), qu’elles soient commerciales,
publiques ou médiatiques (Leveneur, 2013 et 2019 ; Mercier et Pignard-Cheynel,
2017). Le commentaire client, enn, au-delà de ce qu’il peut enseigner sur un prol
consommateur, s’inscrit dans une forme d’économie spécique (Dorsaf, 2010) et
une société du jugement (D’Almeida, 2007) qui fondent les enjeux sociaux de cette
tendance et méritent d’être questionnées.
Ce constat est à l’origine d’un séminaire lancé en janvier 2018 par une équipe
de chercheurs de l’Université Toulouse 1 Capitole et dédié à ces questions
1
. Les
échanges qui s’y sont déroulés entre diérents experts, chercheurs ou professionnels,
ont conrmé que le concept de commentaire numérique, derrière une apparente
simplicité, reste dicile à cerner. À l’heure de ce « jugement en ligne » (Pasquier,
2014), force est de constater la relative imprécision d’un terme qui recouvre tantôt
les avis clients sur les sites marchands ou promotionnels, tantôt les tweets, posts et
autres traces textuelles ou visuelles laissées par les internautes sur certains réseaux
socionumériques, voire les échanges encore visibles sur les forums de discussion.
Marie-Anne Paveau en a récemment proposé une dénition : « […] on entend ici
par commentaire en ligne un texte produit par les internautes sur le web dans les
espaces d’écriture dédiés des blogs, des sites d’information et des réseaux sociaux,
à partir d’un texte premier » (Paveau, 2017, 36). La nature de ce « texte premier »
est multimodale et plusieurs chercheurs ont relevé leurs traits communs avec les
discours rapportés ou les citations (Longhi, 2020). Si l’on s’en réfère aux travaux qui
ont d’abord porté sur les forums de discussion (Marcoccia, 2004), l’incomplétude de
ces formes conversationnelles potentielles est notable, de même que leur « oralité »
(Dupret, Klaus et Ghazzal, 2010). Ensuite, vient leur organisation séquentielle, c’est-
à-dire leur « ordre de parution chronologique et dialogique » qui les inscrit dans une
« structure d’intelligibilité propre » (Dupret, Klaus et Ghazzal, 2010). À cela, Laura
Calabrese ajoute la décentralisation de la parole que permettent les dispositifs ainsi
1 Le séminaire COMUИ (Commentaires Иumériques et organisations), organisé par les membres de
l’IDETCOM (Institut du Droit, de l’Espace, des Territoires, de la Culture et de la Communication,
EA785, Université Toulouse 1 Capitole), vise à réunir autour de ces questions des chercheurs
spécialistes de l’analyse des commentaires numériques, issus des sciences humaines et sociales et des
sciences juridiques, des étudiants (Master et Doctorat), mais également les professionnels désireux
d’apporter leurs expertises sur le sujet et toute personne curieuse des enjeux du numérique. URL :
https://comun.hypotheses.org/