44 Inuences croisées entre pratiques et recherches en communication des organisation
mentalisation », il s’agit de « la relation que le consommateur entretient face à lui-
même grâce à la marque » (Kapferer, 1998, 79);enn,le«reet»estl’imagequela
marque projette de sa cible. On pourrait voir, dans cette modélisation (et dans les deux
«pôles»:émetteurconstruitetdestinataireconstruit),desliensavec ledispositif
d’énonciation tel qu’il a été développé par Eliseo Verón (1983). Mais on peut y voir
également des diérences assez nettes qui ont trait à ce que l’on pourrait appeler
lapsychologisationetdoncàunecertainenaturalisationdelamarque.Eneet,le
dispositif d’énonciation de Veron traite de postures discursives et n’a pas prétention
à traiter de « la nature » des énonciateurs et destinataires. De plus, il insiste bien sur
le fait que le destinataire n’est pas un destinataire réel mais bien la projection que
s’en fait l’énonciateur. Or, la prétention communicationnelle du modèle de Kapferer
porte, comme son nom l’indique, sur « l’identité » et non pas sur des représentations
de postures discursives. Si cette modélisation a pour mérite de montrer la diversité
des « composantes » (contrairement à d’autres schémas qui circulent en formation
et qui opposent de manière binaire « identité voulue » et « identité perçue »), on
voit aussi que la volonté de formaliser tous ces éléments disparates en un système
participe plus d’une volonté de contrôle, d’une visée explicative, que d’une visée
compréhensive, comme en témoigne d’ailleurs le titre de son article : « Maîtriser
l’image de l’entreprise : le prisme d’identité » (Kapferer, 1998).
Toutes ces modélisations ont en commun de constituer des « savoirs procéduraux »,
c’est-à-dire des suites « d’opérations susceptibles d’aboutir à une classe donnée de
résultats » (Barbier, 1996, 16). Dans ce cadre, on peut avancer que certaines théories
semblentpluspropicesàcetteschématisationperçuecommeungagedescienticité.
De ce fait, comme le souligne Karine Berthelot-Guiet, « des théories et des modèles
vont être sélectionnés et sur-représentés parce qu’ils ont de meilleures propensions à
l’opérationnalité » (Berthelot-Guiet, 2004, 28).
Les sciences de gestion orent ainsi, dans les formations aux métiers de la
communication, des outils de programmation de l’action stratégique. Elles sont aussi
mobiliséespourenjoindrelesformésàévaluersystématiquement(demanièrechirée)
leursactionsdecommunicationand’enmesurerle«ROI»(return on investment
/ retour sur investissement). Pour Valérie Lépine, « la démarche d’évaluation de la
communication, comme fonction de management ou de pilotage stratégique, s’inscrit
dans le contexte plus large de la rationalisation gestionnaire des organisations dont
les pratiques concrètes sont réinterrogées en regard des normes qui en forment le
soubassement » (Lépine et al., 2014, 147).
Ainsi, les neurosciences, la psychologie expérimentale et les sciences de gestion
peuvent sembler relever d’approches, de modèles théoriques et méthodologiques très
diérents.Pourautant,larecherchede cohérence se fait sur d’autresplans:celui
delacorrespondanceaveclaviséedemaîtrise.PourRonanGermanquiobservece
même triptyque dans le conseil en communication pour les institutions muséales,
« cet assemblage hétéroclite de propositions composites sur le plan épistémologique
relevant d’une même visée, celle de la maîtrise des situations de communication, sert