Note de lecture : A. Catellani, E. Cobut,
C. Donjean, Vers davantage déthique en
communication - Notions et outils pour
mettre en œuvre une communication
responsable
Edi.pro, 2017, 187 p.
Julia Bihl, chargée d’enseignement vacataire,
CERLIS - Université Sorbonne Nouvelle, F-75005
julia.bihl@uclouvain.be
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La communication n’a pas bonne presse auprès de l’opinion publique (Catellani,
Domenget, Maaas, 2017). Considérée comme la manne des entreprises et personnes
publiques pour légitimer leurs actions, elle souffre d’une crise de confiance qui semble
s’amplifier à chaque nouveau scandale. Conscient de cette situation, les auteurs ont
décidé de proposer une méthode pour introduire de l’éthique en communication.
Andrea Catellani, professeur en communication à l’Université catholique du Louvain
(UCL, Belgique), Eric Cobut, maître de conférences à l’université UCL-Mons et
directeur de la communication et des relations internes de la police fédérale, et
Christine Donjean, consultante en communication et enseignante en communication
à l’UCL également, livrent un guide pour les « communicateurs » confrontés à des
problèmes éthiques lors de crises et pour les entreprises qui souhaitent appliquer
concrètement des principes éthiques à tous les domaines de leur organisation. Le
précis répond étape par étape aux questionnements du lecteur en suivant son
raisonnement logique et en fournissant des exemples, des théories, témoignages et
enquêtes sur lesquelles s’appuyer.
Les auteurs commencent par positionner la question de l’éthique. Pourquoi exiger
l’éthique en communication ? De nos jours, les citoyens ont un impact sur la vie des
organisations, par le biais notamment des boycotts ou blocages de décisions. Il vaut
donc mieux fonctionner avec leur consentement. De plus, l’éthique semble générer
efficacité et compétitivité sur le marché. Les entreprises sont donc de plus en plus
amenées à « montrer patte blanche » pour perdurer et croître. C’est dans cette optique
qu’est apparue la RSE (Responsabilité Sociétale d’Entreprise), définie par l’Union
européenne comme « l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations
sociales et environnementales à leurs activités commerciales et aux relations avec les
parties prenantes » (p.27). La RSE apparaît alors comme la solution pour « redorer le
blazer des entreprises ».
A cette éthique des affaires doit être associée pour les auteurs une éthique de la
communication afin de développer une bonne image de l’organisation, améliorer la
motivation et le bien-être au travail, aider à la prise de décision des communicateurs,
leur procurer un cadre de référence, leur garantir un professionnalisme et donc une
image positive de la profession. Toutefois, introduire de l’éthique en communication
est difficile car une grande partie des entreprises se trouve compromise par des affaires
douteuses : violations des droits fondamentaux, corruptions, fraude, pollution,
concurrence déloyale, non qualité et non sûreté des produits et services, publicités
mensongères et fraudes fiscales décrédibilisent les discours sur des actions positives.
Dans ce contexte, l’éthique ne peut selon les chercheurs servir comme moyen
d’atteindre une fin (bonne réputation, performances financières), elle doit devenir une
stratégie légitime de l’entreprise qui s’appuie sur une pratique de gestion et de
développement durables.
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A. Castellani, E. Cobut et C. Donjean distinguent alors huit niveaux d’éthique, du
faible au plus élevé. Au stade 1, se trouve l’éthique dans les discours, il s’agit du
niveau déclaratif. Au stade 2, 3 et 4, l’éthique se met en place au sein du comité, de la
charte et de la déontologie professionnelle, il s’agit du niveau adaptatif, l’entreprise
s’approprie l’éthique, met en place des plans éthiques, des audits et contrôles. Puis,
au stade 5, 6 et 7, l’entreprise met en œuvre l’éthique dans les formations, elle
l’introduit dans le management des ressources humaines et développe des
compétences éthiques dans l’entreprise. Le huitième et dernier stade est le niveau
synergique : l’entreprise met en œuvre un management socialement responsable qui
constitue un avantage concurrentiel sur le marché. Elle crée des procédures et
obligations de respecter des principes éthiques concernant toutes les fonctionnalités
de l’organisation et étapes du management.
L’éthique en communication n’est donc que la première étape d’un processus
complet. Elle fonctionne comme un système, dans lequel tous les éléments
interagissent : la structure de communication, la stratégie d’entreprise, les procédures
et règles, la culture d’entreprise, le leadership, le staff et les skills influencent l’éthique
de l’entreprise et de sa communication et inversement. Il est donc nécessaire pour les
auteurs de définir une politique comme fondement et formalisation du comportement
éthique. Ils livrent quelques pistes d’actions : en formation, proposer aux salariés des
études de cas relatifs à la prise de décision éthique ; en communication, diffuser un
document de politique d’éthique en interne et externe : en gestion RH, introduire le
critère d’éthique dans la procédure de recrutement du personnel, l’évaluation du
personnel, la mobilité et le licenciement.
Une fois comprise l’importance de l’éthique dans la communication, les spécialistes
du champ s’attaquent au questionnement qui constitue le cœur de l’ouvrage :
comment appliquer l’éthique à la communication ? « Parler d’éthique en
communication implique de définir la marge de manœuvre du communicateur »,
partagé entre le respect de valeurs personnelles et des impératifs de l’entreprise. Face
au dilemme éthique en communication, défini comme un choix d’actions dont
les conséquences sont « à la fois positives et négatives sur soi, autrui et son
environnement », les auteurs proposent une méthode d’analyse en sept étapes : 1)
Suis-je confronté à un dilemme éthique ?, 2) Quelle est la nature du problème auquel
je suis confronté ?, 3) Quels sont les acteurs concernés par le dilemme ? , 4) Quelles
sont les conséquences pour chaque choix face au dilemme ? , 5) Quelle alternative
vais-je choisir ?, 6) Quelle est la décision finale que je prends ? , 7) Comment faire
comprendre et accepter ma cision ?. Les traditions philosophiques de la réflexion
éthique peuvent alors constituer une aide à la décision selon que l’on choisit un
jugement éthique par les conséquences (conséquentialisme et utilitarisme), par les
principes (approche déontologiste) ou par la qualité de la personne qui agit (éthique
de la vertu) ou par l’impératif d’aider les autres et de prendre soin (éthique du care).
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Que faire alors si notre éthique personnelle ne correspond pas à l’éthique de
l’entreprise ? Pour éviter ce genre de conflits de valeurs, il est essentiel pour A.
Catellani, E. Corbut et C. Donjean, de promouvoir des codes et chartes éthiques
professionnelles afin d’aider à la prise de décision et de permettre à la profession de
retrouver une image positive. Mais le succès tient avant tout à la capacité du
communicateur de se questionner en permanence car l’éthique doit être « entretenue
et réactivée ». Les auteurs proposent un cadre de référence de questions-clés. Ils
terminent par aborder la question de la communication numérique en proposant un
guide afin de créer une charte d’utilisation des réseaux sociaux et ainsi canaliser le
rôle de communication des employés sur la toile.
Cet ouvrage, à l’architecture extrêmement lisible et agréable à suivre, est donc
vivement conseillé à toute personne confrontée à des problèmes communicationnels
d’ordre éthique. Soulignons toutefois que l’ouvrage, en plus d’être un guide, constitue
un plaidoyer pour l’éthique en communication. Aussi, il nous semble que le titre
devrait plutôt être Pour davantage d’éthique en communication. Quelques
approfondissements dans la partie sur les conflits entre valeurs personnelles et
professionnelles auraient par ailleurs été appréciables, notamment plusieurs exemples
de conflits afin de s’assurer qu’au cas où le respect de l’éthique résulterait contraire à
l’intérêt de l’entreprise, le communicateur serait bien protégé par la Charte
déontologique.