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La responsabilité est l’obligation dans laquelle se trouve une personne en autorité
de devoir rendre des comptes (expliquer et justifier) des conséquences de ce qu’il a
dit ou fait (Seeger, 2002 ; Seeger et Kuhn, 2011 ; Christensen et al, 2011). Il existe
trois types de responsabilité : prospective, rétrospective et active (Nachi, 2003, pp.
90-93 ; Ricœur, 1990). Nous allons brièvement parler de la première pour nous
concentrer plus bas sur la deuxième, relative au caractère interprétatif de la
communication organisante et de sa capacité à exclure et enfin sur la troisième reliée,
elle, à la communication responsable et à la forme dialogique, plutôt qu’argumentative
et transmissive propre à la communication de la responsabilité.
On peut être responsable en anticipant prospectivement les conséquences des cours
d’actions (Jonas, 1992) et en en rendant compte avant la mise en œuvre. Nous
communiquons alors des messages empreint de l’« heuristique de la peur » (Jonas,
1993, p. 300) ; des messages de prévoyance, de prévention et de précaution avant la
survenue de ces conséquences redoutées (Godard et al, 2002), de façon à se
« couvrir » pour la suite éventuelle. On assume et répond dans le message (sur les
actions à prendre) de quelque chose qui n’est pas encore arrivé. Toutefois ces
messages de prudence, d’alerte et de retenue concernent encore la communication de
la responsabilité. Il s’agit d’une responsabilité par laquelle l’acteur rend compte des
effets probables, escomptés ou attendus, généralement négatifs par rapport aux
attentes plus ou moins clairement convenues et/ou des effets contradictoires, par
rapport à des normes et des valeurs de ceux qui l’ont mandaté ou dont il est supposé
(selon certaines prédispositions juridiques ou socioculturelles) soutenir et protéger les
intérêts, les valeurs et les normes. Le caractère équivoque ou ambiguë des causes
(qu’est-ce qui s’est réellement dit ou fait ?) et des effets (qu’est-il exactement arrivé
à cause de ce qui a été dit ou fait ?), tels qu’interprété par certains acteurs (les
autorités), appelle à deux formes de communication : 1) une communication
argumentative pour expliquer les relations de cause à effet (Charraudeau, 1992, p.
642) et 2) une communication délibérative par laquelle on discute et questionne, en
fonction des normes et des valeurs qui s’avèrent souvent multiples, les différentes
modalisations, évaluations et jugements plus ou moins explicites, contenus dans les
explications et les justifications des conséquences par les acteurs, dont on cherche à
déterminer les responsabilités. Dans la communication délibérative, les acteurs lient
de façon cohérente les actions et leurs justifications pour construire un monde textuel
possible, dans lequel les relations de cause à effet qui ont été argumentées trouvent
une plausibilité. Les acteurs proposent des réponses sous la forme de petits récits,
c’est-à-dire sous la forme d’« un monde construit dans le déroulement même d’une
succession d’actions qui s’influencent les unes les autres et se transforment dans un
enchaînement progressif » (Charraudeau, 1992, p. 715).
D’après Seeger (1997) la responsabilité organisationnelle est difficilement
appréhendable comme concept et comme réalité dans les organisations, à cause de la
complexité et de la taille même de ces organisations. La taille, la complexité des