La communication responsable : une
approche dialogique constitutive des
organisations
Jo M. Katambwe, professeur,
Université du Québec à Trois-Rivières
Jo.Katambwe@uqtr.ca
56 Profe ssion nalisa ti on d e la commu nic atio n : appro che s sec torie ll es
Résumé
L’article opère une distinction entre trois types de responsabilités que sont la
responsabilité rétrospective, prospective et active. La responsabilité active compense
le manque de réflexion éthique dans l’espace entre la rétrospection et la prospection ;
elle fait référence à cette communication qui se passe entre le passé et le futur, c’est-
à-dire à ce qui se trame dans le présent, avant l’émission formelle du message. Cet
article propose de distinguer également la communication de la responsabilité de la
communication responsable. La communication de la responsabilité s’appuie sur la
communication conçue comme transmission pour argumenter et justifier le bien-fondé
d’une position au détriment des autres. La communication responsable embraye sur
la communication dialogique, constitutive des organisations. Vue sous l’angle de la
communication constitutive de l’organisation, la communication responsable est une
communication dialogique qui rend possible l’inclusion des acteurs et des parties
prenantes là où la responsabilité rétrospective et prospective avaient tendance à
exclure et à stigmatiser ces exclus. Cet article conclut en proposant une procédure de
communication éthique à l’usage des organisations.
Mots clés : Éthique, dialogue, organisations, responsabilité, communication.
Abstract
This contribution operates a distinction between three types of responsibilities,
namely retrospective, prospective and active responsibility. The active responsibility
tackles the ethical vacuum between the prospective and the retrospective ; it refers to
the communication happening between the past and the future, that is to say the
communication happening in the present, before the formal issuance of the message.
This article proposes to distinguish the communication of responsibility from the
notion of responsible communication. The communication of the responsibility based
on communication conceived as transmission allows actors to argue and justify the
merits of a position to the detriment of others. Responsible Communication on the
other hand engages the dialogic communication, constitutive of organizations.
Viewed from the constitutive communication perspective, responsible
communication is a dialogic communication that makes possible the inclusion of
actors and stakeholders that retrospective and prospective responsibilities tended to
exclude and to stigmatize. This article concludes with by proposing a procedure able
to sustain ethical communication in organizations.
Keywords: Ethics, dialogue, organizations, responsiveness, responsability,
communication.
57 La com m uni catio n res po nsa bl e
1. Introduction
Dans le but de créer des messages efficaces, c’est-à-dire ceux qui sont à même de
créer de l’identification auprès des destinataires (Cheney, 1983 ; Hoffman et Ford,
2010) au sujet des politiques organisationnelles, d’actions gouvernementales ou
encore des produits, le message doit souvent exclure ce qui ne cadre pas (les éléments
de langage, des acteurs, des groupes d’acteurs) avec la chose ou le collectif que le
professionnel de la communication cherche à promouvoir. Mais l’exclusion crée des
messages épurés qui manquent de nuances et nourrissent la contestation, le
ressentiment et la contre-manifestation chez ceux qui se sentent ainsi laissés de côté
et injustement ignorés. Ces réactions peuvent avoir un impact négatif sur la réputation
de ceux qui communiquent et particulièrement ceux pour qui ils communiquent. Bien
que ces messages puissent réussir à prendre appui sur certaines valeurs de leurs
auditoires et provoquer l’adhésion de certains, ces messages ne sont pas responsables
(May, 2006).
Le discours sur l’éthique de la communication des organisations entretient une
confusion majeure en ce qui a trait à la notion de responsabilité et semble de surcroît
déconnecté de l’ontologie même de l’organisation. Cette éthique ne distingue pas la
communication responsable de la communication de la responsabilité, dont l’analyse
est devenue monnaie courante dans le domaine (Humières et Chauveau, 2001 ; Tixier,
2005 ; Lee, 2008 ; Christensen et al, 2011). La communication de la responsabilité
s’intéresse à la manière et aux stratégies par lesquelles l’organisation rend compte de
ses activités à certaines parties prenantes. Il est sous-entendu dans cette perspective
qu’être responsable, en particulier du point de vue de l’organisation, c’est devoir
rendre des comptes de manière transparente. Mais c’est également rendre des comptes
de façon telle que les parties prenantes soient convaincu, après coup, du caractère
exemplaire de l’action et du bilan de l’organisation vis-à-vis de leurs intérêts
(l’environnement, le développement de la communauté, la parité, l’emploi et la qualité
des sous-traitants par exemple). Il s’agirait donc d’y faire la preuve ou l’argument que
les prétentions et les promesses de l’organisation ont été à la hauteur de ses actions.
La communication de la responsabilité est socialement critiquée (Crook, 2005, p. 2 ;
Seeger, 2002, p. 121) dans la mesure les professionnels de la communication en
font, vu les effets sur les profits et la réputation, une activité de communication
stratégique. Les visées persuasives, voire démagogiques, de sa rhétorique en
escamotent en effet tout aspect principiel ou véritablement éthique (Conrad, 2011, pp.
38-40 ; Mickey, 2002, p. 100 ; Gryspeerdt, 1995, pp. 114-131 ; Levinas, 1971, pp. 66-
68). En plus d’une conception très limitée de la communication comme transmission,
cette conception limite également la responsabilité à une notion quasi juridique et
pénale. Nous montrerons qu’il faut, pour dépasser la notion limitée de communication
de la responsabilité, passer de la communication-transmission à la communication-
médiation. L’éthique de la communication organisationnelle ne semble pas par
58 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
ailleurs prendre en compte deux faits essentiels, à savoir : 1) que l’éthique de la
communication ne peut être étrangère à la manière sui generis dont fonctionne
l’organisation, à défaut de quoi cette éthique devient un corps étranger que
l’organisation rejettera d’autant plus facilement que sa dynamique ne correspond pas
à celle qui est entendue de manière plus ou moins implicite dans l’éthique proposée
et 2) que cette éthique et la dynamique organisationnelle qu’elle se propose d’évaluer
normativement doit être reliée à la raison première de l’existence des organisations et
des entreprises, nommément le fait qu’elles doivent survivre et/ou faire des profits, un
résultat relié à la façon dont précisément on s’organise. Il nous faut donc une
conception de l’éthique de la communication des organisations qui soit constitutive
de la communication et non une conception procédurale qu’on viendrait accoler à
l’organisation pour l’évaluer post facto et régler si possible son problème jusqu’à une
prochaine fois encore. Il nous faudrait également une conception de l’éthique de la
communication des organisations qui soit reliée non seulement au caractère constitutif
de la communication des organisations mais également, par le fait même de cette
constitution, à son efficacité ou sa productivité. En partant de l’approche constitutive
de la communication dans les organisations dans sa perspective dialogique ainsi que
de l’éthique de la responsabilité dans la perspective levinassienne, la proposition que
nous souhaitons mettre de l’avant dans cet article est simple. Nous disons qu’il existe
une différence entre communication de la responsabilité et communication
responsable et qu’une communication est d’autant plus responsable qu’elle est
éthique, c’est-à-dire qu’elle ne nuit pas, par toutes sortes d’abus, à l’autonomie, à
l’intégration et à l’intégrité des interlocuteurs. C’est une communication qui respecte
au contraire leurs deux faces (Goffman, 1983 ; Kerbrat-Orrechionni, 1992 ; Yule,
1997) et reconnaît leurs visages (Levinas, 1971, 1991) de façon à faciliter le débrayage
des énoncés qui est le mécanisme fondamental de l’organisant (Latour, 2003 ; 2012).
Elle doit pour ce faire être une communication dialogique.
Nous proposerons pour finir une procédure de communication éthique constitutive,
inhérent au fonctionnement communicationnel des organisations et à la responsabilité
collective de chacune des parties prenantes. Il s’agit d’une procédure facilement
intégrable dans la communication stratégique des professionnels et dans la
communication opérationnelle des gestionnaires ainsi que de toutes les autres parties
prenantes, dans la mesure tous sont, à des degrés divers, toujours en train de
communiquer (Mintzberg, 1973 ; Gronn, 1983). Il s’agit d’une procédure à même de
contrebalancer les abus et les nuisances de la communication d’organisation. Une
procédure en somme inhérent au processus organisant dialogique.
2. La communication constitutive des organisations
Nous allons partir d’emblée d’une approche qui dépasse celles prévalentes qui
considèrent la communication d’organisation comme un ensemble de flux de
59 La com m uni catio n res po nsa bl e
messages circulants dans un contenant et déterminés par les caractéristiques de ce
dernier. Pour nous, l’organisation est en substance faite de communications (ordres,
commandes, récits, arguments, textes et conversations de toutes sortes). La
communication est ce qui organise l’organisation. En prenant l’exemple de KLM,
Weick (2001, p. 135) dira :
Comme compagnie aérienne KLM est en grande partie constituée par les échanges
d’actes de langage. Lorsque les employés de KLM parlent entre eux et avec des
acteurs externes, non seulement ils communiquent à l’interne mais, ce faisant, ils
construisent l’organisation elle-même à travers le processus même de ces échanges
et de la substance de ce dont ils parlent. (notre traduction)
1
.
Comme on le voit dans cette citation, la communication est ce qui occupe une
grande partie des activités dans une organisation, en particulier à mesure que l’on
monte dans la hiérarchie.
De ce point de vue, la communication n’est pas quelque chose qu’une organisation
fait de temps en temps entre deux activités plus importantes. Elle est constitutive
du fonctionnement même de l’organisation et de la manière dont cette organisation
rend sensé ce fonctionnement
2
. (notre traduction).
Une approche constitutive de la communication (Putnam et Nicotera, 2009 ; Weick
et al, 2005) peut tirer les conséquences logiques et théoriques de la séparation de
l’énonciateur et du locuteur. Elle -couvre le fait que la communication implique
toujours de fait la présence polyphonique et dialogique (Todorov, 1981 ; Kerbrat-
Orecchioni, 1990, p. 15 ; Ducrot, 1984 ; Bronckart, 1997) plus ou moins virtuelle
d’une pléiade d’agents locuteurs/énonciateurs (Taylor et Cooren, 1997 ; Cooren,
2006; Latour, 2005/2007) comme des sujets, des objets et des figures qui rendent
problématique la responsabilité des uns vis-à-vis des autres. Dans cette multiplicité
agentielle et polyphonique qui doit répondre à qui, de quoi, comment et avec quelles
sanctions ?
La communication organisante est une médiation textuelle et conversationnelle,
c’est-à-dire une communication par laquelle les acteurs traduisent les intérêts et les
attentes des uns dans ceux des autres (Latour, 1986, pp. 260-261). Le but de cette
communication est d’unifier, de faire converger les acteurs, de leur permettre de se
1
« KLM as an airline is in large part constituted by its speech exchanges. When people employed by
KLM talk among themselves and with outsiders, not only do they communicate within an
organization, they also construct the organization itself through the process and substance of what
they say ».
2
« Communication, in this view, is not something an organization does once in a while, in between
other important activities, but is constitutive of all organizational life and sensemaking »
(Christenssen et al, 2011, p. 457).
60 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
co-orienter et de former de la sorte, de proche en proche, des réseaux d’acteurs plus
ou moins longs. Ces réseaux permettent de composer du pouvoir et d’agir ainsi à
distance (Latour, 1989, pp. 260-261 ; 2007, chap.3 ; 2012 ; Taylor et al., 2000 ;
Brummanns et al., 2014). Il s’agit alors souvent d’acteurs qui interprètent et qui donc
font parler ces intérêts par l’intermédiaire de porte-paroles et des personnes autorisées
afin de les faire coïncider. C’est pourquoi on aura tendance, comme dans tout
processus symbolique, à argumenter des associations en interpellant et en mobilisant
des figures et des objets dont la caractéristique est précisément cette capacité
d’associer. Les figures, grâce à leur polysémie, permettent de faire des associations
s’écartant de la norme commune, tandis que les objets, grâce aux affordances,
associent dans des interfaces (Deni, 2005, p. 81) des fonctions à des finalités d’actions
ou des objectifs des acteurs et des regroupements qui veulent en faire usage (Trem et
Leonardi, 2012 ; Kress, 2010). La communication organisante en tant que médiation
se forge donc dans des phénomènes de substitution/soustraction et de transfert
(ventriloquisme) qui exposent à la fois, dans les termes de Strum et Latour (1987, pp.
790-793), la complexité (diversité des actants et des voix) et la complication (diversité
des opérations menant à l’unification des intérêts) de la communication organisante.
Puisque ce qui se fait se dit (Seeger, 2002) et que ce qui se dit se fait (Austin, 1970),
rendre des comptes dans cette perspective constitutive est une activité
métacommunicationnelle, dans la mesure il s’agit de parler encore une fois mais
de façon stratégique de ce qui a été dit/fait : « Parler de l’action c’est parler de la
communication, et vice-versa
3
» (Christenssen et al, 2011, p. 461). La
métacommunication est un commentaire évaluatif (maintenant professionnalisé)
réservé à ceux qui sont en position officielle d’autorité et qui se base sur des critères
et des normes sociales (pour les parties prenantes externes) et organisationnelles (pour
celles internes). Mais cette métacommunication ne devrait pas, comme nous le verrons
plus bas, être une métacommunication unidirectionnelle éventuellement contestable,
comme c’est le cas avec l’exercice professionnel de la communication de la
responsabilité (la reddition de comptes qu’est la responsabilité sociale des
organisations mais aussi, la reddition de comptes à l’assemblée annuelle des
actionnaires par exemple). Il ne devrait même pas non plus être un exercice qui
opposerait dans un débat plus ou moins symétrique et virtuel des professionnels de la
communication avec des journalistes et sentinelles (watchdogs) des ONG. Dans une
perspective constitutive dialogique, la responsabilité est active (continue) et se définit
comme une rencontre avec l’autre, dans une mutualité (interdépendance)
communicationnelle.
3
«Talking about actions is talking about communication, and vice versa » (Christenssen et al, 2011,
p. 461).
61 La com m uni catio n res po nsa bl e
La responsabilité est l’obligation dans laquelle se trouve une personne en autorité
de devoir rendre des comptes (expliquer et justifier) des conséquences de ce qu’il a
dit ou fait (Seeger, 2002 ; Seeger et Kuhn, 2011 ; Christensen et al, 2011). Il existe
trois types de responsabilité : prospective, rétrospective et active (Nachi, 2003, pp.
90-93 ; Ricœur, 1990). Nous allons brièvement parler de la première pour nous
concentrer plus bas sur la deuxième, relative au caractère interprétatif de la
communication organisante et de sa capacité à exclure et enfin sur la troisième reliée,
elle, à la communication responsable et à la forme dialogique, plutôt qu’argumentative
et transmissive propre à la communication de la responsabilité.
On peut être responsable en anticipant prospectivement les conséquences des cours
d’actions (Jonas, 1992) et en en rendant compte avant la mise en œuvre. Nous
communiquons alors des messages empreint de l’« heuristique de la peur » (Jonas,
1993, p. 300) ; des messages de prévoyance, de prévention et de précaution avant la
survenue de ces conséquences redoutées (Godard et al, 2002), de façon à se
« couvrir » pour la suite éventuelle. On assume et répond dans le message (sur les
actions à prendre) de quelque chose qui n’est pas encore arrivé. Toutefois ces
messages de prudence, d’alerte et de retenue concernent encore la communication de
la responsabilité. Il s’agit d’une responsabilité par laquelle l’acteur rend compte des
effets probables, escomptés ou attendus, généralement négatifs par rapport aux
attentes plus ou moins clairement convenues et/ou des effets contradictoires, par
rapport à des normes et des valeurs de ceux qui l’ont mandaté ou dont il est supposé
(selon certaines prédispositions juridiques ou socioculturelles) soutenir et protéger les
intérêts, les valeurs et les normes. Le caractère équivoque ou ambiguë des causes
(qu’est-ce qui s’est réellement dit ou fait ?) et des effets (qu’est-il exactement arrivé
à cause de ce qui a été dit ou fait ?), tels qu’interprété par certains acteurs (les
autorités), appelle à deux formes de communication : 1) une communication
argumentative pour expliquer les relations de cause à effet (Charraudeau, 1992, p.
642) et 2) une communication délibérative par laquelle on discute et questionne, en
fonction des normes et des valeurs qui s’avèrent souvent multiples, les différentes
modalisations, évaluations et jugements plus ou moins explicites, contenus dans les
explications et les justifications des conséquences par les acteurs, dont on cherche à
déterminer les responsabilités. Dans la communication délibérative, les acteurs lient
de façon cohérente les actions et leurs justifications pour construire un monde textuel
possible, dans lequel les relations de cause à effet qui ont été argumentées trouvent
une plausibilité. Les acteurs proposent des réponses sous la forme de petits récits,
c’est-à-dire sous la forme d’« un monde construit dans le déroulement même d’une
succession d’actions qui s’influencent les unes les autres et se transforment dans un
enchaînement progressif » (Charraudeau, 1992, p. 715).
D’après Seeger (1997) la responsabilité organisationnelle est difficilement
appréhendable comme concept et comme réalité dans les organisations, à cause de la
complexité et de la taille même de ces organisations. La taille, la complexité des
62 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
organisations et de leurs opérations rendent difficile la résolution des dilemmes
éthiques, leurs interprétations (« qui est la cause de quoi ? ») et l’attribution de cette
cause à un agent particulier, dans la mesure où ces caractéristiques organisationnelles
impliquent une causalité multiple et des interprétations ou des points de vue multiples
d’un fait ou dilemme déjà équivoque. La responsabilité organisationnelle est une
question de communication, dans la mesure où c’est elle qui permet de réduire
l’équivocité et de produire des interprétations valides :
À travers la communication, des interprétations concurrentes de la responsabilité
sont considérées et celles qui permettent la réduction de l’équivocité sont retenues.
La façon dont la responsabilité est enacté/réalisé dans l’organisation influence à
son tour le climat de confiance, la qualité des relations de travail, et le niveau
d’innovation
4
. (1997, pp. 39-40).
Mais quelle forme ou de quelle nature est cette communication éthique susceptible
de réduire l’équivocalité des dilemmes éthiques ? Est-ce de la diffusion, de la
promotion, de la délibération ou encore de simples conversations ?
Notre conception de la communication organisante considère, dans un premier
temps, que celle-ci doit être optimale (Lewis, 2011 ; Maitlis et Lawrence, 2007) et ne
faire sens que rétrospectivement ou après coup (Weick, 1979 ; 2009). Une
communication est optimale dans la mesure les moyens existant permettent de
satisfaire le besoin de consensus entre les acteurs ; et elle y arrive et fait sens
rétrospectivement, dans la mesure la capacité des parties prenantes à poser des
questions, à animer et donc à participer n’excède pas la capacité des cadres à organiser
et à contrôler les interactions. Mais dans ces conditions, les cadres qui sont ceux qui
contrôlent les ressources et les budgets sont aussi ceux qui organisent les interactions.
Ils font ainsi tout naturellement le raisonnement suivant lequel pour optimiser les
ressources il vaut mieux consacrer moins de ces ressources à organiser et à mettre en
branle des interactions par des informations sont partagées, des liens noués et des
orientations arrêtées. Si de moins en moins de gens partagent, nouent et se co-
orientent, il en reviendra donc aux décideurs (d’où ce nom) d’accumuler les
informations, de les distribuer au compte-goutte à qui ils le désirent, de choisir de se
lier à qui ils veulent, de décider et de co-orienter à leur guise les évènements, sans
égard pour ceux qui sont objectivement concernés. Ils vont alors considérer et faire
valoir (par de multiples rationalisations et justifications) que le besoin de consensus
n’existe pas ou que très peu, pour déployer des budgets et des ressources (de plus en
plus limités), puisque tous les acteurs s’identifient déjà à l’organisation et sont sur la
4
« Trough communication, rival interpretations about responsability are considered, and those that
are most successful in reducing equivocality are retained. The way in which responsability is enacted
in organizations in turn influences the climate of trust, quality of working relationships, and the level
of innovation. » (1997, pp. 39-40).
63 La com m uni catio n res po nsa bl e
même longueur d’onde (Klikauer, 2008, pp. 63-64). Étant donné que le processus
interprétatif se fait après coup et que ce sont les cadres qui le contrôlent, ils sont donc
à même, eux, de dire ou de donner une synthèse de ce qui s’est passé et de désigner
qui doit rendre des comptes, pour ce qui s’est ainsi passé selon leur unique point de
vue à la fois officiel et formel mais aussi, exclusif et non transparent. Le compte rendu,
la synthèse ou l’interprétation des évènements est donc rétrospectif. Comme
l’interprétation ou la synthèse, la responsabilité est aussi rétrospective ou après coup.
Elle est donc quelque chose qu’on attribue ou qu’on s’attribue ; on s’attribue à soi-
même ou à un autre l’agence d’une action ou d’un évènement passé. Ricoeur (2008)
dira de la responsabilité qu’elle « implique que quelqu’un assume les conséquences
de ses actes, c’est-dire tienne certains évènements à venir comme des représentants
de lui-même, en dépit du fait qu’ils n’ont pas été expressément prévus et voulus ; ces
évènements sont son œuvre, malgré lui » (p. 341). Celui-ci distinguera ainsi la
responsabilité rétrospective, de la responsabilité prospective. La première « intervient
après coup pour faire assumer les conséquences d’un acte déjà consommé » (Nachi,
2003, p. 91), tandis que dans la deuxième on assume, comme nous l’avions montré
plus haut, l’agence des conséquences qui ne sont pas encore survenues, ce qui force à
la prudence et à la précaution. Le premier type de responsabilité est celle qui intéresse
au premier chef les organisations (préoccupées par les coûts d’assurance et les
réactions des marchés), bien que la deuxième, sous la bannière de la responsabilité
sociale des entreprises par exemple, fait son chemin à mesure que le pouvoir des
parties prenantes externes (toujours plus environnementalistes) grandit par rapport à
l’organisation. Ainsi la responsabilité pour le faire, faire/dire est une responsabili
rétrospective qui correspond à la manière même dont les acteurs dans une organisation
interagissent et font sens de ce qui s’y passe. Puisque les interactions sont régies par
la logique des faces qu’il faut préserver (Kerbrat-Orecchioni, 1992), alors cette
reddition de comptes (une interaction avec d’autres acteurs et parties prenantes )
cherchera avant tout, à préserver les faces de ceux qui sont en contrôle, c’est-à-dire
les cadres : la responsabilité étant une représentation de l’acteur et donc de sa face, les
évènements heureux (augmentation de la clientèle, augmentation des parts de marché
et des marges, accroissement de la réputation et de l’image, meilleure coordination,
développement des produits et des ressources etc.) seront le fait des cadres et du
sommet stratégique qui s’en attribueront principalement les mérites, tandis que pour
sauver les faces, les évènements malheureux seront le fait de tous ceux (objets ou
sujets) qui n’ont pas été partie prenante dans le processus organisant (les interactions
et les interprétations qui ont eu lieu pour décider du cours de ces évènements).
3. La communication responsable
Le couple de la communication argumentative et délibérative peut décrire la
communication de la responsabilité organisationnelle comme le processus rétrospectif
64 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
de construction de sens, par lequel les responsabilités sont assignées (qui doit rendre
des comptes ou argumenter des faits à qui ?), justifiées (quelles valeurs et normes
soutiennent ces arguments ?) et les sanctions arrêtées (comment récompenser ou punir
ceux qui rendent ces comptes ?). Mais elle ne peut pas suffire à décrire la
communication responsable. Dans la mesure les multiples valeurs et normes sur
lesquelles reposent les arguments et par lesquelles les explications et les justifications
des conséquences évaluées sont elles-mêmes questionnées et remis en question dans
la délibération, il faut alors dépasser ce couple. La discussion délibérative, à ce stade-
ci a épuisé ses ressources dans la mesure où à cause de la variété et de la multiplicité
des acteurs et des parties prenantes concernés et de leurs différentes perspectives, les
mondes possibles (Boltanski et Thévenot, 1999) construits dans cette étape
délibérative sont incommensurables (Pearce et Littlejohn, 1997). C’est ici que pour
des raisons d’optimisation, les processus organisant et organisationnels ont tendance
à réduire, substituer et voiler dans le but de garder une identité et uniformité des
mondes (Todorov, 1981) et de permettre une prise de décision, en apparence sans
équivoque. Ces processus procèdent ainsi par exclusion de certains acteurs et par
implicitation des contenus (que les précédents pourraient par exemple porter et que
d’autres parties prenantes pourraient vouloir aborder). Mais ce faisant, l’organisation
n’aura fait que déplacer la délibération vers d’autres sphères, avec des cycles de
communication plus étendues (encore plus d’acteurs se mettent à spéculer), plus
longues (dans la durée) et plus ambiguës (toutes sortes de définitions de la situation
et des rumeurs interviennent). Ces communications subséquentes rendront moins
engageantes les décisions qui les ont enclenchées et rendront également moins
abordables des décisions prochaines sur le même thème. Devant cette impasse, les
organisations ont tendance à jouer à l’autruche ou à naviguer à vue. La communication
responsable est l’attitude qui intervient, au-delà de l’argumentation et de la
délibération, quand celles-ci ne suffisent plus. Elle pose dès le départ, contrairement
à la conception rétrospective ou même prospective (Jonas,1992 ; Ricoeur, 1990 ;
2000 ; 2005) de la responsabilité organisationnelle, l’exigence d’une attitude
communicationnelle éthique. Pour être éthique, une communication comme toute
action doit être le produit de l’expérience d’une rencontre sans présomption avec
l’autre dans sa singularité : «La responsabilité vient de l’Autre et est une réponse à
l’appel de l’Autre
5
» (Murray, 2003, p. 254). L’obligation éthique, et donc la
responsabilité, repose entièrement sur cette communication avec l’autre :
« L’argument primordial chez Levinas est à l’effet que la rencontre avec l’autre est
l’expérience me de l’obligation éthique
6
» (Murray, 2004, p. 336). Une
5
«Responsability comes from the Other and is in response to the call of the Other» (Murray, 2003,
p. 254).
6
«Levinas’s central claim is that the encounter with another person is the experience of ethical
obligation» (Murray, 2004, p. 336).
65 La com m uni catio n res po nsa bl e
communication est éthique, non pas dans la mesure elle est une argumentation
rationnelle qui obéit à une situation idéale de parole (Habermas, 1992) mais dans la
mesure où elle répond à l’exigence de la rencontre, au cours de laquelle l’autre est
obligatoirement reconnu et pris en compte dans ses préoccupations et attentes
(Lévinas, 1971). De cette façon, le destinateur évite les abus susceptibles de nuire aux
faces et au visage ; il s’acquitte de sa responsabilité pour autrui (qu’il n’a pas ignoré)
mais rend également responsable ce dernier qui aura co-construit la communication
avec lui. Il ne s’agit pas d’un énième rappel de l’importance de la participation dans
les décisions, qu’on retrouve par exemple à propos du principe de précaution, comme
forme avancée de la responsabilité prospective : « La procédure de décision devrait
être transparente et associer dès le début la totalides parties intéressées » (Godard
et al, 2002, p. 121). Une fois toutes ces parties « associées », la procédure ne nous dit
pas quelle forme la communication devrait prendre pour assurer quel objectif. La
communication responsable est cette communication dialogique dans laquelle, grâce
à la montée en généralité (Boltanski et Thévenot, 1999 ; Thévenot, 2006 ; Nachi,
2006), tous les mondes possibles de toute la multiplicité des parties prenantes
concernées se retrouvent à la satisfaction mutuelle de tous. La communication
responsable est une coresponsabilité qui implique une responsabilité active, une
responsabilité dans le cours même de la construction des messages.
La conception conventionnelle de la responsabilité ne traduit pas les exigences de
la communication mais les exigences politiques d’une autorité ou d’un pouvoir
subjectif qui s’accumule par l’exclusion et le secret. Dans la perspective constitutive
dialogique, la responsabilité communicationnelle se conçoit toujours par rapport à un
autre, à l’acteur, i.e. à la nature de la relation intersubjective que celui-ci entretient
avec autrui. Elle consiste dans tous les cas en la nécessité d’approcher l’autre et à la
double capacité de répondre à l’autre et de répondre de l’autre en étant attentif,
soutenant et réactif à ses soucis. Elle consiste à veiller à ce que dans tous les cas,
l’autre (tous ceux qui sont concernés de près ou de loin) soit rencontré, donc inclus
dans le processus organisant qui est constitutif de l’organisation comme nous l’avons
montré plus haut. Il s’agit dans une telle rencontre ou communication de préserver
l’autonomie d’autrui, son intégration ou hétéronomie, et son intégrité physique
puisque la menace, la violence et la peur de la punition génèrent des structures
autoritaires de domination et d’aliénation qui produisent une fausse conscience de soi
(Klinkauer, 2008, pp. 164-165). Mais les structures de domination affectent aussi
l’intégrité morale, dans la mesure autrui a besoin d’être reconnu dans sa dignité
d’être humain qui compte pour l’autre, plutôt que juste comme une ressource ou un
moyen plus ou moins efficace et corvéable à merci. Les êtres humains sont humains
par leur ontologie d’être relationnel (Orlikowski, 2009) : « Les humains sont humains
66 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
à cause de la relation avec les autres
7
» (Klinkauer, 2008, p. 159). C’est pourquoi ils
doivent toujours être rencontrés de façon à ce que nous soyons attentifs à leur vécu,
que nous ressentions avec et/ou pour eux et que nous puissions réagir en conséquence
(Miller, 2007 ; Lilius, 2008). Ignorer autrui, c’est ne pas le reconnaître comme tel et
donc le blesser dans son intégrité (Honneth, 1992). C’est le dévisager au lieu de
l’envisager, i.e. de lui faire face dans un vis-à-vis (Levinas, 1991) qui le reconnaît et
le prend en compte en préservant son autonomie (face négative), son intégration (face
positive) et son intégrité (visage). La responsabilité pour autrui consiste ainsi à
accueillir l’autre (Chatel, 2006 ; Noddings, 2002) avec compassion, plutôt que dans
l’optique instrumentale d’une ressource/moyen à utiliser pour atteindre un objectif
stratégique, comme celui de parler au travers d’une autre personne (Cooren, 2010,
2013). Cette communication éthique ou responsable, contrairement à ce qu’on laisse
souvent entendre, est productive (Ellman et Pezanis-Christou, 2010 ; Miller, 2007).
Dans la perspective dialogique, la responsabilité est une coresponsabilité
épistémique (ce qu’il faut faire savoir en fonction de ce qui est dit ou connu) et
pratique (ce qu’il y a à faire en fonction des engagements). D’après Linell et Makova
(1993, pp. 175-178), elle est toujours coproduite, contractée et complémentaire :
lorsqu’il y a dialogue, il y a co-responsabilité. En effet, la responsabilité exige, pour
être assignée à l’une ou l’autre des parties à la communication, des tours de paroles ;
elle n’est alors pas contenue dans un seul énoncé seulement. Son locus est dans la
communication coproduite par les interactants qui définissent cette responsabilité
épistémique et pratique les uns pour les autres, au travers de ce qu’ils disent et se
répondent. L’attribution des responsabilités aux uns et aux autres n’est pas
rétrospective, arbitraire et à sens unique. Elle se manifeste dans le contrat implicite
(monologique ou dialogique) qui découle de la nature des échanges en cours. Il y a
asymétrie de responsabilité dans les énoncés, puisque c’est toujours un locuteur
individuel qui initie une force illocutoire à laquelle l’autre doit répondre. Toutefois,
les conséquences des énoncés ainsi coconstruits sont bilatérales puisqu’ils lient le
locuteur/énonciateur ou auteur et son interlocuteur, dans une sorte de contrat où nous
avons d’un côté, des obligations épistémiques (faire-savoir) et pratiques (faire) et de
l’autre, des attentes par rapport à l’accomplissement de celles-ci. Enfin, du point de
vue dialogique, lorsqu’il y a « uptake » (reprise ; compréhension et adoption de la
perspective de l’autre), la responsabilité n’est pas seulement celui de l’énonciateur
mais il y a coresponsabilité, même si ces responsabilités ne sont pas identiques mais
plutôt complémentaires. Le fait de substituer, de réduire et de voiler l’autre dans les
processus organisationnels et organisant (le discours totalisant) prive celui-ci de
réponse, de reformulation et le dénue de sa coresponsabilité, qui n’est plus alors que
l’apanage de celui qui contrôle et organise les interactions et qui les optimise par
7
« Humans are humans because of relationships with others » (Klinkauer, 2008, p. 159).
67 La com m uni catio n res po nsa bl e
contraction, pour se donner du pouvoir ou pour le maintenir (Baudrillard, 1972 ;
Baxter, 2011). La qualité de responsable revient ainsi de façon arbitraire à
l’énonciateur ou l’auteur pratique : lui seul peut répondre pour lui-même, pour autrui
et sauver sa face. Lorsqu’il n’y a pas dialogue, il n’y a que la responsabilité du plus
fort et celle contradictoire pour la victime (de violence ou d’incivilités discursive)
d’assumer les conséquences de ce qu’on lui aura fait dire. Pour récupérer cette
coresponsabilité, le locuteur doit retourner dans la communication afin de renverser
les rôles (enquêteur v. informateur), grâce à l’investigation dialogique (Argyris et
Schön, 2003 ; Senge, 1999 ; Isaacs, 1994). Il doit questionner les responsabilités de
l’auteur pratique pour la traduction mutuelle éventuelle des présupposés des uns et
des autres. Il doit, autrement dit, questionner et discuter avec le ou les preneurs de
décisions (l’auteur pratique ou celui qui initie ou, mieux, qui voudrait initier le
message), afin d’en arriver à des accords sur ce qu’il convient de dire ou de faire.
Lorsqu’on contracte le dialogue dans une logique de substitution-réduction, on
neutralise la capacité d’autrui de répondre pour lui-même et de répondre d’autrui,
puisqu’il porte la parole des uns ou des autres dans la hiérarchie. La responsabilité
s’assigne alors de manière arbitraire et autoritaire dans le cadre d’un monologue. La
responsabilité du dire et du faire dire est perçu en général comme une responsabilité
individuelle, alors qu’en raison de son caractère dialogique (Levinas, 1971 ; 1991)
elle devrait, comme on vient de le voir, être une émergence situationnelle et
collective/mutuelle : « L’attribution des responsabilités épistémique et pratique est
systématiquement de nature dialogique. En conséquence, elle exige toujours la
collaboration entre différents acteurs en interaction sur plusieurs séquences
d’échange
8
» (Linell et Markova, 1993, p. 180). L’approche sémio-narrative de
Ricoeur (1990) concourt avec cette perspective de la coresponsabilité et de l’éthique,
comme constitutive de la communication. Il n’y a pas de responsabilité, sans mutualité
dans sa forme minimale de reconnaissance de l’autre, qui m’oblige et me tient
responsable (Ricoeur, 2003, p. 130) :
La capacité de se désigner soi-même comme l'auteur de ses actes est affirmée, ou
mieux attestée, dans un rapport de soi à soi : je me..., tu te..., il/elle se... L'appel,
l'injonction, la confiance aussi, qui procèdent du fragile, font que c'est toujours un
autre qui nous déclare responsable ; mieux, qui nous rend responsable, ou, comme
dit Levinas, nous appelle à la responsabilité. Un autre, en comptant sur moi, me
rend responsable de mes actes. (Ricoeur, 2003, p. 130).
Mais lorsqu’au lieu d’exclure par substitution-réduction et d’impliciter par le biais
de la nominalisation, de la pronominalisation et des figures en général, le processus
8
« The allocation of epistemic and practical responsabilities is systematycally dialogical in nature.
Accordingly it usually requires collaborative work accomplished over sequences by different
interactants » (Linell et Markova, 1993, p. 180).
68 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
organisant est au contraire inclusif des parties prenantes qu’il anticipe, rencontre et
dont il explicite les points de vue présents, la traduction se fait alors sous le mode de
la compréhension/interprétation exotopique (Todorov, 1981) qui aboutit à une montée
en généralité tendue mais créatrice.
Les acteurs sont dérobés de leur responsabilités dans le but d’accumuler du pouvoir
dans les niveaux hiérarchiques supérieurs, grâce à la contraction dialogique (Baxter,
2012 ; Baudrillard, 1972). Cette contraction avalise une culture organisationnelle de
l’évitement de l’autre, par laquelle la rencontre au sens éthique (Levinas, 1971 ;
Murray, 2003) est systématiquement évitée (Berns, 2006). La responsabilité qui n’est
pas issue d’une rencontre n’est pas dialogique ; elle est de ce fait incompatible avec
la nature même de la communication constitutive de l’organisation qui nécessite
toujours d’être débrayée ou reprise, pour faire émerger l’organisation (Latour, 2012 ;
2002). Cette communication d’organisation est d’autant plus débrayable que l’autre
s’y reconnaît (Bougnoux, 1991 ; 1995). À défaut de quoi et à moins d’y être forcé (et
de nuire ainsi à son autonomie), l’acteur ne s’identifie pas à la communication et à
l’organisation que cette communication constitue. Il bat en retraite et son engagement
organisationnel décroît (Lilius et al, 2008). Pour les organisations à culture
monologique, il s’agit alors de constamment distordre cette communication, de façon
à en limiter l’accès et la transparence tout en donnant l’impression du contraire :
Toutes les stratégies et les procédures de communication qui limitent l’ouverture
et l’honnêteté ne peuvent pas être jugées éthique. Cela inclut la rétention de
l’information, la distorsion des faits, le bâillonnement de la critique, et les limites
imposées à la discussion et au débat ainsi que toutes les tentatives d’étouffer ces
derniers. Fournir de l’information incomplète ou seulement à caractère général
peut être considéré comme trompeur dans la mesure ce genre d’information
conduit à des conclusions erronées (Johannesen, 1990)…Un message qui trompe
ou qui distord les faits peut de cette façon limiter le choix libre et informé
9
. (Seeger,
2002, p. 151).
La distorsion de la communication, jusqu’à son « tautisme » (Sfez, 1992, p. 26),
conduit à une conscience erronée de la réalité (Habermas, 1987 ; Forester, 1993 ;
Klikauer, 2008), une communication dont on va se servir pour justifier après coup la
substitution, la réduction et le voilement des acteurs qu’on a ignorés. Ignorés, ils n’ont
donc pas besoin de participer, et leurs points de vue n’ont pas nécessairement besoin
d’être pris en compte. Cette ignorance stratégique du visage de l’autre justifie ainsi,
rétrospectivement, la nature même des processus organisationnels et organisant. Mais
9
«Any communication strategies or procedures that limit complete honesty and openness would
not be judged as ethical. This includes witholding information, distorting facts, silencing critics, and
limiting or stiffling discussion and debate. Providing only incomplete or general information may be
judged as deceptive because it may lead to a false conclusion (Johannesen, 1990) …Message that
deceive or distort may limit free, informed choice.» (Seeger, 2002, p. 151).
69 La com m uni catio n res po nsa bl e
elle contribue également à la tradition bureaucratique de la responsabilisation
rétrospective (et non active ou dialogique), par laquelle on cherche à faire compter ou
à faire rendre des comptes à la fin des processus, à ceux-là mêmes qui en étaient exclus
au départ (Hummel, 1994 ; Crozier, 1963).
4. Une éthique organisationnelle dialogique
Le faire-dire qui est, comme nous l’avons vu, le propre de la communication
d’organisation correspond à une relation d’imposition, une relation par laquelle un
dit/un contenu va être imposé, dicsans qu’il soit le fruit d’une rencontre avec/ou
d’une participation de l’autre ou de sa prise en compte. Le fait d’imposer à l’autre un
dit ou un contenu implique logiquement que cet autre soit ignoré, que son visage soit
ignoré. On n’a pas besoin de le rencontrer afin de pouvoir dire ensemble et faire
émerger, dans une co-orientation, un dit, un sens partagé. Le visage est une métaphore
de la communication qui parle, du fait que dans la relation à autrui le sens n’émerge
que de la prise en compte de l’autre
10
, du vis-à-vis dans son humanité : « Rencontrer
la face de l’Autre c’est simultanément reconnaître son droit d’exister et ma propre
obligation de servir cet Autre
11
» (Murray, 2003, pp. 256-257). Le visage relève du
dire et donc du niveau de la relation. C’est la métaphore d’un processus organisant
inclusif ou dialogique qui a la qualité d’anticiper, de permettre la réponse de l’autre et
de répondre d’autrui (enaction-interpretation/sensemaking) de manière hospitalière,
plutôt que blessante ou abusive comme le feraient des processus organisants
monologiques qui substituent, réduisent et voilent l’autre. Parce que le faire-dire est
une imposition, elle fait violence à l’autre; il est à sa face irresponsable car il efface
l’autre et voit l’autre sous son prisme unique :
Il existe de nombreux cas les attitudes et les croyances culturelles-souvent
mobilisées par la rhétorique- dévisage ou enlève la face de l’Autre…Souvent, ce
qu’on finit par voir à la fin ce n’est pas la face de l’Autre telle quelle mais
seulement le reflet de l’autre dans notre propre point de vue
12
(Murray, 2003, pp.
258-259),
10
L’autre qu’on ne peut totalement comprendre et ce faisant pouvoir catégoriser, réduire et classer.
L’autre excède toujours nos catégories totalisantes.
11
« To encounter the face is to simultaneously recognize the Other’s right to exist and my own
obligation to minister to the Other » (Murray, 2003, pp. 256-257).
12
« there are numerous instances in which cultural attitudes and beliefs-often mobilized through
rhetoric-deface or efface the Other…Often, what we end up seeing is not the face of the Other but
the reflection of the Other in our own worldview » (Murray, 2003, pp. 258-259).
70 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
Un monologue avec soi-même, la face devrait être dialogique, c’est-à-dire
reconnaissant et accueillant l’autre dans la manifestation de sa singularité. À cet égard
Jacques dira :
Le toi est vraiment un autre. À tout moment il peut me surprendre et me
désorienter. Au lieu du mot ‘connaissance’ nous préférons celui de
‘reconnaissance’. Car parler, c’est, avant de connaître autrui, se faire reconnaître
à lui. L’autre comme interlocuteur est aussi reconnu, salué. Penser à la personne
de l’autre signifie désormais lui parler. Elle est au vocatif et non pas au nominatif.
Avant de le nommer, de le décrire, je l’invoque (ou le provoque). Sans quoi l’autre
tourne aussitôt vers moi sa face objectivée. Parler de lui en dehors de cette
interpellation, quand on parle d’un absent par exemple, à la limite même pour faire
son éloge, c’est déjà l’abolir dans son altérité personnelle, c’est mal dire, déjà
médire (1979, p. 44).
C’est chez Levinas, l’obligation éthique primordiale. Or c’est précisément ce qu’on
ne fait pas lorsqu’on fait dire. On ne pense pas à l’autre puisqu’on ne lui parle pas, on
le fait parler et lui nous fait parler. C’est l’anti-dialogue et le règne de
l’irresponsabilité. C’est pourquoi nous pouvons dire que la communication
(organisante) laissée à elle-même ne peut être éthique, étant donné la logique de
substitution-réduction et voilement des processus organisationnels (centralisation,
hiérarchisation, stratification, formalisation) et organisant (réduction de l’ambiguïté,
de l’incertitude, de la complexité par on met des cadres et pose des bords qui
excluent). L’autre est ainsi méconnu ; celui qui dans la métaphysique de Levinas nous
interpelle et nous pose, par sa seule présence, l’obligation de lui répondre et de
répondre de lui. L’autre, comme acteur organisationnel, nous interpelle à dire avec lui
en nous sommant d’entrer avec lui dans un processus organisant inclusif, au lieu de le
parler/le dire, de le réduire unilatéralement et de lui faire dire par imposition verticale
et linéaire. Laissée à elle-même, la communication d’organisation a cette tendance
rationnelle et bureaucratique à totaliser l’autre dans des catégories qui l’ignorent dans
son excès/infinitude, qu’on ne peut jamais comprendre (enfermer dans des bords)
complétement.
L’éthique actuelle du faire-dire devrait donner préséance et s’activer autour d’un
modèle dialogique de l’organisant qui lui éviterait de sombrer dans le monologue
(implicite des contenus et exclusion de l’autre qu’on substitue avec des figures et qui
aboutit à l’indifférence organisationnelle). L’organisation sombre dans le monologue,
en donnant flanc aux abus au vivre-ensemble, dont l’impact est de nuire à l’autonomie
(face négative), l’intégration (face positive) et à l’intégrité (visage) de l’autre, en
particulier des acteurs exclus. On serait alors, grâce à un « savoir-dire » (selon le mot
heureux d’un de nos évaluateurs), capable d’éviter la logique de la substitution-
réduction ainsi que la compréhension d’unification et d’identification à laquelle
aboutit souvent le faire-dire ; on le ferait par le biais de la compréhension exotopique
(Todorov, 1981) et de l’investigation dialogique (Argyris et Schön, 2003 ; Isaacs,
71 La com m uni catio n res po nsa bl e
1994 ; Senge, 1999) qui, tout en préservant la présence et les identités/différences des
acteurs, cherchent à établir la cohérence des rapports entre les différents points de vue
qui s’expriment, en maintenant une tension entre eux (au lieu de les réduire) afin
d’aboutir à une montée en généralité (médiation) innovante.
5. Conclusion : une procédure éthique dialogique
Les acteurs dans une organisation ont mutuellement intérêt à reconnaître et à
préserver le visage et les faces des uns et des autres, par le moyen d’une
communication dialogique par laquelle nous faisons valoir, dans ce que nous disons
et faisons, ces visages et ces faces dans chacune de nos interventions avec l’autre. La
reconnaissance et la préservation mutuelle exigent une traduction tout aussi mutuelle
des intérêts et attentes de chacun qui contribue à la performance organisationnelle.
Dans cette communication qui respecte les faces et le visage, les contradictions, les
conflits et les dilemmes découlant se résolvent dans une montée en généralité
innovante qui rajoute de la valeur aux propositions des uns et des autres.
Cette conception dialogique et constitutive de la communication responsable nous
permet de proposer pour finir une procédure de communication éthique ou dialogique.
Cette procédure découle de l’impératif discursif suivant : « Sois inclusif et explicite
dans tes dires et faire-dire ». Elle se décline de la façon suivante : Les communications
(textes et conversations) de tous les acteurs concernés et/ou impliqués dans les
communications décisionnelles, dans chacun des quatre contextes organisationnels
(Brummanns, 2014 ; McPhee et Zaug, 2000), doivent avoir été ou doivent être le fruit
de la procédure de l’IRTV. Les conversations et textes peuvent être plus ou moins
dialogiques, et donc plus ou moins éthiques, puisque leur qualité dialogique détermine
leur niveau d’éthicalité. La procédure de l’IRTV facilite l’implantation d’une saine
habitude de communication organisationnelle et augmente les chances que cette
communication soit responsable. Il s’ensuit les étapes suivantes :
1. Tous les acteurs concernés ou qui ont un souci par rapport au thème d’une
décision doivent investiguer les énonciateurs et les voix qui s’y expriment, qui
s’y sont exprimés ou s’y exprimeront. L’objectif est d’expliciter les différents
postulats de base et les présupposés qui formeront les prémisses décisionnelles,
et ce faisant de favoriser l’autonomie des acteurs capables alors de penser
librement et de décider en connaissance de cause.
2. Tous les acteurs concernés ou qui ont un souci par rapport au thème d’une
décision doivent reconnaître une valeur et une utilité (ne fut-ce que minimales)
aux présupposés et postulats de base des uns et des autres, dans l’édification d’une
décision collective. L’objectif est l’inclusion, afin d’éviter les offenses et les
blessures et favoriser la capacité d’intégration caractéristique de la
communication et du lien social et organisationnel.
72 P rofe ssi on nalisa ti on d e l a commu nic atio n : approche s sec tor ie lles
3. Tous les acteurs concernés ou qui ont un souci par rapport au thème d’une
décision doivent traduire les points de vue investigués et valorisés des uns et des
autres, dans ceux des uns et des autres. L’objectif est d’assurer la mutualité
caractéristique (avec l’inclusion et l’explicitation) du dialogue, la co-construction
et la montée en généralité.
4. Tous les acteurs concernés jusqu’à maintenant ou qui ont eu un souci par rapport
au thème d’une décision doivent faire valoir ou promouvoir cette traduction
mutuelle, en la manifestant et en l’exprimant dans les dires et les faires à propos
de la décision prise ou à prendre. L’objectif est de répondre d’autrui, dont le souci
aura été remarqué, compati et acté dans la décision, en même temps que de
permettre la diffusion de cette sollicitude ou de ce souci pour autrui, dans le
réseau ou la chaîne décisionnelle.
Puisque la communication est constitutive de l’organisation et que l’éthique est
constitutive de la communication (et vice-versa), l’organisation bonne ou la bonne
organisation est une organisation dont les communications décisionnelles (Luhmann,
1995) sont le fruit d’un dialogue, en particulier d’une procédure qui en assure le
niveau éthique. À défaut d’une telle procédure ou d’un tel filtre dialogique, les
communications deviennent, de par la violence des processus organisationnels et
organisant, des catalyseurs d’abus et de nuisances discursives. Les abus perpétrés par
cette violence peuvent alors affecter l’autonomie et l’intégration des acteurs (les
faces), ainsi que leur intégrité (visage) et contribuer à la détérioration trop souvent
familière du climat de communication, de la coordination et de la coopération. Il existe
de nombreuses asymétries et une compétition à tel point agressive dans nos
organisations actuelles qu’il serait quasiment illusoire d’y espérer une communication
civile et apaisée. Mais face aux coûts humains (le Figaro, 2016 ; Le Point, 2013 ; The
New York Times, 2015) et organisationnels excessifs (Lutgen-Sandvik et Sypher,
2009 ; De Terssac et Gaillard, 2012) qu’elles encourent, les réflexions comme celles-
ci ne peuvent nuire.
73 La com m uni catio n res po nsa bl e
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