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Ce numéro propose une exploration des enjeux éthiques tels qu'ils sont présents
aujourd'hui dans différents domaines professionnels du secteur de la communication.
Dans l'opinion publique actuelle ces deux termes (« communication », comme métier
et activité professionnelle, et « éthique ») semblent parfois opposés : nous rappelions
déjà dans le numéro 5 quelques données concernant la méfiance que la communication
professionnelle inspire, à l'époque des spin doctors et, plus récemment, des fake news
et des faits alternatifs.
En réalité, l'éthique est un enjeu de toujours et de toutes les sphères de la vie
humaine. C'est inévitable donc que la communication professionnelle soit traversée
de fond en comble, dans ses différents secteurs et domaines et depuis toujours, par la
tension autour du défendu et du permis, des valeurs et des principes. Certains auteurs
ont d'ailleurs soutenu la thèse de l’inhérence de l'éthique en communication, y compris
en communication d'organisation (voir Gauthier 1992). Le fait que les valeurs et la
dimension morale sont parfois instrumentalisées par les stratégies de persuasion, et
deviennent donc des outils de « propagande » ou de manipulation, n'enlève pas la
réalité des choix, concernant le bien et le mal, que les professionnels de la
communication doivent faire dans leur travail. Cette réalité est accentuée par le type
de contexte de la communication contemporaine. La rapidité des échanges et la
complexité de nos sociétés augmentent en effet les occasions de confrontations entre
valeurs et intérêts, croyances et convictions différentes. Le monde numérique (ou,
plus précisément, la composante numérique de nos sociétés et de la vie des
organisations), et notamment la sphère des médias traditionnels et des médias sociaux,
augmente aussi les occasions où les valeurs comme la privacy, le respect, la
« transparence », la sincérité sont en jeu.
La tradition de la philosophie morale peut nourrir la réflexion et la prise de
conscience de l'importance de la sphère morale et éthique dans ce domaine
professionnel. Nous avons déjà rappelé dans l'introduction du numéro 5 quelques
notions essentielles, concernant la définition d'éthique, de morale, de méta-éthique,
d'éthique appliquée, de déontologie. Nous rappelons ici la belle définition que Paul
Ricoeur donne de l'éthique : visée de la vie bonne avec et pour autrui dans des
institutions justes (1990, p. 202). C'est une vision organique de la sphère morale, qui
montre comment l'éthique – réflexion appliquée au bien et au mal – émerge de la vie,
de notre façon de prendre position devant le monde et l’être, se réfère aux principes
et valeurs moraux (qui forment un patrimoine à disposition des individus et des
collectifs pour s'orienter vers le bien et la vie bonne), et s'applique enfin dans les
secteurs spécifiques de la vie (bioéthique, éthique médicale, éthique de la
communication, éthique des affaires, etc.). Il s'agit ainsi de s'opposer à la
parcellisation dénoncée par le philosophe Mark Hunyadi avec l'expression de « petites
éthiques » : il s'agit de construction de « petites règles de conduites » qui ont au fond,
selon l'auteur, une fonction de « blanchissement » du système plus global, celui des