Conclusion
Dany Baillargeon, professeur
Université de Sherbrooke
Dany.Baillargeon@USherbrooke.ca
Alexandre Coutant, professeur
Université du Québec à Montréal
coutant.alexandre@uqam.ca
148 Atypies, hybridités et temporalités
Une anecdote de terrain résume parfaitement le phénomène interrogé dans le cadre
de ce numéro : depuis maintenant plus de quinze ans d’entretiens auprès de communi-
cateur·rices, l’expression de loin la plus récurrente est sans conteste « oh, mais tu sais,
moi, j’ai un parcours/profil atypique ». Bien que depuis de nombreuses années, nous
ayons assisté à des tentatives de standardisation dans les établissements d’enseigne-
ment et dans les associations professionnelles (Baillargeon et al., 2013 ; Lépine et
David, 2014), souvent autant sous le coup d’une recherche de positionnement que
d’un seul désir de rendre professionnelle la communication, les parcours profession-
nels des communicateur·rices demeurent hétérogènes. L’atypie serait-elle la typicité
des métiers de la communication ? Qu’est-ce que cet apparent paradoxe nous indique
sur cette profession ?
De nombreuses sources statistiques témoignent effectivement de la variété des
postes et des provenances des praticien·nes des tiers de la communication. Ainsi,
le classement des professions effectué lors du dernier recensement au Québec classe
ces métiers au sein du groupe hétéroclite des « professions du domaine culturel et des
communications », se côtoient notamment relationnistes, acteurs et actrices,
photographes et journalistes (Langlois, 2016). Malgune évidente progression des
formations spécialisées en communication (Jeffrey, Burton, 2012), les provenances
des praticien·nes peuvent encore beaucoup varier, entre communication, gestion,
sciences politiques, sociologie, psychologie, arts ou lettres (Coutant, 2009 ; David et
Motulsky, 2010). L’atypie répondrait alors certainement à cette expertise de la
« contorsion » (Dupouy, Fenot et Fukhura, 2015) qui semble, au premier abord, le
seul élément réellement partagé par les communicateur·rices.
Cette atypie s’illustre aussi dans la diversité des titres, appellations et noms de
métiers plus ou moins pérennes, employés pour qualifier la fonction des communi-
cateur·rices. La grande enquête sur les métiers de la communication au Québec
dressait déjà ce constat (David et Motulsky, 2010)
1
, que le développement de
nouveaux supports de communication n’a fait que renforcer (Coutant et Domenget,
2015).
En matière de trajectoire interne à la profession, il existe aussi une très forte mobilité
entre les métiers, au cours d’une carrière ou entre la formation et la carrière (journa-
listes, relations publiques, publicité, etc.), le tout étant dû autant à des choix qu’à des
contraintes face à certains secteurs bouchés ou à des défauts de reconnaissance des
diplômes obtenus (Touati et Badulescu, 2014 ; Brizard-Kim, 2016). Les journalistes
deviennent relationnistes ou producteur·rices de contenus (Baillargeon et al., 2016 ;
Bernier et al., 2005) ; les mathmen deviennent les nouveaux et nouvelles commu-
nicateur·rices à l’aune du big data (Couldry et Turow, 2014 ; Messinger, 2014) ; les
responsables des RH endossent la fonction de communicateur·rice interne (Talal,
1
Elle n’identifiait pas moins de 123 titres différents au sein des 679 répondant·es.
Conclusion 149
2013). Soulignons aussi les fertilisations croisées entre politique, marketing et
communication (Kugler, 2006 ; Stenger, 2012). Bref, autant d’indices que cette
profession « échappe inévitablement à toute maîtrise systématique » (Champy, 2009,
p. 84).
Cette effervescence s’explique de nombreuses façons : relative jeunesse de la
reconnaissance de la profession, difficulté à cerner son champ d’expertise propre,
variété des fonctions impliquées, régulières transformations du secteur
2
(Bernard,
2006 ; Lépine et al., 2014). La nature fondamentalement transdisciplinaire ou pluri-
disciplinaire de la communication appelle des professionnel·les aux compétences
multiples et aux postures éthiques parfois contradictoires (Maas et al., 2017). Dans sa
plus récente cartographie des champs de la discipline (Walter et al., 2018), la
Conférence permanente des directeur·rices des unités de recherche en sciences de
l’information et de la communication circonscrivait dix champs avec autant de sous-
champs, tout en rappelant que « [dès] leur naissance et compte tenu de leurs origines
(études cinématographiques, études littéraires, sciences de la documentation, sciences
du langage, sémiologie, sociologie, etc.), les SIC se sont définies comme une... “inter-
discipline” » (p. 12). Il en résulte que les praticien·nes sont amené·es à compléter leur
formation au long de leur carrière en intégrant des éléments hétéroclites. En somme,
les professionnel·les de la communication offrent des temporalités biographiques
(Bessin, 2009 ; Dubar, 2004) atypiques, marquées par des retours aux études, de la
formation tout au long de la vie, des oscillations entre projets personnels et projets
professionnels, emploi en organisation et travail autonome ou consultation. Les
formations changent égalementgulièrement. La quête incessante d’une profession-
nalité aboutit en effet à une prolifération de formations et de certifications aux formats
comme à la rigueur variables (de la Broise et Morillon, 2014). Les générations de
diplômé·es peuvent donc finir par ne plus se ressembler, voire se reconnaître. Ainsi
voit-on des phénomènes de légitimation et de professionnalisation probants de cette
atypie et davantage vecteur de difficultés : capital professionnel bâti par « hopping »
(McLeod, O’Donohoe et Townley, 2011 ; Nixon, 2003 ; Pratt, 2006) ou par des
dynamiques de liens marchands (Cochoy, 2012) ; forte rhétorique sur le savoir, à
défaut d’une pratique standardisée (Alvesson, 2004) ; quête constante et ambivalente
d’un idéal déontologique et éthique (Maas et al., 2017) ; polysémie et équivocité des
titres d’emploi (David, Motulsky, 2010) ; identification (ou « désidentification ») à un
statut professionnel (Jeffrey et Brunton, 2012) ; contestation du terme « profession-
nalisme » et croisement (nexus) d’importants questionnements théoriques et pratiques
(Cheney et Lee Aschcraft, 2007).
2
Qui concernent aussi bien les modes d’organisation du travail, les modèles théorético-pratiques
guidant l’action, les outils de conception ou production, que les supports d’intervention.
150 Atypies, hybridités et temporalités
Ajoutons que les secteurs d’exercice viennent encore appuyer cette différenciation.
Le ou la praticien·ne a souvent comme contrainte d’ajouter à ses compétences
communicationnelles issues des formations initiales beaucoup de savoirs/savoirs-
faire/savoirs-être spécifiques au secteur dans lequel il ou elle exerce : culture propre,
forme organisationnelle en constant changement, spécificités techniques particulières,
encadrement légal, supports usités ou prohibés, identités des parties prenantes…
Doit-on se réjouir de la porosité de ce marché du travail et laisser faire son
homéostasie ? Après tout, Menger (2018) ne cesse de démontrer le peu de valeur
prédictive des formations pour anticiper la performance des futur·es professionnel·les
dans les métiers créatifs. L’atypie constituerait alors une adaptation logique aux
spécificités de la tâche des communicateur·rices. Doit-on au contraire y voir la marque
d’inadaptation des formations en communication, qui échapperaient à une partie au
moins des compétences à transmettre pour les futur·es praticien·nes ? Les enquêtes
appuieraient davantage cette hypothèse.
Est-il possible de surmonter cette atypie ? La connaissant, doit-on intégrer dans les
cursus des manières de préparer les futur·es praticien·nes à apprendre à apprendre ?
C’est face à ces questions que le RESIPROC a décidé de solliciter des retours
d’enquêtes empiriques : au-delà de ces constats statistiques, comment s’incarnent ces
trajectoires ? Comment sont-elles vécues par les acteur·rices, reconnues par leurs
collaborateur·rices, etc. ? Plus particulièrement, mais de façon non exclusive, des
réflexions portant sur les quatre axes suivants ont été sollicitées :
1. les différentes temporalités professionnelles des communicateur·rices : temps
de formation et temps professionnels ; chevauchements de ces temporalités et
dynamiques socioprofessionnelles les engendrant (mise à jour nécessaire des
connaissances, mutation des pratiques sous le coup du numérique, mondia-
lisation et mobilité, injonctions des associations professionnelles, etc.) ;
2. les hybridités des parcours : comment différentes professions se chevauchent,
se contaminent, se combinent, avec les tensions que ces croisements génèrent
et l’interrogation sur le fait que ces chevauchements participent ou non à la
professionnalisation ;
3. l’(a)typie des parcours de formation, qu’ils soient institutionnalisés ou non, de
même que les rationalités derrière leur existence ;
4. les vecteurs influant ces trajectoires, qu’ils soient d’ordres déontologiques,
économiques, éthiques, politiques, sociotechniques.
Ces axes ont donné lieu à des propositions riches et diverses permettant d’observer
cette nécessaire condition ou cette condition de nécessité que sont l’atypie et les
hybridités des métiers de la communication.
Conclusion 151
Dans ce numéro
Cette nécessaire atypie est particulièrement prégnante dans la proposition de
Guillaume Le Saulnier, qui se concentre sur les policiers devenus communicants et
des conditions de leur conversion professionnelle, et ce, dans un contexte d’inten-
sification des activités de communications au sein des forces de l’ordre. Soutenu par
une enquête ethnographique menée sur deux années au sein du Service d’information
et de communication de la police (SICoP), Le Saulnier dépeint le parcours de ces
officiers de communication, leurs quêtes de légitimité à travers l’acquisition de
compétences — faites « sur le tas et sur le tard» (p. 33) avec seulement des formations
généralistes — et des opérations de valorisation de leur statut marginal, qui leur fait
« perdre leur qualité de policier aux yeux d’une partie de leurs pairs, mais aussi à leurs
propres yeux » (p. 42). Ainsi, l’on découvre un environnement plus rébarbatif et
contraignant que la vaste majori des métiers de la communication, le public
imaginé des pairs est tout aussi présent que les publics auxquels doivent s’adresser
ces communicatrices et communicateurs. Ainsi, Le Saulnier nous présente les atypies
et hybridations d’une profession « au rebours d’une culture professionnelle qui postule
une antinomie entre le rôle de policier et celui de communicant ».
Pas très loin des préoccupations entourant la communication policière se dessine
une autre territorialisation professionnelle, celle des communicateurs et communica-
trices de l’Europe, que présente Sandrine Roginsky. Travaillant au sein ou en
périphérie des institutions européennes, ceux-ci, à l’instar des officiers en communi-
cation de la SICoP, doivent de manière récurrente s’embarquer dans d’intenses
rhétoriques de valorisation et de légitimité. Forte d’une soixantaine d’entretiens semi-
dirigés et de l’analyse de profils Twitter et LinkedIn des personnels des institutions
européennes chargés de fonctions de communication, d’agences d’affaires publiques
ou d’agences de lobbying, cette recherche se penche sur les logiques de présentation
de soi, d’exposition de soi et de justification de ces communicateurs et communi-
catrices de l’Europe. Après une cartographie des différentes instances accueillant ces
personnels, Roginsky démontre que ceux-ci tentent de « se faire un nom», alors même
que leur métier, à la frontière de plusieurs institutions, ne porte pas de nom. En résulte
une pléthore de titres d’emploi souvent idiosyncrasiques, promouvant des compé-
tences techniques (numériques) qui agissent comme passe-frontière : ces « dispositifs
numériques ont certainement facilité le passage des communicateurs d’un monde à
l’autre » (p. 55). Cette « difficile fabrique de l’éthos professionnel des communica-
teurs de l’Europe » (p. 66), est soumise à différentes tensions identitaires : éthos
journalistiques vs posture du « geek » ; le généraliste vs le spécialiste, sans compter
que ce métier sert d’interface dans la conception et le suivi des politiques publiques,
appelant une identification à la chose politique tout autant que communicationnelle.
Roginsky conclut que la « […] difficulté à faire émerger clairement un dénominateur
commun à l’ensemble des professionnels qui font de la communication, tout ou partie,
152 Atypies, hybridités et temporalités
leur activité professionnelle est certainement à la fois cause et symptôme de la faible
institutionnalisation de la fonction au sein de la bulle européenne ».
Dans un environnement professionnel volontiers présenté comme en mutation
permanente, le regard rétrospectif proposé par Anaïs Théviot s’avère particulière-
ment judicieux. C’est au cas des professionnel·les de la communication politique
numérique qu’elle s’intéresse, à la faveur des campagnes électorales pour la Prési-
dence de la République Française menées de 2007 à 2017. Elle crit la place que
prennent progressivement ces métiers au sein du « tableau bien ordonné » (p. 78) que
constituaient les campagnes. Au-delà des discours promotionnels accompagnant le
numérique et ses promesses révolutionnaires, leur trajectoire laisse apparaître beau-
coup de similarités avec les enjeux traditionnellement rencontrés par les métiers de la
communication : même reconnaissance inaboutie, notamment visible dans l’absence
de budgets importants dédiés ; même intégration progressive au sein de l’organisation
existante, allant du ballotage au gré des forces en présence à la définition de services
distincts, voire d’agences autonomes ; même porosité à l’arrivée de nouvelles compé-
tences d’exécution (ici issues de l’informatique ou des engagements personnels dans
les cultures numériques) masquant la relative stabilité des grands enjeux stratégiques
auxquels les communicateurs et communicatrices sont censé·es faire face ; même
focalisation des praticien-ne-s sur les compétences techniques ou l’expérience acquise
sur le terrain. Ses constats amènent à penser le lien entre communication et hybridité
à rebours : ce qui est observé relève davantage de praticien·nes spécialisé·es, ici en
politique, qui intègrent des compétences communicationnelles extérieures à leurs
cursus et trajectoires professionnelles habituel·les. L’enjeu est alors de faire prendre
conscience que ce qu’ils voient comme des « enjeux communicationnels » complétant
leur cœur de compétences peuvent se révéler plus centralement des « enjeux
stratégiques » pour l’exercice de leur activité.
Vincent Brulois poursuit avec une réflexion sur l’engagement dans l’organisation,
et ce, au regard du communicateur et de la communicatrice interne. Plus encore, il
pose le postulat que pour engager et mobiliser les salarié·es d’une organisation par
des activités de communication, engagement mesuré annuellement à coup d’enquêtes
internes, les professionnel·les de la communication interne doivent également se
sentir engagé·es. Eux-mêmes acteurs de cette organisation, comment conçoivent-ils
leur propre engagement ? Partant d’une réflexion sur les (nouvelles) attentes des
salarié·es — autonomie, réalisation de soi, accomplissement, sociabilité, projet de vie
— qui œuvrent dans des organisations en constants changements et en tension, Brulois
argue que « l’entreprise n’a de choix que de s’adresser à ses salariés afin de se saisir
de leur potentiel de créativité et de leur capacité de mobilisation […] pour “obtenir ce
bon vouloir” et cet engagement nécessaire pour atteindre l’efficacité recherchée »
(p. 13). En cela, le rôle de la communication interne est « donc de traduire les attentes
des uns dans le vocabulaire des autres, de comprendre les métiers et les situations de
travail, d’identifier et de partager les valeurs collectives, de maintenir le sens du travail
Conclusion 153
en reliant les acteurs plus qu’en relayant l’information » (p. 17). Une telle description
de tâches ne va pas sans un coûteux investissement personnel « ingrat », « usant » qui
tient du « sacerdoce » pour maintenir ouverts les canaux de l’engagement. Grâce à
cette plongée dans l’expérience des communicatrices et communicateurs internes,
Brulois met en lumière l’hybridité de leurs rôles : passeur de sens et porteur de sens ;
gestionnaire de l’image externe et des relations internes  ; porte-voix du management
et amplificateur de la parole des salariés. Dès lors, si revient aux communicateur·rices
internes le rôle de maintenir engagé, Brulois soutient que ceux-ci doivent faire un
courageux « pari sur l’humain » et mettre en avant une « éthique de la discussion »
difficile à soutenir dans ces organisations en surcharge informationnelle et en urgence
permanente.
Arnaud Anciaux, Renaud Carbasse, Josianne Millette et Anne-Sophie Gobeil
prennent à partie les mutations dans les trajectoires professionnelles en communi-
cation comme une traduction symptomatique des nouvelles exigences du capitalisme
néolibéral. Les auteurs montrent que les promesses de liberté et d’autonomie
entretenues dans les discours professionnels et managériaux ne sont pas sans consé-
quence et masquent des injonctions à la responsabilisation du travailleur quant à son
succès, la flexibilité, la mobilité et la précarité accrues, doublées d’une instabilité des
parcours et revenus. L’originalité de la proposition est qu’au lieu d’étudier une seule
filière professionnelle, les auteurs préfèrent montrer les zones de convergence entre
plusieurs métiers de la communication — journalisme et groupes diatiques, rela-
tions publiques, gestionnaires de communauté —, donnant ainsi du poids à leur thèse
d’un reflet des nouvelles valeurs du capitalisme dans les reconfigurations du travail
en communication. Ils proposent ainsi de décloisonner l’étude des métiers de la
communication pour mieux appréhender la transversalité des mutations, des hybri-
dations et des atypies y prévalant. Ils proposent alors un programme de recherche en
deux temps : « étudier ensemble les valeurs, les trajectoires professionnelles, les
relations de travail et les conditions de pratiques communes aux différentes sphères
de la communication » pour ensuite mieux « étudier les réactions différenciées des
différentes sphères — et de ceux qui participent a
̀
leur construction — afin de
comprendre les possibles résistances, violences perçues et revendications ».
Finalement, Élise Le Moing-Maas et Jean-Claude Domenget questionnent la
construction professionnelle de la fonction de direction des communications (le ou la
dircom). Ici encore, c’est par des atypies de parcours qu’émergent les dircoms,
soulevant à nouveau des enjeux de légitimation d’une fonction hybride et instable.
Les auteurs proposent quatre piliers pour comprendre ce travail de professionnalisa-
tion : l’éthos de la ou du dircom, particulièrement en regard des attentes de la direction
générale  ; la contribution de la fonction aux impératifs stratégiques de l’organi-
sation  ; les compétences certes techniques, mais davantage humaines, et assorties
d’une « certaine impertinence »  ; des pratiques prudentielles, selon lesquelles et
suivant Champy, les dircoms doivent mesurer l’impact de leurs décisions et celles du
154 Atypies, hybridités et temporalités
management, sans jamais les connaître à l’avance, en même temps qu’ils·elles doivent
s’engager dans ces décisions. En somme, « c’est justement en développant ces
pratiques prudentielles que les dircoms pourront participer de la professionnalisation
et de la reconnaissance de leur profession dans ses aspects politiques et sociaux
(Dubar et al., 2015) » (p. 141).
En somme, on remarque, par la diversité des articles présentés dans ce numéro, que
les atypies fondatrices des métiers de la communication, qui peuvent paraître anec-
dotiques, sont finalement constitutives de la profession. Plus encore, qu’ils ou elles
soient officier de communication, communicatrice de l’Europe, communicateur
numérique politique, communicatrice interne ou dircom, ces individus sont constam-
ment en quête de légitimité, pour eux-mêmes autant que vis-à-vis de leurs pairs et
leurs publics. Tentant de mobiliser des compétences plus techniques — souvent
numériques — pour camper leur professionnalité, ces professionnel·les de la commu-
nication évoluent dans un constant état d’incertitude identitaire, qu’ils et elles tentent
d’adoucir en endossant la liberté imposée par ces métiers fragmentés. Ce qui revient
à se demander ceci : alors même que toutes les organisations et institutions ont
intensifié leurs activités de communication, comment peut-on comprendre cette
constante quête de légitimité ? Est-ce l’incapacité à stabiliser la posture éthique fonda-
mentale de la communicatrice ou du communicateur professionnel — qui sert-il vrai-
ment et pourquoi le sert-il ? le peu d’assises théoriques et pragmatiques qui permet-
traient d’asseoir cette prééminence d’un savoir positif et cette utilité collective dont
parlent les sociologies du travail ? Il est clair qu’avec la fragmentation des formes
organisationnelles — organisation ouverte, impartition, co-working intraorganisa-
tionnel, etc. — la dilution des titres et pratiques professionnelles en communication
ne fera que s’amplifier, rendant l’atypie encore plus typique.
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