Liberté et précarité comme
nouvelles valeurs ?
Revendications et acceptations des flexibilités
autour des trajectoires professionnelles dans
les métiers de la communication
Arnaud Anciaux, Professeur - Chercheur,
Université Laval - CRICIS
arnaud.anciaux@com.ulaval.ca
Renaud Carbasse, Professeur - Chercheur,
Université Laval - CRICIS
renaud.carbasse@com.ulaval.ca
Josianne Millette, Professeure - Chercheure,
Université Laval - LabCMO
josianne.millette@com.ulaval.ca
Anne-Sophie Gobeil, Doctorante - Chercheure,
Université Laval - GRGC
anne-sophie.gobeil@com.ulaval.ca
99 Liber té et p réca rit é c omme n ouv el les v al eur s ?
Résumé
Les transformations contemporaines traversant les sphères professionnelles de la
communication, et se construisant notamment autour du numérique, paraissent
nombreuses et potentiellement de grande ampleur, bien qu’il demeure difficile d’en
délimiter les contours avec certitude. Dans ces métiers, les conditions d’emploi et les
conditions de travail changent graduellement, non sans faire écho à des changements
touchant l’ensemble des sociétés, et semblent s’accompagner de réactions diverses,
parfois équivoques de la part des différentes catégories d’acteurs. Dans cet article,
nous interrogeons les métiers de la communication comme résistances, reflets et
accélérations de ces transformations qui les dépassent, afin d’aborder trois
propositions principales de travail : le transfert de responsabilités économiques
comme éthiques à la charge des travailleurs et travailleuses ; la construction de la
flexibilité comme idéal au sein d’un entrepreneuriat de soi ; la déstabilisation des
carrières au profit d’une mise en avant d’une valeur ajoutée à l’offre de travail.
Ensemble, ces mutations au sein des sphères de la communication apparaissent
comme une traduction, à la fois reprise et interprétation spécifique, des exigences du
capitalisme néolibéral.
Mots-clés : Flexibilité ; Précarité ; Travail ; Néolibéralisme ; Communication
Abstract
Contemporary transformations of labour in the different professional spheres of
communication, which are increasingly taking ground in the digital landscape, appear
to be emerging on a potentially large scale, although the precise nature and forms of
these transformations remain to be studied more closely. Working conditions and
modes of employment are gradually changing, echoing larger societal trends, and are
met with different, sometimes equivocal reactions. In this article, we look at
communication work as a site where these transformations are reflected, resisted and
accelerated. We formulate three research avenues: 1) a transfer of responsibility
both of an economic and ethical nature from the organisations to the workers; 2) the
presentation of flexibility as a new ideal in a movement favouring self-
entrepreneurship; 3) a destabilization of careers and employment trajectories that puts
forward the need for workers to demonstrate their added value and expertise. We
argue that, taken together, these transformations that are taking place in
communication spheres of work can be considered as translations both picking up
and offering specific interpretations of neoliberal capitalism and its pressures.
Keywords: Flexibility; Precarity; Labour; Work; Neoliberalism; Communication
100 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
Les conditions d’emploi et de travail des professionnels de la communication ont
connu d’importantes transformations au cours des trois dernières décennies. Il
apparaît encore aujourd’hui difficile de prendre la juste mesure de ces changements,
potentiellement de grande ampleur, mais qui s’incarnent dans la trame quotidienne
des métiers de la communication et qui rejoignent des éléments à la fois sectoriels et
génériques, structurels et conjoncturels. Ces changements peuvent en effet toucher
tant aux marchés dans lesquels s’insèrent les trajectoires de carrières et la gestion de
la sphère du travail, qu’aux différents rapports avec les organisations, les employeurs
et les demandeurs de main-d’œuvre, ou encore se répercuter dans les pratiques et les
discours justifiant l’appartenance – ou la défiance vis-à-vis des cadres dans lesquels
la vie professionnelle s’insère désormais.
Dans le même temps, les métiers de la communication sont directement concernés
par le développement du « numérique », qu’il s’agisse d’une intégration désormais
clairement ancrée de l’usage des technologies liées à l’informatisation et aux réseaux
(voir notamment Moreno et al., 2015 ; Ruellan et Thierry, 1998a, 1998b ; Wright et
Hinson, 2014) ou de l’apparition de nouveaux métiers et de postes aux descriptions
de tâches entrelacées (journalistes web, gestionnaires de communauté, responsables
de la production de marketing de contenus, spécialistes de la communication
numérique et de la SEO
1
, etc.) (voir notamment Beam et Meeks, 2011 ; Domenget,
2015 ; Paulussen, 2012). De fait, les distinctions ou les parcours de carrière clairement
tracés pour les acteurs de la communication semblent moins prégnants, tandis que de
nombreux travaux de recherche (Deuze, 2009a ; Frisque, 2014 ; Pilmis, 2007 ;
Smyrnaios, 2015) témoignent de changements dans le secteur médiatique, parfois
lents et profonds, mais aussi parfois plus soudains, voire brutaux. Les possibilités
ouvertes par ces transformations sociales et techniques font ainsi l’objet d’usages et
d’appropriations, d’intensités variées, qui peuvent également apparaître comme
l’occasion ou les révélateurs de transformations dont l’ampleur semble dépasser le
seul cadre technologique ou sociotechnique.
L’ensemble de ces transformations, touchant aux métiers, au travail et à l’emploi
dans différents secteurs de la communication, peut s’inscrire en résonnance avec des
changements similaires affectant les différentes formes structurelles observables dans
de nombreux secteurs d’activité. D’aucuns soulignent ainsi que le travail, ses
conditions et son organisation connaissent des formes de mutations ou, à tout le moins,
de transition vers de nouveaux modèles et équilibres, bien que ceux-ci ne semblent
encore ni arrêtés ni même dominants. Au sein du présent texte, nous souhaitons
interroger les métiers de la communication en les abordant non pas en partant de leur
autonomie et de leurs spécificités supposées, mais en tant qu’ils peuvent refléter,
rejoindre et peut-être même devancer ces transformations qui les dépassent. Nous
1
Search engine optimisation, optimisation pour les moteurs de recherche.
101 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
avançons que ces métiers doivent être analysés notamment dans le rapport
homologique qu’ils entretiennent et auquel ils participent avec le travail de manière
plus globale, et donc avec les transformations de celui-ci. Les spécificités, voire les
résistances, si elles ne doivent pas être effacées ou oubliées dans la réflexion, peuvent
être réfléchies et appréhendées comme des outils mobilisés pour accompagner,
traduire et peut-être coproduire le déploiement d’un capitalisme néolibéral et de ses
exigences.
Afin de mieux comprendre ces transformations et la manière dont elles se
construisent au sein et autour des métiers de la communication, nous souhaitons, dans
cet article, avancer une double intégration heuristique. Nous proposons ainsi de
suspendre temporairement, dans l’analyse le postulat professionnel construisant et
mettant en sne des logiques et les procédures différenciées pour chacun des métiers
de la communication les uns par rapport aux autres, et ce, au profit d’une réflexion sur
la porosité entre les sphères (Mathisen, 2018). Nous proposons également de
suspendre le postulat de la différenciation de ces métiers pour considérer l’ensemble
du domaine de la communication publique par rapport aux recompositions des
marchés du travail dans les différents secteurs qui la structurent ; il s’agit ainsi
d’élargir le regard au-delà des identités établies par les différents cadres
professionnels, tout en assumant le « flou » que ce mouvement implique, pour tenir
compte de la diversité des rôles faisant aujourd’hui appel à un ensemble commun et
transférable d’aptitudes et d’habiletés en termes, par exemple, de recherche, de
rédaction et de mise en forme de contenus, d’analyses de données ou de représentation
auprès de publics divers.
En prolongement de cette considération double, nous formulons trois propositions
de travail afin d’appréhender les transformations des métiers de la communication :
Dans le cadre du « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et Chiapello, 1999),
chaque travailleur, chaque travailleuse est désormais responsable de son succès
et doit notamment composer avec les possibles contradictions entre les impératifs
éthiques et déontologiques propres à son activité, d’une part, et des enjeux d’ordre
économique, d’autre part, pour construire sa réussite professionnelle ;
À limage du reste du monde du travail, ces métiers sont marqués par une
flexibilité, une mobilité et une précarité accrues ; celle-ci se révèle notamment à
travers une dynamique de lentrepreneuriat de soi et de rapports individualisés où
les acteurs se retrouvent en concurrence les uns avec les autres ;
Par conséquent, linstabilité accrue des parcours professionnels et des revenus
favorise une plus grande porosité entre les différents sous-groupes du milieu des
communications ainsi quune exigence dajouter continuellement de la « valeur »
à l’offre de travail, pour laquelle la flexibilité et la mise en scène de
lemployabilité jouent un rôle majeur.
Ces trois propositions et avenues de travail ont été nourries par les travaux respectifs
des auteures et auteurs du présent texte, portant sur les journalistes indépendants sur
102 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
le web (Carbasse, 2019), les usages des médias sociaux dans le domaine des relations
publiques (Millette, 2018), les reconfigurations stratégiques et organisationnelles
s’opérant dans certains groupes médiatiques (Anciaux, 2014) et les positionnements
de la gestion de communautés web (Gobeil, 2018a et 2018b). La mise en discussion
de ces travaux, amorcée par une première exploration des zones de « flou »
professionnels et disciplinaires s’installant aux marges des pratiques du journalisme
et des relations publiques dans le contexte du numérique à partir de terrains de
recherches doctorales portant sur les start-up d’information en ligne et sur les usages
des réseaux socionumériques par les praticiens des relations publiques (Carbasse et
Millette, 2014), a été poursuivie par une revue de littérature destinée à cartographier
de manière critique les transformations à l’œuvre autour de différents métiers de la
communication. Dans l’objectif de jeter les bases de notre réflexion et dans une
approche exploratoire et programmatique, nous proposons dans un premier temps de
tracer les contours d’un cadre d’analyse permettant notamment de définir les
approches et les compréhensions des mutations touchant certains traits du travail dans
son ensemble, en rapport avec une rationalité qualifiée de « néolibérale ». Nous
reviendrons, dans un deuxième temps, sur chacune des propositions énoncées ci-
dessus pour illustrer en quoi elles prennent une pertinence accrue dans le cadre d’une
transition globale du travail salarié vers des formes structurées par les exigences du
capitalisme néolibéral.
1. Une nouvelle rationalité autour du travail, de
l’emploi et des professions
Nombre d’auteurs se sont penchés, au cours des dernières décennies, sur les
transformations de grande ampleur touchant aux structures sociales et économiques
pouvant se refléter tant dans les formes de régulation macroéconomiques et
d’intervention étatique que dans les carrières et positionnements individuels.
Certaines de ces positions et de ces politiques ont mené à ce qui a été qualifié de
« néolibéralisme » (Dardot et Laval, 2010), prenant ses premières sources dans les
années 1930, mais dont le développement est marqué plus récemment depuis le
tournant de la décennie 1980, et qui « cherche plutôt à étendre la rationalité du
marché, les schèmes d’analyse qu’elle propose, les critères de décision qu’elle suggère
à des domaines non exclusivement ou non premièrement économiques » (Foucault,
2004 [1979], p. 329). Cette rationalité convoque tour à tour agencements
économiques, stratégies d’organisation et énoncés discursifs, construisant ensemble
des dispositifs de transformation à l’œuvre dans les activités, les politiques et les
stratégies, qu’il s’agisse de considérer le néolibéralisme avant tout pour sa
composante idéologique et discursive, ou en le regardant principalement comme un
outil de lutte pour le pouvoir et de domination (Laval, 2018). Différents angles
d’analyse soulevés pour traiter de la rationalité néolibérale se rejoignent pour en
103 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
souligner certains traits. Il en est notamment ainsi de l’appel à un retrait de l’État ou
à la transformation de son action c’est-à-dire de son intervention directe comme de
son influence régulatrice et la construction d’un nouveau regard :
Filtrer tout action de la puissance publique en termes de contradiction, en termes
de défaut de consistance, en termes de non-sens. […] Là, on retourne le laissez-
faire en un ne-pas-laisser-faire le gouvernement, au nom d’une loi du marché qui
va permettre de jauger et d’apprécier chacune de ses activités. […] C’est une sorte
de tribunal économique permanent en face du gouvernement. (Foucault, 2004,
p. 253.)
Dans le même temps, les marchés font l’objet d’une liberté accrue en même temps
que d’une extension de leur domaine qui s’accompagne d’une responsabilité centrée
de manière croissante sur les individus dont la rationalité doit devenir celle d’un acteur
économique à part entière : « les analyses que font les néolibéraux [sont] de substituer
à chaque instant […] un homo œconomicus entrepreneur de lui-même, étant à lui-
même son propre capital, étant pour lui-même son propre producteur, étant pour lui-
même la source de [ses] revenus » (Foucault, 2004, p. 232).
Le néolibéralisme, particulièrement dans ses déploiements états-uniens, peut alors
venir redessiner l’ensemble des formes de gouvernement de la conduite des individus.
Ainsi que le résume Cammaerts (2015) : « neoliberalism is understood here as a
worldview that not only advocates a minimalist state, but above all promotes the
primacy of the free market, capitalism, property rights and individualism in all walks
of life » (p. 527). Cette posture idéologique ouvre ainsi la voie à un redéploiement à
la fois macroéconomique et microsocial :
L’adhésion au néolibéralisme permet, d’un côté, de délégitimer l’héritage
institutionnel responsable de la crise et, de l’autre, elle fournit une proposition non
d’un difficile réarrangement de l’ordre économique ancien, mais de son
remplacement par le recours au marché et à la concurrence, stratégie qui convient
aux groupes socioéconomiques dominés et aux nouveaux entrants. (Boyer, 2015,
p. 192.)
Ce redéploiement s’est également aligné, en partie, avec le développement d’un
nouveau gime d’accumulation, qui a été caractérisé comme constitutif d’un
« capitalisme cognitif » (Moulier-Boutang, 2007) et au sein duquel la valeur se
construit de manière croissante autour du travail immatériel
2
. Ce régime se caractérise
2
Il doit être noté que l’acception du « travail » dépasse ici le cas du seul travail salarié, contractuel
ou encore entrepreneurial, mais peut inclure d’autres modalités pouvant ne pas être formalisées ou
104 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
par une proposition centrale à l’effet que « la contribution créative, intellectuelle,
scientifique ou la capacité communicatrice et informationnelle est essentielle pour la
valorisation » (Smyrnaios, 2015, p. 2). Les thèses du capitalisme cognitif, reprenant
en cela l’apport des propositions critiques portant sur l’« usine sociale » (Gill et Pratt,
2008) et les transformations de la marchandise, de la valeur et du travail (Sarrouy,
2013), soulignent ainsi qu’une part importante de la création de valeur, bien que
potentiellement captée par des entreprises, repose sur des activités qui leur échappent
en premier lieu :
Innovation is no longer, or is not only, solely within the individual company; it is
wherever the territory provides a productive territory or network. […] The very
rapid development of organisational forms such as project management,
arrangement of small units articulated into networks and operating under
outsourced relations of subcontracting, partnerships and locally based relationships
is the public manifestation of this transformation. (Moulier-Boutang, 2007, p. 54-
57.)
Ensemble, la pensée néolibérale et l’émergence d’un régime d’accumulation centré
sur le travail immatériel ont ouvert de nouvelles configurations du travail et de
l’emploi, autant dans leurs représentations que dans leurs cadrages et organisations.
C’est en ce sens que Boltanski et Chiapello (1999) ont proposé de considérer un
« nouvel esprit du capitalisme », en soulignant de nouvelles représentations du travail
et du rapport au travail, lesquelles ont pu être amplifiées par le développement du
capitalisme cognitif (Moulier-Boutang, 2007) et à la suite desquelles il est apparu
possible de parler d’un « nouvel esprit du journalisme » (Carbasse, 2011).
Dans le prolongement du développement de cette rationalité, de son emprise et des
représentations qu’elle véhicule, les entreprises médiatiques
3
peuvent adopter
différentes stratégies qui contribuent à transférer une partie de leurs impératifs, de
nature notamment économique, mais également symbolique et recherchant une mise
en visibilité, vers les travailleurs et travailleuses. Autrement dit, il est possible
d’interroger la présence et la revendication de valeurs et d’énoncés discursifs qui, en
même rémunérées. On pensera notamment à la proposition de Dallas Smythe (1977) sur le travail de
l’audience et des publics, ou, plus récemment, aux analyses de Marie-Anne Dujarier (2008) sur le
travail du consommateur soulignant que de nombreuses activités de ce dernier sont organisées et
prescrites, productives, « en prise avec le réel et la contrainte […] pour tenter de développer son
milieu matériel, social et subjectif » (p. 16), et génèrent de la valeur pour des entreprises, que ces
activités soit volontaires ou non, plaisantes ou non. Il est par ailleurs possible d’y trouver un écho
dans certaines propositions de caractériser une économie de la contribution au sein d’un capitalisme
informationnel (Proulx, 2014), ainsi que dans les réflexions sur le digital labor (Scholz, 2013), bien
qu’elles dépassent le cadre du présent article.
3
Prises ici dans une acception large, incluant les entreprises éditrices de supports médiatiques, mais
également les agences de contenus médiatiques, publicitaires, les entreprises de services de relations
publiques, de consultation et de conseil en communication, etc.
105 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
effaçant dans le discours tout ou partie de la conflictualité existante sur le plan des
rapports de production, viennent forger de manière croissante des formes de
responsabilisation des travailleurs et travailleuses. Cette dynamique qui s’installe dans
les entreprises rejoint d’autres canaux et séries de médiations qui participent à sa
coconstruction et peut-être à sa légitimité , dont la mise en circulation d’énoncés
en ce sens au sein des écoles et des institutions de formations, des associations
professionnelles, des organismes de conseils de carrière, etc. L’analyse de ces
discours dans les ouvrages de gestion et de marketing forme la base empirique du
travail de Boltanski et Chiapello (1999) au sujet de l’émergence d’un « nouvel esprit »
du capitalisme. Bien que focalisé sur des ouvrages de gestion, leur corpus compte déjà
un certain nombre de textes portant sur des questions et des enjeux
« communicationnels », notamment autour de la communication interne au sein des
entreprises et de la communication organisationnelle. À notre sens, un travail
spécifique reste à faire sur le travail dans le domaine de la communication publique
(Beauchamp, 1991 ; Demers, 2008), notre proposition se voulant ici davantage
programmatique.
Le déploiement de ce « nouvel esprit » s’est construit en partie autour d’une
« critique artiste » du travail, venant en souligner notamment les dimensions
aliénantes. Une nouvelle éthique au travail a alors pu se construire autour de
l’entreprise de soi, dans laquelle
[c]’est l’individu performant et compétitif qui cherche à maximiser son capital
humain dans tous les domaines […], à travailler sur lui-même afin de se
transformer en permanence […]. Si le travail devient ici l’espace de la liberté, c’est
à la condition que chacun sache dépasser le statut passif du salarié d’antan. (Dardot
et Laval, 2010, p. 414-415.)
Ainsi, de nouvelles valeurs ont pu être mises en avant pour accompagner de
nouvelles formes d’organisation du travail, soulignant la réussite et
l’accomplissement individuels, ainsi que la liberté et le plaisir de créer. Le régime
d’accumulation se construit, ainsi que Moulier-Boutang le souligne en reprenant les
travaux de Boltanski et Chiapello, en partie par la reprise, hors des murs de
l’académie, du libido sciendi, le plaisir de savoir et de connaître, comme moteur
d’accompagnement du partage de certaines valeurs déployées visiblement dans le
cadre du capitalisme cognitif : « Passion, Freedom, Social value, Opening Altruism,
Pleasure (Do what thou wilt) of the Abbey of Thelema, Creativity » (Boltanski et
Chiapello, 2007, p. 89). Autant de valeurs qui participent à façonner de nouveaux
cadres pour les métiers de la communication et leurs diverses formes de main-
d’œuvre, reposant à la fois sur un déploiement idéologique et une organisation de
l’accumulation au travers notamment du marché entourant le travail.
106 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
2. De la liberté à la responsabilité, un cadre renouvelé
pour le travail de communication
2.1. Une valorisation de la liberté ancrée dans des discours
professionnels
Les auteurs cités plus haut attirent l’attention sur la montée des aspirations en
partie suscitée et entretenue par le discours à une plus grande liberté autour du
travail, permettant de potentiels choix plus ouverts pour les travailleurs et
travailleuses, ainsi qu’une autonomie accrue. Elle vient accompagner en partie les
transformations, encore délicates à saisir dans leur ampleur, touchant aux conditions
de travail et d’emploi dans les métiers de la communication. Elle peut potentiellement
aussi s’aligner avec une valorisation de l’autonomie, de la créativité et de
l’indépendance qui s’observe dans différents secteurs des communications. En
témoigne notamment, dans le secteur du journalisme, l’engouement récent pour le
« journalisme entrepreneurial » (Briggs, 2012), qui valorise, auprès des journalistes,
la prise de risque éditoriale et entrepreneuriale en promouvant en même temps l’intérêt
journalistique que représente la création d’espaces de liberté éditoriale, mais
également la création par les journalistes de leur hypothétique emploi au sein de start-
up médiatiques. On souligne ailleurs (Carbasse, 2015 ; Vos et Singer, 2016) en quoi
la littérature à ce sujet reste focalisée sur les enjeux techniques de la création
d’entreprise et l’analyse des rares réussites commerciales plutôt que d’évaluer de
manière critique l’impact qu’ils ont sur des trajectoires de carrière. Plus largement, on
peut constater que l’enthousiasme suscité – du moins initialement dans le milieu des
communications par les discours d’accompagnement du Web 2.0 s’est en partie ancré
dans un imaginaire de l’innovation et de la créativité appelant à des formes
organisationnelles et de communication avec les publics qui soient plus souples et
décentralisées, voire ludiques (Estienne, 2005 ; Rebillard, 2011). Une analyse des
contenus de formation liés aux médias sociaux et des usages de ces plateformes par
des relationnistes québécois confirme en effet l’influence persistante d’un registre
normatif associé à l’authenticité et à une communication qui, malgré qu’elle soit mise
en œuvre et planifiée dans un cadre professionnel, se ferait davantage sous le mode
de la conversation et de la spontanéité (Millette, 2018).
On pourra retrouver dans un même écho certains idéaux professionnels ancrés dans
le temps, à travers, par exemple, les revendications historiques d’autonomie
professionnelle du groupe professionnel des journalistes, ou encore à travers le
déploiement de discours de présentation des industries créatives qui sont présentes
dans le domaine des communications (Baillargeon et Coutant, 2017). Ainsi, des
éléments et des propositions provenant de métiers particuliers viennent apporter
diverses qualifications à ces valeurs de liberté et d’autonomie selon les milieux de
spécialisation, elles viennent s’arrimer aux trajectoires et aux identités
107 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
professionnelles historiquement constituées. Ces aspirations expressives paraissent
néanmoins se retrouver de façon transversale dans les industries et le milieu des
communications, elles pourraient faciliter la flexibilité exigée par l’adaptation à
différents rôles dans un contexte de précarité et de mobilité accrues.
Il est à noter que le regard porté sur ces valeurs peut être le véhicule de positions et
de jugements, distincts, pouvant reposer sur une analyse se revendiquant comme
critique, s’avérant irénique, ou encore réalisant une présentation laudative des
opportunités. Ainsi, certains auteurs insisteront sur la valeur ajoutée, autant pour les
entreprises que pour les individus, de la création d’un cadre de travail dépouillé de
certaines relations hiérarchiques et issu de la mise en réseau ouverte des ressources et
des expertises :
Our study suggests that a moral economy of digital independence conditions how
that creative freedom is understood and valued by the sector, resulting in an
investment in business practices that foster an open source, networked and
collaborative approach alongside working conditions that promote ethical
practices of employment and relationships with user communities. […] Moreover,
such an investment is often mutually beneficial to companies and their employees
in terms of fulfilling their desire for good work, and work that is profitable.
(Bennett, Strange et Medrado, 2015, p. 156.)
Il peut donc être pertinent de s’interroger ouvertement quant à la mesure dans
laquelle la liberté et les qualifications construites autour de celle-ci sont mobilisées au
bénéfice des travailleurs et travailleuses ou au bénéfice des employeurs, de la même
manière que l’antagonisme apparent entre ces deux groupes paraît remis en question
et fait l’objet de différentes formes d’effacements discursifs. Ainsi, cet enjeu se
transpose de manière particulière pour les journalistes qui sont historiquement
dépendants d’autres catégories d’acteurs de la sphère médiatique éditeurs et
gestionnaires, mais également désormais acteurs de l’infomédiation – pour diffuser et
mettre en valeur leurs productions. En ce sens, la recherche de liberté créative en
journalisme s’est historiquement faite aux marges du champ, à mesure que des acteurs
entrants ont su imposer des innovations éditoriales au sein de processus de travail
normés des rédactions ou pratiquer en dehors du cadre de celles-ci. On peut aisément
concevoir que, pour d’autres secteurs, comme la publicité ou les relations publiques,
la relation avec les gestionnaires et les clients demeure une dimension structurante des
identités professionnelles. Or il a été noté que, dans le domaine des relations publiques
notamment, les problématiques et les enjeux du travail tendent à s’effacer au profit
d’une valorisation de l’expression et de l’accomplissement de soi, ainsi que d’un
engagement à développer sa propre carrière dans un contexte vécu comme étant
hautement compétitif (Duffy, 2016 ; Rodino-Colocino et Beberick, 2015). Lorsqu’on
s’intéresse spécifiquement aux gestionnaires de communautés, la question de la liberté
dans le travail et des rapports entre employeur et employés s’efface également :
l’accent est plutôt mis sur les qualités et les compétences techniques nécessaires pour
108 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
l’accomplissement de ces tâches (Auclair et Dufour, 2010). Cependant, au regard de
certaines prédispositions à ces enjeux telles qu’elles ont été construites dans les
secteurs connexes de la communication dont sont issus les gestionnaires de
communautés, il semble d’ores et déjà que les travailleurs et travailleuses sont
particulièrement enclins à accueillir et à renouveler ces promesses dans le cadre de
cette nouvelle extension du travail de la communication.
2.2. Une autonomie à l’ambiguïté croissante ?
Les promesses de liberté et d’autonomie, en dépit de leur présentation laudative
dans les discours professionnels et managériaux, ne sont pas neutres ni sans
conséquences. Tandis que les travailleurs et travailleuses de la communication
peuvent être appelés à apprécier et à revendiquer ces valeurs, ils doivent dans le même
temps reprendre à leur compte certaines problématiques touchant les entreprises et
employeurs. Ainsi, on a pu noter un glissement progressif, intégré dans les discours,
énonçant le membre d’un groupe professionnel comme travailleur d’une entreprise,
puis comme collaborateur de celle-ci, notamment au sein du journalisme (Demers,
1992, 2012 ; Demers et Le Cam, 2006). Cette considération favorise une prise en
compte accrue d’exigences commerciales et de rentabilité au sein des entreprises
médiatiques (Benson, 2000), reflétée par le développement d’un régime
d’hyperconcurrence étendant la dynamique concurrentielle à chaque niveau de
l’organisation, en intégrant notamment les journalistes dans cette perspective
(Bonville et Charron, 2004), jusqu’à potentiellement chercher à retourner la
responsabilité de difficultés ou d’impasses stratégiques vers les travailleurs et
travailleuses (Anciaux, 2014).
Les gestionnaires de communauté qui travaillent pour des entreprises médiatiques,
souvent issus du journalisme (Degand, 2012 ; Gobeil, 2018b), sont des acteurs
importants dans cette dynamique hyperconcurrentielle. Étant donné leur position
privilégiée d’interaction avec les publics sur les médias sociaux (Lee et Vandyke,
2015 ; Paulussen, 2012), ils sont aux premières lignes de l’actualisation des luttes pour
l’attention sur ce terrain médiatique particulier en devenant responsables de la portée
et de la visibilité de leurs médias sur des plateformes sociales. Les exigences de
rentabilité sont particulièrement prégnantes en ce qui les concerne, étant donné la
possibilité d’amasser des données extrêmement précises sur les publics rejoints
(Bunce, 2017 ; Jouët, 2003 ; Stone, 2014 ; Welbers et al., 2016) pour ensuite valoriser
cette attention dans une logique publicitaire. Cette dernière pose le gestionnaire de
médias sociaux comme professionnel hybride, relevant à la fois du journalisme, par
la valeur journalistique des contenus qu’il doit mettre en visibilité, et de la publicité,
en raison des exigences de génération d’attention envers les produits diffusés (Gobeil,
2018a). Cette attention prendra différentes formes, notamment à travers l’engagement
envers les publications (les partages, les commentaires) et, ultimement, à travers le
109 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
volume accru de lectures des contenus (Gobeil, 2018a), indicateurs qui seront évalués
à l’aide des données recueillies sur les plateformes (Gobeil, 2018b). Du côté de la
production d’informations, les journalistes comme leurs hiérarchies doivent
apprendre à composer avec un glissement d’une partie des enjeux posés par
l’hyperconcurrence de manière directe pour des journalistes entrepreneuriaux qui
sont responsables autant de la production que de la mise en marché et de la création
de valeur pour l’information, de manière plus insidieuse pour des journalistes qui
travaillent dans des entreprises établies, avec la généralisation progressive d’une
logique de production d’articles centrée autour des analytiques et du suivi en temps
réel des données d’audience par les gestionnaires (Demers, 2012).
Cette appréhension importante des enjeux économiques et de leurs influences est
observable de façon particulièrement saillante dans la littérature portant sur le
journalisme. Plusieurs thèmes liés à la rentabilisation des activités journalistiques et
son importance accrue dans les entreprises de presse sont ainsi observés : impératifs
de rentabilité diminuant la qualité des conditions de travail dans les entreprises de
presse et poussant les journalistes à adopter des stratégies centrées sur la
rentabilisation, pressions à la hausse pour créer des contenus adaptés aux attentes du
plus large public possible et précarisation des emplois causée par la fragilisation des
entreprises de presse n’en sont que quelques-uns. Dans d’autres secteurs, comme les
relations publiques ou la publicité, de tels enjeux paraissent à peu près absents en ces
termes, ce qui peut s’expliquer en partie par le peu d’attention accordé jusqu’à
récemment aux dynamiques et à l’expérience du travail dans ces domaines (Bridgen
et Vercic, 2018 ; Yaxley, 2017), mais aussi par un projet professionnel qui ne se
construit pas dans la même mise à distance avec des préoccupations d’ordre
économique. Les exigences et les préoccupations en matière de rentabilisation de
performance économique se retrouvent néanmoins au cœur de pressions à la
démonstration de la valeur chiffrée du travail de communication qui émergent dans le
contexte du Web social en termes de visibilité ou de mesures algorithmiques de
l’engagement et de la e-réputation, par exemple. Ces pressions, qui sont associées à
des logiques de performance ou à une rationalisation managériale, ont été identifiées
comme des lieux de mises en tension des exigences de rentabilité et de performance
stratégique avec la dimension relationnelle du travail de communication, en particulier
dans les espaces en ligne (Hanusch et Bruns, 2017 ; Millette, 2018). Par ailleurs, les
difficultés à assumer la responsabilité de la gestion du temps de travail et des limites,
d’autant plus poreuses que la flexibilité exigée est proportionnelle à la précarité liée
au travail autonome, entre sphères privées et sphères professionnelles ont aussi
émergé comme un thème de préoccupation central, notamment dans le domaine des
relations publiques, où il fait l’objet à la fois de revendications et de résistances (voir
par exemple Derville, Curtin et Matthews, 2012).
110 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
2.3. La mise en scène d’une « valeur » ajoutée dans la
précarité
La construction progressive d’un gime de responsabilité portée sur les travailleurs
et travailleuses trouve également un écho dans la construction des parcours
professionnels et la mise en avant croissante des formes de travail indépendant et
précaire. À la suite de Clerc, il faut souligner que différentes représentations et réalités
d’emploi peuvent être à l’œuvre sous ces vocables, comme dans le cas du
journalisme : au Québec, les expressions de journaliste « pigiste » et « indépendant »
ne signifient pas la même chose,
[l]a première expression renvoyant au mode de rémunération du journaliste (on
peut être graphiste pigiste, traducteur pigiste, etc.), et la seconde, à son statut
professionnel, celui de journaliste. Le mot « indépendant » signifie que le
journaliste ne travaille pas pour un seul employeur. (Clerc, 2009, p. 317.)
En relations publiques et en communication des organisations, ce travail
indépendant est généralement désigné comme un travail autonome, contractuel ou de
consultation exercée en freelance. Présente depuis les débuts de la
professionnalisation dans ce domaine, cette catégorie d’emploi, qui fait appel aux
compétences et à l’expertise individuelles en matière de communication, est en
croissance et peut se superposer au travail en organisation ou en agence (Brizard-Kim,
2016 ; Carayol, 2010). De manière générale, la catégorie du travail indépendant fait
donc référence à une forme de flexibilité, d’autonomie et de responsabilité
individuelle sur le plan de la carrière et des succès professionnels (D’Amours et
Kirouac, 2011).
En parallèle, il est possible d’envisager ces appréhensions de l’indépendance
4
sous
l’angle d’une problématique de la précarité et de l’instabili des parcours
professionnels autrefois inscrits dans une plus grande continuité (Bastin, 2015). Elle
4
D’un point de vue conceptuel et normatif, les notions d’indépendance et de précarité ne doivent pas
nécessairement être prises de manière négative, mais dépendent du contexte social dans lequel elles
se déploient. D’Amours et Kirouac (2011) proposent une distinction entre les indépendants qui font
l’acquisition du travail (entrepreneurs) et ceux qui cherchent à vendre le leur (pigistes, consultants,
contracteurs, etc.). Dans ce cadre, la précarité et ses enjeux varient en fonction d’un certain nombre
de ressources et de marqueurs sociaux. D’ailleurs, Vultur (2019) nous invite à réfléchir sur la
pertinence de se focaliser sur le concept de précarité seul, qui peut recouvrir des réalités
socioéconomiques et des vécus fort différents pour les acteurs concernés, au risque de devenir un
concept inopérant. Il propose de tenir compte également du concept de vulnérabilité, qui permet de
mieux tenir compte des alités des parcours professionnels et de l’hétérogénéité des positions
occupées. À ce sujet, on peut d’ailleurs noter que ces enjeux comportent une importante dimension
genrée, relevée par des études menées sur le thème du travail en relations publiques, particulièrement
en lien à la gestion des horaires et du temps de travail (Keating, 2016).
111 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
définit alors une forme d’instabilité dans la durée et dans les modalités d’emploi, c’est-
à-dire qu’elle désigne « all forms of insecure, contingent, flexible work from
illegalized, casualized and temporary employment, to homeworking, piecework and
freelancing » (Gill et Pratt, 2008, p. 3). Qu’elle se manifeste dans les statuts d’emploi
ou sous d’autres formes, la précarité peut ainsi être une manifestation tant d’un
ensemble de valeurs partagées par les travailleurs et travailleuses de la
communication, qu’une réponse aux impératifs des entreprises et employeurs : un
travailleur pigiste établi, dont le carnet de relations et de commandes n’est plus à faire,
témoignerait plus volontiers de la liberté que le seul fait de pouvoir sélectionner ses
contrats lui donne. Il rejoint ici l’idée d’une liberté de choix qui s’offre à donneur
d’ordres, qu’il soit responsable d’une agence de publicité ou rédacteur en chef, qui
peut choisir parmi plusieurs propositions d’articles de pigiste.
Dans cette dynamique structurelle, qui s’aligne avec les formes grandissantes
d’organisation et de gestion étudiées et théorisées par Boltanski et Chiapello (1999),
le principal enjeu pour la main-d’œuvre est de montrer continuellement son
employabilité et une capacité à produire et à transférer, au profit des organisations qui
les emploient, une valeur saisissable. Autrement dit, les entreprises mesurent en partie
l’intérêt d’avoir recours à un travailleur donné (sous différentes formes d’emploi) à
l’aune de sa capacité estimée à permettre la captation d’externalités positives, qui
pourront faire l’objet d’une valorisation économique supérieure aux coûts
d’acquisition (rémunération permanente, contractuelle, échange de ressources, etc.).
Dans le contexte du Web social, toutes les sphères d’activité du domaine des
communications semblent en effet se trouver dans une dynamique de rentabilisation
accrue, où les professionnels doivent notamment adopter de nouvelles stratégies pour
attirer l’attention des publics visés, en journalisme comme en relations publiques. La
capacité des gestionnaires de communauté, des « influenceurs », des journalistes ou
des relationnistes à attirer l’attention des internautes par les clics et les réponses aux
publications (commentaires, « j’aime », etc.) peut se voir transformée en valeur
saisissable par les entreprises du numérique et les industries médiatiques. Ainsi, tous
ces rôles se trouvent aux premières loges de cette production de valeur immatérielle
par l’ensemble des parties prenantes de la chaîne industrielle. Productions,
informations ou simples réactions des internautes consultant les pages des entreprises
de presse sur les médias sociaux deviennent autant de marchandises (Arcy, 2016) au
cœur d’une économie de l’attention et de la contribution dans laquelle une partie de
la création de valeur est intégrée à même les dispositifs des plateformes numériques,
qu’il s’agisse d’essais localisés d’entreprises de communications ou des seaux
sociaux et des plateformes transnationales (Demers, 2012 ; Jouët, 2003 ; Stone, 2014 ;
Welbers et al., 2016). Dans le même esprit, la capacité de maîtriser non seulement des
outils de communication en constante évolution, mais aussi de maintenir une présence
et d’entretenir un réseau de relations démontre une valeur sur le marché compétitif
du travail en communication (Domenget, 2014 ; Hanusch et Bruns, 2017 ; Jouët et
112 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
Rieffel, 2015). La mise en visibilité de ces compétences doit donc témoigner non
seulement d’une expertise pouvant être mise au service des employeurs et des
organisations, mais également d’un capital social et de l’expression d’une personnalité
susceptible d’incarner les aspirations à une communication qui soit plus « humaine »
et « authentique » (Bridgen, 2011 ; Domenget, 2015 ; Jammet, 2015 ; Millette, 2018).
Dans ce rapport entre employeurs et clients, d’une part, et travailleurs et
travailleuses œuvrant dans différents secteurs de la communication, d’autre part, se
joue ainsi la monstration nécessaire de la capacité de répondre à des attentes en
partie nouvelles ou nouvellement renforcées et de faire la preuve constante de son
« employabilité » dans ses parcours et ses discours, construits dans des pratiques ou
incorporés dans une réputation. Cette démonstration peut présenter des difficultés
particulières pour les personnes qui exercent par exemple un rôle de gestionnaires de
communauté, ou dont les fonctions sont associées à de « nouveaux métiers » de la
communication toujours en processus de définition. Comme les contours du travail de
gestionnaire de communauté ne sont pas encore stabilisés et varient en fonction des
contextes (Bonnet, 2017 ; Gobeil, 2018a), ceux qui espèrent obtenir ces emplois
doivent en effet redoubler d’efforts pour faire la preuve de leur capacité à remplir les
tâches pour lesquelles ils postulent.
Today, the international news industry is contractually governed by what the
International Federation of Journalists in 2006 euphemistically described as
atypical work, which means all kinds of freelance, casualized, informal, and
otherwise contingent labor arrangements that effectively individualize each and
every worker’s rights or claims regarding any of the services offered by employers
in the traditional sense as mentioned. This, in effect, has workers compete for
(projectized, one-off, per-story) jobs rather than employers compete for (the best,
brightest, most talented) employees. (Deuze, 2009b, p. 316.)
La monstration des compétences par des travailleurs et travailleuses en recherche
d’emploi ou de nouveaux contrats n’est pas réservée aux nouveaux métiers, pas plus
qu’elle n’est apparue dans le contexte numérique. Celui-ci permet néanmoins à des
travailleurs et travailleuses d’étendre et de systématiser la mise en valeur de leurs
portfolios de création, comme celle de leurs réseaux de relations mobilisables à
travers des outils quantitatifs de mesure de la « portée » de leurs publications de
manière publique vers autant d’employeurs potentiels. Dans ce cadre, l’analyse des
stratégies suivies pour mettre en valeur leurs compétences journalistiques et la qualité
de leur travail par les journalistes québécois à l’origine de près d’une vingtaine de
publications indépendantes depuis l’arrivée du web (Carbasse, 2019) illustre à quel
point la recherche de distinction sur un marché de l’emploi et de la pige devenue
exsangue rend de facto nécessaire ces démonstrations d’employabilité. Ces
dynamiques ne sont évidemment pas réservées aux seuls métiers de la
communication, qui se font l’écho de transformations observables dans d’autres
secteurs d’activités, mais pourraient s’y révéler particulièrement saillantes dans la
113 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
mesure il s’agit d’un milieu dont le travail est, de diverses façons, étroitement lié
à la mise en visibilité.
3. Appréhender ces transformations dans les métiers
de la communication
Mise en avant de la liberté, mise en valeur de la flexibilité et mise en scène de
l’employabilité peuvent être appréhendées empiriquement pour mieux comprendre les
transformations des métiers de la communication, en les intégrant avec celles plus
générales du marché du travail. Nourrie de nos différents travaux, notre proposition
est de construire un programme de recherche collectif sur les transformations
socioéconomiques et technologiques contemporaines qui participent d’une
reconfiguration du paysage médiatique, de ses industries, de ses acteurs et de ses
pratiques, dans le contexte d’une montée de nouveaux modes de justification et
d’encadrement des métiers, et notamment de l’avènement d’une rationalité
néolibérale. Liberté et précarité y apparaissent comme des valeurs pivots, renvoyant
l’une à l’autre et construisant les conditions d’employabilité dans le milieu des
communications et dessinant les rapports de force entre ses différents acteurs.
En parallèle, il est possible de constater que la littérature consacrée au travail dans
le milieu des communications se concentre le plus fréquemment sur l’un ou l’autre de
ses secteurs
5
et, en leur sein, sur certaines figures privilégiées, comme les parcours de
réussite de dirigeants et de patrons au détriment d’une attention pour certaines réalités
et un « ordinaire » du travail (Hardt, 1998)
6
. Nous proposons a contrario de considérer
les « sphères » du journalisme, des relations publiques et des autres métiers de la
communication publique moins comme des ensembles fermement définis et plutôt
étanches, comme le laissent sous-entendre les discours institutionnels et
professionnels de différenciation, que dans la perspective de sous-groupes évoluant
plus largement dans un « milieu des communications » (Carbasse et Millette, 2014).
Sans nier les différences de positions occupées au sein des différents champs de
pratique ni la diversité des tâches accomplies, il est en effet possible d’y observer une
certaine élasticité des rôles, des pratiques et des compétences attendues, ainsi qu’une
porosité des parcours et des trajectoires professionnels. Selon nous, les nombreuses
transformations observables dans ces sphères peuvent prendre des formes similaires
5
La revue de la littérature anglophone et francophone sur ce sujet a confirmé ce postulat, tout en
soulignant que la problématique abordée ici semble plus fréquemment évoquée à propos du
journalisme.
6
Perspective qui se transforme depuis plusieurs années, sous l’impulsion de différents pôles de
recherches au Canada et dans la francophonie, l’ordinaire du travail journalistique et l’attention
portée aux pratiques professionnelles des travailleurs et travailleuses « ordinaires » remplacent
progressivement un travail biographique centré sur des grands noms.
114 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
ou transversales à travers les différents champs de la communication tout en se
développant dans des dynamiques distinctes, liées à des spécificités professionnelles,
éthiques, discursives ou socioéconomiques.
Cette perspective nous paraît également pertinente étant donnée la mobilité
observée dans les différents secteurs de spécialisation de la communication et
l’émergence de nouveaux métiers et de nouvelles approches de la communication
marqués par l’hybridation. Les gestionnaires de communauté peuvent en apparaître
comme une des principales illustrations, dans la mesure ils se trouvent au
croisement de plusieurs spécialisations traversant les communications. me
lorsqu’agissant pour le compte d’entreprises médiatiques, et peut-être plus encore en
dehors de ce contexte, leurs tâches assignées semblent en effet marquées avant tout
du sceau de l’hybridation entre différentes sphères de la communication. Ainsi, ils
peuvent relever du journalisme dans le partage de contenus (Degand, 2012 ;
Paulussen, 2012), tout en négociant les impératifs de rentabilisation et d’intérêt public,
trouvant l’équilibre entre les attentes des publics et celles de leur employeur
(Paulussen, 2012).
Les relations entretenues avec le public peuvent aussi parfois répondre d’une forme
de service à la clientèle, lorsqu’il s’agit, par exemple, de résoudre des problèmes
rencontrés par cette dernière, ou venir construire une réponse aux contradictions entre
les offres marketing et les expériences des utilisateurs de services. Dans le même
temps, la gestion de communauté emprunte aux relations publiques par le maintien ou
la construction de la réputation et de l’image des organisations sur les médias sociaux
(Jordaan, 2013 ; Yates et Arbour, 2013), terrain important des luttes
hyperconcurrentielles pour l’attention qui se jouent dans les espaces en ligne. Parmi
d’autres exemples moignant de ces hybridations, lesquelles ne sont pas sans
s’accompagner, en retour, d’une réaffirmation des expertises et des déontologies
propres à chacune des sphères professionnelles (Carbasse et Millette, 2014), on peut
également penser à l’émergence de différentes formes de « relations publiques
marketing », de « communications intégrées » ou de « marketing relationnel », qui
recouvrent, dans différentes mesures selon les cas de figure, des considérations issues
des domaines de la gestion, du marketing et des relations publiques (Appel, Boulanger
et Lavigne, 2017 ; Fourrier, Lépine et Martin-Juchat, 2011 ; Gurau, 2007). Une
certaine porosité des frontières entre les sphères du journalisme, de la rédaction
professionnelle et des relations publiques, historiquement engagées dans des relations
d’interdépendance conflictuelle s’observe également en contexte numérique
(Valentini, 2014), notamment sous le couvert de la question du témoignage et de la
« production de contenu », ou encore de la possibilité de mettre en place des synergies
entre la vente d’espace publicitaire par une organisation et la vente de « packages »
de couverture réalisée par des journalistes. Signe de cette porosité accrue dans le
« mur de Chine » qui sépare théoriquement les activités journalistiques et celles des
ventes dans les entreprises médiatiques, la mise en place, contestée à plusieurs
115 Lib ert é et pré carit é com m e no uvelle s val eu rs ?
niveaux par les journalistes et les syndicats (Acosta, 2016), de stratégies de contenus
commandités au sein même de l’offre éditoriale traditionnelle dans les pages web des
différents acteurs de l’information québécois. Dès lors, ces hybridations, ces
réorganisations, mais également les points de convergence au sein du milieu
historiquement segmenté de la communication publique doivent être appréhendées
par un travail empirique spécifique.
Sur la base des propositions que nous avons faites ici, nous suggérons, dans un
premier temps, de documenter de manière transversale les transformations effectives
du travail et celles des discours qui l’accompagnent dans le secteur des relations
publiques, de la publicité et du journalisme en analysant à la fois l’évolution des
discours professionnels normatifs dans les formations professionnalisantes, les revues
et les ouvrages spécialisés, mais également l’évolution des attentes des employeurs en
matière de recrutement par une analyse des annonces d’emploi. Ensemble, ces
éléments poseront les bases pour comprendre, à terme, l’évolution des discours sur le
travail au sein des métiers de la communication, la part prise par l’entrepreneuriat et
par la réussite individuelle et interroger la pertinence des séparations professionnelles
existantes sur ces enjeux.
Conclusion
Il apparaît alors nécessaire d’interroger l’attention et l’attitude entièrement
différenciée des domaines de recherche sur les métiers de la communication mais
aussi de la littérature professionnelle et de certains discours d’acteurs à étudier vis-
à-vis des transformations qui affectent ces milieux, ainsi qu’un rapport ambivalent au
registre de la flexibilité du travail, tel que le soulignait par exemple la nuance
mentionnée plus haut à propos des potentiels de collaboration et d’accomplissement.
L’enjeu est de comprendre les relations entre les différents métiers de la
communication en tenant compte de leurs porosités et de leurs hybridations, et non
plus en les considérant d’abord de manière séparée, mais aussi et surtout
d’interroger ces dynamiques dans le contexte de transformations du travail qui
affectent l’ensemble des milieux professionnels en question.
Pour cela, nous proposons de construire un programme suivant une perspective
double. Tout d’abord, étudier ensemble les valeurs, les trajectoires professionnelles,
les relations de travail et les conditions de pratiques communes aux différentes sphères
de la communication, afin de comprendre comment se déploient les transformations
liées au néolibéralisme et au capitalisme cognitif, leurs discours et leurs impératifs de
concurrence, de compétitivité et d’employabilité, autour de figures comme le travail
à la pige et l’entrepreneuriat de soi. Ensuite, étudier les réactions différenciées des
différentes sphères et de ceux qui participent à leur construction afin de
comprendre les possibles résistances, violences perçues et revendications. En ce sens,
les transformations contemporaines peuvent être envisagées comme le prolongement
116 Tr aj ectoires professionnell es en comm un ication
de discours identitaires historiquement construits et de représentations sociales,
lesquels vont encadrer le déploiement des nouveaux impératifs socioéconomiques.
Suivant cette approche, les distinctions entre métiers et sphères de la communication
pourraient s’avérer être principalement des modes d’attention, de réception et de
construction différenciées des transformations, qui dans certains cas vont oublier ou
effacer le capitalisme comme thème appréhendé et, dans d’autres, vont l’identifier
comme un danger affirmé pour des idéaux démocratiques placés au centre de
revendications identitaires.
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