. Ce
changement, amorcé dans les années 1990, s’inspire de la conversion opérée
précocement par les polices nord-américaines et britanniques, bientôt imitées,
notamment, par leurs homologues suisses (Mawby, 2012 ; Meyer, 2013). Il vise à
mieux contrôler la représentation de la police, institution parmi les plus visibles aussi
bien dans l’espace urbain que dans la sphère publique médiatique (Deluermoz, 2012 ;
Meyer, 2012 ; Reiner, 2008). Il consiste tout autant à légitimer les politiques et les
pratiques policières, dans une société démocratique où s’exerce un contrôle structurel
sur les usages et les mésusages de la force publique.
La publicisation de l’action policière représente une question actuelle et un enjeu
politique, par son intensification et ses implications. Pourtant, elle reste largement
ignorée par la recherche française en sciences sociales. Hormis quelques travaux
pionniers (Cubaynes, 1981 ; Institut des hautes études de la Sécurité intérieure, 1993 ;
Le Saulnier, 2012 ; Meyer, 2012, 2013), cette question n’est étudiée qu’en ordre
dispersé et comme sous-partie, notamment dans la sociologie des institutions pénales
(Dedieu, 2010 ; Mucchielli, 2001, p. 26-54 ; Pichonnaz, 2013), du journalisme
(Charon et Furet, 2000, p. 155-172) ou des problèmes publics (Macé et Peralva, 2002 ;
Tsoukala, 2002), dans des travaux interdisciplinaires sur la communication de l’État
(Marchetti, 2008, p. 93-129 ; Ollivier-Yaniv, 2009), ou dans l’histoire culturelle des
récits de crimes (Kalifa, 1995 ; Sécail, 2010, p. 393-444). Elle est également traitée
dans des travaux historiques ou sociologiques centrés sur les violences policières et
les controverses que leur publicisation engendre (Dewerpe, 2006, p. 309-340 ; Jobard,
2002, p. 113-178 ; Moreau de Bellaing, 2016, p. 112-119 ; Yebouet Boah Cofy,
2001). Consécutivement, le développement de la communication est documenté pour
de nombreuses institutions publiques (Aldrin et al., 2014 ; Ollivier-Yaniv, 2000 ;
Thomas, 2009), à l’exception notable de la police nationale. Rares sont les études
empiriques consacrées à la communication de l’institution, sa genèse et son
fonctionnement, ses artisans et leurs activités. Ce déficit de la recherche française
contraste avec la précocité et le dynamisme des travaux dans les pays anglo-saxons
(Chermak et Weiss, 2005 ; Lawrence, 2000 ; Manning, 2003 ; Mawby, 2012 ; Reiner,
2008).
De façon originale, le présent article se donnera pour objet les communicants de la
police nationale. Plus spécifiquement, il se concentrera sur leurs parcours
professionnels et leurs activités de travail, mais aussi sur le sens subjectif attaché à