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compte, ce genre de pratiques de coopération, de dons, d’échanges des individus pour
pouvoir bien faire leur travail. Donner, c’est donc déroger à la règle : « Le
management par l’amont interdit de donner. Les pratiques de don prennent en effet du
temps. […] [E]lles ne participent pas directement de l’efficacité puisqu’elles ne
contribuent pas explicitement à atteindre un objectif bien défini. » (Alter, 2009,
p. 152.) Ces propos, certes définitifs, énoncent bien, en revanche, qu’un tel type de
management favorise la mise en place d’une organisation portée sur la qualité des
structures plutôt que sur la nature des relations sociales, « les biens plutôt que des
liens » (Alter, 2009). De fait, de telles pratiques de management vont à l’encontre du
travail du communicateur, qui cherche, lui, à construire du lien.
Bien sûr, d’autres entreprises sont confrontées à des situations où l’activité exige
une forte implication des salariés. Elles adoptent alors un management par l’aval dans
lequel la priorité est donnée au terrain, aux équipes opérationnelles et aux individus.
Leur ingéniosité est recherchée, on fait appel à leur responsabilité, on recherche
l’innovation, on favorise leur prise d’initiatives et, pour cela, on leur donne plus
d’autonomie et de pouvoir d’agir : il est attendu du salarié « qu’il soit capable de se
mobiliser sur un projet » ; en retour, celui-ci « attend de l’entreprise un plus grand
respect de sa liberté » (Blanc, 2016, p. 25). Dans ce sens, travailler, c’est coopérer, et
la coopération est autorisée et favorisée, car nécessaire, seule issue face au mouvement
permanent. Mais plus ces changements sont fréquents, plus il est demandé aux
individus, plus les réseaux constitués sont érodés, déstructurés ou à restructurer en
permanence du fait de réorganisations, du départ de certains salariés, de l’arrivée de
nouveaux. Pas facile de développer de la coopération dans ces conditions, pas facile
de faire vivre ce « cycle du don » (Alter, 2009). En effet, pourquoi donner quand on
est de moins en moins sûr de celui à qui l’on donne, quand on est de moins en moins
certain qu’il vous le rendra parce qu’il ne sera peut-être plus à son poste ? Cette
incertitude incite les salariés à limiter leur investissement en entreprise, à compter de
plus en plus leur engagement. Selon leur situation (objective) et leur appréciation de
leur situation (subjective), selon leur identité professionnelle et leur trajectoire sociale,
ils continuent à donner, malgré tout, ou veillent à l’équilibre des comptes, ils donnent
à l’entreprise, de façon générale, ou limitent leurs échanges à un petit nombre
d’individus : leur service, leur bureau, leur petit réseau.
D’une raison à l’autre, il en ressort que les conditions à l’engagement des salariés
sont multiples et difficiles à mettre en œuvre, rendant complexe le travail du
communicateur : « Un individu engagé veut aujourd’hui que son autonomie soit
reconnue. Ce qui ne va pas de soi dans l’entreprise. » (Blanc, 2016, p. 26.) En outre,
l’entreprise est de moins en moins une « communauté organique, comme autrefois »,
car composée de plus en plus de « différentes communautés d’action » en interaction,
en conversation voire en opposition (Blanc, 2016, p. 26). Dans ces conditions,
comment articuler ces communautés ? Comment faire comprendre qu’il faut penser
au-delà des silos pour faire collectif ? Comment penser une « stratégie