Les parcours professionnels
entre journalisme et communication :
tactiques de légitimation ou stratégies
de professionnalisation ?
Manuel Dupuy-Salle,
Université Lyon 2
Chloë Salles,
Université Grenoble Alpes
Laurie Schmitt,
Université Grenoble Alpes
14 Atypies et temporalités
Résumé
Cette recherche interroge les allers et retours des parcours de journalistes et de
communicants. Elle se situe d’une part dans la continuité des travaux issus de la
sociologie du journalisme (Ruellan, 2007 ; Charron et De Bonville, 1996) et s’appuie
d’autre part sur des études relevant de la sociologie des professions, notamment
culturelles ou artistiques (Lizé, 2014 ; De Verdalle, 2011 ; Becker, 1963, 1982). Son
originalité est de montrer comment les parcours professionnels entre journalisme et
communication sont à la fois des stratégies de professionnalisation et des tactiques de
légitimation de carrières individuelles. Tout au long d’une carrière, la diversité des
expériences est tour à tour une ressource pour l’entrée dans un territoire professionnel
convoité et une capacité d’adaptation face aux contraintes tant professionnelles et
personnelles qui pèsent sur un individu. Notre démarche empirique repose sur les
monographies de quatre professionnels, français, britannique et franco-canadien, aux
profils révélant des atypies mais ayant pour point commun de jouir à un ou plusieurs
moments donnés d’une légitimité journalistique : un blogueur de cinéma devenu
critique pour Les Cahiers du Cinéma, un journaliste devenu réalisateur de
webdocumentaires au Québec et un architecte des systèmes d’information ayant
exercé au sein de plusieurs grands médias devenu « éditeur de réseaux sociaux et de
nouveaux formats » au sein d’un grand quotidien britannique, et un chef d’entreprise
spécialisé dans l’analyse de données, devenu référence internationale du data-
journalisme.
Mots-clés : journalisme, communication, hybridité, carrière, séquence
Abstract
This research focuses on the dynamic crossover of career pathways between
journalism and communication. It builds from research in sociology of journalism
(Ruellan,
2007 ; Charron et De Bonville, 1996), and sociology of professions,
particularly those cultural or artistic (Lizé, 2014 ; De Verdalle, 2011 ; Becker, 1963,
1982). The originality of this analysis is to show how these professionals’ paths,
between journalism and communication, are both strategies of professionalisation and
tactics of legitimation at the individual level. All throughout a career, this diversity of
experiences is on turn a resource to enter a popular professional territory, and a
capacity of adaptation in a context of heavy professional and personal constraints that
weigh down on the individual. This empirical work is based on the monographies of
four professionals, two French, one British, and one Franco-Canadian, whose profiles
are atypical but who all have in common that they cultivate legitimacy in journalism:
a cinema blogger become journalist for Les Cahiers du Cinéma, a journalist who is
also a webdocumentary director, an architect of information systems turned social
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 15
media and new formats editor in a big British newspaper, and the CEO of a company
specialized in data analysis who is renown as an international data-journalism expert.
Keywords : journalisme, communication, hybridité, carrière, séquence
16 Atypies et temporalités
Cet article interroge les allers et retours des parcours de journalistes et de
communicants. Le questionnement n’est pas récent. Il a donné lieu à diverses
recherches scientifiques (Charron, 1991 ; Davis, 2013 ; Gingras 2012) et à de nom-
breux désaccords professionnels (Maas, Domenget et Catellani, 2017). Ainsi nous
situons-nous d’une part, dans la continuité des travaux issus des sciences de l’infor-
mation et de la communication. Ils envisagent le journalisme comme le « profession-
nalisme du flou » (Ruellan, 2007), se mêlant à la communication (Charron et De
Bonville,
1996), tout en s’élargissant dans un contexte de relations publiques
généralisées (Miège, 2007). La mobilité, la précarité et les inégalités sociales sont des
spécificités structurelles du journalisme (Leteinturier, 2013 ; Leteinturier et Frisque,
2015) et accompagnent l’émergence de journalistes « hybrides » (Legavre, 2014).
D’autre part, notre cadre théorique s’appuie sur des études relevant de la sociologie
des professions, notamment culturelles ou artistiques (De Verdalle, 2011 ; Lizé, 2014)
ou de perspectives interactionnistes (Becker, 1963, 1982).
Selon nous, ces parcours professionnels évoluant entre le journalisme et la
communication sont à la fois des stratégies de professionnalisation et des tactiques de
légitimation de carrières individuelles. Pour Howard Becker (1963), la carrière :
… renvoie à la suite des passages d’une position à une autre accomplis par un
travailleur dans un système professionnel. Il englobe également l’idée d’événe-
ments et de circonstances affectant la carrière. Cette notion désigne les facteurs
dont dépend la mobilité d’une position à une autre, c’est-à-dire aussi bien les faits
objectifs relevant de la structure sociale que les changements dans les perspectives,
les motivations et les désirs de l’individu. (p. 47)
Tout au long d’une carrière, la diversité des expériences est, selon nous, tour à tour
une ressource essentielle pour l’entrée dans un territoire professionnel convoité et une
capacité d’adaptation face aux contraintes tant professionnelles et personnelles qui
pèsent sur un individu. Dans ce contexte, le développement de pratiques en commu-
nication pour des journalistes en poste ou en devenir marque souvent une « séquence »
(Becker, 1963) dans les trajectoires professionnelles.
La spécificité de notre approche est d’envisager les trajectoires professionnelles en
communication au regard de quatre « carrières » en journalisme. Plus précisément,
notre démarche empirique repose sur le parcours de quatre professionnels dans les
contextes français, britannique, canadien et allemand, aux profils révélant des atypies
mais ayant pour point commun de jouir à un ou plusieurs moments donnés d’une légi-
timité journalistique. Nous avons rencontré : un blogueur français de cinéma (blog :
365 jours ouvrables) devenu journaliste/critique pour Les Cahiers du Cinéma, un
journaliste français devenu réalisateur de documentaires interactifs au Québec, un
architecte des systèmes d’information ayant exercé au sein de plusieurs grands médias
britanniques, devenu « éditeur de réseaux sociaux et de nouveaux formats » (« social
and news formats editor ») au sein d’un grand quotidien britannique et enfin, un
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 17
journaliste de données offrant des services de visualisation des « Big Data » aux
médias via la création d’une entreprise Journalism++, implantée à Berlin.
En outre, chacun de ces professionnels, âgés entre 30 et 50 ans, révèle une manière
différente de s’approprier le numérique et ce, à un moment spécifique ou tout au long
de leur carrière. Ils expérimentent des dispositifs techniques émergents tels que les
blogs, les webdocumentaires, les réseaux sociaux ou l’analyse et la visualisation des
méga-données. Le caractère international de nos entretiens met en évidence des
trajectoires marquées par des moments de prise de distance à la fois professionnelle
envers le journalisme, et géographique par rapport à leur pays d’origine.
Une approche biographique inspirée des « récits de vie » (Bertaux, 1997) est ici
mobilisée. Cette méthode vise à
« restituer un témoignage rétrospectif sur
l’expérience vécue » (Ibid., 1997). Elle permet en effet de recontextualiser, par le biais
de narrations glanées en entretien, les activités et expériences de vie dans des
trajectoires singulières (Ricœur, 1990) en laissant les acteurs libres de faire émerger
le sens qu’ils accordent, rétrospectivement, à leurs actions (Proulx et Laberge, 1995).
Appliquée aux éléments biographiques relevant du professionnel, soit dans des
« récits de pratiques » (Proulx et Maillet, 1998 ; Proulx et Laberge, 1995), cette
approche éclaire les motivations, ressorts et ressentis vécus des acteurs interrogés face
à leurs engagements et choix professionnels.
Nous avons, pour chaque enquêté, mené deux entretiens narratifs dans l’intervalle
2008-2017. Depuis cette perspective diachronique propice à identifier les évolutions
professionnelles au cours de deux périodes distinctes, nous leur avons posé des ques-
tions ouvertes autour de leur formation, leur parcours, leurs activités professionnelles,
les pratiques qui en découlent, ainsi que les motivations guidant leurs réorientations
professionnelles1. Les enquêtés ont été invités à élaborer leurs réponses de manière
libre afin de favoriser le développement de longues séquences narratives, les inter-
ventions de l’enquêteur demeurant limitées. Des relances ont parfois été formulées
afin de mieux saisir les représentations et les visions rétrospectives sur les récits,
notamment sur certains choix ayant motivé les changements de trajectoires.
1 La collecte de récits de vie s’est effectuée à partir de questions ouvertes comme : Quels ont été vos
parcours d’études et expériences professionnelles ? Pouvez-vous préciser la chronologie de ces
différents moments, périodes d’activité professionnelle, de formation continue et d’inactivité
incluses ? Pouvez-vous décrire ce qu’impliquait chacun des postes occupés, et préciser le statut dans
l’organigramme de l’entreprise ? Vos pratiques dans ces différents postes correspondaient-elles
précisément à la fiche de poste pour laquelle vous aviez été recrutée ? Quelles sont les raisons pour
lesquelles vous avez changé d’activité professionnelle lors de ces différents moments ? Quelles
étaient selon vous les expériences, les compétences ou les ressources qui vous ont permis d’accéder
à ces différents postes ? Comment caractérisez-vous vos relations avec les autres professionnels avec
lesquels vous travaillez ?
18 Atypies et temporalités
1.
Des formes de pluriactivité, polyvalence et
polyactivité
Dans un premier temps, nous envisageons les formes de pluriactivité (Lizé, 2014),
de polyvalence (De Verdalle, 2011) ou encore de polyactivité (Lizé, 2014) des
professionnels rencontrés. Ces différentes stratégies professionnelles sont mises en
œuvre, au fil de leur carrière. La pluriactivité, désigne l’exercice de « plusieurs métiers
dans le même champ » (Lizé, 2014, p. 127). Certains professionnels cumulent, par
exemple, activités de réalisation et de production. Comme le souligne Laure De
Verdalle (2011, p. 163), la polyvalence « peut être complémentaire à la pluriactivité
ou perçue comme une alternative moins contraignante [...]. » La polyvalence vient
alors qualifier des diversifications d’activités. Laure De Verdalle montre ainsi
comment, par exemple, des sociétés de production mêlent fiction et documentaire,
cinéma et télévision, etc. Elle met en évidence « le double profil » de certaines entre-
prises (Ibid., p. 163). Nous verrons ici, comment à l’échelle, non des entreprises, mais
des individus, ce double profil se note voire se renforce et se démultiplie. Des formes
de polyactivité apparaissent enfin, dans le cas où les professionnels exercent
« plusieurs métiers dans différents champs » (Lizé, 2014, p. 127), journalisme, audio-
visuel et formation par exemple.
1.1.
Des parcours atypiques
Les professionnels interrogés ont des parcours atypiques comme le révèlent les
expériences ou formations qui ont ponctué leur vie professionnelle.
Par exemple, Joachim Lepastier précise : « je m’intéresse au ciné depuis l’adoles-
cence mais pour diverses raisons je n’ai pas osé franchir le pas. » C’est ainsi qu’après
le bac, il effectue sept ans en école d’architecture (dès la première année, il participe
à la création d’un ciné-club) puis poursuit pendant trois ans et demi à la FEMIS une
formation en scénario afin d’obtenir son diplôme de scénariste. Il lance un blog sur le
cinéma en 2007 et devient critique pour les Cahiers du Cinéma en 2009. Son parcours
est le résultat de dérives successives :
[...] c’était à chaque fois [...] un peu des ricochets ; c’est l’architecture qui m’a
amené au scénario, qui m’a amené à la critique, [...] enfin qui m’a amené à
l’écriture, qui m’a amené au blog, qui m’a amené à la critique…
David Dufresne, pour sa part, indique : « ma formation ? le punk ». Le baccalauréat
en poche, il s’inscrit en 1986 en lettres modernes à la Sorbonne à Paris mais n’y reste
que deux mois. Il commence sa carrière en écrivant dans des fanzines puis intègre
différents titres de presse, en tant que pigiste d’abord dans la presse rock (Best) puis
dans des quotidiens (comme Le Jour en 1993) ou encore dans des magazines de
contre-culture tel Actuel. En 1994, il rejoint Libération pour une période de dix ans,
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 19
journal au sein duquel il assurera les fonctions de chroniqueur dans les pages
« Métro » et pour la rubrique TV, reporter au service société (police-justice), d’enquê-
teur pour le service « France ». En parallèle, il écrit plusieurs livres. En 2002, il quitte
Libération et devient rédacteur en chef adjoint d’I-Télé « où il a appris tout ce qu’il
ne faut pas faire en matière d’images ». Il collabore aussi avec France Inter et
Canal+. Marqué par les émeutes de 2005 à Saint-Denis, il décide de réaliser un film
documentaire indépendant (« Quand la France s’embrase », France 2, 2007). Il
rejoint ensuite Mediapart à sa création en 2008, mais quitte aussitôt la rédaction
nouvellement lancée pour devenir indépendant. En 2012, il sort Tarnac, magasin
général, un livre où « je règle mes comptes avec les métiers ». Dans l’intervalle (entre
2008 et 2012, il réalise le webdocumentaire Prison Valley (2010) avec Philippe
Brault, après avoir vu Voyage au bout du Charbon (2008) de Samuel Bollendorff et
Abel Ségrétin. Ce sera la première étape vers la création d’autres dispositifs innovants
comme le jeu documentaire Fort McMoney (2013), l’enquête à collectionner en ligne
Hors-Jeu (2016), la collection PhoneStories (2017) — des enquêtes journalistiques
en temps réel sur téléphone mobile dont le premier volet « L’Infiltré »
se passe dans
les coulisses du Front National.
Martin Belam suit des études universitaires en histoire. Parallèlement à ce cursus,
ce professionnel mène une activité de musique en groupe. Mais en raison de ce qu’il
pense être un manque de compétences, il ne poursuit pas dans cette voie. En revanche,
il se met à écrire pour un petit magazine de football, type fanzine, avec des amis. Par
ailleurs,
« fondamentalement, [...] j’étais intéressé par les ordinateurs et j’étais
créatif. » Ce goût s’affine par des expériences d’auto-formations et la création de sites
web. Fort de ces expériences, il candidate à plusieurs annonces : « j’ai fini par des
entretiens à l’UNICEF et à la BBC. Et j’ai eu le travail à la BBC qui concernait
l’optimisation des moteurs de recherche. » Peu à peu, son travail évolue vers
l’expérience utilisateur :
J’ai [...] progressivement abordé, pas tellement le codage de la façon dont les sites
Web ont fonctionné, mais le comportement de l’utilisateur et la façon dont les gens
ont répondu à ce que les médias publiaient sur les sites web. J’ai donc fini par
mettre tout un système de recherche en temps réel sur ce que les gens cherchaient
sur le site web de la BBC.
Après trois ans à la BBC, il devient en 2003 « senior producer » et travaille de plus
en plus dans le département « Nouveaux médias » en tant que « product manager ».
Par la suite, il décide de s’installer à l’étranger avec son épouse, et multiplie les
contrats et les missions à distance : il accepte un poste chez Sony en Autriche en tant
« qu’ingénieur en utilisabilité », travaille sur le développement de la présence du
Guardian sur Facebook, et pense la refonte du site de Trinity Mirror pour petites
tablettes et teste de nouvelles formes et tons de l’information (notamment les jeux sur
les réseaux sociaux). Il décide qu’il ne veut plus travailler avec des médias,
20 Atypies et temporalités
l’expérience avec la rédaction étant trop conflictuelle. Mais en 2015, à la veille de
Noël, il reçoit une proposition de contrat au Guardian. Il y est depuis en tant que
responsable de nouveaux formats.
Nicolas Kayser-Bril étudie l’économie à Sciences Po Lille de 2003-2007, et de 2007
à 2008 il fait un an à l’Université De East Anglia, Norwich en Media Economics, un
master de macro économie. Il est free-lance de 2008 à 2009, responsable web de la
campagne électorale d’un candidat aux présidentielles au Gabon, blogueur à Rue89 et
aux Inrocks. Fin 2009, il obtient un emploi en tant que responsable de produit dans
une ONG, start-up berlinoise qui s’appelle Betterplace.org. En parallèle, il continue
d’écrire pour des médias. Il dit avoir « vite compris l’intérêt qu’il y avait à faire du
networking, [...] comme n’importe quel étudiant ambitieux [...]. De 2010-2011, j’ai
travaillé pendant 1 an et demi à Owni.fr [...] ». Il obtient cet emploi lorsqu’il rencontre
Nicolas Voisin par le biais de Jean-Marc Manach sur qui il écrit un article pour Rue89.
C’est à ce moment-là qu’il commence à faire du data-journalisme, et il crée
Journalism++ en juin 2011 avec Pierre Romera, rencontré chez Owni.
Les récits des quatre professionnels mettent en évidence des parcours professionnels
différenciés et fortement singularisés. Il s’agit davantage de parcours, qui « tracent
donc des lignes qui font des zigzags dans l’espace social-historique » (Bertaux, 1997,
p. 37) que de trajectoires, « assimilables à une droite et à une courbe harmonieuse »
(Ibid., p. 37). Leurs récits de pratiques professionnelles, rythmées de chemins de
traverses, de ricochets et de dérives successives, en attestent.
1.2.
Des compétences d’adaptation et de réajustement
Les professionnels rencontrés développent, dans leurs parcours, des compétences
d’adaptation et de réajustement. Ces compétences se sont initiées d’une part, au
contact d’autres métiers, et d’autre part, au regard des évolutions technologiques,
notamment numériques.
Au contact d’autres métiers, les uns et les autres se co-adaptent (Pailliart, Salles et
Schmitt, 2017). Les professionnels interrogés multiplient leurs savoir-faire par les
relations qu’ils entretiennent, tout d’abord dans le cadre de projets, avec des game
designers, des animateurs de communautés ou des managers. David Dufresne
indique : « j’ai des discussions avec des designers qui sont des co-auteurs. Les
designers, les développeurs flash sont au minimum, comme le monteur de cinéma, il
faut aussi qu’ils soient créatifs ». La réalisation de webdocumentaires est un projet
collectif, augurant des « échanges continus avec les gens avec qui je travaille ». Il
ajoute :
Je suis un chef de chantier, j’effectue un travail hyper manuel et artisanal avec la
manipulation de scénarios, de croquis… J’ai acquis des compétences en naviga-
tion, scénarisation, programmation, design, musique, bruitage [...] Avec les game
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 21
designers, les rôles sont parfois inversés au sens où ce sont eux qui pensent au
documentaire et moi, au gameplay.
En outre, dans un travail collectif il est nécessaire de « partager le même langage
pour que cela marche et cela soit faisable, mais on n’a pas tous les mêmes attentes ».
Ensuite, les occasions de rentrer en contact avec d’autres professionnels peuvent être
dépendantes des cultures d’entreprises. Joachim Lepastier précise que l’activité de
critique se nourrit de celle de scénariste. Il rappelle que traditionnellement, les Cahiers
du Cinéma se sont justement constitués comme « une sorte d’école de cinéma, enfin
un atelier de réflexion sur le cinéma dans le but de produire des films. » Selon lui,
cette perspective demeure, puisque certains rédacteurs ont une expérience de
réalisation
(tel Jean-Sébastien Chauvin) ou de scénarisation
(lui-même, par sa
formation à la FEMIS). Enfin, les savoir-faire peuvent se diversifier à l’occasion de
rencontres professionnelles. Ainsi Nicolas Kayser-Bril mentionne-t-il : « j’ai vache-
ment suivi en 2005 et 2006 [...] Rob Curley [journaliste au Journal-World, Kansas] et
Adrian Holovaty
[journaliste-développeur] qui ont déchiffré le journalisme de
données aux US ».
Les compétences des acteurs s’ajustent également au regard des évolutions
numériques qui rythment leurs parcours. Tous font preuve, à leur manière, d’auto-
didactisme et d’auto-formation. Joachim Lepastier s’auto-forme à des logiciels de
création de blogs comme Blogger ou d’indexation de blogs tel Technorati ou de
référencement via Google Analytics. Mais ses connaissances limitées en termes
techniques le contraignent à la création d’un blog individuel et non d’un magazine
collectif avec une rédaction. Il privilégie ainsi des logiciels prêts à l’emploi. D’autres
préfèrent mettre les « mains dans le cambouis ». À ce titre, Martin Belam fait preuve
de débrouillardise. Son goût pour l’informatique s’est affiné par des expériences
d’auto-formations : « j’ai acheté un livre pour m’enseigner comment créer des sites
Web. [...] j’ai commencé à créer des sites Web, et j’ai finalement décidé que je voulais
faire des sites Web et des choses informatiques ». David Dufresne s’est tourné
progressivement vers Internet. « J’ai remplacé les fanzines de rock par le net depuis
les débuts d’Internet. [...] Mais je ne voyais pas alors Internet comme un outil de
création mais de diffusion ». Ce n’est donc que dans un second temps qu’Internet est
devenu pour lui « un outil de travail ». Nicolas Kayser-Bril a, quant à lui, « appris à
programmer entre 10 et 16 ans ». Ces rapports différenciés aux techniques mettent en
évidence des écarts générationnels certes, mais aussi des préoccupations et intérêts
différenciés pour ces évolutions. Ils soulignent également la construction d’expertises
acquises par l’expérience individuelle.
22 Atypies et temporalités
1.3.
Une pluralité des métiers ou des activités exercés
Les rôles professionnels et les titres d’emplois occupés se cumulent : journaliste,
réalisateur, auteur, écrivain, scénariste, critique, développeur, responsable marketing,
chef d’édition, etc. dans le temps long de la carrière mais aussi dans le temps court,
selon leurs interlocuteurs. Par exemple, David Dufresne, se présente sur son site
personnel comme un « auteur et réalisateur de documentaires interactifs, artiste en
résidence au MIT Open Documentary lab depuis septembre 2014, journaliste à
l’ancienne, punk rock et filatures ». Joachim Lepastier, quant à lui, se qualifie sur son
blog comme « un spectateur professionnel qui entrouvre son cabinet d’amateur » et
ajoute en entretien être un « vidéaste, enseignant, pigiste, scénariste réalisateur,
critique… ». Il explique avoir assuré, dans l’intervalle 2004-2009, différentes acti-
vités et ce, de manière ponctuelle :
Je fais des vidéos pour des architectes de temps en temps, puis j’essaie d’être
scénariste. Ce n’est pas continu, quoi, ce sont des scénarios ponctuels. Sinon, je
fais des piges de communication, j’enseigne aussi un peu. Je suis intervenant dans
un lycée à Orléans dans l’option cinéma.
Le lien qu’il tisse avec des agences d’architecture s’explique par sa formation,
initiale, dans ce domaine. Parfois, le profil polyvalent des personnes interrogées, les
amène à prendre en charge des missions plus entrepreneuriales et organisationnelles.
C’est le cas de Nicolas Kayser-Bril :
Mon statut c’est chef de micro-entreprise […] pendant 5 ans et demi, mon rôle était
de faire en sorte que ça tourne, amorcer les projets, que tout aille bien, que les
salaires soient payés, un peu d’opérationnel sur la plupart des projets de
journalisme que l’on a fait.
Dans la pratique, le cumul des rôles entraîne des formes d’accumulation d’activités
très diverses, avec un équilibre fragile entre valorisation de compétences et non-
reconnaissance professionnelle. Sous la pression du travail effectué à un rythme
effréné, l’un des acteurs décide en 2005 de prendre un congé d’un mois sans solde et
l’idée commence à germer de voyager avec sa femme en Europe. « Tout ce temps-là,
(à partir de 2002) j’avais eu des blogs sur mon travail, et cela devenait une partie
importante de ma carrière. » Ces blogs traitaient notamment de « toutes les choses
que les gens recherchent sur le site Web de la BBC ». C’est ainsi qu’il analyse plus
de 20 000 requêtes effectuées sur le site de la BBC mais aussi qu’il développe une
expertise en conception de sites web pour les journaux.
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 23
1.4.
Des jeux de distinction
Les acteurs rencontrés, tour à tour, se distancient ou se réfèrent au journalisme,
soulignant à la fois les limites et contraintes de cette profession, et insistant sur les
compétences plurielles, notamment en communication (dans un sens large) qu’ils
développent.
Dans ces jeux de distinction, visibles dans le discours d’acteurs, des formes de
différenciation et d’indifférenciation du journalisme se dessinent. David Dufresne, par
exemple, se présente à la fois comme « un journaliste à l’ancienne et un auteur de
webdocumentaires ». Il précise : « auteur, car dire journaliste objectif c’est mal-
honnête ». Il indique également « je m’assume comme journaliste mais je n’assume
pas le journalisme qui couche avec le pouvoir et se couche devant ». Martin Belam se
décrit, pour sa part, comme quelqu’un ayant toujours eu à « rouler le rocher du
numérique dans les rédactions ». Les différents postes occupés dans les rédactions
ont souvent impliqué des conflits avec certains positionnements et pratiques plus
conservateurs. Dans cette perspective, il a souvent joué un rôle de médiateur entre
équipes réticentes et équipes ouvertes au changement. Aujourd’hui encore, alors qu’il
occupe un poste à responsabilité dans le cadre duquel il gère une équipe, il continue
de se sentir différencié de la rédaction.
Des phénomènes de « différencialité » apparaissent également au sens où « [...] des
personnes se trouvant placées exactement dans le même statut institutionnel peuvent
remplir leur rôle, exercer leur activité de façon différente parce qu’elles n’ont pas la
même structure de personnalité [...]. » (Bertaux, 1997, p. 27) Le statut de journaliste
peut revêtir, dans la pratique, de multiples acceptions et tâches. Nicolas Kayser-Bril
en tant que journaliste, statut indiqué sur sa fiche de poste chez Owni.fr, exerçait en
réalité plutôt en tant que « directeur général délégué au data-journalisme ». Il
précise :
« Mes pratiques, c’était de faire du développement commercial, pour
récupérer des clients pour payer ceux qui écrivaient des articles ».
Malgré ces pratiques différenciées, une « ligne professionnelle » (en référence aux
« lignes de vie » - Bertaux, 1997) commune aux acteurs rencontrés, se dégage : celle
des écritures. En effet, leurs pratiques d’écritures, et leur goût pour celles-ci, sont le
fil conducteur de l’ensemble des activités qu’ils ont menées. Pour Joachim Lepastier,
le passage de l’activité de scénariste à celle de critique cinématographique s’est opéré
d’une part, en raison de la difficulté d’exercer le métier de scénariste et s’inscrit,
d’autre part, dans la lignée de son appétence pour l’activité d’écriture :
Moi, j’écrivais plutôt pour écrire, et je considérais le scénario plutôt comme un
objet littéraire. C’était le cas avec l’envie d’écrire, puis après ça a un peu dérivé
sur l’envie d’écrire sur le cinéma. [...] Même au collège, je faisais des petits
journaux et j’avais envie d’être journaliste [...]
24 Atypies et temporalités
L’ouverture de son blog s’est réalisée dans une logique de fanzine : « je me demande
si moi je suis plus critique que cinéaste ou qu’un scénariste ». Être critique « c’est
écrire sur le cinéma, avec peut-être d’autres formes que de réagir, de commenter les
films qui sortent. »
Toute sa vie, Martin Belam a écrit sur ses intérêts, puis ses pratiques. Il s’est mis à
écrire et à créer un fanzine avec quelques amis alors qu’il travaillait chez un disquaire.
Plus tard, il a également créé un blog dans lequel son analyse des requêtes enregistrées
depuis le site de la BBC a eu un succès important. Aujourd’hui, alors qu’il est chef de
projet au Guardian, il n’y a aucun obstacle à ce qu’il écrive pour le site. Comme il le
dit, il lui suffit de proposer un sujet à la rédaction. Il est généralement accepté et il
l’écrit. Pour David Dufresne : « mon objectif, c’est raconter le monde [...] en utilisant
des codes narratifs venus des jeux vidéo, de la fiction, de la non-fiction, du gonzo
journalisme… ». Nicolas Kayser-Bril, enfin, écrit depuis qu’il est étudiant, puisqu’il
dit avoir compris que cela allait participer à la construction de son réseau. Il énonce :
« j’ai vite compris l’intérêt qu’il y avait à faire du networking, et j’avais commencé à
écrire pour l’observatoire des médias de Gilles Bruno, j’ai bossé aussi pour Online
Journalism Blog de Paul Bradshaw ».
L’écriture peut être ainsi pratiquée par plaisir ou dans une quête de visibilité et de
reconnaissance. Elle est tantôt une fin, tantôt un moyen. Elle guide les quatre
professionnels dans leur carrière et s’exerce comme une opportunité de vivre leur
passion.
Les formes de polyvalence, de polyactivité et de pluriactivité à l’œuvre sont
chronophages (De Verdalle, 2011, p. 162) et témoignent des difficultés de « faire
carrière », en journalisme et en audiovisuel-cinéma. Le caractère incertain des
carrières fait écho à l’un des traits constituants des industries culturelles et média-
tiques : « l’incertitude » (Miège, 2017, p. 22). Il fait également référence aux condi-
tions de production qui demeurent largement encore artisanales dans ces secteurs.
Comme le souligne Claude Forest (2013) :
Le caractère incertain de la carrière semble également porteur d’une possibilité de
« s’y réaliser », l’aspect non utilitaire de l’activité semblant l’éloigner des
contraintes ordinaires des autres activités économiques, parfois dénigrées, mais
souvent pratiquées au demeurant en parallèle, et en ce cas toujours justifiées pour
des raisons « alimentaires ». (p. 109)
Pour les professionnels rencontrés, les activités et professions exercées tout au long
de leur carrière ont été, pour la plupart, choisies par eux et perçues comme autant
d’occasions de développer des contenus, des pratiques ou des dispositifs innovants.
Ces activités demeurent de niches, dans leurs caractères tâtonnants et expérimentaux
et car, elles ne concernent qu’un nombre limité d’acteurs souhaitant miser, sinon
composer, avec les évolutions technologiques, notamment numériques. En outre, les
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 25
initiatives développées ici en termes de polyvalence, polyactivité, pluriactivité sont
l’expression de profils singuliers qui ne sauraient être généralisés.
2.
Les dynamiques d’entrée et de sortie
dans la profession journalistique
Dans un second temps, nous nous intéressons aux dynamiques d’entrée et de sortie
dans la profession au regard des mutations à l’œuvre
(notamment techniques,
politiques ou économiques) : mobilité croissante (Leteinturier, 2014), précarité de
l’emploi, fragilité des statuts (Frisque, Saitta et Ferron, 2011). Les allers et retours,
tantôt choisis, imposés ou concédés, entre journalisme et communication prennent
sens en contextes
2.1.
La concrétisation d’un idéal de travail plus autonome
Les professionnels rencontrés, aux profils de « touche-à-tout », empruntent des
chemins de traverse afin de s’engager dans des activités qu’ils veulent libres ou
alternatives. Ces détours, dont ils ne peuvent prévoir l’issue, sont la trace d’une
carrière qui se présente parfois en pointillés. Cette recherche d’idéal s’inscrit dans la
continuité de leurs pratiques de fanzines et de radios libres. Elle prend notamment
sens dans un contexte de « crise » des médias, mais aussi du tiraillement permanent
du journalisme entre devoir d’information et logiques économiques. Ainsi David
Dufresne dit-il être motivé par une « volonté d’être farouchement indépendant ». Il
souhaite dans la réalisation de webdocumentaires « casser les règles du journalisme :
les règles normatives, les règles sur les positions du journaliste, du producteur [...]
même si j’ai un respect pour le métier de reportage, d’enquête » et se sent moins
dépendant des « phases de réalisation du cinéma » car « avec le webdocumentaire,
on est dans l’expérimentation ». Il ajoute que, paradoxalement, « plus on a de liberté,
plus on a de contraintes aussi ». La création de ces projets innovants nécessite de
« faire comprendre aux différents interlocuteurs qu’il y a beaucoup d’essais,
d’erreurs et qu’il faut accepter de mettre beaucoup de choses à la poubelle ». Pour
Nicolas Kayser-Bril, la liberté qui découle de son autonomie, mais aussi l’incertitude
qui lui est liée, s’expriment lorsque à la suite de la fermeture de Journalism++, il dit
ne pas savoir ce qu’il va entreprendre, et que « cela va dépendre de ce que je fais et
de qui je croise ».
Dans la carrière de Martin Belam, l’autonomie s’illustre notamment dans la prise de
décision de cesser son travail et de partir en voyage et vivre à l’étranger avec sa
conjointe plutôt que de rebondir sur un autre emploi :
Après un mois de congés sans solde, je me suis demandé si j’avais vraiment envie
de continuer comme cela. Et mon épouse a toujours eu envie de voyager en Europe.
26 Atypies et temporalités
Alors je me souviens de lui avoir dit « j’ai pensé que nous devrions partir en
voyage, qu’en dis-tu ? », et son regard s’est illuminé et c’était si beau. Et juste
comme ça, on s’est dit « allez, on y va ! ».
Enfin, Joachim Lepastier poursuit dans son poste actuel l’autonomie acquise dans
l’écriture de son blog et dans la production « des choses longues et des choses
courtes ». Guidé, ni par les actualités, ni par l’interface, le critique a même le senti-
ment que cette autonomie a progressivement été adoptée dans la politique éditoriale
de la revue :
On a réussi à ne pas subir l’actualité, de pas être dépendant de l’actualité des sorties
[...] on est assez autonome par rapport à cela. [...] enfin j’ai l’impression que depuis
que j’y suis, on s’émancipe de l’actualité. Il y a des événements ou des dossiers
liés à l’actualité mais on ne se sent pas du tout obligé d’être dans le fil du mois,
l’événement du mois.
Ainsi, le blogueur, devenu critique professionnel, dit n’avoir pas changé de pratique
ni de posture. Dans son emploi aux Cahiers du Cinéma, il précise réaliser un idéal de
travail correspondant aux pratiques de critique amateur initiées dans son blog :
Je ne pense pas avoir beaucoup changé, ça reste du travail d’amateur éclairé qui
[...] écrit à partir de ce qu’il aime, ou de ce qu’il n’aime pas, mais qui essaye de
réfléchir autour du cinéma et puis du monde dans lequel il vit [...] enfin je sens
quand même une continuité entre ce que je faisais dans le blog et ce que je fais aux
Cahiers… Plus du côté critique que journaliste.
Dès lors, les quatre professionnels rencontrés mettent en avant un idéal profes-
sionnel d’autonomie à l’œuvre dans leurs pratiques liées au journalisme. Cette auto-
nomie s’observe dans la liberté revendiquée de choix des sujets et de leurs angles,
dans la manière de penser une histoire en dehors des normes journalistiques appli-
quées dans les rédactions, ou dans la relation qu’ils établissent avec leurs employeurs
et leurs pairs, parfois en tant qu’indépendants voire d’expatriés.
2.2.
Des formes de reconnaissance par les pairs
Les acteurs rencontrés jouissent tous de formes variées de reconnaissance au sein
du groupe professionnel auquel ils appartiennent. Celle-ci se manifeste notamment
par la visibilité médiatique qu’ils connaissent. Par exemple, lors de la publication de
leurs productions, de nombreux médias et journalistes (sur les réseaux sociaux par
exemple) en couvrent la sortie, participant ainsi à leur promotion. Citons notamment
les webdocumentaires Prison Valley (2009) ou Fort McMoney (2013) réalisés par
David Dufresne. Cette visibilité médiatique se concrétise également dans les forma-
tions que ces acteurs prennent en charge au sein d’écoles de journalisme et de
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 27
rédactions, ou encore les conférences internationales sur le journalisme au sein
desquelles ils interviennent. Nicolas Kayser-Bril forme, en septembre 20172, les
journalistes de la rubrique des « Décodeurs » du Monde, au data-journalisme. Il
participe également aux rencontres de Newsgeist
(un événement organisé et
sponsorisé par Google et la Knight Foundation portant sur l’avenir du journalisme)
pendant deux années consécutives.
Cette reconnaissance par la profession se concrétise par le recrutement de ces
acteurs. Cela prend la forme d’une embauche au sein de la rédaction des Cahiers du
Cinéma pour Joachim Lepastier. Pour les autres, elle s’illustre par l’alternance entre
des postes à durée indéterminée au sein de médias (parfois avec des postes à forte
responsabilité, comme cela a été le cas pour David Dufresne, co-fondateur de
Mediapart, ou Martin Belam, éditeur en charge des nouveaux formats au Guardian)
et de prestations extérieures, notamment, lorsque ces derniers se trouvent à l’étranger.
Alors qu’il habite en Grèce, Martin Belam répond régulièrement aux missions qui lui
sont proposées, notamment par The Guardian, et impliquant qu’il se rende souvent à
Londres.
Si ces acteurs sont souvent sollicités dans les lieux de formation et de rencontres
professionnelles, la légitimité de trois d’entre eux repose sur leurs compétences
techniques davantage qu’éditoriales. Pour certains, tel David Dufresne, ces compé-
tences techniques sont volontairement mises en avant et sous-tendent ses réorienta-
tions : de journaliste au sein de Libération (1994-2002), à rédacteur en chef d’I-Télé,
puis à co-fondateur de Mediapart (2008) et enfin, à réalisateur de webdocumentaires.
Pour d’autres acteurs, tels Martin Belam ou Nicolas Kayser-Bril, leur légitimité
technique est reconnue, mais les intentions éditoriales qui en découlent ne sont pas
prises en compte. Ainsi, Martin Belam a des difficultés pour faire évoluer et accepter
certaines pratiques au sein de Trinity Mirror. Nicolas Kayser-Bril, quant à lui, se
distancie, dans son discours, du statut de journaliste. Dans la pratique, son contrat de
travail le désigne comme tel. Recruté chez Owni comme journaliste, mais il dépeint
son activité comme relevant du commercial et non de l’éditorial. Plus loin, dans une
quête de reconnaissance de son savoir-faire, il publie des articles sur l’analyse de
données dans Libération ou Le Monde. Dès lors, si ces compétences et qualités ne leur
permettent pas d’atteindre un statut de journaliste, elles sont néanmoins reconnues par
les entreprises médiatiques comme des formes d’expertise.
Chacun, en raison de ses compétences spécifiques, acquiert une renommée dans le
milieu professionnel convoité, et s’érige en figure du « pionnier ». David Dufresne,
comme pionnier dans la réalisation de webdocumentaires, se distingue par ses
2 « Things I did », blog de Nicolas Kayser-Bril, consulté le 29 octobre 2017, http://blog.nkb.fr/.
28 Atypies et temporalités
expérimentations narratives sur le web (Prison Valley, Fort McMoney) mais aussi sur
téléphones portables (PhoneStories, « L’infiltré », 2017). Joachim Lepastier incarne
le cinéphile amateur éclairé ayant percé en tant que critique professionnel dans un
magazine spécialisé de renom. Nicolas Kayser-Bril endosse l’habit de l’expert en
data-journalisme sur le territoire paneuropéen3, à l’instar de Brian Boyer ou Adrian
Holovaty, figures du computer-assisted reporting, Outre-Atlantique. Son statut
d’expert est notamment renforcé par une série d’articles récemment publiés dans la
revue spécialisée dans les médias, mind (n° 552, 553, 554, octobre 2017), portant sur
l’état du data-journalisme dans les médias en France. Enfin, en se consacrant à
l’architecture informationnelle de sites de médias, Martin Belam s’est progressive-
ment forgé une expertise en matière de nouveaux dispositifs techniques relatifs à la
circulation de l’information d’actualité, et plus particulièrement à l’édition de réseaux
sociaux.
Cette aura d’expert est renforcée par la distinction que ces acteurs eux-mêmes
formulent à l’égard du territoire professionnel journalistique. David Dufresne se
démarque de la corporation journalistique en multipliant les casquettes de réalisateur,
d’auteur et d’artiste. Il se décrit comme un « journaliste punk », forgeant ainsi sa
propre définition d’une profession dont les contours sont en tension. Les trois autres
acteurs rencontrés ne se qualifient pas « journalistes », se situant ainsi également à la
marge de la profession.
Les résistances de la part des rédactions, et plus spécifiquement des journalistes,
souhaitant préserver leurs compétences éditoriales comme normes, témoignent de la
fragilité du statut de ces acteurs, et des luttes qui sont à l’œuvre pour maintenir
certaines pratiques à l’intérieur et d’autres, plus techniques, à l’extérieur du
journalisme.
2.3.
Une volonté de marquer un territoire professionnel
En dépit des résistances qu’ils peuvent rencontrer au sein des rédactions, qu’elles
soient éditoriales, comme décrites par Martin Belam, ou financières comme indiquées
par Nicolas Kayser-Bril (selon lui les médias n’ont pas les moyens de « s’offrir » du
journalisme de données), les quatre acteurs rencontrés mettent à profit des médias
leurs compétences spécifiques. Ce sont ces compétences, notamment techniques, qui
leur ouvrent l’accès au champ professionnel du journalisme. En outre, les entretiens
avec ces professionnels permettent d’identifier quatre usages différenciés de
l’Internet.
3 Ses interventions s’étendent du Royaume-Uni à l’Italie, en passant par la France, l’Espagne, la
Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, puis la Bosnie-Herzégovine, la Tunisie
ou encore Singapour.
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 29
L’Internet sert de tremplin professionnel pour Joachim Lepastier. La visibilité de
son blog l’amène à être remarqué et participe à son recrutement au sein des Cahiers
du Cinéma :
En fait à l’époque, il y a eu plusieurs tables rondes sur la critique et Internet, les
nouveaux… Est-ce qu’Internet modifie la critique de cinéma, etc. J’étais invité à
deux tables rondes, une à la cinémathèque et une à Beaubourg [...] Et c’est à ce
moment-là que j’ai rencontré pas mal de gens de l’équipe, comme Stéphane
Delorme. [...] Je l’avais croisé deux ou trois fois à propos de cette revue autour de
quelques connaissances communes. Donc on s’est reconnus, on a discuté à ce
moment-là et quand il a cherché du monde au moment de la nouvelle équipe des
cahiers il m’a contacté.
L’Internet est également mobilisé comme outil de création et de diffusion. David
Dufresne se décrit comme essentiellement intéressé par les manières de « raconter le
monde », et investit dans l’expérimentation de celles-ci, enrichies par l’émergence de
l’hypertexte, du minitel, puis de l’Internet. Par le biais de ces créations, produites et
diffusées par Arte et sur l’Internet, David Dufresne maintient un pied dans le territoire
professionnel journalistique, alors que les compétences et statuts qu’il cumule lors de
leur réalisation appartiennent à d’autres domaines professionnels.
Nicolas Kayser-Bril conçoit l’Internet au service de la créativité dans la production
d’actualités, en s’emparant notamment des données publiques pour faire émerger des
informations et des formes interactives de visualisation de celles-ci.
Enfin, l’Internet représente, pour Martin Belam, une mission à accomplir auprès des
médias, au sens où il doit sans cesse justifier son utilisation dans les rédactions. S’il
dit avoir souhaité se distancier du journalisme tout au long de sa carrière, notamment
lorsqu’il s’est confronté aux résistances de ses commanditaires sur certains rendus, ce
sont aussi ses « ressentis » qui l’ont amené à retourner vers le journalisme. Le soir des
attentats du 13 novembre, il est à un concert. Lorsqu’il rentre, il retrouve son téléphone
qu’il a laissé à la maison, et découvre ce qui est en train de se dérouler à Paris au
même moment. À ce moment-là, il se dit que le journalisme, c’est vraiment le milieu
dans lequel il souhaite travailler.
Les quatre professionnels demeurent à la marge du territoire professionnel journa-
listique. Seul Joachim Lepastier devient journaliste. Cependant, il continue de se
distinguer de la profession en insistant sur son statut de critique et non de journaliste.
Cette position est également décrite comme un choix par David Dufresne et Nicolas
Kayser-Bril. Mais pour Martin Belam, il s’agit plutôt d’une situation par défaut.
En définitive, il s’agit pour ces acteurs non pas d’accéder à un territoire
professionnel, mais de le marquer par des compétences autres que celles mises en
œuvre par les journalistes au sein des médias. Ces derniers font appel aux profes-
sionnels rencontrés comme « personnels de renfort » (Becker, 1982, p. 41), qui parti-
cipent à la réalisation des productions, mais dont l’activité n’est pas considérée
comme « cardinale » par la profession journalistique. Ce statut s’illustre dans la
30 Atypies et temporalités
fragilité de la reconnaissance qui leur est attribuée et qui s’illustre dans une succession
de contrats d’auto-entrepreneuriat
(soit la forme contractuelle la plus profitable
économiquement pour les commanditaires, et rejetée par la profession journalistique
pour qui le paiement sur facture est un critère de refus de délivrance de la carte d’iden-
tité journalistique par la Commission de la carte) sans jamais que leurs compétences
ni leur personne ne soient « internalisées » par les entreprises médiatiques. Parfois,
tels des « naïfs » (Becker, 1982, p. 265), qui n’ont à l’origine aucune relation avec le
territoire professionnel auxquels ils participent, et une méconnaissance de ses normes,
plus souvent comme « franc-tireurs » (Becker, 1982, p. 242), c’est-à-dire issus du
territoire professionnel, mais en retrait par choix, ces acteurs adoptent les conventions
du monde journalistique, mais en transgressent d’autres, participant ainsi à son
renouvellement lorsque leurs « innovations » sont intégrées par les entreprises. Les
professionnels interrogés travaillent souvent à distance, en auto-entrepreneur, sans
volonté pour les entreprises médiatiques d’internaliser ce type de profils. Les activités
prises en charge par ces acteurs demeurent de niches. Les professionnels compétents
dans les domaines de l’analyse des méga-données ou encore dans la réalisation de
documentaires interactifs forment un microcosme.
2.4.
Une revalorisation des contraintes professionnelles
et personnelles
Les quatre acteurs interviewés revalorisent les contraintes professionnelles qu’ils
rencontrent pour accéder à un statut professionnel. Dans cette perspective, Martin
Belam, développeur et architecte d’information, tour à tour salarié et prestataire pour
divers médias britanniques, devient manager des réseaux sociaux au sein même de la
rédaction et encadre cinq journalistes chargés de la publication sur les différentes
plateformes. Son statut précaire de free-lance lui confère une plus grande autonomie
de travail.
Pour Nicolas Kayser-Bril, qui décrit sa connaissance de l’anglais comme la
compétence essentielle l’ayant guidé dans son parcours, proposer ses services à
l’international lui paraît la clef du succès. Il s’est essayé aux pratiques journalistiques
pendant trois semaines au Liban. Il a développé le site web d’un candidat aux élections
présidentielles au Gabon, et il a postulé auprès du groupe médiatique Ringier, en
Suisse, avant d’être recruté par une ONG à Berlin. Lorsque le média Owni, pour lequel
il travaillait, a fermé, il a tenté avec Pierre Romera de vendre leurs services à des
médias britanniques et français. Journalism++ a été fondé à Berlin, et Nicolas
Kayser-Bril dit que « ce que nous avons fait, nous n’aurions pas pu le faire si nous
étions restés à Paris ». Le fait d’être sur plusieurs villes leur a permis d’élargir leur
réseau, et surtout, de mettre en lien les Français avec d’autres, « parce que les
Français, au moins à l’époque, étaient complètement incapables de sortir de Paris ».
Malgré ces bénéfices, ces contraintes professionnelles exigeantes, impliquant de
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 31
s’expatrier et de connaître plusieurs langues, sont repensées en avril 2017. Nicolas
Kayser-Bril et Pierre Romera décident de fermer Journalism++ pour des raisons
financières : « c’est absolument impossible pour une micro-entreprise d’opérer sur
deux pays, trop compliqué, trop risqué, trop cher. Je vous passe les détails du droit
fiscal et du droit du travail, mais c’est l’enfer ». En étant sur deux pays (France et
Allemagne), ils se sont confrontés à des difficultés de gestion en raison du droit fiscal
et du droit du travail. Mais cette expérience leur permet aujourd’hui d’avoir construit
un réseau de professionnels plus élargi et leur offre de nouvelles opportunités de
travail.
Martin Belam et David Dufresne sont régulièrement contraints de se déplacer à
l’international pour des raisons professionnelles. L’absence de locaux de travail ne
semble pas être un frein à leurs activités. Dans son parcours professionnel, Martin
Belam voyage depuis la Grèce en Angleterre et en Autriche en tant que free-lance
dans le cadre de missions bien déterminées. Et les réalisations de David Dufresne, qui
actuellement réside au Canada, continuent d’être produites par Arte. Ainsi, il revient
régulièrement en France au moment du lancement de ses nouvelles productions, pour
en faire la promotion.
Mais dans ces deux cas, il s’agit aussi de contraintes personnelles et familiales qui
ont motivé leur réorientation et leur mobilité : problèmes de santé, désir de fonder une
famille ou encore recherche de conditions de vie plus tranquilles et moins chères.
C’est lorsque Martin Belam connaît un moment professionnel délicat, qui le fatigue,
dit-il, qu’il décide de réaliser un rêve partagé avec sa conjointe, celui d’aller vivre
« d’amour et d’eau fraîche » en Grèce. Martin Belam décrit cette vie, financée
essentiellement par des missions en tant que free-lance, comme infusée par la liberté.
C’est également pour des raisons familiales, que Martin Belam et son épouse
retourneront au Royaume-Uni, lorsque ces derniers décident de fonder une famille.
Ils se rendent compte en effet que la concrétisation de ce projet, sera plus simple dans
leur pays d’origine (notamment car ils en maîtrisent le système de soin, et que c’est
plus proche de la famille). Martin Belam accepte alors un emploi au Guardian, de
quatre jours par semaine, en tant que responsable de l’expérience usager (user-
experience). Enfin, dans le cas de David Dufresne, l’envie de faire découvrir d’autres
cultures à ses enfants et de connaître « d’autres horizons professionnels », l’a guidé
dans son expatriation.
Ces contraintes révèlent des interdépendances entre sphères privée et profes-
sionnelle. Elles sont en outre revalorisées en capacités de mobilité professionnelle et
géographique (Berlin, Grèce, Autriche, GB, Canada), dans les cas des quatre acteurs
interviewés. Ces formes de mobilité ne sont pas nouvelles au sein des professions
journalistiques et artistiques. Au sein du journalisme, elles sont considérées comme
un gage de sérieux, le média investissant dans l’envoi d’un journaliste à l’étranger.
Elles sont également perçues comme un gage de qualité des productions car ces
dernières ont nécessité un travail d’immersion sur le terrain (Ruellan, 1993, p. 89).
32 Atypies et temporalités
Elles peuvent également être le signe de la précarité de la profession (Frisque, Saitta
et Ferron, 2011 ; Leteinturier, 2014). Dans le cas des professions artistiques :
La mobilité [apparaît] comme le corollaire inévitable d’une forte prise de risque
initiale dans des univers contingents, où l’apprentissage et la réussite dépendent de
l’accumulation maîtrisée d’une suite d’expériences, de relations et d’informations
qui ne renseignent que progressivement les candidats sur l’éventuelle (in)adéqua-
tion de leurs aptitudes avec les professions concernées. (Forest, 2013, p. 110).
Si cette mobilité est due à la précarité de leurs statuts, elle permet également de
« vivre pleinement sa passion ».
Les contraintes à l’œuvre sont enfin revalorisées par les professionnels en capacités
d’autonomie et de flexibilité, notamment en termes d’horaires et de jours de travail...
Martin Belam et Nicolas Kayser-Bril font respectivement état de nuits blanches
passées à résoudre des problèmes techniques, ou de l’envie de ne rien faire et de se
laisser porter à la suite de la fermeture de l’entreprise : « prendre du temps pour sortir
un peu ». Ces deux capacités : flexibilité et autonomie sont centrales dans les discours
actuels des industries créatives sur le développement d’« entrepreneurs créatifs ».
L’une des visées de ces discours sur les industries créatives est :
… de favoriser et de justifier le développement de la flexibilité du travail au sein
de l’économie artistique et, au-delà, dans l’ensemble de l’économie. [...] Le
travailleur créatif-type, tel qu’il est présenté dans des rapports officiels européens
sur les industries créatives, est un auto-entrepreneur dans le cadre d’une économie
libéralisée où la flexibilité au travail doit devenir la règle.
[...] Dans cette
perspective, l’autonomie et la flexibilité structurent à la fois la création, la vie
personnelle des individus et l’activité professionnelle. (Bouquillion, Miège et
Moeglin, 2013, p. 67-68).
Si une confusion entre sphères privée et professionnelle est caractéristique de
l’économie créative (Ibid., p. 68) qui se développe depuis plusieurs décennies, il ne
s’agit pas d’une spécificité nouvelle en journalisme, en cinéma ou en audiovisuel.
Les deux temps de notre article correspondent aux deux étapes d’étude des carrières.
Dans le temps court, le développement de pratiques en communication se dessine
comme une bifurcation en rupture avec leur activité initiale. Les parcours de ces pro-
fessionnels témoignent ici de tactiques de légitimation dans des secteurs profes-
sionnels aux frontières souvent floues et poreuses. L’ambivalence du journalisme
réside dans le fait que d’un côté, la profession cherche à ré-ajuster, à repositionner et
à renouveler ses pratiques et que de l’autre, elle s’emploie à dresser des barrières
d’accès à son territoire. En ce sens, les réorientations que les professionnels rencontrés
déploient sont parfois délicates à justifier du fait du travail de différenciation constant
du journalisme d’avec la communication. En effet, si la communication relève d’une
activité participant à les rapprocher du journalisme, physiquement, mais aussi en
Les parcours professionnels entre journalisme et communication 33
termes de pratiques, leur statut de communicant se trouve quant à lui masqué au
bénéfice de leur appartenance journalistique.
Dans le temps long, l’acquisition de compétences communicationnelles se présente
comme une étape de leur carrière individuelle. Ainsi s’inscrit-elle dans une volonté
d’accès à un territoire professionnel, dans une quête de reconnaissance par les pairs,
ou encore dans la concrétisation d’un idéal de travail plus autonome (Demers, 1989),
indépendant ou encore artisanal (Becker, 1982). Dans la réalisation de cette ambition,
les professionnels interrogés se sont formés de manière autodidacte à des outils
techniques. Les entreprises, quant à elles, tentent de structurer ces activités et de les
internaliser (Schmitt et Salles, 2017). L’hybridité entre journalisme et communication
s’inscrit alors dans des stratégies de professionnalisation, à l’échelle d’un individu ou
d’une entreprise.
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