L’atypie standardisée :
Incertitudes et hybridité des trajectoires
journalistiques en Belgique francophone
Olivier Standaert
Chargé de cours (Assistant Professor)
à l’École de journalisme de Louvain (EjL),
Université catholique de Louvain (Belgique) -
Observatoire de Recherche sur les Médias
et le journalisme (ORM).
Olivier.standaert@uclouvain.be
38 Atypies et temporalités
Résumé
Le présent article étudie l’hybridation des trajectoires d’insertion professionnelle
parmi les nouveaux journalistes de Belgique francophone. Évoluant dans un marché
où le volume d’emplois salariés diminue constamment, la majorité des journalistes
débutants doivent assurer eux-mêmes la continuité de leur trajectoire durant des
périodes tendant à s’allonger. Eu égard aux définitions classiques de l’insertion
professionnelle, le marché étudié laisse apparaître des transitions marquées par des
formes d’emploi atypiques peu claires en termes de débouchés. Ceci influe sur le
degré de mobilité dans et en dehors du marché, sur l’incertitude et l’individualisation
des trajectoires professionnelles débutantes.
L’impact de ces situations sur les temporalités subjectives de l’insertion est étudié
à partir des nouvelles formes identitaires créées par cette déstandardisation des
carrières. Partiellement éloignées des idéaux d’avant-carrière et des valeurs tradition-
nelles ayant réussi à faire du journalisme une profession plus ou moins bien
positionnée dans le champ social, ces formes identitaires reconfigurent la vision de
son propre avenir en le fixant souvent sur un horizon de (très) court terme. Cette
difficulté à envisager harmonieusement sa trajectoire future, en conformité aux
attentes initiales, reconfigure les liens spécifiques que les jeunes journalistes nouent
avec un métier dans lequel ils souhaitaient initialement s’installer durablement.
Mots clés : insertion, journalisme, flexibilité, trajectoires professionnelles, précarité
Abstract
This paper focuses on the hybridization of career paths among younger journalists
in French-speaking Belgium. Moving into a market where the number of stable jobs
is constantly decreasing, most of journalists have to ensure by themselves the
continuity of their professional trajectory during longer periods. Compared to classical
definitions of integration, the analysed market reveals uncertain transitions, marked
by atypical forms of employment and a high turnover inside and outside the
journalistic field. The flexibility, the uncertainty and the individualization of early
professional trajectories are others indicators of this unsecure labour market, as well
as combinations between journalistic and non-journalistic activities.
We also analyse the consequences of this background on the personal temporalities.
The identity forms developed by young journalists partially deny pre-career ideals and
traditional values that have succeeded in making journalism a profession relatively
well positioned in the social field. These identity forms drastically shape the vision of
one’s own future, often fixing it on a (very) short-term horizon. This difficulty in
considering its future trajectory in a harmonious way reconfigures the specific links
that young journalists share with a profession in which they initially wanted to settle
permanently.
L’atypie standardisée 39
Keywords: professional integration, young journalists, flexibility, career paths,
precariousness
40 Atypies et temporalités
Les formes et les effets de la flexibilisation des ressources humaines sur l’insertion
des jeunes journalistes de Belgique francophone sont au cœur d’une appréhension
paradoxale : dans ce marché de moins de cinq millions de personnes, l’ensemble des
éditeurs souligne plus ou moins volontiers l’obstruction sévissant à l’orée du marché
du travail et ses conséquences problématiques pour le renouvellement des rédactions
et les carrières des nouveaux entrants. Ceci se base sur une tendance lourde : depuis
le début des années 2000, le volume d’équivalents temps plein salariés ne cesse de
diminuer (Standaert, 2016). Il est partiellement remplacé par différentes formes
d’emplois qualifiées de « particulières » (Givord, 2005) ou d’« atypiques » (Organisa-
tion Internationale du Travail, 2016), le plus souvent non salariées, à temps partiel ou
à durée déterminée. Elles concrétisent, dans le chef des éditeurs, des objectifs de
maîtrise des budgets alloués aux ressources humaines. Les insertions fugitives et les
sorties précoces du marché journalistique, les combinaisons de différents statuts et
activités, des revenus irréguliers ou insuffisants ainsi qu’une faible lisibilité des
carrières à court et moyen terme sont quelques-uns des effets problématiques de l’éro-
sion du volume d’emplois stables. Ce qui peut sembler paradoxal, en Belgique
francophone, c’est que pratiquement aucune action collective n’a été menée, de
manière structurée et concertée, pour inverser cette tendance particulièrement mar-
quée au sein du secteur des médias d’information générale, mais plus variable dans
les secteurs périphériques, comme les maisons de production, la presse profession-
nelle ou d’entreprise. Les débuts de carrière difficiles sont devenus, par conséquent,
une sorte de lieu commun du groupe professionnel, contesté ou regretté par certains,
tu ou validé par d’autres.
Cet article a pour but d’analyser, au plus près des individus, les trajectoires d’inser-
tion dans le marché analysé et de montrer comment la gestion flexible des nouveaux
journalistes entraîne une standardisation de l’usage et de l’appropriation des formes
d’emplois qualifiées d’atypiques ou de particulières. Étudiée au moyen d’une enquête
longitudinale et compréhensive des trajectoires d’insertion de 27 journalistes, cette
problématique croise notamment la question de l’hybridation des parcours journalis-
tiques au contact d’autres métiers plus ou moins proches, des industries culturelles ou
des professions intellectuelles. Elle interroge aussi, à travers un travail d’analyse des
formes identitaires, la constitution de temporalités professionnelles profondément
marquées par les conditions d’emploi les plus courantes à l’orée du journalisme.
1.
Caractéristiques générales du groupe d’enquête
Cinquante-quatre entretiens de recherche, menés auprès de 27 journalistes ayant
moins de cinq ans d’ancienneté, ont permis de récolter autant de récits centrés sur les
parcours professionnels, leurs aléas, leurs avancées, leurs réussites et leurs désillu-
sions. Ensemble, ces entretiens, menés deux fois avec chaque répondant, réunissent
L’atypie standardisée 41
une cinquantaine d’heures d’enregistrement sur une période de deux ans (2011-2013).
Ils ont été précédés de cinq entretiens exploratoires menés auprès d’un échantillon
répondant à des caractéristiques identiques : travailler (ou avoir travaillé) de façon
rémunérée dans le marché journalistique belge francophone depuis moins de cinq
années complètes. Tous les individus ont accepté le cadre fixé préalablement : la
sélection des thématiques par le chercheur, l’anonymat garanti aux interlocuteurs,
l’accord pour fixer deux rendez-vous espacés de douze à dix-huit mois en fonction
des circonstances et des disponibilités mutuelles.
Le groupe d’enquête reflète plusieurs caractéristiques de la morphologie du groupe
professionnel à l’entrée de la profession (Standaert, 2016), comme la proportion
majoritaire de femmes dans la population des jeunes journalistes. L’âge moyen des
répondants lors du premier entretien est de 24 ans, et l’ancienneté moyenne sur le
marché du travail journalistique y est de 22,8 mois, soit presque deux années
complètes. La grande majorité du groupe d’enquête (25 sur 27) a suivi un cursus de
l’enseignement supérieur de type long (cinq années), et tous possèdent une formation
spécifique en journalisme, dispensée dans presque tous les cas en Communauté
française de Belgique. Le phénomène de l’élévation générale du niveau de formation
s’observe par le biais des doubles diplômes de l’enseignement supérieur : douze
individus possèdent deux (ou plus de deux) diplômes de ces filières. Ces évolutions
reflètent ce que disent d’autres études récentes sur ce thème (Leteinturier, 2014 ;
Bouron, Devillard, Leteinturier et Le Saulnier, 2017).
Du point de vue des statuts et des employeurs, les données recueillies lors des
entretiens offrent un panorama des statuts représentatif de ceux observés sur un
échantillon plus large (Standaert, 2016) : lors du premier entretien, seize individus
opèrent sous statut d’indépendant, cinq sous contrat à durée déterminée, trois sous
contrat à durée indéterminée (CDI), deux sont indépendants à titre complémentaire et
une personne est statutairement au chômage (ce qui ne l’empêche pas d’exercer une
activité journalistique régulière). Ces chiffres rendent compte de la majorité de statuts
sans pérennité de revenus et/ou de stabilité au sein des journalistes débutants.
À propos des employeurs principaux, huit journalistes travaillent conjointement
(mais le plus souvent selon des rythmes et des modalités différentes) pour plusieurs
supports de diffusion à la fois. Ce sont donc des profils bi, voire trimédia. Sept autres
opèrent dans le secteur de la presse quotidienne, quatre au sein de radios, trois dans la
presse magazine, autant pour le web (pour les rédactions numériques de médias tels
que la presse quotidienne ou la télévision) ; une personne travaille dans la presse
d’entreprise et une autre pour la télévision. De nombreux journalistes décloisonnent
leurs activités et entament leur carrière dans plusieurs sous-marchés à la fois.
L’identification d’un profil à travers un support de diffusion unique a perdu toute
pertinence lorsque sont étudiées les trajectoires débutantes en journalisme. Ce ne sont
pas tant les choix individuels des acteurs qui permettent d’expliquer cet amenuisement
des cloisons entre supports de diffusion. C’est avant tout le reflet du processus de
42 Atypies et temporalités
convergence des supports et des moyens de diffusion mis en place dans la grande
majorité des entreprises du marché (Antoine et Heinderyckx, 2011), plaçant la
polyvalence (technique, notamment) au cœur des attentes des employeurs. C’est
également une conséquence de l’impossibilité de plus en plus fréquente de travailler
à temps plein pour un seul et même média.
2.
Rendre lisible des trajectoires imprévisibles :
cadrage méthodologique
Du point de vue méthodologique, les 54 entretiens semi-directifs permettent une
reconstruction, par le chercheur, des situations objectives1 des trajectoires profes-
sionnelles à partir de certains paramètres (voir plus bas). Il s’agit d’une approche
inductive du contenu des entretiens, destinée à ordonner des informations hétérogènes
et exprimées, en entretien, de manières très diverses. Outre la conduite des entretiens,
leur réécoute et leur retranscription complète, il s’agit de produire peu à peu des
énoncés phénoménologiques mettant en évidence ce qui est avancé par les enquêtés
et le vécu explicité à travers leurs propos. Ces énoncés « correspondent bien sûr à un
certain niveau d’analyse et créent une distance, même minime, par rapport au
témoignage correspondant » (Paillé et Mucchielli, 2003, p. 148). Mais ils restent un
« exercice de description authentique » des éléments les plus probants par rapport à la
problématique générale de recherche, et non une quelconque étape de classification
ou de conceptualisation des données. C’est sur ce travail méthodologique que
s’appuie, principalement, le présent article.
Le matériau recueilli permet dans un second temps de dégager « les significations
que les acteurs ou agents associent aux situations qu’ils vivent » (Bessin, Bidart et
Grossetti, 2010, p. 32-33). L’objectif est alors de cerner les formes identitaires (Dubar,
1998) à l’entrée du groupe professionnel, en exploitant notamment les logiques
discursives et narratives des entretiens lorsqu’ils justifient, entre autres, des options
de carrières ou tout autre événement jugé significatif par l’interviewé. Il s’agit d’une
approche compréhensive, appuyée sur un socle théorique interactionniste ancré dans
les sources exploitées. Elle sert, ici, à expliciter certains effets identitaires des
trajectoires d’insertion étudiées.
Constatant l’hétérogénéité des parcours et des logiques de mise en récit déployées
par les enquêtés, la clarification des situations objectives d’emploi est appréhendée ici
comme une étape préalable à toute démarche comparative et compréhensive de
l’insertion sur le marché du travail journalistique. L’exercice de
« description
1 Il faut comprendre par ce terme qu’il s’agit de situations concrètes (d’emploi et de travail) exposées
lors des entretiens par l’enquêté, à l’exclusion de toute référence aux significations et aux jugements
qui leur sont attribuées dans la foulée.
L’atypie standardisée 43
authentique » annoncé plus haut se manifeste par l’entremise d’un bref récit
chronologique des trajectoires professionnelles des enquêtés. Pour rendre lisibles et
comparables les situations objectives d’emploi, il a fallu repérer, puis extraire des
récits certains indicateurs suggérés par la littérature scientifique de la sociologie des
professions et de l’insertion. La démarche phénoménologique appliquée au corpus
d’entretiens révèle qu’ils les abordent tous, mais selon des modalités et des accents
variables. Il s’agit des différentes formes de (1) mobilités, (2) d’incertitudes, et
(3) d’individualisation des trajectoires de carrières (Supiot, 2011). Ces trois thèmes
ne se donnent pas tels quels au regard du chercheur. Ils se coulent dans la mise en
récit, dans la trame narrative, dans le choix des termes et des expressions, bref dans le
matériau langagier.
Mais, et c’est en cela que l’approche peut être qualifiée d’objectivante, ces thèmes
trouvent à s’exprimer dans une série d’indicateurs concrets et repérables au fil des
entretiens, répondant aux critères de fidélité tels que définis en sciences sociales (De
Bonville, 2006, p. 178). Il s’agit du statut social, du nombre et du type d’employeurs,
de l’employeur principal (en termes de temps de travail), des changements d’em-
ployeurs et de marché du travail, des modes de rémunérations, des postes occupés,
des candidatures posées (acceptées ou non), des positions hiérarchiques ainsi que des
dispositifs d’aménagements du temps de travail. De coutume, le statut professionnel
et le rang hiérarchique sont les exemples même des indicateurs de la situation
d’emploi. Mais le premier peut être également un indicateur d’une forme d’incerti-
tude, voire d’une forme de flexibilité. Cet exemple démontre à la fois la polysémie et
la pertinence des indicateurs retenus. S’ils font courir le risque de devenir des indica-
teurs prêts à l’emploi, capables d’exprimer ce que quiconque voudrait qu’ils
expriment, il faut rappeler que l’objectif de cette approche n’est aucunement d’appré-
cier ou de qualifier les trajectoires. Ces indicateurs sont seulement et uniquement des
repères, des balises, tantôt chronologiques, tantôt situationnelles, permettant au cher-
cheur, en dépit d’un degré de précision parfois inégal, de s’atteler à réécrire les
27 trajectoires à partir de bases référentielles communes.
Cette approche appelle quatre remarques :
L’épaisseur temporelle des doubles entretiens permet au chercheur de
mesurer les évolutions relatives en termes de mobilité, d’incertitude, de
flexibilité et d’individualisation. C’est un objectif capital pour qui s’attache
à comprendre comment et dans quelle mesure le marché génère ces
phénomènes intrinsèquement ancrés dans une dynamique processuelle. Par
conséquent, les indicateurs ont aussi été choisis pour la facilité avec laquelle
leurs évolutions sont mesurables. Ils imposent également une logique de
regard croisé : la prise en compte des évolutions entre les entretiens oblige
le chercheur à vérifier une seconde fois toutes les situations initiales décrites
dans un premier temps. Ceci assure que le dessein descriptif du travail n’a
pas été altéré.
44 Atypies et temporalités
Ces récits « objectivés » de trajectoires ne peuvent se contenter de la seule
matière informative fournie par les indicateurs. Un minimum de contextua-
lisation est nécessaire pour étoffer la vision d’ensemble des trajectoires. Les
indicateurs forment donc le « squelette » des 27 récits, sur lequel se greffe
une « chair » constituée de divers éléments factuels leur rendant une part de
leur originalité.
Il n’y a pas de critique interne du contenu exploité. Ce travail ne juge donc
pas la véracité des propos tenus, il se borne à les exploiter en veillant à ne
pas les déformer, ni à les interpréter. Du reste, l’analyse de la cohérence des
27 parcours a été systématiquement menée lors de la retranscription des
entretiens, et, avant cela, lors du second rendez-vous (reprenant notamment
la situation finale de l’enquêté lors du premier entretien). Les contradictions,
incohérences et incompréhensions dans les situations mises en récit ont été
relevées et traitées préalablement.
Il n’y a aucune volonté, dans ce travail, de se prononcer sur la question des
causalités ; l’objectif n’est pas de signifier, sous-entendre ou suggérer que
tel événement est causé par tel autre. Certes, de nombreuses bifurcations
seront exposées et la construction des récits par le chercheur pourra quelques
fois donner l’impression que des causalités existent. Sans nier l’existence de
formes d’interdépendances entre les événements, ni leur influence sur l’effet
réel supposé des causalités avancées, la question reste complexe et l’optique
méthodologique choisie renvoie l’explicitation de ces causalités aux
enquêtés eux-mêmes. L’existence de liens de causes à effets relève en
premier lieu du niveau du discours tenu par l’enquêté, qui s’attache entre
autres à restituer à son parcours un « vernis logique » (Vilfredo Pareto, cité
dans Olivier de Sardan, 2008, p. 61). Il n’appartient pas à cette étape du
traitement des entretiens de se réapproprier cette dimension, encore moins
de l’interpréter. Les liens de causalité que peut sous-entendre le travail
d’écriture des trajectoires ne renvoient donc pas (systématiquement) à ceux
que l’enquêté aurait éventuellement mis en récit. Ils ne sont pas davantage
issus d’une sélection du chercheur. Ils sont à imputer à la reconstruction des
trajectoires sur la base des indicateurs choisis, qui peut laisser sous-entendre
des causalités2. Mais il n’y a aucune volonté d’écrire ou faire lire les
bifurcations selon un schéma de causalité défini. L’approche générale de ce
travail s’inscrit pleinement dans la tendance sociologique cherchant à
2 À la suite d’Alvaro Pires, il y a lieu de considérer « que chaque fois que le chercheur se prononce
sur ce qui produit quelque chose, il fait une analyse causale ». C’est d’une certaine façon ce qui a été
fait à travers cette démarche de repérage d’indicateurs et le travail d’écriture qui en découle. Mais
l’intention, ici, n’est pas de se prononcer en tant que tel. Il s’agit de décrire et de réordonner les
parcours à partir d’indicateurs bien définis (Pires, 1989, p. 37).
L’atypie standardisée 45
redonner une place à l’événement et aux bifurcations, entendues ici comme
des « moments d’incertitude débouchant sur des changements de plus ou
moins grande ampleur » (Bessin, Bidart et Grossetti, 2010, p. 11). À la suite
des travaux d’Everett Hughes et de l’introduction du concept de turning
point, suivis par le développement des approches biographiques en France,
cette optique rompt avec les approches fonctionnalistes et structuralistes en
ce qu’elle « limite l’emprise des déterminismes sociaux, permet de situer des
points de liberté, d’identifier des possibles. […] La sélection des possibles
se ferait successivement et progressivement, à la façon dont un parcours est
effectué de carrefour en carrefour jusqu’à parvenir à un terme encore
inconnu » (Balandier, 1988, p. 84-85). C’est exactement l’optique dans
laquelle ont été retracées les 27 trajectoires du groupe d’enquête. Elles
doivent se percevoir sous un angle processuel, donnant aux imprévisibilités,
incertitudes et réorientations une place à part entière en même temps qu’elles
tendent, dans la lignée de l’évolution des paradigmes scientifiques, à
dépasser le schéma unicausal classique.
3.
Analyse des résultats : une norme instable au cœur
des trajectoires journalistiques
L’analyse des 27 parcours à partir du cadre fixé plus haut, synthétisée en annexe,
permet de pointer schématiquement toutes les évolutions auxquelles il a été décidé de
prêter attention, individu après individu. Cette démarche permet une analyse agrégée
des évolutions observées par le biais des indicateurs. Elle éclaire, au plus près des
trajectoires et des situations professionnelles exprimées en entretien, la manière dont
prend forme l’hybridation des trajectoires à l’orée du marché journalistique. En voici
les principaux enseignements :
Changement d’employeur principal : Treize jeunes journalistes sur 27, soit
pratiquement un sur deux, ont changé d’employeur principal entre le premier
et le second entretien. L’employeur principal désigne celui qui offre la
source principale de revenus.
Changement de statut professionnel : Quatorze individus sur 27, soit un sur
deux, ont changé de statut social/professionnel entre le premier et le second
entretien. Pour six d’entre eux, demeurés dans le marché journalistique, ce
changement de statut offre une amélioration du point de vue de la sécurité
d’emploi et/ou de revenus. Les changements de statuts assortis d’une sortie
du marché journalistique s’assortissent, dans trois cas sur cinq, d’une
amélioration statutaire sous forme d’obtention d’un CDI.
Temps de travail moyen dans le journalisme : Dix-sept individus ont vu leur
temps de travail moyen consacré aux tâches journalistiques varier entre le
premier et le second entretien. Pour neuf d’entre eux, il s’agit d’une
46 Atypies et temporalités
augmentation, tandis que pour les huit autres, le temps moyen consacré au
journalisme a diminué. Pour cinq personnes, la diminution équivaut à un
arrêt complet de toute activité journalistique.
Rémunération moyenne dans le journalisme : Vingt-quatre journalistes sur
27 ont noté une modification de leur rémunération moyenne extraite de leurs
activités journalistiques. Pour quatorze d’entre eux, soit un peu plus de la
moitié, les revenus moyens issus du journalisme ont augmenté, ceci incluant
aussi les mécanismes de hausses automatiques tels que l’indexation
salariale. Le tableau ne précise pas si l’augmentation est précisément auto-
matique, ou si elle exprime une hausse du volume d’activité, une renégo-
ciation des tarifs, une nouvelle relation professionnelle. Tous les cas de
figure ont été rencontrés. S’agissant des indépendants, ces hausses de rému-
nération sont le plus souvent couplées à des hausses du volume de travail.
Sans surprise, il y a une corrélation systématique entre la baisse du temps de
travail et celle des revenus extraits du journalisme.
Sorties du champ journalistique : Six individus, soit environ un sur cinq, ont
quitté le champ journalistique entre le premier et le second entretien. Il faut
comprendre que pendant cette période dite de sortie, l’individu n’effectuait
plus aucune tâche journalistique rémunérée. Cinq de ces sorties étaient
toujours effectives lors du second entretien, ce qui signifie que ces individus
avaient quitté durablement le champ. Une de ces sorties était temporaire,
l’individu ayant retrouvé un travail journalistique entre-temps.
Changement de position hiérarchique : Les positions hiérarchiques n’ont que
très rarement évolué entre les deux entretiens. Deux individus se sont
toutefois élevés dans la hiérarchie interne à leur employeur principal.
Changement des tâches et affectations : Le contenu du travail et des tâches
effectuées connaît davantage de changements. Lors du second entretien,
neuf individus accomplissent des tâches qu’ils ne réalisaient pas lors du
premier. Il y a une forte corrélation entre le changement d’employeur et
l’apparition de tâches nouvelles, a fortiori si le nouvel employeur diffuse sur
un autre support.
Employeurs acquis et perdus : L’acquisition et/ou la perte de relations
professionnelles est un des indicateurs les plus compliqués à suivre à la trace,
mais également un des plus symptomatiques d’une certaine forme d’instabi-
lité et de mobilité3. Vingt individus gagnent et/ou perdent un employeur au
3 Une relation est considérée comme perdue sur la base des déclarations de l’enquêté, qui signifie ne
pas pouvoir envisager de renouer avec un employeur avec lequel il a cessé d’être en contact (de son
gré ou non). Il faut donc distinguer les relations intermittentes et interrompues des relations stoppées.
Dans certains cas, l’arbitrage entre les deux apparaît flou et est alors marqué du sigle (f) dans la
colonne « nombre d’employeurs » du tableau synthétique en annexe.
L’atypie standardisée 47
cours de la période séparant les deux entretiens. Cette mobilité touche donc
quelque trois individus sur quatre. Invariablement, les individus qui
connaissent une situation identique entre les deux entretiens répondent aux
caractéristiques suivantes : ils travaillaient à temps plein pour un seul et
même employeur lors du premier entretien. Il n’est pas anodin de noter que
l’absence de changement d’employeur ne signifie pas qu’il n’y a pas eu
tentative ou velléité de changement. Ceci concerne deux des sept individus
du sous-groupe n’ayant pas connu de changement d’employeur.
Parmi les vingt individus ayant obtenu et/ou perdu des employeurs, la grande
majorité gagne et/ou perd jusqu’à trois relations professionnelles sur la
période. Au total, les vingt individus concernés par ce calcul gagnent et
perdent ensemble 62 relations professionnelles sur la période séparant les
deux entretiens, sans préjuger des termes et de la durée de ces relations, qui
sont quelquefois éphémères et ponctuelles. En moyenne, les vingt individus
concernés par des changements d’employeurs gagnent et/ou perdent
3,1 relations professionnelles sur une période allant de douze à dix-huit
mois. En incluant les sept individus n’ayant gagné ni perdu aucun
employeur, cette moyenne descend à 2,3. Autre observation significative, le
ratio total entre les relations acquises et perdues se situe très légèrement au-
dessus de zéro. Ce qui signifie qu’il règne un équilibre presque parfait, au
cours de la période d’analyse, entre le nombre de relations nouées et celles
qui ont été stoppées. Tout se passe comme si le phénomène des employeurs
multiples tendait à s’autoréguler et demeurait cantonné à une moyenne de
deux ou trois employeurs par individu. Une des explications possibles tient
au fait qu’en général, chaque journaliste possède un employeur principal, sur
lequel viennent se greffer des relations plus ponctuelles. Cet équilibre se
vérifie, individuellement, dans plusieurs cas, et le ratio entre employeurs
acquis et perdus n’excède que quatre fois le chiffre 1 parmi les individus
n’ayant pas quitté le marché du travail journalistique.
Candidatures inabouties : Enfin, le tableau synoptique permet d’éclairer un
phénomène obscur des trajectoires, et dont il n’est pas fait systématiquement
mention lors des entrevues : les tentatives inabouties ou restées lettre morte.
Leur recension n’intervient pas spontanément dans les entretiens, raison
pour laquelle ce point a fait l’objet d’une question ou d’une relance
spécifique. Ceci ne protège néanmoins pas des omissions, volontaires ou
non. Toujours est-il qu’il est possible d’évaluer, outre le nombre de change-
ments effectifs d’employeurs, d’autres démarches effectuées en vue de
bénéficier d’une mobilité dans et en dehors du marché du travail journa-
listique. C’est l’occasion de mesurer une nouvelle fois, par une autre voie,
l’expression des thèmes d’enquêtes : 14 individus, soit la moitié du groupe,
ont répondu à des appels et autres concours ou ont posé, sans succès, leur
48 Atypies et temporalités
candidature spontanée au cours de la période d’analyse. Quatre d’entre eux
ont postulé hors du journalisme, et deux ont effectivement quitté ce marché
du travail.
4.
Mobilité, incertitude et individualisation :
trois facettes d’un marché flexible
Ce panorama permet de constater, sur une période d’au minimum un an, l’intensité
avec laquelle les dimensions de mobilité, d’incertitude et d’individualisation
s’immiscent dans les trajectoires et expriment la flexibilité à l’œuvre dans le marché
analysé.
Pratiquement tout le monde semble devoir négocier les aléas de la mobilité au cours
de sa carrière. Le tableau ne précise pas sa nature ascendante ou non, ce qui affinerait
la vision des trajectoires. Certains indicateurs tels que les rémunérations, les statuts et
les avancées hiérarchiques permettent de cerner plus ou moins cette question et de
constater si la mobilité est source d’évolution positive. Envisagée depuis des trajec-
toires débutantes, la mobilité semble concerner avant tout la dimension horizontale du
marché du travail, avec des allées et venues parfois fréquentes d’un employeur à
l’autre (ou au sein d’un même groupe de presse) et la combinaison fréquente de
plusieurs relations professionnelles. Les profils insérés sous statut pérenne au sein de
leur premier employeur sont rares : il y en a trois au sein du groupe d’enquête. Pour
les 24 autres, le scénario est différent. La mobilité verticale (hiérarchique) reste très
occasionnelle et ne s’offre qu’aux personnes ayant déjà résolu le défi de la mobilité
horizontale en se stabilisant au sein d’un seul et même employeur. Il y a un lien de
cause à effet manifeste entre les deux phénomènes : la mobilité horizontale, aussi
longtemps qu’elle rime avec le multi emploi, contrarie les perspectives d’évolution
hiérarchique.
Enfin, s’agissant du champ journalistique, questionné de manière récurrente sur la
nature des relations qu’il noue avec d’autres champs (communicationnels entre
autres), il est significatif de constater que 14 membres du groupe d’enquête, soit la
moitié, a travaillé ou travaille encore, partiellement ou non, en dehors du marché
journalistique au sens strict de son appellation (les secteurs d’activité étant, par ordre
d’importance, la communication, l’enseignement, la recherche universitaire, l’entre-
preneuriat et les métiers administratifs). En ajoutant les entretiens exploratoires,
18 individus sur 32 sont concernés, soit plus de la moitié. C’est un chiffre qui rompt
avec les données traditionnellement issues des enquêtes de profil par questionnaire4,
4 La question est en effet rarement traitée dans les ouvrages reprenant de grandes études comparatives
faites à partir d’enquêtes par questionnaire. En Belgique, il semble qu’elle s’intègre peu à peu dans
les réalités étudiées (Raeymaeckers et al., 2013).
L’atypie standardisée 49
où la question de l’hybridité des carrières journalistiques n’est souvent qu’effleurée.
Il illumine sous un jour plus net la fréquence des liens entre les carrières journalistique
et non journalistique en début de carrière. La combinaison de deux activités en même
temps est moins fréquente, mais elle n’empêche pas cette question : les enquêtes
passant « à côté » du travail non journalistique sont-elles victimes de leur portée
généraliste ou de postures d’évitement dans le chef des répondants ? Ou est-ce, sur ce
point, la population des jeunes journalistes qui se démarque du reste du groupe
professionnel ? Il semble clair que la fragilité des situations d’emploi en début de
carrière pourrait amener les jeunes à chercher plus vite et plus fréquemment un
complément de revenus dans d’autres secteurs que les actifs plus âgés ; de plus en plus
de jeunes possèdent deux diplômes de l’enseignement supérieur, ce qui leur ouvre les
portes d’autres types d’emplois.
La notion d’incertitude sur le marché du travail relève tout autant d’une approche
psychologique de l’individu que de paramètres observables : les statuts, les candi-
datures posées et inabouties, sources d’attentes et génératrices de périodes de latence,
ainsi que les changements d’employeurs peuvent être interprétés comme les symp-
tômes de l’existence d’une forme d’incertitude. D’une personne à l’autre, la façon
dont sont vécues ces dimensions différera sensiblement en fonction de multiples
paramètres, dont l’intensité et la durée des périodes d’incertitudes. En additionnant
aux différentes candidatures (in)abouties le nombre de statuts ne garantissant ni des
revenus fixes, ni leur pérennité, il semble assez clair que l’incertitude fait partie inté-
grante du vécu de la majorité des jeunes journalistes interrogés. La « lecture » de
l’incertitude par une tierce personne, comme le chercheur, dépend en partie de la mise
en récit qui en est faite par l’enquêté. Celui-ci peut évoquer tour à tour le flou des
contrats, les tâches quotidiennes, leur (absence d’)évaluation, le regard d’autrui sur sa
propre valeur, de façon d’autant plus aiguë qu’il est acquis que les systèmes
d’évaluation sont tout sauf réguliers et systématiques. Outre cette lecture quotidienne
de l’incertitude, il convient d’épingler à des degrés divers, mais pour la très grande
majorité des enquêtés, des questions fondamentales quant à la poursuite de leur
carrière et leur capacité à se projeter à moyen terme dans le champ journalistique.
L’incertitude dépasse alors le doute passager et focalisé pour devenir radicale : « vais-
je rester journaliste, et si oui, pour combien de temps ? »
L’individualisation des parcours et des choix de carrière est un concept tout à fait
fondamental pour comprendre ce qui est à l’œuvre dans les marchés du travail des
économies occidentales. Elle ne naît pas que des nouvelles donnes économiques : « Si
marquantes qu’aient été la tourmente économique et la crise sociale depuis les années
1970, l’individualisme n’a pas surgi pour combler un vide social : son évolution vient
de loin » (Karpik, 2007, p. 347). Au niveau des relations professionnelles, elle est
étudiée notamment par Pierre-Michel Menger (2009, p. 361), qui décrit, au sujet des
professions artistiques, un phénomène qui n’est pas sans faire écho au journalisme :
« l’individualisation et la dispersion des relations d’emploi engendrent […] des
50 Atypies et temporalités
inégalités considérables entre ceux qui sont au cœur des réseaux les plus denses
d’interconnaissance, et qui se procurent au mieux l’information utile, et ceux qui sont
situés dans les zones les plus périphériques de ce système réticulaire de production et
d’échange incessant d’informations, d’évaluations et d’engagements, parce qu’ils sont
moins réputés, jeunes ou en voie d’insertion, trop peu mobiles ou trop indifférents aux
jeux sociaux qui supportent et orchestrent ces échanges d’informations et de
promesses d’embauche ». Lucien Karpik (2007, p. 231) abonde dans le même sens,
soulignant que « sur le marché de l’emploi, le dispositif personnel est plus efficace
que le dispositif impersonnel ». S’intéresser aux traces et aux effets de l’indivi-
dualisation des relations du travail, chevillée à la perte de vitesse des régulations, des
organisations et des significations collectives des activités laborieuses, devient une
nécessité pour ne pas oblitérer l’évolution des liens que l’homme contemporain
entretient avec le travail en tant qu’activité laborieuse rémunérée et assujettie (ou non)
à une relation contractuelle. La demande de relations plus souples, plus ajustables,
plus accommodables à l’émergence d’une société des loisirs et à la volonté de disposer
de temps pour soi et ses proches, a conduit les travailleurs à être eux-mêmes des
acteurs de ces évolutions dans les relations de travail et d’emploi.
Dans le cas présent, cette individualisation du fait professionnel se remarque par
l’unicité de chaque trajectoire : si les formations initiales se ressemblent, si les
caractéristiques socio-professionnelles du groupe d’enquête donnent une image assez
homogène de ce que sont les jeunes journalistes, il n’en faut pas déduire pour autant
que les cheminements suivent une logique convergente. Au-delà d’un air de famille,
les parcours se distinguent, les aspirations se creusent. Ceci n’évacue pas la question
du maintien de formes identitaires ou de projets comparables, voire similaires. Mais
de façon générale, plus l’individu tend à être lui-même, plus il sera différent. La
dispersion est une des caractéristiques majeures des parcours. Les rythmes chronolo-
giques de l’insertion, la variété des employeurs, les combinaisons statutaires et
d’emploi du temps, les allées et venues entre les marchés du travail, les subjectivations
des relations interpersonnelles, la prégnance des relations de réseaux (Granovetter,
2000), la fréquence des mouvements au sein même du marché journalistique sont
autant de paramètres objectifs de la profonde déstandardisation des trajectoires
professionnelles des jeunes journalistes.
Il faut ajouter à ces indicateurs une autre dimension de la mise en récit de sa propre
trajectoire : les projets personnels et privés, les souhaits d’autoréalisation, les
projections de soi-même sur cet « autre » qu’est le journaliste que chacun souhaite
devenir. La « décollectivisation » et la « réindividusalition5 » des trajectoires ne se
comprennent pas qu’à l’aune de la déstructuration du marché du travail. Elles
5 Pour reprendre les termes de Robert Castel (2009, p. 23), pour qui le capitalisme postindustriel a
défait ce que l’ère du capitalisme avait réalisé pour la reconnaissance de la signification collective de
la valeur du travail.
L’atypie standardisée 51
expriment aussi un mouvement de fond, un sillon inscrit dans le temps long, pour
reprendre la typologie de Fernand Braudel (Aguirre Rojas, 2004, p. 33), amenant à
donner une place de plus en plus importante à la réalisation de toutes les facettes du
soi. Ce potentiel à réaliser démultiplie les types de trajectoires possibles proportion-
nellement au nombre de configurations qu’autorisent les frictions entre les projets
portés par les jeunes journalistes et le monde dans lequel ils tentent de s’insérer. Il n’y
a plus de façon typique de franchir la cloison séparant les études et le travail, ni même
un parcours plus ou moins référentiel. Ceci met durablement à mal la vision
traditionnelle de l’insertion perçue comme une étape plus ou moins balisée au cœur
d’un processus d’avancement (Vernières, 1997 ; Fournier et Bourassa, 2000). Ses
contours actuels sont brouillés et distendus par un marché du travail ayant renoncé à
proposer à ses jeunes entrants des schémas prévisibles d’entrée en carrière, des étapes
repères préalablement définies (statutaires, barémiques, hiérarchiques) et une vision
dépassant le court terme ou des réflexions par étape ou projet. Ces évolutions
perturbent parfois sérieusement les visions que les jeunes journalistes déploient quant
à leur propre carrière, comme en atteste cet extrait d’entretien :
« À un moment, on se rend compte qu’il n’y a plus d’emploi salarié, ça ne sera
jamais qu’à la pige, je ne sais pas quand est-ce que cela va pouvoir évoluer vers
autre chose, et donc on se retrouve dans une impasse. Je réfléchissais quand même
fort à ma vie, à ce que je voulais faire. […] Et donc, finalement, je me suis
redirigée vers un autre secteur ».
Que l’insertion fût une période marquée par certaines formes de déqualification et
de contraintes spécifiques, aucun sociologue ne l’a jamais ignoré. C’est un lieu
commun des mondes du travail, certes variable d’une culture et d’une époque à l’autre.
Mais dans le cas présent, constater que ce processus se soit à ce point délité, allongé
et complexifié, renvoie à une réalité encore mal étudiée et peu interprétée en termes
de processus d’adaptation et de négociation, identitaire notamment. Le terrain
envisagé pour cette étude s’inscrit dans cette tendance. Les employeurs ne prévoient
pas de modus operandi bien déterminé dans leur recrutement (Standaert, 2017). Les
discours révèlent des procédures sans systématisme, sans garantie de reproductibilité,
sans grande prévisibilité, réagissant souplement aux impératifs et aux fluctuations des
effectifs.
En analysant les trajectoires sur une période suffisamment longue pour mesurer des
ruptures et des évolutions, et en se focalisant sur l’individu, l’impact de cette situation
sur l’individualisation des trajectoires se mesure dans toute sa diversité. De leur côté,
rien ne dit que les jeunes restent les bras ballants devant ce marché du travail. Comme
mentionné plus haut, les possibilités qui s’ouvrent à eux sont potentiellement
multiples. Elles sont renforcées entre autres par des bagages scolaires de plus en plus
conséquents, leur ouvrant d’autres voies, et des réseaux de connaissance densément
maillés. Fluidité du social et individualisation des parcours vont de pair. La prise en
52 Atypies et temporalités
main de sa trajectoire s’en trouve nettement plus à l’écoute de ses envies, de ses
attentes et d’une volonté de tirer profit des possibles mises en mobilité. C’est ce
qu’Ulrich Beck appelle le « modèle biographique » (Beck, 2001), désignant la prise
en charge de sa propre trajectoire sur fond de choix, de reconversions, de changements
(plus ou moins) assumés par soi-même. « Du fait de ces transformations, l’injonction
à être un individu se généralise » (Castel, 2009, p. 24), avec des fortunes diverses
d’une personne à l’autre.
La flexibilité s’exprime de diverses manières, au point que ce phénomène peut être
perçu comme une sorte de « coupole » englobant et résumant partiellement les trois
notions précédemment discutées. De fait, que ce soit la mobilité, l’incertitude ou
l’individualisation des parcours, tous expriment et incarnent en partie la notion de
flexibilité (de Nanteuil-Miribel et El Akremi, 2005). Discuté du point de vue de la
sociologie des professions, ce phénomène offre une grille de lecture et d’interprétation
particulièrement adaptée à la présente étude. Mobilisée à la fois dans la gestion globale
d’une trajectoire
(du point de vue des situations d’emploi), et dans la gestion
quotidienne des pratiques (du point de vue des situations de travail), la flexibilité,
imposée au travailleur ou activée par lui-même, semble particulièrement prégnante
dans les marchés du travail tels que celui du journalisme. Elle est en outre structurelle-
ment déployée par les employeurs dans la gestion de leur propre recrutement. Être
flexible n’est donc pas qu’une réponse plus ou moins adéquate à une situation
imposée ; ce n’est pas davantage un choix consciemment ou ouvertement posé par les
jeunes journalistes ; ce n’est pas non plus un comportement optionnel parmi d’autres,
une aptitude, une qualité requise ou recherchée. La flexibilité est tout à la fois ces
différentes dimensions et bien plus profondément, un paradigme sur lequel s’appuyer
pour lire et interpréter les formes identitaires des nouveaux arrivants sur le marché
journalistique.
5.
Les effets identitaires des temporalités
de l’insertion
Les identités professionnelles des jeunes enquêtés traduisent, dans le contexte décrit
plus haut, une certaine porosité à d’autres champs, une forme d’instabilité et un déficit
de sentiment identitaire collectif à l’échelle du groupe. Ce qui s’observe dans le cadre
limité de cette étude serait une traduction d’un phénomène plus large, faisant de
l’acteur social un « être hybride, défini, selon des proportions différentes, par l’appar-
tenance collective et l’autonomie individuelle. […] La part de cette dernière s’accroît
avec la succession des générations » (Karpik, 2007, p. 348).
Mais bien plus encore lorsqu’il s’agit de penser les temporalités « vécues » des
jeunes journalistes, ce qui semble dramatique pour ces hommes et ces femmes en tout
début de carrière, c’est leur faible propension à penser eux-mêmes leur futur. Rares
sont les jeunes ayant développé un discours sur l’avenir de leur métier, sur ses
L’atypie standardisée 53
innovations et ses enjeux futurs. Rares sont ceux qui se décrivent ou se projettent dans
un horizon de trois à cinq ans. Rares sont ceux qui se projettent longtemps auprès d’un
même employeur, ou qui s’imaginent embrasser des postes à responsabilité. Rares
sont ceux qui osent affirmer une telle volonté. Rares enfin sont ceux qui assurent
pouvoir et vouloir demeurer durablement dans le champ. C’est toujours la question de
la négociation harmonieuse de la situation d’emploi qui empêche la majorité des
journalistes de se projeter dans une carrière longue. Comment ne pas y chercher un
des effets de la forte mobilité et des incertitudes du champ du point de vue de ses
ressources humaines ? Sur ce point, les temporalités objectives des jeunes journalistes,
décrites plus haut, semblent produire des temporalités subjectives en partie incapables
de se projeter à long terme dans un marché pourtant ouvertement convoité dans les
projets d’avant-carrière. L’extrait d’entretien de ce journaliste travaillant sous contrat
à durée déterminée en presse quotidienne régionale exprime cette perception entravée
d’une temporalité projetée positive :
« Je sais que peut-être en septembre prochain, ils vont me dire “non, finalement on
n’est pas content de toi, finalement je peux en prendre un plus jeune qui ne va me
coûter aucune année d’ancienneté et toi tu vas m’en coûter déjà deux”. Et donc
c’est difficile de se projeter. En plus, quand on voit que ça se passe mal dans notre
secteur… Donc c’est vrai que moi je n’ai pas spécialement une carrière, enfin un
projet de carrière en me disant “dans cinq ans j’aimerais absolument être chef
d’édition, ou changer de division, ou passer à la rédaction générale ou faire des
sujets plus nationaux, ou changer de journal”. Non, c’est difficile de se projeter, en
fait. […] Ça ne m’empêche pas d’avoir des projets au niveau personnel, mais au
niveau professionnel, moi je n’en fais pas ».
Impactées par des situations d’emploi souvent incertaines, les formes identitaires se
révèlent souvent fragiles, hybrides, mais aussi plus éloignées, par la force des choses,
du journalisme espéré. Le cadre de référence identitaire des jeunes journalistes ne peut
plus être uniquement ce qu’ils connaissent ou pensent connaître du groupe profes-
sionnel. Celui-ci est trop souvent hors de portée pour s’en revendiquer pleinement et
entièrement. La question ne concerne donc plus l’adhésion plus ou moins conflictuelle
et plus ou moins forte à un groupe professionnel relativement habile dans la défense,
notamment discursive, de son territoire. Auquel cas, il demeurerait encore et toujours
une identification à un objet unique et partagé collectivement. La question porte à
présent sur l’identification partielle, fragmentée, indécise, partagée entre différents
cadres de référence et différents métiers. Elle redistribue la donne de bien des études
sur les groupes professionnels, à commencer par les approches fonctionnalistes,
structuralistes, voire des travaux comme ceux d’Andrew Abbott (1988) sur les
territoires professionnels.
Les formes identitaires déployées lors des entretiens se font moins collégiales et
respectueuses des formes traditionnelles du métier. Dans le cas présent, pas tant parce
que leurs membres acceptent « de moins en moins de sacrifier leurs intérêts à ce que
54 Atypies et temporalités
leurs représentants leur présentent comme étant ceux du groupe » (Champy, 2012,
p. 124) que parce que les bifurcations étudiées risquent de plus en plus de confronter
les individus aux épreuves du « double-bind », soit une prise en tenaille entre
« l’injonction à travailler et l’impossibilité de travailler sous les formes attendues ou
espérées » (Roulleau-Berger, 2012, p. 216). S’ensuit, contiguë à une distanciation par
rapport au marché du journalisme, une forme de pragmatisme et d’opportunisme,
autorisant par exemple la cohabitation de plusieurs métiers et carrières, le plus souvent
dans la communication et l’enseignement secondaire. La journaliste s’exprimant ici
au terme du second entretien témoigne à la fois de cette distanciation et de la douleur
qu’elle suscite compte tenu de son affinité personnelle avec le travail journalistique :
« Que devient ce boulot ? Ça fait des mois que je tombe des nues. Ce boulot nous
a pompées, on se sent un peu bafouées, c’est un peu au fond de notre âme, ça fait
trois ans qu’on bosse là-dedans, on se sent un peu comme des petits pions. On a
profité de nous, ce métier profite des gens finalement, et donc c’est un peu en
réaction à ça que je me suis lancée dans autre chose. Je me sens journaliste, j’aime
ce métier, il y a plein d’aspects qui me plaisent, je ne suis juste pas née à la bonne
époque, et tant pis. On a profité de moi et moi je vais profiter de tout ce que ce
métier m’a donné ».
À la suite de Champy (2012, p. 124), plusieurs formes identitaires explicitant un
sentiment ou une situation de précarité confirment l’hypothèse « que la capacité des
professions à se constituer comme acteur collectif unitaire diminue ». Néanmoins, les
stratégies et les discours du groupe d’enquête le disent tant et plus : ce métier dont il
a fallu parfois se distancier conserve malgré tout, en dépit de nombreux obstacles et
contraintes, une place à part mêlant attirance et rejet, adhésion et distance, volonté de
s’en éloigner mais sans fermer de porte. Voilà la dimension ambivalente des tempo-
ralités de l’insertion dans le marché étudié. Tout reste possible avec le journalisme, et
s’il est source de dépit, de questions et de déceptions, surtout dans les parcours
chaotiques, il lui reste un potentiel que personne ne semble désavouer. Partir pour de
bon, renoncer définitivement ne font pas partie des formes identitaires des jeunes
journalistes. Cette ambivalence, n’est-elle pas aussi, en définitive, l’expression ultime
de la prégnance de la flexibilité ? Celle-ci ne stimule pas seulement les interactions
entre plusieurs marchés du travail. Elle ne se borne pas à servir de norme gestionnaire
inter-activités. Elle ordonne aussi, à l’intérieur même d’un secteur, au cœur d’une
profession et de sa zone d’activités, les allées et venues dans le temps. Ce qui a été
fait ne présume pas toujours, loin s’en faut, de ce qui adviendra. Et si le futur peut
rester potentiellement ouvert au journalisme, en dépit de projets qui lui sont étrangers,
de souhaits ou d’obligations d’en sortir, c’est parce que sa dimension flexible a
suffisamment pénétré les individus pour qu’ils la négocient non pas durant les
premières années de leur carrière, mais tout au long de celle-ci. Un an après la clôture
des entretiens, un ultime travail d’information pour mettre à jour les 27 trajectoires
analysées a permis de relever une nouvelle fois tous les cas de figure déjà relevés
L’atypie standardisée 55
précédemment : de nouvelles sorties du journalisme, un retour en son sein pour un des
membres du groupe d’enquête, ainsi que de nombreux cas de mobilité interne au
marché.
Au final, le cas d’étude des jeunes journalistes en Communauté française de
Belgique apporte un éclairage sur l’installation d’une norme de gestion flexible au
sein d’un marché du travail. Cette gestion flexible est davantage imposée par les
entreprises que négociée par l’ensemble des parties prenantes du marché du travail.
En résulte, pour les journalistes entrant dans la profession, différentes stratégies de
réappropriation en fonction de leurs capacités, de leurs projets et des possibilités de
stabilisation au sein du marché convoité.
Cette étude, dans la foulée de nombreuses autres explorant les enjeux et les formes
du travail non salarié dans le journalisme, montre comment, dans un contexte de
pression récurrente sur le volume d’emploi stable et à temps plein, des formes
d’emploi qualifiées techniquement d’atypiques ou de particulières en sociologie des
professions s’installent durablement, ou en tous les cas de manière de plus en plus
généralisée et pour des périodes qui ont tendance à s’allonger. Au final, ce qui est
devenu atypique, dans l’échantillon analysé, c’est précisément une trajectoire stable
et pourvue d’un travail à temps plein et à durée indéterminée. Cette standardisation
des parcours marqués par de fréquentes bifurcations favorise une autre forme d’atypie,
identitaire cette fois. Les professionnels du journalisme ont développé de longue date
un appareil discursif normatif à propos de leurs rôles, leur identité et leurs valeurs en
tant que groupe professionnel (Hanitzsch et Vos, 2017 ; Christians et al., 2009). Ces
rôles et valeurs, du point de vue normatif, s’efforcent de bâtir l’acceptation sociale du
journalisme et s’articulent historiquement autour de notions telles que l’indépendance,
l’autonomie et une forme de démarcation avec des activités ne revendiquant pas le
travail de production d’information au nom d’une certaine impartialité. De par leur
proximité avec d’autres secteurs d’activité, obligée ou volontaire, les jeunes journa-
listes analysés ici forment un groupe effectivement atypique, car non seulement ils
développent des schémas de carrière plus hybrides et incertains, mais ils s’efforcent
aussi de justifier, à travers les formes identitaires qu’ils déploient, ces pas effectués
dans d’autres univers professionnels. Tout en se voulant journalistes et en s’efforçant
de l’être, ils se distancient, voire rompent avec les cadres normatifs de leur profession
affirmant une autonomie et une indépendance, matérielle notamment, qu’ils
n’atteignent que difficilement. Ces formes identitaires, faites à la fois d’adhésion et
de distanciation par rapport à ces cadres d’identification normatifs, sont effectivement
atypiques par rapport à celles que produisent le plus souvent leurs aînés et les repré-
sentants assermentés et officiels de la profession journalistique en Belgique franco-
phone. Il ne s’agit plus seulement de se démarquer ou de s’affirmer par rapport aux
cadres d’identification d’une culture professionnelle déterminée, il s’agit désormais
de se définir soi-même par rapport à d’autres cadres, d’autres cultures, issues d’autres
secteurs professionnels. Ces formes identitaires risquent de réinterroger durablement
56 Atypies et temporalités
la manière dont les journalistes négocient la réalité effective de leurs conditions de
travail et les référentiels de valeurs, de fonctions et de pratiques dont ils entendent se
revendiquer et qu’ils estiment être du ressort particulier des journalistes.
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Annexe
Synthèse des évolutions principales entre les deux entretiens
de recherche
Le tableau synoptique des trajectoires reprend, entre autres, les indicateurs
sélectionnés pour suivre les principales évolutions, assortis de quelques informations
liées à la situation initiale de l’enquêté lors du premier entretien.
Voici un récapitulatif des intitulés des colonnes, de gauche à droite en lisant le
tableau :
1. Numéro du journaliste (renvoyant à celui des résumés de trajectoires).
2. Sexe.
3. Âge lors de E1.
4. Ancienneté sur le marché du travail journalistique lors de E1 (en mois).
5. Employeur principal lors de E1 / lors de E2.
6. Statut social lors de E1/ lors de E2.
7. Temps de travail moyen dans le journalisme entre E1 et E2 (supérieur ou infé-
rieur).
8. Rémunération moyenne dans le journalisme entre E1 et E2 (supérieure ou infé-
rieure).
9. Sorties du marché journalistique entre E1 et E2 (en cours ou temporaire).
10. Position hiérarchique entre E1 et E2.
11. Tâches entre E1 et E2.
12. Employeurs acquis / perdus entre E1 et E2.
13. Nombre d’employeurs lors de E1 / lors de E2.
14. Candidatures inabouties entre E1 et E2.
Légende du tableau
* : (en partie) en dehors du journalisme.
(C.) : environ.
(f) : flou.
N : nouveau/nouvelle.
N (+) : nouvelle position supérieure à la précédente.
= : identique, le même.
- : a diminué.
Ind cp : indépendant à titre complémentaire.
Et : étudiant.
Chô : chômeur.
60 Atypies et temporalités
1
2
3
4
5
6
7
J
Sexe
Age
Ancien.
Employ.
Statut
Temps
E1
Principal
E1/E2
Trav.
en mois
E1/E2
E1/E2
1
H
27
11
N
Ind/
=
CDD
2
F
23
9
=
CDI/
=
CDI
3
F
24
24
N
Ind/
_
Ind cp
4
F
26
19*
N
Ind cp/
+
Ind
5
F
25
29
=
CDD/
=
CDI
6
F
24
14
N
Ind/Ind
=
7
F
24
6
=
Ind/
+
CDD
8
H
28
45*
=
CDD/
=
CDI
9
F
/
18
N
CDD/
_
CDI*
10
F
26
49
N
CDI/Ind
=
11
H
/
65 *
=
Ind/CDI
+
12
F
23
8
=
Et+ Ind/ Ind
+
13
F
25
22*
=
CDI/
=
CDI
14
F
25
28
=
Ind/Ind
_
15
H
22
48 (c.)
=
Ind/Ind
+
16
H
24
3
N
Ind/
_
CDI*
17
F
27
50
=
Ind/Ind*
_
18
F
29
39*
N
Ind/CDI
=
19
H
26
35
=
CDD/
=
CDD
20
F
25
29*
N
Ind cp/
_
Ind cp
L’atypie standardisée 61
8
9
10
11
12
13
14
Rémun.
Sortie
Pos.
Tâches
Employ.
Nbre
Cand.
E1/E2
E1/E2
Hiér.
E1/E2
+/-
Employ.
Inab.
E1/E2
E1/E2
E1/E2
E1/E2
_
Non
=
=
1/1
2/1
0
+
Non
=
N
0/0
1/1
0
_
Non
=
=
2*/2
4/4*
1
+
Non
=
=
0/2
3/1 (f)
1
+
Non
=
N
0/0
1/1
0
=
Non
=
=
2/0
4(f)/
0
6 (f)
+
Non
=
=
0/0
1/1
3
+
Non
=
=
0/0
1/1
0
_
Oui
/
/
3*/3
1/1*
3*
_
Non
=
=
1/1
3/2
1
+
Non
N (+)
N
0/0
1/1
0
+
Oui
=
=
3*/1*
2/4
0
=
Non
N (+)
N
0/0
1/1
1
_
Non
=
=
6*/5
2/3*
0
+
Non
=
N
1/0
1 / 2
0
_
Oui
/
/
1*/1
1/1*
1
_
Oui
/
/
1*/2
2/1*
0
+
Non
=
N
1/1
1/1
9*
+
Non
= (+)
=
0/0
1/1
0
_
Non
=
=
0/2
4/2
0
62 Atypies et temporalités
1
2
3
4
5
6
7
J
Sexe
Age
Ancien.
Employ.
Statut
Temps
E1
Principal
E1/E2
Trav.
en mois
E1/E2
E1/E2
21
H
24
5
N
Ind/Ind
=
22
H
26
20 *
=
Chô/chô
+
23
H
24
13
=
Ind/Ind
+
24
F
24
36
N
Ind/Ind
+ (f)
25
F
23
1
N
Ind/
_
Chô
26
H
24
16
=
Ind/Ind
+
27
F
25
10
N
CDD/
_
CDI*
L’atypie standardisée 63
8
9
10
11
12
13
14
Rémun.
Sortie
Pos.
Tâches
Employ.
Nbre
Cand.
E1/E2
E1/E2
Hiér.
E1/E2
+/-
Employ.
Inab.
E1/E2
E1/E2
E1/E2
E1/E2
+
Non
=
N
2/3
2/1
1
+
Non
=
N
3/2
2/3
1
+
Non
=
=
1/0
1 / 2
1*
= (f)
Non
=
=
2/0
2/4
10 (c.)
_
Oui
/
/
0/1
1/0
15* (c.)
+
Non
=
N
1/0
3 / 4
0
_
Oui
/
/
1*/3
3/*1
5* (c.)